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598. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « L’abbé Galiani. » pp. 421-442

Galiani, vers ce temps, se livrait aux études les plus sérieuses : il publiait à vingt et un ans un livre sur la monnaie ; il rendait à un savant illustre, alors très vieux et presque aveugle, à l’abbé Intieri, le service de décrire en son nom, dans un petit traité substantiel et tout positif, un procédé nouveau pour la conservation des grains. […] Ayant fait une collection des pierres et matières volcaniques vomies par le Vésuve, non sans y joindre une dissertation savante, il en fit présent au pape Benoît XIV, qui ne fut point ingrat. […] Ce petit homme de quatre pieds et demi, si gai, si fou, si sensé et si savant, était donc abbé mitré et avait titre monseigneur.

599. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Œuvres de Condorcet, nouvelle édition, avec l’éloge de Condorcet, par M. Arago. (12 vol. — 1847-1849.) » pp. 336-359

Quand il apprécie le savant, le géomètre, on s’incline, on accepte ses jugements sans les discuter, et avec le respect qui est dû à sa parole. […] Arrivé à la célébrité dès l’âge de trente ans, secrétaire perpétuel de l’Académie des sciences, bientôt membre de l’Académie française, honoré par toute l’Europe, aucun savant, aucun homme de lettres n’eut certes moins que lui à se plaindre de l’ancienne société, et il en était, avant 89, l’un des plus sérieux ornements. […] Il est impossible, pour un savant qui sait la physique, de mieux noter qu’il ne le fait chaque éclair avant-coureur, et de se montrer moins effrayé de l’orage.

600. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « L’abbé de Choisy. » pp. 428-450

Il sent bien son faible, qui est de ne pas réfléchir beaucoup, de ne pas assez mûrir ses connaissances : Je veux toujours écrire et ne jamais lire ; j’avoue que ce n’est pas le moyen d’être savant. […] Tandis que les Jésuites, à bord, s’appliquent à l’astronomie, les autres missionnaires font des conférences ; Choisy y assiste : Pour moi, je tâte un peu de tout, écrit-il à Dangeau, et si je ne deviens pas savant, ce qui n’est pas possible puisque je ne le suis pas devenu à votre école, j’aurai au moins une légère teinture de beaucoup de choses. […] Une application infinie et un désir insatiable d’apprendre lui tenaient lieu de science ; plus il était ignorant, plus il affectait de paraître savant, citant quelquefois hors de propos des passages latins qu’il avait appris par cœur, et que ses docteurs à gages lui avaient expliqués.

601. (1889) L’art au point de vue sociologique « Introduction »

L’art de l’homme, comme celui de la nature, consiste à mettre en effet dans la goutte d’eau un monde : la fauvette ne sentira que la fraîcheur vivifiante de la goutte d’eau, le philosophe et le savant apercevront dans la goutte d’eau les immensités. […] Au fond, l’œuvre de l’artiste sera la même que celle du savant ou encore de l’historien : « découvrir les faits significatifs, expressifs d’une loi ; ceux qui, dans la masse confuse des phénomènes, constituent des points de repère et peuvent être reliés par une ligne, former un dessin, une figure, un système. » Le grand artiste est évocateur de la vie sous toutes ses formes, évocateur « des objets d’affection, des sujets vivants avec lesquels nous pouvons entrer en société6. » Le génie et son milieu social, dont les rapports ont tant préoccupé les esthéticiens contemporains et surtout M.  […] Tel sentiment est plus vraiment nous que ce qu’on est habitué à appeler notre personne ; il est le cœur qui anime nos membres, et ce qu’il faut avant tout sauver dans la vie, c’est son propre cœur12. » Voilà pourquoi le savant, par exemple, fait tout naturellement « la science humaine avec sa vie ».

602. (1860) Ceci n’est pas un livre « Hors barrières » pp. 241-298

. — Ne serait-ce pas à cette inscription que Toulouse doit d’être connue, à Villefranche et dans le reste de l’Europe, sous le nom flatteur de Toulouse la savante ? […] — Tout indigène convaincu de puberté est incorporé — de gré ou de force — dans une société savante ou académie. […] Pour me résumer : Toulouse, c’est la rue Saint-Denis jouant à la rue savante et spirituelle ; Toulouse, c’est M. 

603. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. Sainte-Beuve. Les Poésies de Joseph Delorme, Les Consolations, les Pensées d’août. »

Quand Gœthe, lutiné par l’idée de Voltaire, voulut jouer aussi à l’universalité, quand il se fit naturaliste, dessinateur, et dessinateur jusqu’au point de dire « qu’en dessinant, son âme chantait un morceau de son essence la plus intime », Gœthe tombait de son ancienne poésie, sentie, ressentie, exprimée, selon l’âme qu’il avait (et il n’en avait pas beaucoup), dans l’art élégant, ingénieux, fin, savant ; dans l’art qui est toujours le stérile, quoique le matériel amour des choses difficiles. […] Il s’agit de vérité, de profondeur humaine ; il ne s’agit pas d’habileté, d’art retors, savant, consommé, qui, d’ailleurs, à ce degré, n’y est pas non plus. […] Au lieu de cela, il est descendu sur le coteau modéré, non de la poésie, qui n’a, elle, qu’un sommet de la pointe duquel, disaient les Grecs, un cheval ailé s’élance dans l’azur, mais de la littérature savante, éloquente et prudente.

604. (1868) Curiosités esthétiques « VII. Quelques caricaturistes français » pp. 389-419

Ces deux vaniteux personnages font sans doute un pari homicide ou une savante dissertation sur la mortalité. […] s’écrie le savant extasié. […] C’est la logique du savant transportée dans un art léger, fugace, qui a contre lui la mobilité même de la vie.

605. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — R. — article » pp. 90-93

Nouvelle découverte d'un grand nombre de très-beaux principes & de très-belles maximes pour les avantages de la composition prosaïque & pour les charmes de la déclamation Françoise ; avec plus de quatre cents remarques sur la Diction, sur la Phrase, & sur la Période, savantes, utiles, curieuses, & divertissantes, qui vont plus loin que celles des illustres MM. de Vaugelas, Ménage, & du très-Révérend Pere Bouhours, & plus délicates & de plus grande conséquence ; en forme de partition anatomique ou critique raisonnée (à la façon des Mécaniques) sur l'une des plus élégantes & plus éloquentes Pieces de ce temps, la Relation ou l'Histoire de la prise de Fribourg, l'un des chef-d'œuvres de la plume de M. le C** de G.** Secrétaire du Cabinet, & l'un des plus beaux, des plus discrets, & des plus délicats Esprits de la Cour ; accompagnée de plusieurs Ratifications ou Réformations d'une invention toute particuliere, plus pompeuses & plus magnifiques que les expressions originales de l'Auteur rectifié ; en faveur des Prosateurs.

606. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « M. DE LA ROCHEFOUCAULD » pp. 288-321

Mme de Maintenon, à qui elles allaient tout d’abord, écrivait en mars 1666 à Mlle de Lenclos, à qui elles allaient encore mieux : « Faites, je vous prie, mes compliments à M. de La Rochefoucauld, et dites-lui que le livre de Job et le livre des Maximes sont mes seules lectures148. » Le succès, les contradictions et les éloges ne se continrent pas dans les entretiens de société et dans les correspondances ; les journaux s’en mêlèrent ; quand je dis journaux, il faut entendre le Journal des Savants, le seul alors fondé, et qui ne l’était que depuis quelques mois. […] En feuilletant moi-même149 les papiers de Mme de Sablé, j’y ai trouvé le premier projet d’article destiné au Journal des Savants et de la façon de cette dame spirituelle. […] « Quoi qu’il en soit, il y a tant d’esprit dans cet ouvrage et une si grande pénétration pour connoître le véritable état de l’homme, à ne regarder que sa nature, que toutes les personnes de bon sens y trouveront une infinité de choses qu’ils (sic) auroient peut-être ignorées toute leur vie, si cet auteur ne les avoit tirées du chaos du cœur de l’homme pour les mettre dans un jour où quasi tout le monde peut les voir et les comprendre sans peine. » En envoyant ce projet d’article à M. de La Rochefoucauld, Mme de Sablé y joignait le petit billet suivant, daté du 18 février 1665 : « Je vous envoie ce que j’ai pu tirer de ma tête pour mettre dans le Journal des Savants. […] L’article, en effet, fut inséré dans le Journal des Savants du 9 mars ; et si on le compare avec le projet150, l’endroit que Mme de Sablé appelait sensible y a disparu.

607. (1865) Cours familier de littérature. XIX « CXVe entretien. La Science ou Le Cosmos, par M. de Humboldt (4e partie) » pp. 429-500

ô savants ! […] Fournet (c’est le nom du jeune médecin français qui a écrit ces belles lignes) éclaire plus le Cosmos du savant prussien que l’intelligence n’éclaire la matière inerte des époques. […] C’est un néant savant, qui est forcé de recourir au mystère ou de désavouer Dieu. […] XXVI Il s’est formé parmi les savants une nouvelle école qui affecte, comme des sourds et muets, de n’admettre que ce qu’ils touchent et de traiter l’existence et le gouvernement du Créateur avec la plus dédaigneuse indifférence, affectant de tout expliquer sans Dieu et sans mystère.

608. (1899) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Septième série « Figurines (Deuxième Série) » pp. 103-153

Savantes et serrées, d’une extrême beauté pittoresque et plastique, elles n’ont pas grand’chose de commun, à coup sûr, avec les chansons de Béranger. […] C’est de ces savants exercices qu’il a passé à la peinture des mœurs mondaines. […] Là, puis sur la rive historique de la Seine « aux peupliers d’or », et le lendemain, chez le Roi Soleil, sa bienvenue lui fut souhaitée en des vers magnifiques ou gracieux, dont le tour propre et toute la composition secrète témoignaient de l’antiquité d’une langue lentement formée et à la fois épurée et enrichie par toutes les savantes lèvres qui l’ont parlée depuis le Serment de Strasbourg. […] Il a reconnu, en Bernadette Soubirous, une Césette plus sainte, mais non plus compliquée ou plus savante.

609. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Chapitre cinquième »

Corneille, Racine, Molière, les deux derniers surtout, avaient été les plus savants dans leur art. […] Leur solidité s’explique par le choix libre et savant de leurs sujets. […] Népomucène Lemercier essaya de retremper la tragédie dans l’étude de l’art grec, et de la rendre plus forte en la rendant plus savante et plus littéraire. […] Moins sensible que Ducis, mais plus fin, plus savant, avec une littérature plus profonde, joignant à un vrai talent pour le drame la sagacité et la philosophie du critique, Lemercier faisait applaudir, en 1797, une pièce qui éveillait les redoutables souvenirs du théâtre d’Eschyle et de Sophocle.

610. (1883) Souvenirs d’enfance et de jeunesse « Chapitre V. Le Séminaire Saint-Sulpice (1882) »

Garnier était un savant orientaliste et l’homme le plus versé de France dans l’exégèse biblique, telle qu’elle s’enseignait chez les catholiques il y a une centaine d’années. […] Le Hir était un savant et un saint ; il était éminemment l’un et l’autre. […] Je le regarde comme un vrai savant, écrivais-je à mon ami du séminaire de Saint-Brieuc. […] Tout ce que je suis comme savant, je le suis par M. 

611. (1889) Écrivains francisés. Dickens, Heine, Tourguénef, Poe, Dostoïewski, Tolstoï « Edgar Allan Poe  »

Edgar Allan Poe7 Analyser l’œuvre d’Edgar Poe, discerner l’esthétique subtile, savante et parfaite, par laquelle il suscite, avec une certitude prévue, l’extrême de certaines émotions, remonter de ces moyens à ces effets, des artifices du style, de la psychologie, de la composition, aux propriétés intimes et essentielles, saisir enfin la cause dernière, l’âme même de Poe, complexe, ténébreuse, retorse et robuste, ayant d’un mécanisme d’acier le froid, le bleu, le fin et le dur, ce sera, d’une certaine manière, appliquer à cet artiste la loi du talion, le disséquer avec les instruments par lesquels il assume sur la plupart des esprits de ce siècle un ascendant impérieux et obéi. […] Toute l’œuvre conçue par un art infaillible et savant, calculée en ses parties, son mouvement, sa direction et sa masse, revêt l’aspect glacial d’un objet géométriquement parfait. […] Nous avons montré avec quel calme supérieur Poe analyse ses caractères, déduit ses plans, combine le coloris de son style, les proportions de son œuvre, la réticence de ses dénouements, dose d’une main savante les deux forces passionnelles dont il joue, l’horreur et la curiosité. […] L’appel à l’instinct, aux exubérances incorrectes du tempérament, le conseil de livrer des émotions secrètes en amusement à des étrangers, l’invite aux confidences et aux familiarités, sont remplacés par une doctrine savante et plus fière.

612. (1857) Articles justificatifs pour Charles Baudelaire, auteur des « Fleurs du mal » pp. 1-33

Charles Baudelaire, appeler un art sa savante manière d’écrire en vers ne dirait point assez. […] Delacroix sautent aux yeux : le premier venu peut apercevoir dans sa peinture des audaces, des négligences, la laideur des visages ; mais il a fallu vingt ans pour faire comprendre sa tonalité savante et l’intensité de ses compositions. […] Des savants, des docteurs les mystères terribles D’ornements égayés ne sont point susceptibles. […] Ce qui chez l’un découle d’un amour savant et puissant de la forme est produit chez l’autre par l’intensité et par la spontanéité de la passion.

613. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « De la poésie en 1865. »

Il y aurait plaisir à examiner et à suivre son nouveau système dans les applications ingénieuses qu’a imaginées son talent, à lui demander s’il n’y apporte pas encore un peu trop de construction savante, s’il ne garde pas un peu trop d’art, de son premier art sculptural, s’il donne assez de jeu au molle atque facetum, à cette charmante familiarité de la vie ; il y aurait à introduire des comparaisons avec les poëmes de la vie intime que possèdent nos voisins les Anglais, maîtres en ce genre. […] André Lefèvre est un poëte élevé, sévère, savant, avec lequel il faudrait compter de près et qu’on aimerait à pouvoir suivre pas à pas.

614. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « HOMÈRE. (L’Iliade, traduite par M. Eugène Bareste, et illustrée par M.e Lemud.) —  premier article .  » pp. 326-341

L’excellent et savant Villoison fut le premier bien étonné des résultats extrêmes qu’on tirait de sa découverte ; il n’avait jamais prétendu à tant de bouleversement. […] C’est ce qu’un autre savant écrivait à Wolf après l’avoir lu : « Tant que je vous lis, je suis d’accord avec vous ; dès que je pose le livre, tout cet assentiment s’évanouit. » Les philologues, les érudits positifs ont beau faire assez peu de cas des considérations générales et des raisons puisées dans le sens intime ; ici eux-mêmes sont forcés de raisonner pour étayer leur système, et ils n’arrivent à leurs résultats que par voie d’induction ; car, s’ils s’en tenaient purement au fait transmis, à l’opinion constamment exprimée par les Anciens, ils croiraient à Homère nonobstant les difficultés qu’après tout les Anciens aussi n’ont pas été sans se poser.

615. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre V. Indices et germes d’un art nouveau — Chapitre III. Retour à l’art antique »

Il avait voyagé en Italie et dans le Levant ; il était en correspondance avec tous les savants et tous les antiquaires de l’Europe. […] Par ses Églogues gréco-latines, il se rattache au groupe des savants qui, derrière la littérature bruyante des salons et de l’Encyclopédie, retrouvaient l’antiquité, et la représentaient aux artistes.

616. (1925) Méthodes de l’histoire littéraire « I. Leçon d’ouverture du Cours d’éloquence française »

Mais il y avait aussi à Aix un homme animé de l’esprit nouveau, un travailleur, un savant opiniâtre, méticuleux et méthodique, le philologue Eugène Benoist : il forma Larroumet en Provence, il le forma à Paris, où il le fit venir en 1874 ; pour achever ses études supérieures, Larroumet, de professeur qu’il était devenu dans l’enseignement spécial, se refit « pion » à Charlemagne. […] Ce sont deux excellents ouvrages de vulgarisation, au sens le plus élevé du mot, de cette vulgarisation dont seuls les esprits très savants et très intelligents sont capables.

617. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre XIII. Premières tentatives sur Jérusalem. »

Fier du prétendu savoir qui lui avait coûté tant de peine, le scribe juif avait pour la culture grecque le même dédain que le savant musulman a de nos jours pour la civilisation européenne, et que le vieux théologien catholique avait pour le savoir des gens du monde. […] Les hommes célèbres du Talmud ne sont pas des prêtres ; ce sont des savants selon les idées du temps.

618. (1888) La critique scientifique « La critique scientifique — Évolution de la critique »

Malgré quelques différences dans les dehors, il faut encore ranger dans cette catégorie, la plupart des portraits d’écrivains, les articles savants et partiaux de M.  […] Saint-Simon est ainsi un gentilhomme féodal contraint à la vie des cours, ambitieux, passionné, artiste par tempérament et écrivain par nécessité ; Tite-Live, un orateur forcé par les circonstances à écrire l’histoire ; Balzac un homme d’affaires, un Parisien, un tempérament expansif, un esprit à la fois savant, philosophique et visionnaire.

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