François d’Assise, le premier, fit de la pauvreté une sorte de noblesse. […] La réforme de l’Eglise lui apparaissait comme une sorte de chevauchée épique. […] Reste à savoir si un philosophe de cette sorte n’est pas plutôt un grand théologien. […] L’esprit de cette sorte, ordinaire chez l’homme d’action, compare et classe d’une façon discontinue. […] Il ne faut pas traiter la langue française comme une sorte d’espéranto.
Il n’y a pas un incident qui ne sorte naturellement du caractère des personnages ; il n’y a pas un épisode qui ne soit inspiré par les circonstances de leur vie. […] Sera-ce une poésie bien complète et bien appropriée à toutes les situations possibles de notre vie, celle qui négligera sciemment ces sortes de devoirs ? […] Il a, dès son début, exercé sur ses contemporains une sorte de domination intellectuelle qu’ont respectée les plus hauts génies et que même ils se sont plu à subir. […] Son grand tort a été de disperser son attention sur trop de points ; de telle sorte que rien chez lui ne fait saillie. […] S’il m’était permis de pousser jusqu’à l’époque présente, je vous rappellerais une sorte de mélodrame de M.
Bonaparte est une sorte de parodie sacrilège des Croisades. […] Il y a deux sortes d’obstacles pour l’homme d’action : ceux qui viennent des gens ; ceux qui viennent des choses. […] Il y avait là une sorte d’ange laïque (un « onge », comme disait Courbet) qui venait annoncer les merveilles du siècle et notamment la naissance du petit Victor. […] Ranvier, grand esprit à la fois distrait et modeste, en avait conçu une sorte de misanthropie. […] Il est entraîné hors de ses limites, un peu comme Claude Bernard, par une sorte de présomption intellectuelle, qui est spéciale au temps dont nous parlons.
En outre, si la volonté précède la pensée, elle la dépasse aussi, et c’est l’intuition, sorte d’inconscience d’un autre degré. […] Laissez-moi les résumer ici ces formules, et circonscrire de la sorte notre débat. […] » Cette formule résume la sorte d’impression que l’auteur demande le plus souvent à cet art de la nouvelle. […] Toutes sortes de visions s’éveillent en nous, dès que certains événements sont évoqués : le siège de Saragosse, la retraite de Russie, l’exécution de Louis XVI. […] Il se produit de la sorte des modifications inconscientes et simultanées dans les façons de sentir et de penser de tous les « enfants du siècle ».
Ils se sont plaints, ils ont réclamé, on a leurs lettres ; l’auteur seul n’aurait pas tout dit : Préparé à tout ce que l’on pourrait alléguer contre Werther, a dit Goethe en ses mémoires, je ne me fâchai pas de toutes les contradictions ; mais je n’avais pas pensé qu’une souffrance insupportable me serait réservée par des âmes bienveillantes et sympathiques : car au lieu de me dire d’abord sur mon petit livre quelque chose de non désobligeant, on voulait savoir avant tout ce qu’il y avait de réel dans les faits ; ce que je ne me souciais pas du tout de dire, et je m’en expliquai hautement d’une manière très peu aimable : car pour répondre à cette question, il m’aurait fallu remettre en pièces l’opuscule auquel j’avais si longtemps pensé pour donner à ses nombreux éléments une unité poétique, et j’aurais dû en détruire la forme de telle sorte que les véritables éléments constitutifs eux-mêmes, là où ils n’auraient pas été complètement anéantis, eussent été au moins défaits et dissous. […] Et en effet, dans cette période d’entreprise encore confuse et de méditation ardente où il se trouvait, il s’était dit, pour un temps, de s’affranchir par l’esprit de tout élément et ascendant étranger, de donner un libre cours à sa faculté intérieure, à ses impulsions et à ses impressions, de se laisser faire naïvement à tous les êtres de la nature, à commencer par l’homme, et d’entrer par là dans une sorte d’harmonie et d’intimité avec tout ce qui vit. […] Pour lui, qui s’est chargé d’envoyer de Francfort les anneaux d’alliance et qui y a joint toutes sortes de bons souhaits, il se contente, pour punir à sa manière les nouveaux mariés, de leur écrire : Je suis vôtre, mais, pour le moment, je ne suis guère curieux de voir ni vous, ni Lotte. […] Lorsqu’il a fini son Werther et qu’il s’apprête à le publier, il a une crainte, c’est de blesser les jeunes epoux : il glisse dans ses lettres toutes sortes de précautions à cet égard, des précautions mystérieuses et pour eux obscures, mais qui avaient pour but de les prévenir et de les empêcher de se trop choquer. […] Poley, anciennement attachée à la légation de Prusse, qui appartient à l’Allemagne par la langue et à la France par un long séjour, à traduit cette correspondance comme il est à souhaiter qu’on fasse toujours pour ces sortes d’ouvrages : ce qui importe en effet, c’est bien moins d’éviter quelques incorrections de style que de conserver la parfaite exactitude et le caractère de l’original : et c’est à quoi M.
La première classe continua de comprendre les Sciences physiques et mathématiques ; la seconde fut exclusivement consacrée à la Langue et à la Littérature françaises qui se dégageaient de la sorte et se définissaient davantage. […] Elle avait même au besoin une sorte d’enthousiasme pour un régime auquel bon nombre de ses membres appartenaient de si près et qui satisfaisait tout son vœu. […] Les fondations provenant du grand philanthrope Montyon sont de deux sortes. […] Souriau en 1863 et qui n’est qu’un supplément, une sorte de codicille, aux prix de vertu de M. de Montyon. […] L’ancienne Académie appelait volontiers à elle les orateurs sacrés du Clergé séculier, et même elle se décorait de toutes sortes de prélats.
» Mais l’entrain de l’attaque et une sorte d’allégresse martiale l’emportaient bientôt sur les prévisions moins flatteuses. […] Mme Roland, quinze jours avant sa mort, rétractait sans aucun doute ses anciennes âcretés contre La Fayette, en justifiant dans les termes suivants, Brissot, accusé par Amar de complicité avec le général : « Il avait partagé l’erreur de beaucoup de gens sur le compte de La Fayette ; ou plutôt il paraît que La Fayette, d’abord entraîné par des principes que son esprit adoptait, n’eut pas la force de caractère nécessaire pour les soutenir quand la lutte devint difficile, ou que peut-être, effrayé des suites d’un trop grand ascendant du peuple, il jugea prudent d’établir une sorte de balance. » Ces diverses suppositions sont évidemment des degrés par lesquels Mme Roland revient, redescend le plus doucement qu’elle peut de son injustice première. […] Ailleurs, 30 novembre, elle se plaint assez agréablement et avec une sorte de coquetterie voilée, dans la fable du Rossignol et de la Fauvette, de l’immanquable oubli du voyageur qui semblait en effet les négliger. […] En écrivant, à l’imitation de Jean-Jacques, sur certaines particularités qu’il sied à toute femme d’ensevelir, elle se complaît, avec une sorte de belle humeur stoïcienne et de dédain des sexes, en des allusions moins chastes qu’elle qui était la chasteté même. […] Celle-ci avait écrit beaucoup et de longue main, dans ses loisirs solitaires, sur toutes sortes de sujets ; elle arriva à la publicité, prête et mûre ; ses pages, tracées à la hâte et d’un jet, attestent une plume déjà très-exercée, un esprit qui savait embrasser et exprimer à l’aise un grand nombre de rapports.
En un mot, tant que la poésie a été un chant, tant que la harpe et la lyre n’ont pas été de pures métaphores, on conçoit cet accident poétique comme une sorte de grâce et d’accompagnement assorti jusque dans le rang suprême. […] « Moy, s’empresse d’ajouter le malin, je les aime bien, mais je ne les adore pas. » Ce fut cette sorte de culte que François Ier naturalisa en France, et si un peu de superstition s’y mêla d’abord (comme cela est inévitable pour tous les cultes), dans le cas présent elle ne nuisit pas. […] Le bon René d’Anjou, captif en sa jeunesse, avait usé ainsi de musique et de vers, en même temps qu’il peignait aux murailles de sa tour diverses sortes de compositions mélancoliques et d’emblèmes. […] La mère écrit à son fils captif comme madame de Sévigné à sa fille absente : « A ceste heure… je cuyde sentir en moy-mesme que vous seuffrez. » Marguerite se représente aussi comme une autre mère pour ce frère bien-aimé, quoiqu’elle n’ait que deux ans plus que lui ; et, le revoyant après une séparation, elle croit lire dans son seul regard toute une tendre allocution, qu’elle se traduit de la sorte à elle-même : …….. « C’est celluy que d’enfance Tu as veu tien, tu le voys et verras ; Ainsy l’a creu et le croys et croirras. […] Dans les dernières années de François Ier, l’influence de Marguerite, celle même de la duchesse d’Étampes, favorisaient à la cour une sorte de poésie semi-calviniste ; les courtisans chantaient les psaumes de Marot ; Diane de Poitiers, en arrivant à la pleine puissance, désira d’autres chansons, et le cardinal de Lorraine, bon catholique, fut de son avis.
Port-Royal frémit : il y avait une tante411, qui lui écrivit toute sorte d’adjurations, d’« excommunications » ; Racine prit de l’humeur, et perdit le respect. […] Et cependant, par l’originalité de son génie, il a coulé dans la tragédie un esprit nouveau, il l’a modifiée intérieurement de telle sorte qu’il nous semble le créateur d’un système dramatique. […] Dans certaines tragédies, l’amour n’est qu’un cadre, ou même un fil léger, et donne occasion de peindre diverses sortes de caractères et de passions. […] Phèdre a une poésie plus prestigieuse encore : on ne saurait citer tous les vers qui créent, autour de cette dure étude de passion, une sorte d’atmosphère fabuleuse, enveloppant Phèdre de tout un cortège de merveilleuses ou terribles légendes, et nous donnant la sensation puissante des temps mythologiques : Noble et brillant auteur d’une triste famille. […] Totalement dépourvus de sens poétique, ils traitent les plus merveilleux sujets de la poésie antique avec une sorte de bon sens bourgeois, asservi et étréci par les préjugés de leur monde.
Aussi l’idée qu’il a imprimée de lui est celle de la causticité même, d’une sorte de méchanceté envieuse. […] Son ton s’est singulièrement adouci, et il est près de consentir à ce monde flatteur qui veut décidément l’adopter et l’apprivoiser : J’ai toutes sortes de raisons d’être enchanté de mon voyage de Barèges. […] La pensée seule, la réflexion solitaire console sans doute aussi ; mais cette méditation contemplative, chez un naturel ardent, exige une sorte de vertu pour qu’il ne tourne pas à l’aigreur et à l’envie quand il se mesure aux autres. […] Chamfort nous dit là tout son secret, il nous le dit avec verve et avec une sorte de rage. […] Stahl-Hetzel a vu dans mon article sur Chamfort une déclaration et un réquisitoire contre le sonneur de tocsin de la Révolution et de la République ; car il me fait l’honneur de me considérer comme un ennemi de cette forme de gouvernement, et il me donne là-dessus toutes sortes d’avis et de conseils, sans se demander s’il a bien caractère et qualité pour cela.
Pour le génie proprement créateur, la vie réelle au milieu de laquelle il se trouve n’est qu’un accident parmi les formes de vie possible, qu’il saisit dans une sorte de vision intérieure. […] Aussi le génie cherche-t-il sans cesse à dépasser la réalité, et nous ne nous en plaignons pas : l’idéalisme alors, loin d’être un mal, est plutôt la condition même du génie ; seulement, il faut que l’idéal conçu, même s’il n’appartient pas au réel coudoyé chaque jour par nous, ne sorte pas de la série des possibles que nous entrevoyons : tout est là. […] Sainte-Beuve ensuite, déclarant « qu’il ne peut juger une œuvre indépendamment de l’homme même qui l’a écrite », fit des recherches biographiques sur l’enfance de l’écrivain, son éducation, les groupes littéraires dont il avait fait partie. « Chaque ouvrage d’un auteur, vu, examiné de la sorte, à son point, après qu’on l’a replacé dans son cadre et entouré de toutes les circonstances qui l’ont vu naître, acquiert tout son sens, son sens historique, son sens littéraire. […] Aujourd’hui, avec les facilités de toutes sortes que nous donne l’imprimerie, le génie choisit lui-même son milieu, se confirme par ses études de prédilection ; tout cela ne le forme pas, mais peut servir plutôt à le constater. […] Tarde, a excellemment montré que le monde social et même le inonde tout entier obéit à deux sortes de forces : l’imitation et l’innovation.
Les auteurs allemands peuvent employer, pour le développement des caractères, une quantité de circonstances accessoires qu’il serait impossible de mettre sur notre théâtre sans déroger à la dignité requise ; et cependant ces petites circonstances répandent dans le tableau présenté de la sorte beaucoup de vie et de vérité. […] De la sorte, les deux choses importantes, l’époque et la situation, se retracent à l’imagination d’un seul mot, par une circonstance purement accidentelle. […] Celui qui raconte n’est point appelé par sa situation ou son intérêt à raconter de la sorte. […] Elle ne marche point d’un pas si rapide ; elle ne saute pas de la sorte les intermédiaires. […] Il n’y a personne, je le pense, qui, laissant errer ses regards sur un horizon sans bornes, ou se promenant sur les rives de la mer que viennent battre les vagues, ou levant les yeux vers le firmament parsemé d’étoiles, n’ait éprouvé une sorte d’émotion qu’il lui était impossible d’analyser ou de définir.
Il y a d’abord une sorte d’instruction ou d’expérience inconsciente et empirique, que l’on obtient par la pratique de chaque chose. […] L’esprit de l’homme ne peut concevoir un effet sans cause, de telle sorte que la vue d’un phénomène éveillé toujours en lui une idée de causalité. […] On reste dans une sorte de fascination devant cet amalgame de lueurs scientifiques, revêtues des formes poétiques les plus élevées. […] Mais les idées vitalistes prises dans le sens que nous venons d’indiquer ne sont rien autre qu’une sorte de superstition médicale, une croyance au surnaturel. […] Il paraît impossible même d’éviter d’une manière absolue ces sortes d’erreurs.
Ses évolutions sont de deux sortes. […] Point de superstition ni de routine ; le père met plutôt une sorte de superstition à se dégager de la routine. […] J’ay vescu en trois sortes de conditions depuis estre sorty de l’enfance. […] Mais la modération est de deux sortes : elle est négative, elle est positive. […] Rien de plus ordinaire, dans ces sortes d’écrits, que d’affecter une sorte d’unité, alors même qu’elle a manqué.
Quelques narrations, parmi lesquelles se détache le conte de cette Matrone tant célébrée, sont des pièces accomplies, et les vers que l’auteur s’est passé la fantaisie d’insérer à travers sa prose, à la différence de ce qu’offrent en français ces sortes de mélanges, ont une solidité et un brillant qui en font de vraies perles enchâssées. […] « Comme je discourais de la sorte (continue-t-il), madame m’écoutoit avec une attention qui témoignoit assez qu’elle se plaisoit à m’entendre. […] me dit-il, que le monde juge mal de ces sortes de beautés ! […] La règle, à mon gré, la plus certaine pour ne pas douter si une chose est en perfection, c’est d’observer si elle sied bien à toutes sortes d’égards ; et rien ne me paroît de si mauvaise grâce que d’être un sot ou une sotte, et de se laisser empiéter aux préventions. […] Il obtint pourtant, à cette époque, une sorte de célébrité par ses écrits ; on le trouve assez souvent cité par Bouhours, par Daniel, par Bayle, par ceux qui, étant un peu de province ou de collége et arriérés par rapport au beau monde, le croyaient un module du dernier goût.
Une sorte de rage est nécessaire pour vaincre en soi l’instinct conservateur de la vie, quand ce n’est pas un sentiment religieux qui nous en demande le sacrifice. […] -C. conseille par ce passage, mais une sorte de calme qui serait utile même dans les intérêts de ce monde. […] Quand les épreuves de l’existence nous ont appris la vanité de nos propres forces et la toute-puissance de Dieu, il s’opère quelquefois dans l’âme une sorte de régénération, dont la douceur est inexprimable. […] Ce qu’on fait pour soi-même peut avoir une sorte de grandeur qui commande la surprise ; mais l’admiration n’est due qu’au sacrifice de la personnalité sous quelque forme qu’elle se présente. […] Des malheurs positifs ont déterminé quelques Français à cet acte, et ils l’ont commis avec l’intrépidité mais aussi avec l’insouciance qui souvent les caractérise ; néanmoins cette foule d’émigrés que la révolution a fait naître, a supporté les plus cruelles privations, avec une sorte de sérénité dont aucune autre nation n’eût été capable.
Pour découvrir ces actions et ces réponses, il faut une sorte d’inspiration et de fièvre. […] Un instant après, le nain, l’eunuque et l’androgyne de la maison entonnent une sorte d’intermède païen et fantastique ; ils chantent en vers bizarres les métamorphoses de l’androgyne qui d’abord fut l’âme de Pythagore. […] Il y a une rude gaieté, une sorte de rire physique tout extérieur, qui convient à ce tempérament de lutteur, de buveur et de gendarme. […] Que la source soit maudite, et que tous ceux dont son eau touchera les lèvres, soient épris, comme lui, de l’amour d’eux-mêmes165. » Les courtisans et les dames y boivent, et voici venir une sorte de revue des ridicules du temps, arrangée, comme chez Aristophane, en farce invraisemblable, en parade brillante. […] Par-dessus tout, il a été le grand et l’inépuisable inventeur de ces masques, sortes de mascarades, de ballets, de chœurs poétiques, où s’est étalée toute la magnificence et l’imagination de la renaissance anglaise.
les differentes idées, dit un auteur moderne, sont comme des plantes et des fleurs qui ne viennent pas également bien en toutes sortes de climats… etc. . […] La munificence de la reine élisabeth se répandit sur toutes sortes de vertus durant un regne de près de cinquante années. […] L’envie que les plus cruels avoient d’être bien avec le peuple, et qui les obligeoit à rechercher sa faveur en lui donnant toutes sortes de fêtes et de spectacles, les engageoit à procurer l’avancement des lettres et des arts. […] C’est le nom des graveurs qu’on y lit dans la place où le nom de l’ouvrier se trouve gravé quelquefois dans ces sortes d’ouvrages. […] Il a vécu de son temps des hommes rares par leur talent à toucher toutes sortes d’instrumens.
En attendant, et tout en s’excusant de la sorte, ce roi, encore tout chaud et tout poudreux de la guerre de Sept Ans, ne laisse pas de payer tribut à l’idée philosophique, en se faisant l’abréviateur et l’éditeur de Bayle. […] Puis, quand il vit la guerre inévitable, il eut les pronostics les plus sombres ; il lui semblait que Frédéric s’était engagé dans un labyrinthe d’où il aurait peine à sortir, qu’il s’était remis de gaieté de cœur dans une situation extrême : « Je vois que dans peu, lui écrivait-il, tout ce qu’un État a de précieux sera abandonné à la fortune, les biens, la vie, la réputation, la gloire, la sûreté de la société. » Frédéric lui fait vingt réponses meilleures les unes que les autres : On commet, mon cher frère, deux sortes de fautes : les unes par trop de précipitation, les autres par trop de nonchalance. […] Et enfin, le 17 juin 1778 : Mon cher frère, je suis bien fâché que vous voyiez tout en noir, et que vous vous représentiez un avenir funeste, quand je ne vois de mon côté que de ces sortes d’incertitudes qui précèdent tous les grands événements. […] Il est curieux de voir, à cette fin de campagne, l’impatience du vieux guerrier qui, arrivé toutefois à son but pour la politique, frémit de colère de n’avoir pu frapper un dernier coup, et de se voir obligé à remettre l’épée dans le fourreau sans s’être vengé une bonne fois de ses ennemis dans une bataille : « En fait de campagne, disait-il en se jugeant avec une sorte d’amertume, nous n’avons fait (cette fois) que des misères55. » Dans les années qui suivent, on retrouve Frédéric et le prince Henri en conversation par lettres, en discussion philosophique sur les objets qui peuvent le plus intéresser les hommes, la religion, la nature humaine et le rang qu’elle tient dans l’univers, les ressorts et mobiles qui sont en elle, et les freins qu’on y peut mettre.
Toutes les fois qu’il est piqué ou mécontent, il dit de la sorte : « Dieu soit loué ! […] Nous étions quatorze à table, et le soir seize… La table fut servie magnifiquement et délicatement : plusieurs potages, de bon bœuf et de bon mouton, des entrées et ragoûts de toute sorte, un grand rôti, des perdreaux et autre gibier, en quantité et de toute façon ; un magnifique fruit, des pêches et des raisins exquis quoique en Flandre, des poires des meilleures espèces, et toutes sortes de compotesv ; de bon vin rouge, point de bière ; le linge propre, le pain très bon, une grande quantité de vaisselle d’argent bien pesante et à la mode. […] [1re éd.] et toute sorte de compotes
… » C’est qu’en effet n’être rien n’est pas sa vocation ; ses facultés non occupées l’agitent, le dévorent, l’étouffent, lui causent un malaise indéfinissable ; le trop d’activité renfermée simule à ses yeux l’engourdissement et une sorte de paralysie morale ; « (1810)… Dis-moi sincèrement ce que tu penses de moi. […] Abandonné alors à une accablante apathie, totalement dépourvu d’idées, de sentiments et de ressorts, tout me devint à charge, la prière, l’oraison, tous les exercices de piété, et la lecture, et l’étude, et la retraite, et la société ; je ne tenais plus à la vie que par le désir de la quitter, et mon cœur éteint ne trouvait une sorte de repos léthargique que dans la pensée du tombeau. » Je sais tout ce qu’il faut rabattre de ces descriptions désolées où se complaît involontairement la plume qui s’y exerce, et qui s’essaye déjà à l’éloquence ou à la déclamation publique sans s’en douter ; mais elles sont trop habituelles et trop opiniâtres chez La Mennais pour n’être pas significatives. […] Ma vie se passe dans une sorte de milieu vague entre toutes ces choses, avec un penchant très fort à une indolence d’esprit et de corps, triste, amère, fatigante plus qu’aucuns travaux, et néanmoins presque insurmontable. […] Pourquoi donc sacrifierions-nous cette sorte de devoir réciproque et tout ensemble notre bonheur à des considérations étrangères ?