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929. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Réception de M. Vitet à l’Académie française. »

Vitet eut pour mission d’appliquer aux beaux-arts les principes de cette psychologie qui venait enfin, on le croyait, d’être rendue à ses hautes sources : qu’il parlât musique, qu’il traitât d’architecture surtout, comme plus tard de peinture, il multiplia et fit fructifier en tous sens la branche féconde. […] Prenez épigrammes, non dans le sens particulier de Martial, mais dans le sens plus général de petites pièces, y compris les idylles, comme les anciens l’entendaient d’ordinaire.

930. (1874) Premiers lundis. Tome II « Chronique littéraire »

Quoi qu’il en soit, il est bien sûr pour nous, en ce moment, que le siècle va grand train, qu’une étrange activité l’accélère dans tous les sens ; qu’à lui tâter le pouls chaque matin, sa vie semble une fièvre, et que, si dans cette fièvre il entre bien des émotions passagères, de mauvais caprices, d’engouements à la minute, il y a aussi là-dedans de bien nobles palpitations, une sérieuse flamme, des torrents de vie et de génie, et toute la marche d’un grand dessein qui s’enfante. […] Dans la prochaine livraison de la Revue, l’un de nos collaborateurs examinera à loisir et en détail cette production si profonde et si savante du chansonnier populaire ; mais, quant à l’effet politique, au sens social, il ressort de lui-même et se perçoit vivement. […] L’attente était grande, bruyante, mais non orageuse ; des sentiments divers planaient en rameur sur cette multitude passionnée ; on demandait le Chant du Départ, on chantait la Marseillaise ; puis la toile, se levant avec lenteur, découvrit une vue merveilleuse de Venise que saluèrent mille applaudissements : « Admirable jeunesse, me disais-je, qui trouves place en toi pour toutes les émotions, qui aspires et t’enflammes à tous les prestiges ; va, tu seras grande dans le siècle, si tu sais ne pas trop t’égarer, si tu réalises bientôt le quart seulement de ce que tu sens, de ce que tu exhales à cette heure ! 

931. (1875) Premiers lundis. Tome III « M. Troplong : De la chute de la République romaine »

L’histoire de ces temps peut donc servir à la nôtre, ou plutôt le spectacle de ce que nous avons eu sous les yeux et le sentiment de ce que nous avons observé nous-mêmes peuvent nous servir à entendre complètement cette histoire du passé ; car c’est moins l’histoire ancienne qui, en général, éclaire le présent, que l’expérience du présent qui sert à rendre tout leur sens et toute leur clarté aux tableaux transmis et plus ou moins effacés des anciennes histoires. […] Tenir à la fois présents tous les ressorts, y avoir l’œil pour les tendre et les détendre insensiblement : prendre une détermination dans les crises, la maintenir ou ne la modifier qu’autant qu’il faut pendant les difficultés et les lenteurs de l’exécution ; être naturellement secret ; porter légèrement tout ce poids sans que le front en ait un nuage ; entremêler la paix à la guerre, et, sans faiblir, les mener de front, songer en toutes deux au nécessaire, c’est-à-dire aussi, chez de certaines nations, à la grandeur des résultats et à la gloire : dans le même temps exalter les courages et continuer d’apaiser les passions, les tenir comprimées de telle sorte que les gens de bien, selon la belle expression de Richelieu, dorment en paix à l’ombre de vos veilles, et que les laborieux dont la masse de la société se compose se livrent en tous sens au développement légitime de leur activité, que dis-je ? […] Il ne tient pas à lui qu’on ne croie qu’il ne suffisait à César que de vouloir dans un autre sens pour faire renaître la République romaine plus florissante et plus intègre que jamais.

932. (1889) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Quatrième série « Baudelaire, Œuvres posthumes et Correspondances inédites, précédées d’une étude biographique, par Eugène Crépet. »

Il y en a qui reposent tout entiers sur un mot détourné de son sens. […] Le paganisme et le christianisme se prouvent réciproquement. » Le pire, c’est que je sens ce malheureux parfaitement incapable de développer ces notes sibyllines. […] Ce dégoût bien qu’il l’exprime le plus souvent avec une insupportable affectation, je le crois, je le sens sincère.

933. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre VII. Développement des idées de Jésus sur le Royaume de Dieu. »

Mais Jésus lui donnait un sens moral, une portée sociale que l’auteur même du Livre de Daniel, dans son enthousiasme apocalyptique avait à peine osé entrevoir. […] Le christianisme, en ce sens, a beaucoup contribué à affaiblir le sentiment des devoirs du citoyen et à livrer le monde au pouvoir absolu des faits accomplis. […] Il a raison en un sens, car toute direction exclusive est préjudiciable au bon gouvernement des choses humaines.

934. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre XVIII. Institutions de Jésus. »

Ce qu’il y a de certain, c’est qu’il avait pour les apôtres des enseignements réservés, et qu’il leur développait plusieurs paraboles, dont il laissait le sens indécis pour le vulgaire 825. […] Aussi, à l’exception de l’Apocalypse, qui fut en un sens le seul livre révélé du christianisme naissant, tous les autres écrits de l’âge apostolique sont-ils des ouvrages de circonstance, n’ayant nullement la prétention de fournir un ensemble dogmatique complet. […] Impossible de traduire dans notre idiome essentiellement déterminé, où la distinction rigoureuse du sens propre et de la métaphore doit toujours être faite, des habitudes de style dont le caractère essentiel est de prêter à la métaphore, ou pour mieux dire à l’idée, une pleine réalité.

935. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Troisième partie — Section 2, de la musique rithmique » pp. 20-41

Je pourrois encore citer plusieurs passages d’anciens auteurs latins qui ont emploïé les termes de modi et de modulatio dans un sens aussi étendu ; mais pour convaincre le lecteur qu’on s’en servoit communément pour dire toute la composition, il suffira de rapporter la définition que fait du mot de modulation, Diomede grammairien, qui a vécu avant la destruction de l’empire romain. […] hic veteres… etc. " ceux qui les premiers ont fait profession de composer la déclamation des pieces de théatre et de les faire representer sur la scene, en ont usé très-sagement quand ils ont reglé que chaque geste commençât avec un sens, et qu’il finît en même temps que ce sens-là.

936. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre XXV. Mme Clarisse Bader »

Je ne suis point de ceux qui pensent que les femmes puissent faire de l’histoire, dans le sens réel et vigoureux de ce mot. […] Elle est institutrice, dans le sens religieux et moral, comme Mme André Léo l’est dans le sens de la plus piètre philosophie… Le malheur des femmes dont la destinée est de séduire, c’est, quand elles écrivent, d’endoctriner.

937. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « La Grèce antique »

Grâce à un sens critique et une sûreté d’érudition dont nous parlerons tout à l’heure, il nous aide merveilleusement à séparer l’art et l’artiste des réalités de l’Histoire. […] Malgré des différences bien plus dans la forme que dans le sens des choses, toutes les législations de la Grèce reçurent l’influence de ces deux législations. […] Assurément, le Christianisme, qui élève les mœurs de la famille à une hauteur après laquelle il n’y a plus à monter, le Christianisme, qui remplace le despotisme du père par l’intervention de la mère et des autres parents, devait avoir de mortelles peines à s’établir dans un pays où ne subsistait pas la famille au sens que ce mot rappelle à nos affections comme à nos devoirs.

938. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « Jacques Cœur et Charles VII »

Doué de l’intelligence historique qui voit bien dans la direction des faits, mais qui ne les ploie jamais sous la pression d’un système ou sous le despotisme d’une force trop personnelle, Pierre Clément est exceptionnel dans ce sens qu’en matière d’histoire, maintenant, on a plus de tendance à élargir ses horizons qu’à les réduire, à noyer son regard qu’à le ramasser. […] C’était l’asservissement à une âme impérieuse d’une âme faible, en proie à tous les ennuis du plaisir et du favoritisme ; c’était le croupissement des sens et du cœur, qu’il faut bien se garder de confondre avec cette facilité des âmes fortes et qu’on ne voudrait voir qu’aux âmes pures : la fidélité. […] Ces interprétations de grands esprits qui nous font penser dans le sens de leur propre pensée, ces espèces de torsions imprimées à la réalité toute droite sous la main artiste qui sait la ployer et la reployer à son gré autour d’une idée, étouffent toujours un peu l’histoire et la meurtrissent.

939. (1880) Goethe et Diderot « Note : entretiens de Goethe et d’Eckermann Traduits par M. J.-N. Charles »

Charles dans le titre même de sa publication, ce livre, autour duquel on veut émoustiller la pensée publique dans un sens favorable à Gœthe, était à peu près inconnu, mais avait paru en français. […] Je l’acceptais surtout, Gœthe, comme ayant le sens anti-allemand, anti-enthousiaste, anti-niais, le sens sagace, suraigu, objectif !

940. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « Michelet » pp. 259-274

Mais ces feuilles sont quelquefois divines d’inspiration et d’intuition, et elles le seraient toujours, si son sens réfléchi (son sens de révolté, dirait Hello,) ne brouillait pas son sens intuitif.

941. (1904) Les œuvres et les hommes. Romanciers d’hier et d’avant-hier. XIX « Stendhal et Balzac » pp. 1-16

Ne peut-on pas modifier le mot de Franklin, et dire aussi qu’en matière de librairie, si on savait ce que doivent rapporter le sens et la préoccupation littéraires, chaque libraire s’efforcerait d’être littéraire, par intérêt bien entendu de commerçant ? […] Mais une fois mort, la Justice, qui est encore, je crois, plus boiteuse que la Prière, atteint enfin ce mausolée immobile, et le douloureux logogriphe de la vie qui n’avait pas de sens trouve enfin son mot quand la vie n’est plus ! […] Le large tribut d’admiration que Balzac a payé à Beyle n’est que la reconnaissance légitime d’un légataire pour son bienfaiteur. » À notre sens, le spirituel passionne de l’Amour manque profondément de justice.

942. (1904) Les œuvres et les hommes. Romanciers d’hier et d’avant-hier. XIX « Édouard Gourdon et Antoine Gandon » pp. 79-94

La Louise 10 d’Édouard Gourdon est, au contraire, une œuvre courte, fine, passionnée, sans grands événements extérieurs, un de ces livres dont le sens se perd un jour mais se retrouve l’autre, car il est éternel comme le cœur ; livres brefs, mais pleins, qui n’ont besoin pour intéresser le lecteur que d’une seule situation profondément creusée ou d’un seul sentiment éloquemment exprimé. […] Voilà ce sur quoi il n’a point assez appuyé, et ce qui a ôté à son livre tout sens profond en nature humaine et aussi en moralité. […] Édouard Gourdon a cru peut-être les avoir mis tous les trois en un seul dans son roman de Louise, mais en les fondant ainsi, qu’il nous permette le jeu de mots parce qu’il a un sens sérieux !

943. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XXXVI. Des éloges académiques ; des éloges des savants, par M. de Fontenelle, et de quelques autres. »

Tous les objets dont on s’y occupe sont grands, et en même temps sont utiles ; c’est l’empire des connaissances humaines ; c’est là que vous voyez paraître tour à tour la géométrie qui analyse les grandeurs, et ouvre à la physique les portes de la nature ; l’algèbre, espèce de langue qui représente, par un signe, une suite innombrable de pensées, espèce de guide, qui marche un bandeau sur les yeux, et qui, à travers les nuages, poursuit et atteint ce qu’il ne connaît pas ; l’astronomie, qui mesure le soleil, compte les mondes, et de cent soixante-cinq millions de lieues, tire des lignes de communication avec l’homme ; la géographie, qui connaît la terre par les cieux ; la navigation, qui demande sa route aux satellites de Jupiter, et que ces astres guident en s’éclipsant ; la manœuvre, qui, par le calcul des résistances et des forces, apprend à marcher sur les mers ; la science des eaux, qui mesure, sépare, unit, fait voyager, fait monter, fait descendre les fleuves, et les travaille, pour ainsi dire, de la main de l’homme ; le génie qui sert dans les combats ; la mécanique qui multiplie les forces par le mouvement, et les arts par l’industrie, et sous des mains stupides crée des prodiges ; l’optique qui donne à l’homme un nouveau sens, comme la mécanique lui donne de nouveaux bras ; enfin les sciences qui s’occupent uniquement de notre conservation ; l’anatomie par l’étude des corps organisés et sensibles ; la botanique par celle des végétaux ; la chimie par la décomposition des liqueurs, des minéraux et des plantes ; et la science, aussi dangereuse que sublime, qui naît des trois ensemble, et qui applique leurs lumières réunies aux maux physiques qui nous désolent. […] Enfin, vous voyez ces hommes extraordinaires se faire presque tous un régime pour la pensée, ménager avec économie toutes leurs forces, et quelques pas même, par la vie la plus austère, s’affranchir, autant qu’ils le peuvent, de l’empire des sens, pour que leur âme, dès qu’ils l’appellent, se trouve indépendante et libre. […] Celui qui a ce ressort dans l’âme a un sens de plus, et il doit remercier la nature81.

944. (1859) Cours familier de littérature. VII « XXXVIIe entretien. La littérature des sens. La peinture. Léopold Robert (2e partie) » pp. 5-80

La littérature des sens. […] Une inclination qui n’a pour objet que les sens tourmente et abaisse ; celle qui ne s’attache qu’à la beauté de l’âme, à la bonté du cœur, aux charmes de l’esprit, ne peut qu’élever. […] La critique, qui constate la gloire comme l’ombre constate le corps quand il y a du soleil en haut, n’a pas cessé non plus de protester contre notre enthousiasme à nous ignorants ; mais l’ignorance aura le dernier mot, car elle est l’instinct des sens et de l’âme. L’âme et les sens ne se trompent pas, tandis que la critique se trompe et que l’envie blasphème au lieu de juger. Léopold Robert survivra, parce qu’il est, comme le tendre et pieux Scheffer, qui vient de mourir, un novateur, un initiateur, un inventeur d’un nouveau genre de peinture : la peinture d’expression, la peinture spiritualiste, la peinture qui vient de l’âme, qui s’adresse à l’âme, qui émeut l’âme presque sans passer par les sens.

945. (1767) Salon de 1767 « Peintures — La Grenée » pp. 90-121

La nature nous départit à tous, par l’entremise de sens, une multitude de petits cartons sur lesquels elle a tracés le profil de la vérité. […] La découpure de l’homme d’un grand sens, et d’un grand goût, en approche le plus. […] çà, mettez votre esprit à la torture, et dites-moi le sens qu’il y a là dedans. […] Mais dites-moi s’il y a du sens à l’avoir vêtue et si modestement vêtue. […] Je sens que l’ennui et l’humeur me gagnent.

946. (1896) Matière et mémoire. Essai sur la relation du corps à l’esprit « Chapitre III. De la survivance des images. La mémoire et l’esprit »

. — Nous devrions donc dire que l’existence, au sens empirique du mot, implique toujours à la fois, mais à des degrés différents, l’appréhension consciente et la connexion régulière. […] Le bon sens, ou sens pratique, n’est vraisemblablement pas autre chose. […] En un sens, tous ses souvenirs différeraient de sa perception actuelle, car, si on les prend avec la multiplicité de leurs détails, deux souvenirs ne sont jamais identiquement la même chose. Mais, en un autre sens, un souvenir quelconque pourrait être rapproché de la situation présente : il suffirait de négliger, dans cette perception et dans ce souvenir, assez de détails pour que la ressemblance seule apparût. […] En ce sens le cerveau contribue à rappeler le souvenir utile, mais plus encore à écarter provisoirement tous les autres.

947. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Froissart. — I. » pp. 80-97

Il n’y a pas de plus ample information que la sienne (historia dans le sens d’Hérodote) ; il n’en est pas, pour les bonnes parties, de plus facilement et lumineusement exposée et ordonnée. […] Cette curiosité en tous sens, et qui ne se lassait jamais, équivalait à une impartialité véritable ; car, dès qu’il sentait qu’une information lui manquait, il ne pouvait s’empêcher d’aller s’en enquérir, et, dès qu’il savait le fait nouveau, il le couchait par écrit à l’instant. […] sens, mémoire et bonne souvenance de toutes les choses passées, esprit clair et aigu pour concevoir tous les faits dont je pourrois être informé, âge, corps et membres pour souffrir peine24, je m’avisai que je ne voulois point tarder de poursuivre ma matière ; et pour savoir la vérité des lointaines besoignes et entreprises, sans que j’y envoyasse aucune autre personne en mon lieu, je pris voie et occasion raisonnable d’aller devers haut prince et redouté seigneur monseigneur Gaston, comte de Foix et de Béarn… Le comte de Foix ne l’a jamais vu, mais il le connaît de réputation et a bien souvent entendu parler de lui. […] Froissart est également loin de ces ardeurs et de ces colères en sens opposé.

948. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Fénelon. Sa correspondance spirituelle et politique. — II. (Fin.) » pp. 36-54

Le duc de Chevreuse n’en profita pas tout à fait dans le sens et dans l’esprit qu’il aurait fallu. […] Le malheureux combat d’Oudenarde, avec les circonstances qui l’accompagnèrent et qu’exploitèrent si bien en leur sens les amis de M. de Vendôme, fut un mortel échec à la réputation du duc de Bourgogne, et aussi un coup de poignard pour l’âme délicate et fière de Fénelon. Celui-ci aurait voulu que le jeune prince fît face à l’orage, qu’il demeurât à la tête de l’armée jusqu’à la fin de la campagne, qu’il cherchât à prendre quelque revanche sur la fortune ; il le lui disait non plus sur un ton de directeur spirituel et de précepteur, mais sur le ton d’homme d’honneur et de galant homme qui sent la générosité de conduite dans tous les sens : Quand un grand prince comme vous, Monseigneur, ne peut pas acquérir de la gloire par des succès éclatants, il faut au moins qu’il tâche d’en acquérir par sa fermeté, par son génie et par ses ressources dans les tristes événements. […] Le duc de Bourgogne, en disparaissant dans sa fleur, est resté une de ces espérances confuses et flatteuses que chacun a pu ensuite traduire et chercher à interpréter en son sens.

949. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Charron — I » pp. 236-253

Au commencement du xviiie  siècle, Bolingbroke, écrivant à l’abbé Alary et lui citant un passage de Charron qu’il trouvait admirable, disait encore : « Charron, qui avait autant d’esprit et plus de sens que son compatriote Montaigne. » Je voudrais, en parlant aujourd’hui de Charron, bien établir le caractère de son mérite et son exact rapport avec Montaigne. […] Il a écrit dans son livre De la sagesse, en distinguant chez les hommes les divers genres de vie, soit tout à fait privée et intérieure, soit de famille, soit publique, que « de ces trois vies, interne, domestique, publique, qui n’en a qu’une à mener, comme les ermites, a bien meilleur marché de conduire et ordonner sa vie, que celui qui en a deux ; et celui qui n’en a que deux, est de plus aisée condition, que celui qui a toutes les trois. » Serait-ce dans ce sens tout philosophique qu’il voulait devenir ermite ou religieux ? […] Bayle a déjà remarqué, en s’en réjouissant et en s’en emparant dans un sens quelque peu équivoque, que Charron n’affaiblit jamais et n’énerve point les objections qu’il expose, et il a l’air de croire que ce n’est pas sans dessein que les réponses ne sont pas toujours aussi fortes chez lui que les objections mêmes. […] Laissons ces discussions sujettes à piège, et exposons dans son ensemble le sens désormais évident et la direction incontenable, tant de la théologie que de la philosophie de Charron.

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