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482. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « M. RODOLPHE TÖPFFER » pp. 211-255

Son vœu secret, dès lors, son ambition, eût été d’atteindre aussi à servir un jour le sentiment et la moralité populaire dans ce cadre parlant de la littérature en estampes. […] Un simple outil a, pour l’ouvrier qui s’en sert, sa jeunesse, son âge mûr, ses vieux jours, et excite en lui, selon ses phases diverses, des sentiments divers aussi. […] « Ces relations sont anciennes, elles datent de vingt ans ; elles me sont chères à plus d’un titre, car ce bâton, je le tiens de mon père, y compris la manière de s’en servir et la manière d’en parler. […] Tout au travers passe et repasse plus d’une fois, avec complaisance et non-chaloir, un certain âne qui sert à l’auteur de démonstration familière à ses théories, et cela le mène à venger finalement l’honnête animal, son ami, calomnié par cet autre ami La Fontaine. […] Puis l’impression de sourire tourne bientôt au sérieux, lorsque, dans une prochaine lettre du chantre, on voit que cet orage, qui n’a servi qu’à nourrir la rêverie des amants, a haché les grains, foudroyé un clocher, tué peut-être un sonneur ; on est ramené au côté prosaïque de la vie.

483. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Livre I — Chapitre deuxième »

Mais ces actes ne sont pas assez caractéristiques pour servir de dates dans l’histoire de l’esprit français et de la langue littéraire. […] Froissart demeura cinq ans auprès de la reine Philippe, « qu’il servait de beaux dictiés et de traités amoureux. […] Il était attaché à la maison de Charles, duc de Bourgogne, qu’il accompagna dans ses guerres, et qu’il servit dans ses négociations et ses intrigues. […] Mais il y aurait ingratitude à dire que les ambitieux ne servent pas les langues aux époques de formation, et qu’en particulier Christine de Pisan et les chroniqueurs de Bourgogne n’aient pas été utiles à la nôtre. […] Froissart, c’est le drame sans ses ressorts cachés, sans ce qui l’explique, sans sa moralité ; Comines, c’est le drame complet, moins peut-être quelque mise en scène, qui n’y eût pas beaucoup servi.

484. (1889) Histoire de la littérature française. Tome II (16e éd.) « Chapitre cinquième. De l’influence de certaines institutions sur le perfectionnement de l’esprit français et sur la langue. »

Pour la langue, on ne l’imaginait pas, on la tirait du peuple même ; le plus habile était celui qui se servait le mieux de la langue de tous. […] Ils l’accusaient d’entraver les conceptions du génie de scrupules impertinents et de superstitions puériles ; mais ils n’osaient se servir d’aucun mot mal noté dans ses Remarques. […] Mais ces différences ne servaient qu’à faire les affaires communes, et les caractères n’étaient que des aptitudes particulières, distribuées par Dieu même, aux diverses parties de la tâche de tous. […] Nos pensées ne nous étant révélées que par les signes mêmes qui nous servent à les exprimer, combien ne nous importe-t-il pas, pour être assurés de nos pensées, de connaître à la fois la mécanique et la métaphysique du langage ? La Grammaire générale et raisonnée comprend la nature ou le matériel des signes, leur signification, la manière dont les hommes s’en servent pour exprimer leurs pensées.

485. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Introduction, où l’on traite principalement des sources de cette histoire. »

Le premier, que je présente aujourd’hui au public, traite du fait même qui a servi de point de départ au culte nouveau ; il est rempli tout entier par la personne sublime du fondateur. […] Si une telle mention se fût trouvée dans son ouvrage, Eusèbe, qui relève chez lui tout ce qui sert à l’histoire littéraire du siècle apostolique, en eût sans aucun doute fait la remarque. […] L’accord frappant des textes et des lieux, la merveilleuse harmonie de l’idéal évangélique avec le paysage qui lui servit de cadre furent pour moi comme une révélation. […] On observera, d’ailleurs, la réserve des tours de phrase dont nous nous servons quand il s’agit d’exposer le progrès des idées de Jésus. […] Si l’amour d’un sujet peut servir à en donner l’intelligence, on reconnaîtra aussi, j’espère, que cette condition ne m’a pas manqué.

486. (1881) La psychologie anglaise contemporaine « Introduction »

Si, à l’origine, elles furent empiriques, ce qui est très probable, du moins elles ne tardèrent pas à s’élever jusqu’aux notions abstraites qui leur servent de base et à trouver leur vraie méthode. […] Les Encyclopédistes, tout en continuant à se servir du mot métaphysique, en limitent le sens. […] Cette étude, qui doit servir de point de départ et de base à toutes les autres, est la seule qui ait été cultivée jusqu’ici par les psychologistes. […] L’Ethologie élimine ce dernier élément et n’en tient compte qu’autant qu’il sert à mieux pénétrer le caractère. […] Les premières servent de base aux secondes.

487. (1855) Préface des Chants modernes pp. 1-39

Si nous devons continuer encore longtemps ainsi, il vaut mieux nous taire, car nous ne servons à rien. […] Quand un corps constitué, payé, médaillé, ne sert à rien et entrave la marche des progrès qu’il devrait aider, il perd sa raison d’être et doit être supprimé. […] Une nation vigoureuse encore, malgré ses débilités, est obligé de le soutenir, À l’heure qu’il est, nous servons de béquille au monde catholique, au monde antique, au monde musulman. […] Il y a trop longtemps que le diable sert à diriger les consciences faibles et douteuses ; entre les mains de l’Église, c’est un moyen de gouvernement, et voilà tout. […] Nous avons tout ce qu’il faut devant nous ; l’arsenal des temps modernes est bien garni, et les armes y sont assez riches pour que nous daignions les prendre et nous en servir.

488. (1882) Types littéraires et fantaisies esthétiques pp. 3-340

Il n’y a que le plat à barbe qui lui sert de casque et sa vieille rondache qu’on ne pourrait lui arracher, ni par force ni par prière. […] Charlotte n’est dans sa vie qu’un accident qui sert à précipiter le dénouement ; voilà tout. […] Tout artiste véritable devait pour ainsi dire recommencer l’histoire de l’art dans sa personne et se servir des mêmes éléments dont s’était servi le premier artiste ou le premier poète. […] Je chercherai donc dans l’histoire morale de l’homme un fait historique qui puisse vous servir de point de comparaison pour juger de l’état de mon âme. […] Cet étonnement qui nous fait répéter sans cesse cette phrase qui sert depuis si longtemps : « Ah !

489. (1881) La parole intérieure. Essai de psychologie descriptive « Chapitre premier. Aperçu descriptif. — Histoire de la question »

Elle sert d’intermédiaire entre l’écriture ancienne ou prochaine, et les idées que l’écriture a reçues ou va recevoir en dépôt, entre la pensée qui veut se produire au dehors et la parole audible qui va la répandre. […] Jusqu’à ce qu’on en soit venu à ce point, on parle toujours en soi-même un langage humain et on revêtit ses pensées des paroles dont on se servirait pour les exprimer à un autre. […] « L’esprit, dit-il, est tellement accoutumé à se servir de signes qu’il ne pense plus que par leur moyen, et que des vestiges de sons représentent seuls à l’âme toutes les choses, excepté dans le petit nombre de cas où une certaine affection (affectus aliquis) rappelle l’image même de l’objet. » Bonald semble n’avoir pas bien saisi le sens de cette phrase67. […] Bonald, observateur médiocre, avait fait de la parole intérieure une description insuffisante ; telle qu’elle était, cette description lui avait servi de base pour édifier tout un système de métaphysique. […] Pour servir de suite aux Salons, Œuvres complètes, Garnier Frères, t. 

490. (1796) De l’influence des passions sur le bonheur des individus et des nations « Section première. Des passions. — Chapitre V. Du jeu, de l’avarice, de l’ivresse, etc. »

quelle irrécusable preuve de malheur, que ce besoin d’éviter le cours naturel de la vie, d’enivrer les facultés qui servent à la juger ! […] Les mots qui servent aux autres passions, sont très souvent empruntés de celle-là, parce qu’elle est une image matérielle de tous les sentiments qui s’appliquent à de plus grandes circonstances ; ainsi, l’amour du jeu aide à comprendre l’amour de la gloire, et l’amour de la gloire à son tour explique l’amour du jeu.

491. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Troisième partie. Beaux-arts et littérature. — Livre quatrième. Éloquence. — Chapitre IV. Bossuet orateur. »

L’évêque de Meaux a créé une langue que lui seul a parlée, où souvent le terme le plus simple et l’idée la plus relevée, l’expression la plus commune et l’image la plus terrible, servent, comme dans l’Écriture, à se donner des dimensions énormes et frappantes. […] » Le poète (on nous pardonnera de donner à Bossuet un titre qui fait la gloire de David), le poète continue de se faire entendre ; il ne touche plus la corde inspirée ; mais, baissant sa lyre d’un ton jusqu’à ce mode dont Salomon se servit pour chanter les troupeaux du mont Galaad, il soupire ces paroles paisibles : « Dans la solitude de Sainte-Fare, autant éloignée des voies du siècle, que sa bienheureuse situation la sépare de tout commerce du monde ; dans cette sainte montagne que Dieu avait choisie depuis mille ans ; où les épouses de Jésus-Christ faisaient revivre la beauté des anciens jours ; où les joies de la terre étaient inconnues ; où les vestiges des hommes du monde, des curieux et des vagabonds ne paraissaient pas ; sous la conduite de la sainte Abbesse, qui savait donner le lait aux enfants aussi bien que le pain aux forts, les commencements de la princesse Anne étaient heureux200. » Cette page, qu’on dirait extraite du livre de Ruth, n’a point épuisé le pinceau de Bossuet ; il lui reste encore assez de cette antique et douce couleur pour peindre une mort heureuse.

492. (1856) Leçons de physiologie expérimentale appliquée à la médecine. Tome II

Tous les efforts des anatomistes ont été impuissants pour dire à quoi pouvaient servir ces organes. […] Mais ce n’est pas, je le répète, en me demandant à quoi pouvait servir le foie, d’après la structure anatomique de cet organe. […] On se sert de différents moyens, suivant le but que l’on se propose. […] On se sert à cet effet du petit bouchon de liège muni d’une tige. […] On peut démontrer de plusieurs manières que le suc pancréatique sert à la digestion des matières grasses.

493. (1826) Mélanges littéraires pp. 1-457

Il aime sa patrie et sert puissamment au maintien des lois. […] L’émigration du clergé français a beaucoup servi à répandre ces idées. […] C’est quelque météore qui te servira de flambeau, et t’éclairera sur la route de Mantoue. […] Les sauvages s’étaient engagés à me servir d’interprètes et de chasseurs. […] Mais si par hasard nous servions tous deux la même Dame ?

494. (1880) Études critiques sur l’histoire de la littérature française. Première série pp. 1-336

» En vérité, je demande à quoi peut bien servir, dans un texte imprimé pour l’usage de la lecture, à ce que je suppose, le pédantesque étalage de cette orthographe bizarre ? […] Commençait-il plutôt « par une peinture de l’homme, dans laquelle il n’oubliait rien de ce qui peut servir à le faire connaître » ? […] La bonne manière de s’en servir, le plus ordinairement, c’est de le prendre comme un exemple entre mille autres. […] A quoi servirait-il de multiplier les exemples ? […] Tout écrivain a calculé que son talent est une force, comme la fortune, comme la naissance, et une force dont il faut savoir se servir.

495. (1903) La vie et les livres. Sixième série pp. 1-297

Servit sous Dumouriez en Hollande (1792-1793). […] Hoche, sous lequel il servit quelque temps, le nota ainsi : « Général sans-culotte ». […] Le hasard me servit pour jouir de ce spectacle. […] Maintenant, à quoi vous sert Pondichéry ? […] Père et mère servent leurs enfants…, le père davantage peut-être encore que la mère.

496. (1857) Cours familier de littérature. IV « XXIIe entretien. Sur le caractère et les œuvres de Béranger » pp. 253-364

Les rois boiront Tous en rond, Les lauriers serviront D’échalas à nos vignes. […] Les tribuns ambitieux se servent de cette langue des démagogues, tout en les redoutant, comme on se sert de la poudre pour faire éclater le rocher. Béranger a eu le tort de s’en servir quelquefois dans ses chansons de guerre contre le gouvernement des Bourbons. […] J’avais même cessé avec scrupule de voir le roi que je ne pouvais en conscience ni approuver ni servir. […] Une des femmes qui le servaient dans ses derniers mois raconte qu’elle le surprit quelquefois agenouillé dans sa chambre, les mains jointes sur le bord du lit, comme l’enfant qui se souvient des attitudes de sa mère.

497. (1857) Articles justificatifs pour Charles Baudelaire, auteur des « Fleurs du mal » pp. 1-33

Supposez une fantaisie sinistre qui manque aux fantaisies du conteur américain, une imagination qui va de pair avec ses imaginations désordonnées ; supposez, dans un palais comme celui du prince Prospero, par exemple, à la suite des sept grandes salles éclairées du côté du corridor par leurs fenêtres flamboyantes, une serre de vitrage disposée pour servir de jardin d’hiver. […] Ce qui empêchera le désastre de ce poison, servi dans cette coupe, c’est sa force ! […] On lui sert des tragédies vulgaires, sans invention et sans style ; on lui dit : C’est du Corneille ; elle y va, et elle applaudit. […] On emprunte les pensées avec le langage ; ou plutôt on se sert d’une langue riche pour déguiser le néant de sa pensée et la nullité de son tempérament. […] Ils pourront servir de bornes lumineuses à une nouvelle génération de coureurs poétiques.

498. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Sully, ses Économies royales ou Mémoires. — III. (Fin.) » pp. 175-194

Tous les mois Rosny fait sa visite à l’armée à la tête de son convoi : il fait voiturer avec lui cent cinquante mille écus pour la montre ou solde ; cette vue réjouit les cœurs, « tous les capitaines et soldats criant tout haut qu’il paraissait bien maintenant que le roi avait mis en ses finances un gentilhomme d’illustre maison, qui était bon Français, bon soldat et en avait toujours fait le métier, puisqu’il servait si bien le roi et la France… ». […] Rosny pourtant n’est pas de ceux qui la souhaitent en toute circonstance, et, quand il voit l’année suivante le duc de Savoie venir en France (1599) et essayer de tromper la générosité de Henri IV, il est le premier à conseiller au roi de reconduire ce duc astucieux avec une escorte de quinze mille hommes et de vingt canons jusqu’à la frontière, sauf à s’en servir aussitôt après. […] Adieu, mon ami que j’aime bien ; continuez à me bien servir, mais non pas à faire le fol et le simple soldat. […] Or, combien que j’y reconnaisse une partie de ses défauts, et que je sois contraint de lui tenir quelquefois la main haute quand je suis en mauvaise humeur, qu’il me lâche ou qu’il s’échappe en ses fantaisies, néanmoins je ne laisse pas de l’aimer, d’en endurer, de l’estimer et de m’en bien et utilement servir, pource que d’ailleurs je reconnais que véritablement il aime ma personne, qu’il a intérêt que je vive, et désire avec passion la gloire, l’honneur et la grandeur de moi et de mon royaume ; aussi qu’il n’a rien de malin dans le cœur, a l’esprit fort industrieux et fertile en expédients, est grand ménager de mon bien ; homme fort laborieux et diligent, qui essaye de ne rien ignorer et de se rendre capable de toutes sortes d’affaires, de paix et de guerre ; qui écrit et parle assez bien, d’un style qui me plaît, pource qu’il sent son soldat et son homme d’État : bref, il faut que je vous confesse que, nonobstant toutes ses bizarreries et promptitudes, je ne trouve personne qui me console si puissamment que lui en tous mes chagrins, ennuis et fâcheries.

499. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « William Cowper, ou de la poésie domestique (I, II et III) — II » pp. 159-177

Je suis un brave drapier qu’on estime à la ronde : certainement, pour cette fête, mon ami le décatisseur me prêtera sa bête. » Il est convenu aussi qu’on emportera le vin du logis, car le vin cette année-là est cher. « Le matin venu, la chaise s’avance, mais non jusqu’à la porte, afin qu’on ne puisse pas dire que Mme Gilpin est fière. » Surviennent les contretemps du voyage : au moment où part la chaise de poste, Gilpin, prêt à la suivre et déjà en selle, voit arriver trois pratiques ; on ne refuse jamais des pratiques, et il met pied à terre pour les servir. […] Le fameux Cavalier malgré lui avait servi comme de courrier pour préparer l’entrée à l’œuvre délicate et sévère. […] Puis l’invention commença, grossière en naissant et pesante : on eut l’escabeau à trois pieds, la table massive qui servait de siège : l’immortel Alfred n’avait point d’autre trône, et c’est de là que, sceptre en main, il vendait la justice à ses royaumes enfants. […] Là, sur la levée, se tient fermement enraciné notre bouquet d’ormes favoris, que notre regard au passage n’oublie jamais, et qui servent de rideau à la cabane solitaire du berger ; tandis que loin, à travers et par-delà le courant qui de ses flots, comme d’un verre fondu, incruste la vallée, le terrain en pente recule jusque vers les nuages, déroulant dans sa variété infinie la grâce de ses nombreuses rangées de baies, la tour carrée, la haute flèche d’où le son joyeux de la cloche vient expirer en ondulant jusqu’à l’oreille qui l’écoute, des bosquets, des bruyères, et des villages fumant dans le lointain. — Ces scènes-là doivent être belles qui, vues chaque jour, plaisent chaque jour, et dont la nouveauté survit à l’habitude et au long examen des années.

500. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Le baron de Besenval » pp. 492-510

Le baron de Besenval (prononcez Bessval ou Beusval pour faire comme l’ancienne société et avoir l’air familier avec le nom) naquit vers 1721 à Soleure, ou du moins d’une famille patricienne de Soleure, qui servait déjà la France. […] Rulhièreaq, dans le temps qu’il travaillait à son Histoire de Pologne, fit à Besenval la galanterie de lui copier l’une de ces dépêches de son père (1716), où l’on trouve l’idée, depuis attribuée à d’autres, de se servir de l’esprit aventurier de Charles XII pour le lancer sur l’Angleterre, à l’appui d’un coup de main du prétendant, le chevalier de Saint-Georges. […] Ce n’est point là pourtant l’impression qu’il doit faire ; Besenval fut un homme constamment heureux, et qui se piquait de l’être : « Ne me sachez pas gré de mon bonheur, écrivait-il en 1787 à une dame de ses compatriotes ; le hasard seul en fait les frais et m’a toujours bien servi. […] M. de Levis, dans le portrait qu’il a tracé de Besenval, commence en ces termes : Le baron de Besenval était un officier suisse qui avait servi avec distinction pendant la guerre de Sept Ans ; il joignait à l’intrépidité qui de tout temps a caractérisé sa nation ce feu de valeur qui paraît appartenir à la nôtre ; il avait une belle taille, une figure agréable, de l’esprit, de l’audace : que faut-il de plus pour réussir ?

501. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Divers écrits de M. H. Taine — I » pp. 249-267

Mais il avait des yeux et des oreilles, et faut-il croire qu’il ne s’en soit jamais servi ? […] ce serait La Fontaine. — Un jour que, devant une toile de Raphaël, un de nos peintres modernes, grand esthéticien encore plus que peintre, homme à vastes idées et à plans grandioses, avait développé devant quelques élèves une de ces théories sur l’art chrétien et sur l’art de la Renaissance, où le nom de Raphaël sans cesse invoqué sert de prétexte, il se retourna tout d’un coup en s’éloignant, et, en homme d’esprit qu’il est, il s’écria : « Et dire que s’il nous avait entendus, il n’y aurait rien compris !  […] Je sais que les points de vue changent et se déplacent ; qu’en avançant dans la marche, et d’étape en étape, de nouvelles perspectives s’ouvrent vers le passé et y jettent des lumières parfois imprévues ; que si, dans les œuvres déjà anciennes, de certains aspects s’obscurcissent et disparaissent, d’autres se détachent mieux et s’éclairent ; que des rapports plus généraux s’établissent, et que, dans la série des monuments de l’art, il y a un juste lointain qui non seulement n’est pas défavorable, mais qui sert à mieux donner les proportions et la mesure. […] Il est peu de pages plus belles que celles qu’il a consacrées à décrire ce qu’on voit du haut du Bergonz, montagne située derrière Luz, et qui est fort bien placée pour servir de belvédère sur l’ensemble des Pyrénées ; c’est le point central du livre et du tableau : Quelle vue !

502. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « Œuvres complètes de Molière »

 » Sur ce bahut est posé un petit coffre contenant un autre coffret ; le plus petit de ces coffrets couvert « de même tapisserie » devait servir à serrer les bijoux. […] Les objets de piété ne sont pas moins riches : aux chapelets en nacre de perle sont suspendus « un petit Saint-Esprit d’or où il y a un diamant », des croix d’or et un reliquaire en cristal ; le bouton du signet, qui sert à marquer les pages du livre d’heures, est orné de perles fines ; les petits anneaux d’or donnés par la grand-mère Marie Asselin (Mme Cressé) à sa petite-fille Madeleine Poquelin sont encadrés dans « une bordure de pièces d’or avec petites perles. […] Parmi tous ces objets on aime à voir Marie Cressé conserver avec soin, dans un coffret couvert de tapisserie, le linge qui a servi à ses enfants sur les fonts de baptême. » Le père de Mme Poquelin, Louis de Cressé (car il prenait le de), qui avait si bien pourvu et doté sa fille, possédait lui-même à Saint-Ouen, dans la Grande-Rue, une belle propriété avec cour, étables et jardin. […] Soulié, que, le dimanche, dans la belle saison, on devait conduire les enfants chez leur grand-père pour leur faire prendre l’air des champs : « L’inventaire des objets restés dans la chambre de cette maison, occupée par les époux Poquelin, prouve qu’on trouvait là tout ce qui était nécessaire pour passer une nuit ; on n’y a oublié ni les boules de buis qui servaient sans doute de jouets aux enfants, ni la paire de verges destinée à les corriger. » Ce confort, cette opulence domestique de la maison Poquelin, tenaient en partie à la présence de la femme dans la maison : il est permis de le penser ; du moins, dans le dernier inventaire fait chez Jean Poquelin bien des années après, tout dénote négligence, désordre et abandon ; ce père, en vieillissant, n’était plus le même.

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