Ou bien, dirons-nous qu’à mesure qu’une société se compose, s’organise, et se règle, ce sont les chevaliers d’autrefois qui deviennent les gueux d’aujourd’hui ? […] Une société nouvelle était née, qui grandissait tous les jours, non pas précisément encore athée, ni même délibérément incrédule, mais déjà libertine, indifférente, ou toute laïque. […] Il continue cependant d’exister une société de cartésiens, et, comme nous l’avons dit, l’espèce a bien pu s’en cacher, elle ne s’est pas perdue. […] « Je n’ai jamais ouï parler du droit public, a-t-il dit dans ses Lettres persanes, que l’on n’ait commencé par rechercher soigneusement quelle est l’origine des sociétés, — ce qui me paraît ridicule. » Il a raison ; qu’importe l’origine, si le droit public ne commence lui-même qu’avec la société formée ? […] Nous sommes nés pour la société, pour en exercer les devoirs, sans en attendre, en les exerçant, d’autre récompense que d’en avoir, chacun pour notre part, entretenu le culte.
Dès 1723, un certain abbé Alary avait fondé une société politique, composée de membres libres, et appelée le club de l’Entresol du nom du lieu où se tenaient les conférences. […] M. d’Argenson se complaît à nous transmettre les plus menus détails de cette société libre, qu’il compare à cet âge d’or tant regretté de l’Académie française, et dont, sans lui, le secret serait encore ignoré de nous.
Ne pas détruire les religions, les traiter même avec bienveillance, comme des manifestations libres de la nature humaine, mais ne pas les garantir, surtout ne pas les défendre contre leurs propres fidèles qui tendent à se séparer d’elles, voilà le devoir de la société civile. […] Comment chaque religion se comportera-t-elle avec le régime de la liberté, qui s’imposera, après bien des actions et réactions, aux sociétés humaines ?
A toute époque, il y a dans une société certaines idées nouvelles qui naissent à la fois dans un grand nombre d’esprits, des germes de pensées et de sentiments qu’on sent flotter autour de soi et qu’on respire, pour ainsi dire, dans l’air ambiant. […] Il est le grand homme du jour, de l’année, de l’époque, du siècle, suivant que son accord avec la société environnante a plus ou moins de durée, suivant aussi que son talent a plus ou moins d’éclat et de vigueur.
Nulle âme n’était plus faite que celle de Bonstetten pour sentir et pour exprimer avec fraîcheur la douceur de la société, pour respirer la fleur de sociabilité dans son parfum et l’esquisser avec ses différentes nuances. « En passant d’une nation à l’autre, disait-il, on distingue bien vite le sentiment par lequel on est abordé. […] Cette fois, c’était l’érudit, l’économiste, l’antiquaire, qui se préoccupait encore plus de l’état des choses que des plaisirs de la société, et qui s’attacha surtout à l’étude de Rome et de ses environs. […] À Paris, il était surtout occupé, non de la politique, mais de la société ; il faisait part à Mme de Staël de ses observations ; elles sont piquantes, et trouveraient encore leur à-propos aujourd’hui. […] Son esprit que je suppose supérieur, en plaçant des idées centrales parmi les idées isolées et traînantes de la société où elle se trouve, fera éprouver le charme de ce que j’appelle harmonie à toutes les personnes qui l’écoutent. […] Les gens qui en manquent admirent votre savoir ; peu voient l’esprit et le bon esprit qu’il y a, et presque personne ne veut rendre justice au style français, parce que presque tous ont le sentiment que ce style est étranger à Genève, où l’on manque de goût et, à peu d’exceptions près, du talent d’écrire, que vous avez éminemment. — Le talent de bien écrire vient de l’âme ; ses formes se prennent dans la société.
Dans la seconde partie, je compte examiner les gouvernements anciens et modernes sous le rapport de l’influence qu’ils ont laissée, aux passions naturelles aux hommes réunis en corps politique, et trouver la cause de la naissance, de la durée, et de la destruction des gouvernements, dans la part plus ou moins grande qu’ils ont faite au besoin d’action qui existe dans toute société. […] Les hommes, privés d’occupations fortes, se resserrent tous les jours plus dans le cercle des idées domestiques, et la pensée, le talent, le génie, tout ce qui semble des dons de la nature, ne se développe cependant que par la combinaison des sociétés ; le même nombre d’hommes divisé, séparé, sans mobile et sans but, n’offre pas un génie supérieur, une âme ardente, un caractère énergique ; tandis que dans d’autres pays, parmi les mêmes êtres, plusieurs se seraient élevés au-dessus de la classe commune, si le but avait fait naître l’intérêt, et l’intérêt l’étude, et la recherche des grands moyens et des grandes pensées. […] On est d’accord, je pense, sur l’impossibilité du despotisme, ou de l’établissement de tout pouvoir qui n’a pas pour but le bonheur de tous ; on l’est aussi, sans doute, sur l’absurdité d’une constitution démagogique2, qui bouleverserait la société au nom du peuple qui la compose. Mais les uns croient que la garantie de la liberté, le maintien de l’ordre, ne peut subsister qu’à l’aide d’une puissance héréditaire, et conservatrice ; les autres, reconnaissent de même la vérité du principe, que l’ordre seul, c’est-à-dire l’obéissance à la justice, assure la liberté : mais ils pensent que ce résultat peut s’obtenir sans un genre d’institutions que la nécessité seule peut faire admettre, et qui doivent être rejetées par la raison, si la raison prouve, qu’elles ne servent pas mieux que les idées naturelles, au bonheur de la société. […] L’avantage de l’aristocratie de naissance, c’est la réunion des circonstances qui rendent plus probables dans une telle classe les sentiments généreux : l’aristocratie de l’élection doit, alors que sa marche est sagement graduée, appeler avec certitude les hommes distingués par la nature aux places éminentes de la société. — Ne serait-il pas possible que la division des pouvoirs donnât tous les avantages et aucun des inconvénients de l’opposition des intérêts, que deux chambres, un directoire exécutif, quoique temporaire, fussent parfaitement distinctes dans leurs fonctions ; que chacun prit un parti différent par sa place, mais non par esprit de corps, ce qui est d’une toute autre nature ?
Pleins d’une misanthropie dédaigneuse, de dégoût pour les conventions de la société, ils sont tous les deux un peu enclins à l’exagération ; ils recherchent l’étrange, ils prennent pour beau ce qui est excessif ou terrible. […] On sait leurs griefs contre la société où ils étaient nés. […] Condamné d’avance par les dévots et par ceux qui avaient intérêt à passer pour tels, il laisse voir dans ses ouvrages une irritation haineuse contre la société, dont le premier jugement à son égard n’avait pas été fort injuste, il faut en convenir. […] Avant Sterne, Rabelais, avec sa verve et l’originalité de son style incomparable, avait fait la satire de l’Église, de la cour et de la société tout entière, à la faveur d’un conte à dormir debout. […] Ne donnez jamais quelques qualités aimables à un héros qui pèche contre les dix commandements ; on dira que vous sapez les bases de la société : Plutarque n’a fait déjà que trop de mal avec ses soi-disant grands hommes.
Après avoir invectivé les sociétés particulieres, sans rien perdre de l’estime publique, les Philosophes ont cru pouvoir s’en prendre à l’Espece humaine, sans craindre de voir diminuer le nombre de leurs benins admirateurs. […] On a vu des pays du Nouveau-Monde où les animaux avoient fait plus de progrès que l’homme vers l’état de perfection & de société Hist. […] Rien de si comique, m’a-t-on dit, que de le voir se démener dans les sociétés, pour prouver que si M. l’Abbé Martin, mort il y a environ quatre ans, n’est pas l’Auteur des Trois Siecles, [c’est le nom du Vicaire avec lequel j’ai eu des liaisons d’amitié], il l’est au moins des meilleurs morceaux de cet Ouvrage, ainsi qu’il l’a donné lui-même à entendre à plusieurs Habitués de Paroisse. […] Voici pour sa justification : Mais qu’un homme de bien [l’expression est modeste] dénonce à la société l’ennemi & le calomniateur des talens, il fait une action honnête & juste. […] J’ai donc fait du mal aux hommes, en prenant la défense des principes qui soutiennent la société & assurent la tranquillité des individus ; & les Philosophes leur ont fait beaucoup de bien, en déclamant contre toutes les classes de Citoyens, en prêchant l’indépendance, en s’efforçant de briser tous les liens, en ôtant le frein des passions, en favorisant les crimes secrets, les désordres de toute espece, en arrachant du cœur des vertueux infortunés tout espoir de dédommagement, &c.
La société a eu peur, et, depuis qu’elle se rassoit, elle n’est pas devenue très raisonnable sur cet article de la presse. […] La société verra qu’elle n’a raisonnablement rien à regretter ni à vouloir reprendre de ce bon vieux temps, et les écrivains verront aussi qu’ils n’ont pas trop à se plaindre du temps d’aujourd’hui. […] Voltaire avait riposté par une plaisanterie, Les Quand, qui fit beaucoup rire cette société désœuvrée. […] Malesherbes, ce Franklin de vieille race, avait très nettement embrassé la société moderne dans ses articles fondamentaux ; il l’avait d’avance prévue et anticipée ; mais s’il ne s’était pas trompé sur le but, il s’était fait illusion sur les distances et sur les incidents du voyage. […] C’est là une sorte d’erreur contre laquelle il est bon d’être toujours en garde, car il y a plus d’un bras, disent les géographes, à la mer Rouge, et il serait désagréable à la société d’en avoir un à traverser encore, si petit qu’il fût.
Ce faux biens d’ici-bas, selon le poète, c’est la réalité, c’est le monde politique, c’est le gouvernement de la société et des autres hommes ; les poètes, quand ils ont épuisé leurs songes et leurs chimères, veulent bien y arriver et y condescendre, les uns comme M. de Lamartine avec plus de sérénité et de clémence, les autres comme M. de Chateaubriand avec plus d’irritation et d’amertume. […] Du moment que vous aspirez à gouverner les hommes et à devenir le pilote de la société, sachez du moins le vouloir avec suite et sérieusement. […] autant ces choses de la poésie sont délicieuses et adorables dans une âme restée vierge et doucement enivrée, autant elles révoltent quand elles ne viennent qu’à titre de mépris jeté à des intérêts après tout sérieux et sacrés, puisqu’ils sont ceux de la société même. […] Et la société ! […] Mais elle a droit, cette société, de demander au moins le sérieux de leur ambition à ceux qui veulent être ses guides et ses pilotes.
* * * — Le péril, le grand péril de la société moderne est l’instruction. […] De cette folie générale, de cette manie partout répandue dans le bas de la société de jeter ses enfants par-dessus soi, de les porter au-dessus de son niveau, comme on porte les enfants au feu d’artifice, il s’élève une France de plumitifs, d’hommes de lettres et de bureau, une France où l’ouvrier ne sortant plus de l’ouvrier, le laboureur du laboureur, il n’y aura bientôt plus de bras pour les gros ouvrages d’une patrie. […] * * * — Dans toute société d’hommes, un don, une qualité de l’individu impose sa reconnaissance et son autorité à tous. […] On sent dans ces portraits, l’ordre de la société passée, avec l’orgueil chez chacun, de sa profession, de sa position. […] * * * — « Voulez-vous, nous dit Gavarni, le secret, de toute société, de toute association ?
Il semble que La Fontaine ait trop vécu dans la société des animaux qu’il a peints. […] Voilà l’honnête homme, œuvre de la société dans une race sociable. […] Cette opposition des sociétés spirituelles et oisives contre le gouvernement revêtit au siècle de Louis XIV un caractère moral et religieux. […] Dates données par Roederer, Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie. […] Roederer, Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie.
Il évitait la société, il vivait retiré, enfermé en lui-même, avec une sauvagerie qui n’était point de son âge, et qui l’isolait. […] Dumas ne s’attache à décrire que les mœurs de la classe particulière de la société dans laquelle cette question se pose le plus fréquemment et dans toute sa puissance. […] Mais la société n’est pas une bouteille, l’humanité n’est pas un liquide et, comme on dit, comparaison n’est pas raison. […] Son activité de moraliste : sa critique de la société et des mœurs ; caractère de cette critique. […] Seule, la stricte obéissance à ce commandement peut ramener les hommes, comme individus et comme société, dans la voie du salut.
Toutes les sociétés et toutes les civilisations se sont plaintes de la souffrance de vivre. […] L’étude des langues mortes a été délaissée par une société qui n’a pas de temps à perdre. […] La laideur humaine se cache sous le joli décor de société. […] Car, du jour où les hommes renonceraient à l’hypocrisie, c’en serait fait de la société. […] Si peu mondain soit-il, il a toujours recherché la société de quelques femmes d’élite.
Si donc la poésie ne faisait pas entendre aujourd’hui ce concert de douleur qui annonce le besoin d’une régénération sociale, et si en même temps elle ne jetait pas déjà, dans toutes les âmes capables de la sentir, le germe de cette régénération ; si elle n’y versait pas, avec la douleur de ce qui est, le désir de ce qui doit être ; en un mot si elle n’était pas, ce qu’elle a toujours été, prophétique, nous aurions tort de représenter l’état actuel de la société comme une crise qui doit enfanter une société nouvelle. […] C’est d’abord que leur pensée est devenue plus forte avec l’âge ; c’est ensuite que tout a chancelé autour d’eux ; c’est qu’ils ont vu cette société qu’ils croyaient rentrée dans la voie de la tradition s’en écarter de nouveau ; c’est que cette tentative si bien nommée restauration, qui prétendait rendre à la France son ancien ordre social et religieux, a déçu toutes leurs espérances, partagés qu’ils étaient entre les sentiments de gloire et de liberté de notre âge, et cette gloire du passé qui avait bien de quoi les séduire. […] M. de Chateaubriand s’est chargé de la Restauration de toute manière, comme religion et comme société ; il l’a précédée, introduite dans le monde, exaltée tour à tour et abaissée : il l’a corrigée comme une mère corrige son enfant, abandonnée comme on abandonne un fils ingrat ; et l’enfant s’étant tué à force de folies, il en porte encore le deuil. […] Byron dans tous ses ouvrages et dans toute sa vie, Goethe dans Werther et Faust, Schiller dans les drames de sa jeunesse, Chateaubriand dans René, Benjamin Constant dans Adolphe, Senancourf dans Oberman, Sainte-Beuve dans le livre que nous venons de caractériser, une innombrable foule d’écrivains anglais et allemands, et toute cette littérature de verve délirante, d’audacieuse impiété et d’affreux désespoir qui remplit aujourd’hui nos romans, nos drames et tous nos livres, voilà l’école ou plutôt la famille de poètes que nous appelons Byronienne : poésie inspirée par le sentiment vif et profond de la réalité actuelle, c’est-à-dire de l’état d’anarchie, de doute et de désordre où l’esprit humain est aujourd’hui plongé par suite de la destruction de l’ancien ordre social et religieux (l’ordre théologique-féodal) et de la proclamation du principe de l’Égalité, qui doit engendrer une société nouvelle. […] Seulement l’une, la poésie que nous appelons Byronienne, sort des entrailles mêmes de la société actuelle, si je puis m’exprimer ainsi ; elle découle naturellement de la Philosophie du Dix-Huitième Siècle et de la Révolution Française ; elle est le produit le plus vivant d’une ère de crise et de renouvellement, où tout a dû être mis en doute, parce que, sur les ruines du passé, l’Humanité va commencer l’édification d’un monde nouveau ; tandis que l’autre, bien que progressive en ce qu’elle révèle le même besoin par son retour au Christianisme, est pour ainsi dire l’inspiration du passé voulant vivre dans le présent, le résultat d’une reprise momentanée de l’ancien ordre social et religieux dont l’Humanité, inquiète et reculant d’effroi devant l’enfantement de ses destinées nouvelles, s’est donné à elle-même une représentation avant de le délaisser à jamais : ainsi les Juifs dans le désert, marchant vers la terre promise, recommencèrent un jour à adorer les dieux d’Égypte.
Si je regarde celles des Pensées qui touchent à la société, aux gouvernements, à la justice, aux grands, Pascal voit plus loin que Descartes, dont la politique est de s’accommoder de ce qui est établi ; plus loin que Bossuet, qui bornait ses vues à la monarchie absolue tempérée par des lois fondamentales. […] Le bon père jésuite qui trahit sa société sans le savoir, qui professe honnêtement une méchante morale, sera toujours bien plus dans la nature que Gorgias, lequel, après tout, n’est pas dupe de sa fausse rhétorique. […] Pour peu qu’on le pousse, il va faire des ignominies de cette morale une affaire d’honneur ; et n’y a-t-il pas péril à offenser, dans la personne d’un de ses membres, une société qui permet de tuer pour une pomme ? Une profonde connaissance de l’homme se révèle dons la diversité des tours qu’emploie Pascal, pour se décharger sur le père jésuite de ce qu’il y a de plus dur, dans l’accusation qu’il dresse contre la société. […] Aussi la société moderne se manquerait-elle à elle-même, si Démosthène, défendant sa ville contre l’ambition de Philippe, la touchait plus que Pascal défendant les vérités de la morale, l’honneur chrétien, la vie humaine, au prix où l’a mise le christianisme, contre des sophistes qui autorisaient le vice, la calomnie et l’homicide.
Comme s’il n’y avait eu dans l’ancienne France que la société polie et la cour ! […] Quelle relation existe entre la société polie et la littérature classique ? […] Ce jour-là se révèle le mal profond, et peut-être irrémédiable, de notre société. […] Et leurs fortunes au théâtre ont été aussi diverses qu’elles le sont dans la société. […] Taine pour décrire la société de l’ancien régime, ont puisé leurs renseignements.
Le xvie siècle avait été dans son ensemble une vaste décomposition de l’ancienne société religieuse, catholique, féodale, l’avénement de la philosophie dans les esprits et de la bourgeoisie dans la société. […] Le xvie siècle eut pour mission de réparer ce désordre, de réorganiser la société, la religion, la résistance ; à partir d’Henri IV, il s’annonce ainsi, et dans sa plus haute expression monarchique, dans Louis XIV, il couronne son but avec pompe. […] Aujourd’hui que nous jugeons les choses à distance et par les résultats dégagés, Molière nous semble beaucoup plus radicalement agressif contre la société de son temps qu’il ne crut l’être ; c’est un écueil dont nous devons nous garder en le jugeant. […] Plaute avait-il une arrière-pensée systématique quand il se jouait de l’usure, de la prostitution, de l’esclavage, ces vices et ces ressorts de l’ancienne société ? […] Mais son goût du théâtre l’emporta décidément, et, revenu à Paris, après avoir hanté, dit-on, les tréteaux du Pont-Neuf, suivi de près les Italiens et Scaramouche, il se mit à la tête d’une troupe de comédiens de société, qui devint bientôt une troupe régulière et de profession.
Un original, un amateur, tellement séduit par sa liberté d’imagination, sinon d’action, qu’il en a refusé de s’engager dans aucune des voies régulières de la société, afin de muser dans leurs intervalles, et auquel la société pourra gracieusement octroyer sa pitance, s’il l’amuse, mais sans la lui assurer par contrat Un rêveur, un épicurien de la rêverie et du vagabondage qui pourra être un grand poète comme Jean-Jacques, un mélange de grand poète et de paresseux charmant comme Gérard de Nerval, ou simplement un raté distingué, un bohème pittoresque… Il faut à la société quelques êtres a-sociaux (je ne dis pas anti-sociaux) de cette sorte, pour la détendre. […] Seulement, comme ils sont fort intelligents, ce « tout » qu’ils désirent, ils ne jugent pas que la société le leur doive ni qu’elle pèche contre Dieu en ne venant pas le déposer à leurs pieds. […] La lutte des partis, des doctrines, prend une place importante dans la société. […] Pour qui ne borne pas ses regards à une élite assez peu nombreuse, mais les étend à la masse de la société, il ne s’en est pas vu encore d’aussi puissante que la religion. […] Il a pu y avoir à toute époque des ouvrages qui cherchaient leur clientèle dans la partie ignorante de la société, comme il y a aujourd’hui des feuilletons écrits pour les midinettes et les concierges.
Quoique cette première forme de la philosophie théologique se retrouve avec évidence dans l’histoire intellectuelle de toutes nos sociétés, elle ne domine plus directement aujourd’hui que chez la moins nombreuse des trois grandes races qui composent notre espèce. […] La philosophie théologique n’a été, pendant l’enfance de l’Humanité, la seule propre à systématiser la société que comme étant alors la source exclusive d’une certaine harmonie mentale. […] Pour lui, l’homme proprement dit n’existe pas, il ne peut exister que l’Humanité, puisque tout notre développement est, dû à la société, sous quelque rapport qu’on l’envisage. Si l’idée de société semble encore une abstraction de notre intelligence, c’est surtout en vertu de l’ancien régime philosophique ; car, à vrai dire, c’est à l’idée d’individu qu’appartient un tel caractère, du moins chez notre espèce. […] Ces derniers sont seuls immédiatement aux prises avec la nature, tandis que les premiers ont surtout affaire à la société.
D’abord perdu dans les plus basses classes de la société, puis jeté au milieu d’un monde corrompu, il apprit à mépriser les grands et les petits ; mais il ne put apprendre à se passer de leur estime. […] Aimé Martin et sa charmante femme formaient le fond de cette société de philosophes. […] Comme les plus accrédités d’entre eux n’avaient pas rougi de se déclarer publiquement athées, je me suis trouvé dans la nécessité de combattre leur système destructeur de toute morale et de toute société. […] Il y va de la vérité fondamentale de toute société humaine, du frein à imposer aux méchants qui se feraient une autorité de votre silence, et du repos des gens de bien qui en frémiraient. […] Au milieu de nos sociétés divisée par tant de préjugés, l’âme est dans une agitation continuelle ; elle roule sans cesse en elle-même mille opinions turbulentes et contradictoires, dont les membres d’une société ambitieuse et misérable cherchent à se subjuguer les uns les autres.