/ 2819
1650. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Geoffroy de Villehardouin. — I. » pp. 381-397

L’émotion fut grande parmi le peuple et les pèlerins, d’autant que ce digne chef avait toute raison de demeurer chez soi s’il l’eût voulu : Car il était vieil homme, et, bien qu’il eût de beaux yeux en la tête, il n’y voyait pas, ayant perdu la vue autrefois par le fait d’une blessure. […] Il était tout armé à la tête de sa galère et avait devant lui le gonfanon (bannière) de Saint-Marc.

1651. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Sénac de Meilhan. — I. » pp. 91-108

La tête est fort belle, la physionomie vive, animée, parlante, la figure assez longue ; on n’y prend nullement l’idée que donnerait de M. de Meilhan le duc de Lévis, lorsqu’il a dit : « Sa figure, quoique expressive, était désagréable ; il était même complètement laid, ce qui ne l’empêchait pas d’ambitionner la réputation d’homme à bonnes fortunes. » Cette idée de laideur ne vient pas à la vue de ce portrait ; mais on y reconnaît avant tout ce bel œil perçant, plein de feu, ces « yeux d’aigle pénétrants » dont le prince de Ligne était si frappé. […] ce déluge, qu’il invoque après dix ou douze générations, il est déjà sur sa tête ; trente-six mois de tempête et de lutte suffiront pour abîmer une monarchie de plusieurs siècles.

1652. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Ramond, le peintre des Pyrénées — I. » pp. 446-462

Dorat, en convenant qu’il avait dû corriger beaucoup dans le drame nouveau, qu’il avait francisé autant qu’il l’avait pu l’expression parfois extraordinaire, soutenait pourtant que, dans ce siècle où il n’y avait plus de genres, la pièce accommodée à la scène pourrait plaire et faire tourner les têtes : On les a vues tourner pour beaucoup moins, ajoutait-il. […] Aussi le vit-on bientôt s’y exercer lui-même par un drame intitulé La Guerre d’Alsace (1780), et en tête duquel il invoquait comme autorités et comme précédents les tragédies historiques de Shakespeare, les tragédies politiques de Bodmer, et surtout le Goetz de Berlichingen de Goethe.

1653. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Journal du marquis de Dangeau — I » pp. 1-17

Il dit : Mon ordre, mon cordon bleu ; il l’étale ou il le cache par ostentation ; un Pamphile, en un mot, veut être grand ; il croit l’être, il ne l’est pas, il est d’après un grand. » Puis vient Saint-Simon, qui profite beaucoup du journal de Dangeau pour établir ses mémoires, pour en fixer bien des faits et en rajuster des souvenirs, mais qui se moque constamment et de l’œuvre et du personnage ; il achève de nous peindre Dangeau en charge, en caricature, tant il donne de relief à ses ridicules et tant il efface ses bonnes qualités : C’était le meilleur homme du monde, dit-il, mais à qui la tête avait tourné d’être seigneur ; cela l’avait chamarré de ridicules, et Mme de Montespan avait fort plaisamment, mais très véritablement dit de lui qu’on ne pouvait s’empêcher de l’aimer ni de s’en moquer. […] Quand Louis XIV fut mort, que ses dernières volontés eurent été cassées et les têtes les plus chères au feu roi compromises dans des conspirations où étaient impliqués des parents de Dangeau lui-même, Mme de Maintenon, écrivant un jour à Mme de Dangeau, lui disait : « Comment M. de Dangeau se tire-t-il de l’état présent du monde, lui qui ne veut rien blâmer ? 

1654. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « La Divine Comédie de Dante. traduite par M. Mesnard, premier vice-président du Sénat et président à la Cour de cassation. » pp. 198-214

Villemain étaient comme un nuage électrique et coloré qui passait sur les têtes de la jeunesse. […] Il avait déjà commencé ce poème avant les événements politiques qui le mirent à la tête des affaires de son pays, et qui bientôt le firent bannir de Florence à l’âge de trente-sept ans (1302), pour errer près de vingt ans encore (1321) sans y rentrer jamais.

1655. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Œuvres inédites de P. de Ronsard, recueillies et publiées par M. Prosper Blanchemain, 1 vol. petit in-8°, Paris, Auguste Aubry, 1856. Étude sur Ronsard, considéré comme imitateur d’Homère et de Pindare, par M. Eugène Gandar, ancien membre de l’École française d’Athènes, 1 vol. in-8°, Metz, 1854. — II » pp. 76-92

Si Ronsard sort d’une lecture ainsi forcée avec une poésie un peu haute en idée, mais inégale et indigeste, et la tête montée comme on dit, on n’en sera pas surpris. […] Ce n’est pas, à cette heure, que je ne lui trouve bien des défauts hors de ce feu et de cet air poétique qu’il possédait naturellement, car on peut dire qu’il était sans art et qu’il n’en connaissait point d’autre que celui qu’il s’était formé lui-même dans la lecture des poètes grecs et latins, comme on le peut voir dans le traité qu’il en a fait à la tête de sa Franciade.

1656. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « La marquise de Créqui — III » pp. 476-491

Ce n’est plus Rousseau qui vient, c’est Chateaubriand : il étonne, il trouble et bouleverse à son tour et les jeunes cœurs et les vieilles formes de langage ; il frappe les têtes, il séduit à tort et à travers, à droite et à gauche, et projette jusque dans les rangs de ses adversaires ses fascinations éclatantes. […] Percheron, qui a eu souvent occasion de la voir, dans cette appréciation d’elle-même elle allait un peu loin : elle était petite, avait une grosse tête et un nez de perroquet très prononcé ; cela ne constitue pas effectivement de la beauté !

1657. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Divers écrits de M. H. Taine — II » pp. 268-284

Je néglige les expressions, je ne fais jamais une phrase dans ma tête : j’étudie, j’approfondis les idées pour elles-mêmes, pour connaître ce qu’elles sont, ce qu’elles renferment, et avec le plus entier désintéressement d’amour-propre et de passion. […] Sa tête est comme un creuset ; il sait tirer des choses ce qu’il cherche, pour peu qu’il y en ait des éléments : il les concentre.

1658. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Louis XIV et le duc de Bourgogne, par M. Michelet »

Michelet n’a pas été injuste, et je lui en sais gré, envers ce jeune prince qui aurait eu bien de la peine à devenir un grand roi et qui, autant qu’on le peut conjecturer, n’aurait jamais réussi qu’à faire un saint roi par anachronisme, ironiquement placé à la tête du xviiie  siècle déjà tout formé et avide d’éclater et de déborder. […] Il est manifeste que c’est le même enfant, car on reconnaît d’abord le même air de tête ; mais il n’a autour de lui que des masques grotesques et hideux, des reptiles venimeux, comme des vipères et des serpents, des insectes, des hiboux, enfin des harpies sales, qui répandent de l’ordure de tous côtés, et qui déchirent tout avec leurs ongles crochus.

1659. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Louis XIV et le duc de Bourg, par M. Michelet. (suite.) »

Le vieux poète joue aux fables avec le jeune enfant ; il lui en récite, il lui en emprunte, il en compose sur des sujets de son choix (le Chat et la Souris), et il se déclare d’avance battu et vaincu : « Il faut, lui dit-il en tête de son douzième livre qui lui est tout dédié, il faut, Monseigneur, que je me contente de travailler sous vos ordres ; l’envie de vous plaire me tiendra lieu d’une imagination que les ans ont affaiblie ; quand vous souhaiterez quelque fable, je la trouverai dans ce fonds-là. » Et aussi, en récompense, quand La Fontaine meurt, on trouve parmi les thèmes ou les versions du jeune prince un très joli morceau sur cette mort (in Fontani mortem), un centon tout formé de la fleur des réminiscences et des plus élégantes expressions antiques. […] De toute cette discussion, et sans nous y engager, il résulte bien clairement qu’au moment où le duc de Bourgogne se vit Dauphin par la mort de son père, bien des ambitions et des espérances se donnèrent carrière à son sujet, qu’on dévora en idée ce règne futur et qui paraissait si rapproché et immanquable ; que bien des honnêtes gens et de vertueux utopistes crurent que leur heure, d’une minute à l’autre, allait sonner, et qu’il se fit dans ces têtes ardentes, et en vue de leur idée favorite, bien des rêves de pot au lait qu’un souffle de fièvre maligne renversa.

1660. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « M. de Pontmartin. Les Jeudis de Madame Charbonneau » pp. 35-55

Veuillot ; il a cassé les vitres, il a fait, lui aussi, ses Libres Penseurs, et il les a jetés dans la rue à la tête du passant. […] Dans ses six mois de Paris, il veut en mettre trop ; de là un étourdissement, une sorte de griserie et d’ivresse de tête qu’il va cuver en province, et il se venge en médisant de ce qui la lui a donnée.

1661. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « M. Octave Feuillet »

C’est un livre trop fait de tête et d’après quelque inspiration demi-poétique et rêvée, demi-actuelle et entrevue, pas assez fondue ni assez mûrie. […] Il est aujourd’hui à la tête d’un nombreux public choisi ; il dispose d’une faveur immense : c’est dire qu’il a aussi une grande responsabilité.

1662. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « La comtesse d’Albany par M. Saint-René Taillandier. »

« La Reine des cœurs, que j’avais vue à Rome, était de moyenne taille, blonde, aux yeux bleu foncé, le nez un peu retroussé, blanche comme une Anglaise, l’air gai, malin et sensible à faire tourner toutes les têtes. […] « Sublime miroir de pensées sincères, montre-moi en corps et en âme tel que je suis : — cheveux maintenant rares au front, et tout roux ; — longue taille, et la tête penchée vers la terre ; — un buste fin sur deux jambes minces ; — peau blanche, yeux d’azur, l’air noble ; — nez juste, belles lèvres et dents parfaites ; — plus pâle de visage qu’un roi sur le trône ; — tantôt dur, amer, tantôt pitoyable et doux ; — courroucé toujours, et méchant jamais ; — l’esprit et le cœur en lutte perpétuelle ; — le plus souvent triste, et par moments très gai ; — tantôt m’estimant Achille, et tantôt Thersite. — Homme, es-tu grand ou vil ?

1663. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Histoire des cabinets de l’Europe pendant le Consulat et l’Empire, par M. Armand Lefebvre. »

Il ne faut pas que le secrétaire se presse et empiète sur son chef, qu’il devance d’une minute son moment, qu’il commence par en faire à sa tête et par se poser en personnage, sur un pied à lui, comme Chateaubriand prétendit faire à Rome avec le cardinal Fesch ; il ne faut pas qu’il laisse soupçonner ni percer, comme on l’a vu récemment chez un secrétaire revêtu d’un nom illustre (Bellune), une inclination politique différente de celle de son ministre : cela est élémentaire ; il faut qu’il vive en parfaite harmonie et ne fasse qu’un avec lui, qu’il s’efface soigneusement et qu’il s’éclipse, et en même temps toutefois qu’il se tienne tout prêt, le cas échéant, à le remplacer, à le suppléer, à faire même, s’il y a urgence, un pas décisif sans lui ; il peut, sous ce titre secondaire, être chargé par intérim de missions délicates et d’une haute importance. […] Lefebvre eut cessé de parler, elle leva la tête et tourna vers lui ce visage sillonné moins encore par le temps que par les soucis du trône : son regard avait, en ce moment, quelque chose de dur et de sinistre qui semblait dire que toutes ces explications arrivaient trop tard.

1664. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Poésies, par Charles Monselet »

Il appert de l’un et de l’autre que l’auteur, personnage d’une quarantaine d’années, portant lunettes, bonne mine, mâle encolure, tête posée avec aplomb, menton ras et double, lèvre fine, ferme, prompte à la malice, est né à Nantes, que son père y était libraire ; j’ajouterai, — car je ne suis pas homme à me contenter à demi en matière de biographie, — qu’il fut élevé à Bordeaux, qu’il y fit des études classiques succinctes et fut mis de bonne heure à la pratique, je veux dire au journal, au Courrier de la Gironde. […] Ce bric-à-brac de singularités qui s’entrechoquaient dans une même tête a été très-vivement mis en relief par M. 

1665. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Le comte de Gisors (1732-1758) : Étude historique, par M. Camille Rousset. »

Tout cet échafaudage, tout ce patrimoine accumulé d’ambitions et de rêves portait désormais sur une seule tête. […] C’est en combattant à leur tête qu’il tomba. « Rien n’a été aussi absurde et aussi courageux que la charge de ce corps », a dit le marquis de Voyer, présent à l’action, et qui blâmait cette manœuvre d’une course de cavalerie violente à travers l’infanterie hanovrienne.

1666. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « M. EDGAR QUINET.— Napoléon, poëme. — » pp. 307-326

Adolphe Dumas : Quand on s’est mis en tête une idée éternelle, Qu’on y tient, à son flanc, comme on tient à son aile, Cela n’est plus possible !  […] Que leur joug soit léger à leurs têtes rebelles, Comme nos couronnes de fleurs !

1667. (1796) De l’influence des passions sur le bonheur des individus et des nations « Conclusion. »

La fureur, la vengeance s’allient, sans doute, avec l’enthousiasme, mais ces mouvements qui rendent cruels momentanément, n’ont point d’analogie avec ce qu’on a vu de nos jours, un système continuel, et, par conséquent, à froid de méconnaître toute pitié : Or quand cet affreux système existe dans les soldats, ils jugent leurs chefs tout comme leurs ennemis, ils conduisent à l’échafaud ce qu’ils avaient estimé la veille, ils appartiennent uniquement à la puissance d’un raisonnement, et dépendent par conséquent de tel enchaînement de mots qui se placera dans leurs têtes comme un principe et des conséquences. […] Attachez-vous à l’avenir par la vertu, fixez la reconnaissance par les bienfaits qui durent ; il n’est point de capitole, il n’est point de triomphes qui puissent ajouter à votre éclat ; vous êtes au pinacle de la gloire militaire, la générosité seule plane encore au-dessus de vos têtes.

1668. (1861) La Fontaine et ses fables « Troisième partie — Chapitre III. Théorie de la fable poétique »

En géométrie, on met au bout du théorème : « C’est là ce qu’il fallait démontrer » ; dans nos apologues, nous mettrons en tête du précepte : « Voilà ce que la fable devait prouver. » Notre oeuvre prendra ainsi une forme mathématique, et montrera, jusque dans ses dehors, l’austérité solennelle de notre dessein. […] L’ourse, pour sa peau déguisée, En voulait être mieux prisée, Autres dient que c’est une bête Qui de la pel et de la tête Ressemble à la belle panthère, A qui autre ne s’accompère, Tant par y a couleur diverse.

1669. (1886) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Deuxième série « La comtesse Diane »

Mais surtout il faut feuilleter le dictionnaire et avoir dans la tête un certain nombre de tours de phrase ; car ce sont les mots eux-mêmes et les tours de phrase connus qui suggèrent le plus de pensées. […] » Pourtant la plupart des maximes, quand elles ne sont pas tout à fait misérables, semblent tout de suite piquantes et ingénieuses — justement parce qu’elles ont un petit air d’oracle, parce qu’on nous les jette à la tête sans explications et sans preuves, parce qu’elles sont, pour ainsi dire, coupées de leurs racines.

1670. (1886) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Deuxième série « J.-J. Weiss  »

Weiss frémir devant « la noble tête de vieillard »   On se souvient qu’il y a quelques années, quand la Comédie-Française donna Œdipe, tout le monde fit cette réflexion que c’était un excellent mélodrame. […] On fait de la peinture intransigeante, de la statuaire récalcitrante, de la musique insociable, des romans réfractaires, sans pieds ni tête, où les ateliers du haut de Montmartre et les capharnaüms du boulevard Saint-Michel reconnaissent avec exaltation la vie comme elle est, exactement, superbement comme elle est !

/ 2819