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304. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Deuxième partie. — Chapitre XX. Le Dante, poëte lyrique. »

Souffrir avec la vertu est un destin digne de louange. » Il n’est pas vrai, toutefois, que ces premières chansons du Dante, ces odes passionnées avec diffusion, eussent élevé déjà le grand poëte au-dessus de tous ses contemporains. […] Que Notre-Seigneur soit loué de qui pardonne, en amour de lui, et de qui souffre les peines du corps avec patience, et la maladie avec allégresse d’esprit ! […] De ce contraste même entre le poëme et l’homme, entre les contemplations de la pensée religieuse et les épreuves de la vie soufferte, de ce contraste sort le pathétique humain qui se mêle à cet idéal.

305. (1896) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Sixième série « Anatole France, le Lys rouge »

Je souffre plus que jamais, parce que je sais maintenant ce que tu donnes. » Et il lui dit encore : « Thérèse, on n’est jamais bon quand on aime ». […] Écoutez Dechartre : « Une femme, dit-il à Thérèse, ne peut pas être jalouse de la même manière qu’un homme, ni sentir ce qui nous fait le plus souffrir… Pourquoi ?

306. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XXXI » pp. 338-354

Je souffre par avance de tout ce que le pauvre enfant souffrira.

307. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XXXIII » pp. 378-393

Madame de Sévigné nous étale les hommages dont elle est l’objet, dans une lettre du 17 mai : « Madame de Montespan est à Bourbon, où M. de La Vallière a fait donné ordre qu’on la vint haranguer de toutes les villes de son gouvernement : elle ne l’a point voulu, Elle a fait douze lits à l’hôpital ; elle a donné beaucoup d’argent ; elle a enrichi les capucins ; elle souffre les visites avec civilité. […] Je ne puis comprendre que la volonté de Dieu soit que je souffre de madame de Montespan.

308. (1880) Les deux masques. Première série. I, Les antiques. Eschyle : tragédie-comédie. « Chapitre III, naissance du théâtre »

Il souffrait et il triomphait avec ces phénomènes visibles que son imagination recouvrait d’une figure idéale. […] Le Dithyrambe se lasse de tourner le pressoir sanglant et capiteux de Bacchus ; il rompt sa chaîne festonnée de pampres, jette son lierre au vent, et va chanter et pleurer, souffrir et s’émouvoir chez les hommes, Le fameux cri de détresse que répéteront longtemps les vieux pontifes du passé : Ουδεν προς Διόνυτον ?

309. (1864) William Shakespeare « Conclusion — Livre II. Le dix-neuvième siècle »

La fonction des penseurs aujourd’hui est complexe : penser ne suffit plus, il faut aimer ; penser et aimer ne suffit plus, il faut agir ; penser, aimer et agir ne suffit plus, il faut souffrir. […] On a faim, on a soif, on souffre.

310. (1811) Discours de réception à l’Académie française (7 novembre 1811)

On parle de modération avec orgueil, de sagesse avec arrogance ; on met tout en doute, et l’on ne souffre pas la contradiction ; la religion avait eu des sectateurs cruels ; la tolérance a des apôtres fanatiques. […] Les grands seigneurs, les magistrats sont parodiés en plein théâtre ; Figaro paraît, et ils permettent, ils souffrent qu’un valet réformateur ose leur donner des leçons !

311. (1760) Réflexions sur la poésie

En vain un de nos plus beaux esprits a-t-il prétendu, qu’on ne doit avoir égard dans les vers qu’à la beauté du sens, à la clarté et à la précision avec laquelle il est rendu ; et que ces conditions une fois remplies, on doit se consoler que l’harmonie en souffre. […] C’est parce qu’on a senti par les réflexions, et connu par l’expérience, la distance énorme du médiocre à l’excellent, qu’on ne peut plus souffrir le médiocre.

312. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « Les Femmes d’Amérique » pp. 95-110

Souffriront-ils patiemment qu’on les pose dans le monde et dans les sentiments de leurs femmes comme de simples éléments de rentes, eux si vite cabrés autrefois pour une observation de mistress Trollope ou une plaisanterie de Charles Dickens ? Et s’ils le souffrent, ils sont donc devenus d’un bien excellent caractère ?

313. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « Madame de Montmorency » pp. 199-214

Elle continua d’aimer l’époux auquel Dieu l’avait unie, quoiqu’il fût indigne d’elle, et pour que son destin fût accompli, pour que rien ne manquât à son calice d’amertumes, elle souffrit plus de la mort sanglante de son mari qu’elle n’avait souffert de sa vie, — de sa mort qui fut un crime encore, mais du moins qui ne le fut pas envers elle.

314. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « M. le vicomte de Meaux » pp. 117-133

Car lorsque deux religions transigent ou se souffrent (et transiger n’est jamais rien de plus que se souffrir), laquelle tolère l’autre ?

315. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « Madame de Sabran et le chevalier de Boufflers »

Sa légèreté première le reprit-elle pour faire souffrir à nouveau la femme que les grâces sorcières de son esprit avaient comme envoûtée ? […] Cet aimable chevalier de Boufflers (il l’était même quand il la désolait) avait fait souffrir Madame de Sabran successivement par sa légèreté et par son sérieux.

316. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XVI. Des sophistes grecs ; du genre de leur éloquence et de leurs éloges ; panégyriques depuis Trajan jusqu’à Dioclétien. »

On doit estimer l’orateur qui loua un grand homme ; mais on souhaiterait que ce grand homme n’eût pas souffert qu’on le louât de son vivant. […] Il se moquait hautement de tous ces panégyriques de princes ; et pendant treize ans qu’il régna, il ne voulut jamais souffrir qu’on lui rendît un honneur qui lui paraissait plus ridicule encore que dangereux : mais dans ses moments de loisir, il célébrait lui-même les princes les plus vertueux qui avaient régné à Rome.

317. (1905) Études et portraits. Sociologie et littérature. Tome 3.

La France issue de la Révolution, telle que la Comédie humaine nous la montre, ne souffre pas d’un manque d’énergie, elle souffre des abus d’une énergie mal réglée. […] Demi-bourgeois, ils souffrent de la société telle qu’elle est établie. […] Alors, ou elle se révolte contre le milieu dont elle souffre, ou bien elle s’efforce d’entrer dans un autre. […] Heine souffre en s’y complaisant. […] … » Il les méprisait, ces sornettes, et il en souffrait.

318. (1761) Salon de 1761 « Peinture —  Roslin  » pp. 149-150

et c’est le directeur de nos académies de peinture, sculpture, architecture qui souffre qu’on le contourne ainsi ?

319. (1892) Les idées morales du temps présent (3e éd.)

Ce philosophe qui vient de sortir d’un sulpicien a cruellement souffert de sa transformation, comme souffrent toutes les âmes honnêtes à l’heure où elles rejettent leurs premières croyances. […] Il en souffre autant qu’on peut souffrir de ces choses-là quand on a d’autres occupations et assez de prudence pour éviter de tomber dans l’idée fixe. […] Il les aimait d’autant moins que cela lui arrivait plus souvent et qu’il en souffrait davantage. […] Son lot sera d’être honnête malgré tout, de souffrir des fautes des autres, de les comprendre, de les pardonner et, à l’occasion, de les réparer. […] Il a senti cette instabilité, cette insécurité dont tout le monde souffre depuis vingt ans, les hommes de pensée plus que les autres.

320. (1890) Causeries littéraires (1872-1888)

Non, sa modestie n’en souffre même pas. […] Ainsi s’inquiète Mme Numa Roumestan, qui a souffert assez du méridionalisme comme femme et qui voudrait n’en pas souffrir comme mère. […] Tant qu’il a vécu dans cette atmosphère, sa délicatesse n’en souffrait point. […] Absolument vrai ; mais la planche souffre et gémit, et nous de même. — C’est ensuite parce que M.  […] Eh bien, qu’il souffre dans sa fille, ce voleur d’enfant : ce sera justice.

321. (1889) Histoire de la littérature française. Tome II (16e éd.) « Chapitre septième »

Mais le même attrait qui intéressait les contemporains aux fautes domestiques de Louis XIV me porte, comme malgré moi, à toucher un point si délicat et à examiner par quelles circonstances l’art ni la morale dramatiques n’ont souffert de la faveur accordée à un mauvais exemple. […] Le roi, pour se guérir de ce dernier amour, demanda l’aide de Bossuet, et il souffrit ces conseils sévères qui lui montraient dans les malheurs du royaume le châtiment des fautes du roi. […] Là même où la vérité de la louange pouvait l’entraîner, où les plus sévères auraient souffert l’exagération poétique, comme on sent qu’il aimerait mieux avoir à louer des exploits pacifiques ! […] Il souffrait d’ailleurs la plus grande liberté évangélique ; et si sévère que dût être le conseil, pour peu qu’on sût l’y attirer par le miel de quelque hommage rendu à sa gloire, il s’en faisait volontiers l’application. […] Il n’aimait point les pures spéculations de l’esprit, et, dans la métaphysique comme dans la religion, il ne souffrait que ce que peut en comprendre le bon sens d’un homme éclairé.

322. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « LXXVIII » pp. 313-315

Quant à M. de Lamartine, il n’a pu, un seul instant, maîtriser l’inattention de la Chambre ; il en souffrait, il le laissait voir, mais il ne parvenait point à fléchir cet auditoire impatient et irrité ; sous la magnificence que gardait encore sa parole jusque dans ce désarroi, on se demandait en vain ses raisons et ce qu’il voulait dire, et l’on n’a pu s’en rendre compte pas plus que lui-même il ne le savait bien peut-être. — Nous ne prétendons dans tout ceci, comme on le voit, que noter l’effet oratoire et, en quelque sorte, littéraire de ces deux séances.

323. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — A — Amiel, Henri Frédéric (1821-1881) »

Leconte de Lisle et comme Baudelaire, il tenta de s’enfuir dans le rêve, ayant trop souffert de la vie.

324. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — C — Corbière, Tristan (1845-1875) »

Inimitable d’individualité, d’on s’élance la clameur sainte de beauté des pèlerins de Sainte-Anne-de-la-Palud, et d’où l’on entend l’ironique grelot tintant si souvent aux poitrines qui ont intimement souffert.

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