/ 3404
918. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Études sur Blaise Pascal par M. A. Vinet. »

Aujourd’hui le débat peut être considéré comme à peu près clos ; et, sans parler de l’état des esprits qui ont assez à faire ailleurs, toutes les raisons, tous les arguments sont sortis tour à tour, tellement que la question semble épuisée. […] Vous semblez, monsieur, confesser les auteurs que vous critiquez ; et vos conseils ont quelque chose d’intime comme ceux de la conscience. […] Il me semble qu’après beaucoup d’éloges un peu de sympathie doit vous plaire ; j’offre la mienne à l’emploi que vous faites de votre talent, qui ne s’est pas contenté d’intéresser l’imagination et d’effleurer l’âme, mais qui veille aux intérêts sacrés de la vie humaine ; et moi, qu’une espérance sérieuse a pu seule faire écrivain, je suis heureux que vous ayez reconnu en moi cette intention, que vous l’ayez aimée ; et j’accepte avec reconnaissance les vœux par où vous terminez votre article.

919. (1874) Premiers lundis. Tome I « Madame de Maintenon et la Princesse des Ursins — I »

Il semble que tout soit dit sur madame de Maintenon. La comparaison n’est pas à son avantage dans cette correspondance ; en face du caractère viril et décidé de son amie, le sien semble plus mesquin et plus monastique que jamais. […] Ils devraient, ce me semble, laisser leurs disputes jusqu’à ce que la paix générale fût faite, et ensuite recommencer leurs guerres civiles, s’arracher leurs bonnets de la tête, s’ils en avaient envie ; mais présentement nous avons des choses plus sérieuses ; et pour moi, j’ai si fort regardé ces deux partis avec indifférence, que je n’ai pas voulu presque en entendre parler, et que je cherche toujours mes confesseurs exempts de haine ou d’amitié pour eux. » Grâce à madame des Ursins et à la reine d’Espagne, princesse remplie de force et de prudence, l’intérieur de cette cour demeura libre de toute intrigue religieuse, quoique le roi Philippe méritât d’être appelé un grand saint ; et, malgré l’exemple de la France, on n’eut à s’occuper en Espagne que des soins de la guerre.

920. (1874) Premiers lundis. Tome I « Tacite »

On nous permettra donc de revenir un peu longuement sur une opinion si pleine d’autorité en pareille matière, d’autant plus, selon nous, que, bien comprise, modifiée en quelques points et réduite à ses vrais termes, elle nous semble fort recevable, sans que, pour cela, il en résulte rien de fâcheux pour les prétentions des traducteurs vulgaires, et encore moins pour l’honneur des traducteurs éminents comme M.  […] Rollin, dans les nombreux morceaux traduits en ses histoires, nous semble le type de cette manière simple, facile et agréable, quoique faible. […] Il nous a semblé que son élégance, parfois un peu scrupuleuse, se refusait trop ces expressions familières et fortes, ces tours vifs et francs, que notre vieille langue offrait en foule à son choix, et qui s’adaptaient si naturellement à Tacite.

921. (1874) Premiers lundis. Tome I « A. de Lamartine : Harmonies poétiques et religieuses — I »

Trois pièces importantes nous semblent marquer cette nuance nouvelle dans la manière religieuse de M. de Lamartine, savoir : L’Hymne au Christ, Pourquoi mon âme est-elle triste ? […] Après l’amour, il n’y a plus rien dans la vie ; la terre semble ingrate et nue ; le ciel est voilé, parfois il s’entrouvre, et l’on espère y voir un signe de salut, y lire un mot mystérieux ; mais toujours quelque nuage obscurcit l’apparition, toujours quelque lettre manque au nom divin ; et voilà pourquoi l’âme du poète est triste, pourquoi son cœur change de place comme un malade dans son lit, pourquoi son inquiète pensée fuit et revient sans cesse, comme une colombe blessée, comme un oiseau de nuit, comme les hirondelles aux approches des tempêtes. […] Au bord de quelque golfe d’Italie, à l’entrée de quelque villa dont la blancheur contraste avec les bosquets de citronniers qui l’entourent, on entend le son d’une harpe, et une voix, voix si douce que l’amour s’y devine : Le portique au soleil est ouvert : une enfant Au front pur, aux yeux bleus, y guide en triomphant Un lévrier folâtre aussi blanc que la neige, Dont le regard aimant la flatte et la protège ; De la plage voisine ils prennent le sentier Qui serpente à travers le myrte et l’églantier ; Une barque non loin, vide et légère encore, Ouvre déjà sa voile aux brises de l’aurore, Et berçant sur leurs bancs les oisifs matelots, Semble attendre son maître, et bondit sur les flots..

922. (1874) Premiers lundis. Tome II « Charles de Bernard. Le nœud Gordien. — Gerfaut. »

Quand Christophe Colomb (M. de Balzac me pardonnera la comparaison) découvrit l’Amérique, il ne savait qu’à demi ce qu’il faisait ; il croyait rejoindre la Chine et prendre par le revers le grand kan de Tartarie ; la tour de porcelaine, ou je ne sais quoi de pareil, lui semblait à chaque pas miroiter à l’horizon : il mourut sans comprendre, sans apprécier tout ce qu’il avait trouvé. […] M. de Pomenars, le vieil oncle, si fringant, et qui est le malin génie de l’aventure, semble avoir soufflé son esprit au romancier et tenir la plume en ricanant ; ou plutôt personne ne tient la plume ; chaque personnage agit, se comporte, parle comme il doit ; et si l’auteur se montre, ce n’est que pour les aider encore à mieux ressortir, comme un maître de maison plein d’aisance, qui s’efface ou reparaît à propos, et sait la vie. […] Gerfaut, le héros du roman, est aussi un des héros du jour, un écrivain à la mode, un dramaturge applaudi, un romancier qu’on s’arrache ; à trente ans, après bien des efforts et de longues sueurs, il a gagné, lui aussi, son bâton de maréchal ; il est aujourd’hui, comme dit spirituellement l’auteur, un de ces jeunes maréchaux de la littérature française dont Chateaubriand semble le connétable.

923. (1796) De l’influence des passions sur le bonheur des individus et des nations « Section III. Des ressources qu’on trouve en soi. — Chapitre IV. De la bienfaisance. »

La bonté existe en nous comme le principe de la vie, sans être l’effet de notre propre volonté ; elle semble un don du ciel comme toutes les facultés, elle agit sans se connaître, et ce n’est que par la comparaison qu’elle apprend sa propre valeur. […] Celui qui s’est vu déchiré par des affections tendres, par des illusions ardentes, par des désirs même insensés, connaît tous les genres d’infortunes, et trouve à les soulager, un plaisir inconnu à la classe des hommes qui semblent à moitié créés, et doivent leur repos seulement à ce qui leur manque. Celui qui par sa faute, ou par le hasard, a beaucoup souffert, cherche à diminuer la chance de ces cruels fléaux, qui ne cessent d’errer sur nos têtes, et son âme, encore ouverte à la douleur, a besoin de s’appuyer par le genre de prière qui lui semble le plus efficace.

924. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre II. Les formes d’art — Chapitre I. La poésie »

Il semble que La Motte gâte, à les mettre en vers, de bons morceaux de prose. […] Ils semblent dresser des inventaires, et non peindre des paysages. […] Il a été à bonne école, il a recueilli chez Vendôme et chez la duchesse du Maine la tradition des Hamilton et des Chaulieu : il a le secret charmant de ces choses légères, qui s’évaporent à l’examen et semblent faites de rien.

925. (1897) La crise littéraire et le naturisme (article de La Plume) pp. 206-208

Le bibelot d’écriture, la joliesse plastique, de même que les jeux de phrases et les notations de nuances sentimentales semblaient seuls préoccuper les auteurs. […] De cette esthétique naturelle et populaire, il semble que M.  […] Le style ne possède pas par lui-même, comme le semble prétendre M. 

926. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces des romans — Préfaces de « Han d’Islande » (1823-1833) — Préface d’avril 1823 »

Méditant ce petit traité littéraire et didactique, il était encore dans cette mystérieuse ivresse de la composition, instant bien court, où l’auteur, croyant saisir une idéale perfection qu’il n’atteindra pas, est intimement ravi de son ouvrage à faire ; il était, disons-nous, dans cette heure d’extase intérieure, où le travail est un délice, où la possession secrète de la muse semble bien plus douce que l’éclatante poursuite de la gloire, lorsqu’un de ses amis les plus sages est venu l’arracher brusquement à cette possession, à cette extase, à cette ivresse, en lui assurant que plusieurs hommes de lettres très hauts, très populaires et très puissants, trouvaient la dissertation qu’il préparait tout à fait méchante, insipide et fastidieuse ; que le douloureux apostolat de la critique dont ils se sont chargés dans diverses feuilles publiques, leur imposant le devoir pénible de poursuivre impitoyablement le monstre du romantisme et du mauvais goût, ils s’occupaient, dans le moment même, de rédiger pour certains journaux impartiaux et éclairés une critique consciencieuse, raisonnée et surtout piquante de la susdite dissertation future. […] D’ailleurs, il ne lui semblait pas, à vrai dire, que les marquises et les capucins eussent un rapport très direct avec l’ouvrage qu’il publie. […] Ce dernier trait lui a semblé touchant.

927. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces des pièces de théâtre — Préfaces de « Marion de Lorme » (1831-1873) »

Dans ce moment de malédiction contre Charles X, le quatrième acte, défendu par Charles X, leur semblait promis à un succès de réaction politique. […] Son absence à cette reprise peut sembler volontaire, elle ne l’est pas. […] Rien ne l’attristerait plus que de sembler ingrat.

928. (1824) Notes sur les fables de La Fontaine « Livre premier. »

Plusieurs personnes ne semblent voir dans cet Apologue qu’une vérité triviale, que le faible est opprimé par le fort. […] Ce vers de six syllabes, suivi d’un autre de trois, si l’on peut appeler ce dernier un vers, ne me semble qu’une négligence et non une beauté. […] La nature envers vous m’a semblé bien injuste.

929. (1879) Balzac, sa méthode de travail

Ancien imprimeur et connaissant le prix auquel entraînent les corrections — cinquante centimes l’heure, — Balzac semble avoir été absolument indifférent à ces dépenses qui prennent d’assez fortes proportions quand le démon de la rature s’empare d’un écrivain. […] Le fameux Vingt fois sur le métier remettez votre ouvrage semble un conseil de Boileau adressé à Balzac : il est d’une exécution facile pour un poète qui laisse un volume à la postérité ; mais qu’on pense à cette recommandation prise au pied de la lettre et appliquée aux deux ou trois cent mille pages de l’œuvre du peintre de la Comédie humaine. […] Gloriole d’enfant, orgueil considérable, inquiétudes plus considérables encore sur la durée de son œuvre et l’enveloppe d’un style qui ne lui semblait pas assez résistante pour traverser victorieusement les modes de la langue française, me paraissent former le véritable fonds de Balzac écrivain.

930. (1765) Essais sur la peinture pour faire suite au salon de 1765 « Tout ce que j’ai compris de ma vie du clair-obscur » pp. 26-33

Il semble que nous considérions la nature comme le résultat de l’art. Et réciproquement, s’il arrive que le peintre nous répète le même enchantement sur la toile, il semble que nous regardions l’effet de l’art comme celui de la nature. […] L’ombre d’un corps rouge se teint de rouge ; il semble que la lumière en frappant l’écarlate en détache et emporte avec elle des molécules.

931. (1765) Essais sur la peinture pour faire suite au salon de 1765 « Mon mot sur l’architecture » pp. 70-76

D’où l’on doit conclure que ce système de mesures d’ordres vitruviennes et rigoureuses, semble n’avoir été inventé que pour conduire à la monotonie et étouffer le génie. […] Il semble qu’il eût mieux valu s’en écarter, et qu’il y aurait eu plus d’habileté à produire l’effet contraire, et à donner de la grandeur à une chose ordinaire et commune. […] Mais laissant de côté les difformités naturelles, pour ne s’attacher qu’à celles qui sont nécessairement occasionnées par les fonctions habituelles, il me semble qu’il n’y a que les dieux et l’homme sauvage, dans la représentation desquels on puisse s’assujettir à la rigueur des proportions ; ensuite les héros, les prêtres, les magistrats, mais avec moins de sévérité.

932. (1906) Les œuvres et les hommes. Poésie et poètes. XXIII « Belmontet »

A part toute opinion politique, et pour qui ne veut voir que les grands effets et la beauté des choses telle que les artistes et les poètes la comprennent, nulle période dans le monde moderne ne fut poétiquement supérieure à cette période de l’Empire dont nous, prosaïque et pacifique génération, sommes si rapprochés et si séparés en même temps, — car il est des moments dans l’Histoire où la longueur d’une lame d’épée semble quelque chose d’infini. […] La poésie individuelle ne doit pas plus périr que l’âme de l’homme dont elle est la fille, et ce nous semble une erreur du même ordre en littérature qu’en politique de croire que le sentiment social puisse entièrement se substituer à l’action libre de l’individualité humaine. […] Belmontet a plusieurs des grandes qualités qui font le poète : il a le souflle, le mouvement, la passion vraie, l’amertume, la griffe irritée, la familiarité saisissante, qui semble s’élever en descendant… Son rhythme même (cette chose sans laquelle maintenant il n’est plus possible d’être poète), son rhythme a de puissantes articulations qui jouent avec souplesse sous sa pensée.

933. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre IX. »

Mais il ne semble pas que ce modèle ait été lui-même beaucoup plus qu’un poëte buveur et frivole jusque dans la vieillesse. […] Je le croirai, par exemple, pour quelques vers qui ne me semblent que le début d’un hymne à la gloire d’Athènes : « Salut, braves105, vous qui avez remporté le grand honneur de la guerre, enfants d’Athènes, habiles cavaliers qui jadis, pour votre patrie aux belles fêtes, avez consumé votre jeunesse, en suivant un parti contraire à celui du plus grand nombre des Grecs !  […] En cela il devançait Pindare, ce semble, avec plus de simplicité.

934. (1902) Le chemin de velours. Nouvelles dissociations d’idées

Ce qui porte à l’amour semble beau ; ce qui semble beau porte à l’amour. […] Mais cet état semble rare. […] Amaurose : cela ne semble-t-il pas, tout d’abord, un mot d’amour ? […] Sur le reste, le silence semble complet. […] Ouverte et libre, elle semble inviter l’ennemi.

935. (1911) Visages d’hier et d’aujourd’hui

Du moins, il me semble. […] Les couleurs sont franches et peuvent même sembler hardies. […] Puis elle nous sembla périlleuse. […] Paris, de là-bas, lui sembla un « village paisible ». […] Elle semble aujourd’hui installée à demeure.

936. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « François Ier, poëte. Poésies et correspondance recueillies et publiées par M. Aimé Champollion-Figeac, 1 vol. in-4°, Paris, 1847. »

On aurait tort pourtant et l’on serait injuste d’appliquer trop rigoureusement aux Poésies de François Ier ce que les précédentes observations semblent avoir aujourd’hui d’incontestable. […] S’il restaurait dans Avignon le tombeau de Laure, il semblait en tout s’être inspiré de la passion de Pétrarque, le grand précurseur, pour le triomphe des sciences illustres. […] Les autographes imprévus et tardifs (ils semblent sortir de dessous terre aujourd’hui), s’il s’eu produisait à l’appui des imprimés, devraient être eux-mêmes soumis à examen. […] On était bien loin d’agir ainsi dans une pensée de plagiat ; mais la lecture, la science, semblait alors une si grande chose, qu’elle se confondait avec l’invention ; tout ce qui arrivait par là était de bonne prise. […] Vous ouvrez Baïf, le plus infatigable translateur en vers et qui ne laisse rien passer des anciens sans le reproduire bien ou mal ; mais quelquefois il vous semble se reposer, il parle en son nom ; il a ses gaietés gauloises, on le jurerait, et ses propres gaillardises.

937. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre quatrième. La propagation de la doctrine. — Chapitre III »

Aux examens d’artillerie, où Chérin, généalogiste, refuse les roturiers, et où l’abbé Bossut, mathématicien, refuse les ignorants, on découvre que la capacité manque aux élèves nobles, et la noblesse aux élèves capables576 ; gentilhomme et instruit, ces deux qualités semblent s’exclure ; sur cent élèves, quatre ou cinq réunissent les deux conditions. […] C’est pourquoi, pendant les vingt dernières années, l’ancien régime a beau s’alléger, il semble plus pesant, et ses piqûres exaspèrent comme des blessures. […] La moindre nuance, un ton de voix, semble une marque de dédain […] Une fois le principe admis ou imposé, tout ira bien. « Il semblait, dit un témoin601, que c’était par des hommes de l’âge d’or qu’on allait être gouverné. […] Il semble même qu’il y ait un commencement d’incendie ; car les cheminées ronflent rudement, et une clarté rouge jaillit à travers les vitres. — « Non, disent les gens d’en haut, ils n’auraient garde de mettre le feu à la maison, ils y habitent comme nous.

938. (1863) Cours familier de littérature. XV « LXXXVIe entretien. Considérations sur un chef-d’œuvre, ou le danger du génie. Les Misérables, par Victor Hugo (4e partie) » pp. 81-143

Chose étrange, elle était appauvrie et embellie, deux pas qu’il ne semblait point qu’elle pût faire. […] Le lendemain, en s’éveillant, elle songea à ce jeune homme inconnu, si longtemps indifférent et glacé, qui semblait maintenant faire attention à elle, et il ne lui sembla pas le moins du monde que cette attention lui fût agréable. […] Il lui sembla, et elle en éprouvait une joie encore tout enfantine, qu’elle allait enfin se venger. […] Il lui sembla que, du jour au lendemain, son âme était devenue noire. […] Il était comme s’il avait la tête pleine de fumée ; des éclairs lui passaient entre les cils ; ses idées s’évanouissaient ; il lui semblait qu’il accomplissait un acte religieux et qu’il commettait une profanation.

/ 3404