Un des ancêtres, calviniste, avait même été martyr dans les guerres des Camisards, et Maury, menacé plus tard de la lanterne, eut plus d’une fois l’occasion de songer à ce pendu qu’il n’était pourtant pas jaloux d’imiter. […] L’abbé Maury espérait de lui quelque résignation de bénéfice, et, le voyant infirme, il songeait aussi à lui succéder à l’Académie. […] En vain l’abbé Maury chercha-t-il à se faire interrompre, s’interrompit-il lui-même, se plaignit-il qu’on ne voulait pas l’entendre ; en vain, abandonnant et reprenant le sujet principal de son discours, se perdit-il dans les digressions les plus étrangères, interpella-t-il personnellement Mirabeau et lui jeta-t-il vingt fois le gant de la parole ; au moindre mouvement d’impatience qui s’élevait dans l’Assemblée : « Attendez, monsieur l’abbé, disait Alexandre Lameth avec un sang-froid désespérant, je vous ai promis la parole, je vous la maintiendrai. » Et, se tournant vers les interrupteurs : « Messieurs, écoutez M. l’abbé Maury : il a la parole ; je ne souffrirai pas qu’on l’interrompe. » Ayant ainsi expliqué au long tout ce jeu de scène et de coulisse, Ferrières termine en disant : « Après deux grandes heures de divagations, tantôt éloquentes, tantôt ennuyeuses, l’abbé Maury descendit de la tribune, furieux de ce qu’on ne l’en avait pas chassé, et si hors de lui, qu’il ne songea pas même à prendre de conclusions. » Or, quand on lit dans les Œuvres de l’abbé Maury, ou même dans l’Histoire parlementaire de MM.
Bien qu’il ne se fît pas plus d’illusion comme observateur dans le Nouveau Monde que dans l’Ancien, et qu’il vît les hommes tels qu’ils étaient, il songeait pourtant par moments à s’établir sur quelque point de cette contrée hospitalière, lorsque des difficultés imprévues l’avertirent que l’Europe était encore pour lui une patrie plus sûre et meilleure. […] C’est ici que la vie de Volney serait très intéressante historiquement si nous la savions en détail et s’il avait songé à l’écrire. […] Chaque année, quand l’hiver m’attriste, je parle d’aller en Provence, et, quand je songe au départ, je m’enfonce dans mon grand fauteuil, et je fais plus grand feu pour remplacer le soleil.
Shakespeare pense, Shakespeare songe, Shakespeare doute. […] toutes les sectes bibliques se bouchent les oreilles, sans songer qu’Aaron adresse exactement la même épithète à Séphora, femme de Moïse. […] Quelle lune jettera à cet édifice une lumière plus mystérieuse que le Songe d’une nuit d’été ?
Le rencontre-t-il dans la rue, il lui achète des boîtes d’allumettes par douzaines : c’est une de ses consolations de songer qu’il aide un gentilhomme « à redorer son blason. » Filouze, grand contempteur, n’accorde son admiration qu’au journaliste JACQUES MONLEAU Il est vrai que Jacques Monleau l’appelle « crapule » quand il le coudoie — faisant le jeudi sur les Allées Neuves. […] Il était tout naturel qu’elle eût songé à son futur ! […] Ce mot latin, « Capitolium », te fait peut-être songer, mon ami, à quelque bâtisse vingt fois séculaire, — de l’âge des Thermes, rue de Cluny, à Paris ; et tu murmures déjà le vers des Feuilles d’automne : Toulouse la romaine, où, dans des jours meilleurs, etc.
Jamais Catulle, jamais Pétrone, n’auraient songé à offenser l’honnêteté publique s’ils eussent dû vaincre la pudeur des oreilles pour confier leurs ouvrages à la mémoire des hommes. […] « L’absence du merveilleux, dit Thucydide, sera cause peut-être que les événements que je décris plairont moins à la lecture. » Le même écrivain dit encore : « Les anciens historiens ont plus songé à plaire à la lecture, qu’ils n’ont songé à dire la vérité. » Ces deux phrases sont remarquables en ce qu’elles indiquent bien les deux genres d’altérations que les premiers historiens ont apportées dans leurs rédactions en prose, altérations dont on leur a su gré, et qui ont cependant conduit à l’arbitraire.
L’aquarium les plaint, toutes ces eaux vassales Que la vie intéresse, et s’y associant ; Tandis que lui, de son seul songe est conscient ; Il n’a pas d’autre but que ses fêtes mentales Et l’anoblissement de l’univers qu’il est ; Eau de l’aquarium dont la pâleur miroite. […] Le solitaire découvreur des terres vierges du songe ne permet pas aux grossiers produits d’humanité d’embarrasser la route qu’il suit, perdu qu’il est dans son rêve d’épuration toujours plus artistique et plus parfaite. […] A travers les stériles et bruyantes agitations du songe vital, faisons le silence en nous-mêmes, soyons toujours plus silencieux ; que le silence étende un voue entre la chasteté de nos élans et ces vaines formes, là-bas ; que le silence croisse en nous, jusqu’à ce qu’il chante… Ô le chant du silence !
Rien n’est plus logique, si l’on songe à la situation du prêtre au début de son sacerdoce. […] Et le jugement s’affirme plus précis de jour en jour ; c’est à cela que le prêtre devrait songer parfois entre deux credo, car il y va de son honneur. […] Je voudrais qu’avant de franchir le seuil du monstrueux séminaire, un avis de l’humanité fut soumis à leurs méditations, pour sauver du naufrage, s’il se pouvait, leur existence menacée : « Ami, tes frères les hommes te supplient de songer à toi-même, à cette heure décisive où de faux apôtres s’apprêtent à déposer en toi les germes de la corruption.
Ceux-ci n’en seront d’ailleurs pas choqués, car il est rare que les excentricités auxquelles nous nous livrons en songe paraissent émouvoir les spectateurs, si confus que nous en puissions être nous-mêmes. […] On cite des maladies et des accidents graves, attaques d’épilepsie, affections cardiaques, etc., qui ont été ainsi prévues, prophétisées en songe. […] Sans doute on cite quelques exemples de travail artistique, littéraire ou scientifique, exécuté au cours d’un songe.
Il a songé dans sa pensée aux tentes mobiles, aux retranchements forcés, à la lance flamboyante des escadrons, au torrent des coursiers qui s’élancent, au commandement rapide et à la prompte obéissance. […] Devant l’Etna et ses jets de feu nocturnes enflammant au loin la mer de Sicile, Pindare ne songe pas à lui-même ; il ne mêle pas les mécomptes de l’orgueil poétique à ces terreurs de la nature. […] La sainte majesté du sujet, la gravité de l’affliction chrétienne, élèvent ici le talent du poëte et lui donnent, dans l’expression et dans la mélodie, un calme de douleur et de foi dont la simplicité presque intraduisible semble une voix mystique entendue dans un songe, mais qu’on ne peut retrouver.
Est-ce que le théâtre de Corneille n’est pas (sans y songer, je le veux bien) une prédication morale des plus éloquentes, des plus élevées ? […] Et voilà comment, sans que le poète peut-être y ait songé, une tirade, ridicule dans la première pièce, est devenue une éloquente apostrophe dans l’autre. […] Ne serait-ce pas pour cela que notre illustre Rouennais en met partout sans y songer ? […] Chacun des deux personnages, sans rien ménager, ne songe qu’à accomplir son rigoureux sacrifice. […] Plus tard l’auteur du Cid supprima ce passage, sans doute quand il fut reçu à l’Académie, ou quand il songea à s’y présenter.
Jusque-là, pas un mot qui puisse y faire songer. […] Il est regrettable que Barrès n’ait pas songé à développer cet apparent paradoxe. […] Ce n’est pas la manière des grands Italiens ou des grands Hollandais : cela fait songer à toute notre ancienne école française. […] Parfois l’on songe à Dickens, parfois à Alphonse Daudet. […] Mais nul ne semble y songer.
Un homme simple, laborieux, honnête, bon chrétien, tiède chrétien, parvenu à l’aisance, songe, comme on dit, « à vivre sa vie ». […] Mais ces grands gars stylés, mais ces fraîches fillettes dociles, à quoi pensez-vous donc qu’elles songent avant le lever du rideau, contre le châssis de ce coin de scène ? […] Son génie même s’en trouvait agrandi, — augmenté de tous les chefs-d’œuvre profanes dont la conversion avait arrêté la croissance : un génie, songez donc, qu’il n’eût fallu rien moins que Dieu pour vaincre ! […] Elle révèle une sensibilité poétique de restreinte envergure, sans doute, mais de la plus exquise et de la profonde qualité. — Or, songez que la tragédie, au temps où l’aborde Racine, vit d’éloquence ! […] Songez… Mais non, M.
On discute un texte, on songe à l’amender ; comme on y sent la main humaine, on songe à y mettre la main. […] Le chrétien moderne lui-même croit à la création, mais n’y songe pas. […] Il ne songe pas que cela veut dire : au commencement il y a Dieu, et rien. […] Mais songez que les contemporains en ont été comme étourdis et fascinés. […] Tranchons le mot, il ne songe pas uniquement à lui ; mais il songe beaucoup à lui.
. — Le Songe d’une nuit d’été, féérie (1886). — Struensée, drame en cinq actes et en vers (1898).
Mais comment a-t-il le courage de se tuer lorsqu’il songe à sa mère ? […] Robert a beau attester son amour ; Élisabeth songe en elle-même que ce n’est là qu’une base fragile. […] Quand je songe à ceux qu’attaque M. […] Itzig ne songeait pas à mal. […] Freytag ; elle jaillit sans qu’il la cherche ; elle coule sans qu’il songe à la diriger.
En sorte qu’il fait songer à Ronsard infiniment plus qu’à Boileau. […] J’ai remarqué que nul ne songeait plus, l’autre jour, à lui reprocher le soin légitime qu’il prend de son vêtement ou de ses cheveux, ni les « succès de salon » qu’il a pu rencontrer quand il était très jeune. — À mesure que sa pensée mûrissait, sa manière oratoire s’est simplifiée. […] * * * Il me disait un jour : « Quand je songe à quel point j’ai eu jadis la folie et l’orgueil de vivre, je me dis qu’il est juste que je souffre. » Je me suis rappelé ce propos d’héroïque résignation en voyant, parmi les roses qui jonchaient son lit de mort, sa tête devenue ascétique et, sur sa poitrine, le crucifix… La République Française On dira d’elle ce qu’on voudra : elle a ceci pour elle, qu’étant la plus révolutionnaire des républiques, elle est pourtant l’héritière d’un passé monarchique plus long et plus illustre que celui d’aucune des nations européennes. […] Il songe : — Que l’image de Notre-Dame de Lourdes ait été uniquement créée par le désir de Bernadette, qu’importe ?
Telle est du moins la technique de la plupart des Poèmes anciens et romanesques et des poèmes principaux de Tel qu’en songe, — technique à laquelle plusieurs écrivains déjà loin de leurs débuts, M. […] Printanière, dans l’aube éternelle du rêve Et dans l’aurore assise, Elle tisse en rêvant Des choses qu’Elle sait, et sourit ; et, devant Elle, au gré de sa main agile, court sans trêve La navette laborieuse, et le doux vent D’avril emmêle ses cheveux qu’Elle soulève Et rejette sur son épaule ; et, relevant La tête, Elle fredonne un air qu’Elle n’achève… De l’ombre, Elle apparaît, comme en un cadre d’or : Derrière Elle l’azur et des plaines qu’arrose Un fleuve ; et, sur sa tête, un rameau de laurose Étend ses fleurs contre l’azur clair ; — et l’effort Du métier, comme un chant monotone et morose Se plaint très doucement : — on envierait le sort De celui qui baiserait la main qu’Elle pose Négligemment, parfois, et lasse de l’effort… Mais moi, la voyant rire en rappelant sans doute Quelque doux jour mort de sa joie un soir de mai, Je songeai que, peut-être, pour avoir aimé Son rire, d’autres ont repris la lente route Tristes d’un souvenir et le cœur affamé D’un mets où nulle lèvre impunément ne goûte. […] L’art est subjectif, mais il est objectif aussi, sans cela pourquoi ne point songer seulement, pourquoi écrire, peindre, sculpter ? […] La confusion apparaît probable lorsque l’on songe à la confusion des termes eux-mêmes.
Me voyant studieux, appliqué, consciencieux, il me dit au bout de très peu de temps : « Songez donc à notre société ; là est votre place. » Il me traitait déjà presque en confrère. […] Ce n’est pas comme à Saint-Nicolas, par exemple, où on ne laissait jamais la machine aller seule ; le mécanicien était toujours là, volant à droite, à gauche, mettant partout le doigt, essoufflé, empressé parce qu’on ne songeait pas que la machine la mieux montée est celle qui exige le moins d’action de la part du moteur. […] Ni les Pères de l’Église, ni les écrivains chrétiens de la première moitié du moyen âge ne songèrent à dresser une exposition systématique des dogmes chrétiens dispensant de lire la Bible avec suite. […] Heureux les enfants qui ne font que dormir et rêver et ne songent pas à s’engager dans cette lutte avec Dieu même !
. — Le songe d’Atossa. — Qu’est-ce qu’Athènes ? […] — Une jeune fille, deux jeunes filles pour chaque capitaine. — Et des vêtements de couleur pour Sisera, — des vêtements à doubles broderies, pour orner l’entrée du triomphe. » — Tandis qu’elle berce, en chantant, son souci, une femme s’approche de Sisera endormi, prend une cheville de la tente, et l’enfonce d’un coup de marteau, dans son front, — « Entre ses pieds, il tombe, s’agenouille, s’étend. — Entre ses pieds, il s’agenouille, tombe : — où il s’agenouille, là il tombe mort. » Un Songe effrayant a visité Atossa, et la pousse en sursaut hors du lit nuptial où Darius dormait jadis avec elle. […] Tel le Songe qu’Atossa raconte, mêlé d’étrangeté orientale et de beauté hellénique : il donne l’idée d’une sculpture persépolitaine que l’art grec aurait retouchée. — Deux femmes richement vêtues, l’une de la tunique dorienne, l’autre de la robe persane, lui sont apparues, plus belles que les femmes qui vivent maintenant, au-dessus d’elles par la majesté de leur taille. […] Pour vous, songez à ces châtiments.
J’ai songé à profiler de ces bonnes dispositions. […] Je chercherais par inclination à m’en faire un ami, mais il n’y a pas moyen, tout le monde court après ; et puis je songe que dans un mois cet homme aujourd’hui si populaire sera entouré de gardes, qu’on ne l’appellera que Votre Majesté : cela m’étourdit l’imagination. […] Songez, mon ami, que je m’occupe de vous, que je parle de vous, lorsque je trouve de bonnes oreilles. […] Il faut songer à se rendre meilleur ; voilà la bonne philosophie.
On convient généralement de la supériorité de notre jeune école philosophique et historique ; notre siècle est déjà si bon juge en fait de prose, que personne ne songe à nier l’immense talent de M. l’abbé de la Mennais, quoique ses systèmes soient combattus de toutes parts. […] Songez que c’est par cette alliance irrésistible de tous les talents, que vos devanciers ont sapé les bases de l’ancienne société et posé celles du nouvel ordre de choses. […] Songez que vous parlez à ce peuple français, le premier peuple du monde, parce qu’il est le plus chevaleresque et en même temps le plus philosophique ; à ce peuple changeant il est vrai, parce qu’il est étonnamment impressible, mais qui sait souffrir et mourir pour une doctrine, qui fait la guerre pour le triomphe d’une idée, et dont les fureurs même ont été commises au nom d’un principe. […] Au Théâtre-Français, parce que n’ayant plus de grands acteurs tragiques, il ne peut espérer de vogue que par l’attrait d’un genre et d’un système de pièces entièrement neufs sur notre scène ; au public, parce que lassé de tant de pâles contre-épreuves de nos chefs-d’œuvre, lassé de la mesquine représentation de nos chefs-d’œuvre eux-mêmes ; il aime mieux les relire vingt fois avec délices et attendre pour revenir au théâtre que quelque chose y réponde à ce vague besoin de nouveauté qui le tourmente ; à l’art enfin, parce que faute de point de comparaison il serait à craindre que ce besoin se satisfît aveuglément avec des ouvrages prétendus romantiques, faits sans inspiration et sans étude, qui n’auraient que les formes extérieures des drames de Shakespeare, et dont toute la nouveauté consisterait à briser les unités de temps et de lieu, auxquelles personne ne songe, et à mêler des lazzis du boulevard au langage cérémonieux de notre vieille tragédie.