Pie V en avait remis le commandement à un Colonna, de cette ancienne famille romaine longtemps suspecte à la papauté. […] Ce fut le dimanche, 7 octobre 1571, dans cet ancien golfe de Corinthe qui se prolonge entre la côte de l’Albanie et la presqu’île de Morée, près du détroit où s’était livrée la bataille d’Actium, que le génie romain gagnait, au profit d’un maître, contre l’amas confus et les pavillons barbares de l’Orient. […] Comme il était arrivé jadis aux Romains, dans leurs premiers combats de mer contre Carthage, les galères des deux partis se heurtant et s’accrochant avec des crampons de fer, le combat était devenu souvent un duel de pied ferme et corps à corps, où les vieilles bandes d’Espagne, les Italiens et les Grecs vainquirent, après cinq heures de mêlée. […] L’immense et contradictoire incident qui nous a montré naguère l’empire turc protégé par une croisade partielle de l’Occident, le langage que l’orthodoxie même a pris quelquefois dans cette cause, par défiance d’un schisme bien moins éloigné d’elle que la barbarie du Coran, tout cela n’est qu’un retard et point un obstacle à l’œuvre inévitable du temps, à la dette sacrée de la Providence, à l’épuration des frontières orientales de l’Europe, au défrichement nouveau des rivages de l’Asie-Mineure, de cette banlieue de l’Europe si fertile jadis sous la liberté grecque et même sous l’empire romain. […] Ce n’est plus l’Espagne de Pélage et des Maures, du Cid et des Abencerrages : c’est l’Espagne romaine retrouvée dans les débris de ses monuments ; c’est l’ombre de Rome évoquée sur une de ses plus nobles conquêtes par la foi chrétienne, qui lui a succédé.
Namur, à Tongres il n’y eut pas de ces rassemblements permanents d’hommes qui font les vraies villes romaines comme Reims ou Mayence. […] Sous les Romains, Héristal était le centre d’un énorme domaine, dont la dynastie carolingienne n’a été sans doute que l’héritière. […] Pareille chose s’est produite au temps des Romains de l’Empire. […] Ils ont rêvé de faire de la mer du Nord une mer romaine, et ce rêve est peut-être antérieur à celui d’une conquête de la Germanie. […] Ils n’étaient ni Germains, ni Gaulois, ni Romains.
Les Lettres persanes sont un livre capital dans la vie de Montesquieu : il n’a fait véritablement que trois ouvrages, — ces Lettres (1721), l’admirable livre sur La Grandeur et la Décadence des Romains (1734), qui n’est que comme un épisode détaché à l’avance de son Esprit des lois, et cet Esprit même (1748). […] Le livre sur les Romains est celui où l’auteur se contient le plus ; il est maître de lui d’un bout à l’autre ; il a le ton ferme, élevé, simple, et tout à la hauteur de la majesté du peuple-roi. […] Il était plein de l’Angleterre en arrivant, et il dut repousser et ajourner l’idée de publier d’abord un livre sur ce gouvernement original et si peu semblable au nôtre, qui le tentait : il donna de préférence ses Considérations sur les causes de la grandeur des Romains et de leur décadence (1734), qui sont restées le plus classique et le plus parfait de ses ouvrages, le seul même qui nous paraisse aujourd’hui sorti tout d’un jet comme une statue. […] [NdA] Montesquieu est de la même religion que Polybe lorsque ce dernier parle si bien de la bonne influence de l’opinion religieuse sur la moralité des Romains : « C’est donc avec grande raison que les anciens ont répandu parmi le peuple qu’il y avait des dieux, etc. » 14.
Les uns étoient pour notre langue, les autres pour celle des Romains. […] Ce dernier, le vrai Pitaval de son siècle, voulant prouver que notre langue ne céde en rien à celle des Romains, eut l’imbécillité de citer ses propres écrits.
Qu’on imagine une langue rapide comme les mouvements de l’âme ; une langue qui, pour rendre un sentiment, ne se décomposerait jamais en plusieurs mots ; une langue dont chaque son exprimerait une collection d’idées : telle est presque la perfection de la langue romaine dans Tacite. […] Sa pompe funèbre, ajoute-t-il, a honoré le prince, son siècle, Rome et la tribune romaine ; et il n’a rien manqué au bonheur de sa vie, car il a été loué après sa mort par le plus éloquent des hommes43. » Un tel éloge, prononcé par Tacite, devait être intéressant ; mais nous ne l’avons plus : heureusement il nous reste de lui le chef-d’œuvre et le modèle de tous les éloges historiques, c’est sa vie d’Agricola.
Telle, à des yeux catholiques, la faute capitale de Philippe II, du catholique cependant, du romain, de l’orthodoxe Philippe II ! […] Il eut son Inquisition, son Inquisition espagnole contre l’Inquisition romaine, et cette Inquisition fut sans cesse, dans son action, ses jugements et sa procédure, en opposition avec l’Inquisition romaine, et, au détriment et presque au déshonneur de l’Inquisition romaine, fit prendre l’une pour l’autre par l’Opinion, — cette sorte d’Opinion publique qui ne sait rien et confond tout. […] L’impitoyabilité du gouvernement de Philippe II n’était ni dans les idées, ni dans la pratique, ni dans les goûts de la cour romaine. Et qu’il y eût pour les affaires de Rome, c’est-à-dire pour les affaires de la chrétienté, la politique romaine et la politique espagnole, c’était un désordre, un dualisme plein de dangers et qui en créait un pour le Catholicisme, que Philippe II adorait et qu’il faussait par sa manière de le défendre.
Le nom de Capharnahum, où entre le mot caphar, « village », semble désigner une bourgade à l’ancienne manière, par opposition aux grandes villes bâties selon la mode romaine, comme Tibériade 375. […] Comme toutes les corporations municipales jusqu’à une époque avancée de l’empire romain, elles faisaient des décrets honorifiques 392, votaient des résolutions ayant force de loi pour la communauté, prononçaient des peines corporelles dont l’exécuteur ordinaire était le hazzan 393. […] La grande importance que prit le judaïsme dans la haute Galilée après la guerre des Romains permet de croire que plusieurs de ces édifices ne remontent qu’au IIIe siècle, époque où Tibériade devint une sorte de capitale du judaïsme.
Pour cesser d’être juif, on ne devenait pas romain ; on restait sans défense sous le coup d’une législation théocratique de la plus atroce sévérité. […] La tactique était habile ; car il fallait la profonde ingénuité de Jésus pour ne s’être point encore brouillé avec l’autorité romaine, nonobstant sa proclamation du royaume de Dieu. […] On prenait note de ses paroles pour invoquer contre lui les lois d’une théocratie intolérante, que la domination romaine n’avait pas encore abrogées 998.
Tout le monde sçait que les fables des Egyptiens, des Grecs & des Romains, composoient la religion de ces peuples les plus éclairés de la terre. […] Les imaginations fabuleuses, ce merveilleux répandu dans la poësie Grecque & Romaine, ne trouvèrent pas plus de grace auprès de M. […] Ses poësies ne sont point indignes de lui, quoiqu’on ait dit qu’elles ne sont que des plagiats ; qu’on y voit moins son esprit que celui des autres ; que l’auteur a fait des vers dans notre langue, comme nous en faisons dans celle des Romains.
nous l’honorons spécialement dans la sœur Emmerich, qui est une sainte à grâces spéciales, dans la sainteté même, une sainte à visions…, et ce mot-là est pur d’ironie, puisque nous sommes chrétien et que sur cette question de visions comme sur celle de miracles, nous n’avons pas d’autres doctrines que celles de l’Église romaine. […] Que ne puis-je citer le dialogue de Pilate avec le peuple juif ; ces railleries romaines, faites avec le retors d’un légiste et l’insolence d’un soldat, car ces Romains, sous leurs tuniques militaires, cachaient une race de procureurs !
Je ne sais trop si M. de Meilhan est exact en ce point et si l’on peut dire que l’Antiquité grecque et romaine ressemble à un génie mort jeune et intercepté avant le temps : il me semble au contraire que les Grecs, et les Romains qu’en ont hérité, ont eu leur cours naturel d’existence et leur âge tout rempli ; qu’ils ont eu, eux aussi, leur épuisement et leur décadence sous des formes monstrueuses ou subtiles, et que, si la civilisation avait à être utilement continuée et renouvelée, ce ne pouvait plus être à la fin par eux. Les Meilhan de Rome ou de Byzance auraient pu nous dire quelque chose de ce caractère sexagénaire du monde grec ou romain, de l’ennui, « ce cruel ennemi de l’homme policé », et de tous les raffinements de vices et de folies qu’il entraîne. […] Cette comparaison entre l’impératrice et le chef-d’œuvre de l’architecture romaine existe, classiquement déduite et poussée de point en point, et sans que l’auteur ait eu l’idée d’en sourire.
Qu’on veuille penser un moment à tout ce qu’enferme de latinisme, de pure sève romaine du meilleur temps, l’admirable prose française de Bossuet ! […] Insistant sur le grand précédent des Romains, disciples et émules des Grecs, il expose le vrai procédé de l’imitation classique, de l’imitation originale qui a prévalu depuis Térence jusqu’à Racine, le procédé de l’assimilation. […] C’est ce sentiment tout romain et tout sabin qui fait la vie des six derniers livres de l’Énéide. […] Les Grecs et les Romains ont toujours concédé aux doctes hommes « d’user de mots non accoutumés aux choses non accoutumées ».
Ces ruines, qui ne paraissent pas remonter à une très haute antiquité, et qui datent surtout de l’époque romaine, étaient dans ce demi-état de conservation et de désordre qui plaît à la rêverie et qui prête à la perspective. […] Dans le cours d’histoire qu’il professa aux Écoles normales après la Terreur (1795), s’élevant avec raison contre l’abus qu’on a fait des études grecques et romaines, il va pourtant jusqu’à l’excès quand il dit : Oui, plus j’ai étudié l’Antiquité et ses gouvernements si vantés, plus j’ai conçu que celui des Mamelouks d’Égypte et du dey d’Alger ne différaient point essentiellement de ceux de Sparte et de Rome, et qu’il ne manque à ces Grecs et à ces Romains tant prônés que le nom de Huns et de Vandales pour nous en retracer tous les caractères. […] Les Grecs et les Romains aussi le préoccupent beaucoup ; il leur en veut de l’imitation violente qu’on en a faite, de ce soudain fanatisme qui a saisi toute une génération et qui tend à reproduire les haines farouches des anciennes nationalités.
Sir Walter Scott, qui d’ailleurs est très-fort en antiquités grecques et romaines, et qui compare Pie VI armant contre Bonaparte au vieux Priam lançant un javelot contre Pyrrhus, a l’air très-jaloux de démontrer cette ignorance de nos soldats et de nos chefs en matière d’érudition ou de beaux-arts ; et il ne tient pas à lui que nous ne soyons, durant nos triomphes en Italie, une horde de Gaulois sous un Brennus ou un Bellovèse. A propos de l’enlèvement des tableaux et des statues, contre lequel il se déchaîne avec plus d’emportement qu’il ne sied au compatriote et à l’ami de lord Elgin, « Il est certain, dit-il, que les Français ne ressemblaient nullement à ces peuples dont le génie créa les premiers chefs-d’œuvre de l’art ; au contraire, le prototype classique de Bonaparte dans cette circonstance fut ce Mummius, consul romain qui dépouilla violemment la Grèce de ses trésors, dont lui-même et ses compatriotes étaient incapables d’apprécier le véritable mérite. » Cette mauvaise humeur de l’historien se mêle même aux éloges que lui arrache une admiration involontaire.
Mon mot sur l’architecture Il ne s’agit point ici, mon ami, d’examiner le caractère des différents ordres d’architecture ; encore moins de balancer les avantages de l’architecture grecque et romaine avec les prérogatives de l’architecture gothique, de vous montrer celle-ci étendant l’espace au-dedans par la hauteur de ses voûtes et la légèreté de ses colonnes, détruisant au-dehors l’imposant de la masse par la multitude et le mauvais goût des ornements ; de faire valoir l’analogie de l’obscurité des vitraux colorés, avec la nature incompréhensible de l’être adoré et les idées sombres de l’adorateur ; mais de vous convaincre que sans architecture, il n’y a ni peinture ni sculpture, et que c’est à l’art qui n’a point de modèle subsistant sous le ciel que les deux arts imitateurs de la nature doivent leur origine et leur progrès. […] Voilà la querelle de l’architecture gothique et de l’architecture grecque ou romaine proposée dans toute sa force.
Ils se piquoient de composer eux-mêmes leurs discours, et l’on remarque que Neron est le premier des empereurs romains qui ait eu besoin qu’un autre lui fit ses harangues. […] Thrasea Poetus cet illustre senateur romain que Neron fit mourir, lorsqu’après avoir fait perir tant d’hommes vertueux, il voulut extirper la vertu même, avoit joüé dans une tragedie representée sur le théatre de la ville de Padouë dont il étoit.
Il nomme les Bretons formant deux types ethnologiques différenciés par la chevelure et la forme du crâne ; des colons romains en nombre inconnu ; des peuplades d’Angles, de Jutes, de Saxons, de Kymris, de Danois, de Norses, des Scots et des Pictes, enfin des Normands, qui eux-mêmes, d’après Augustin Thierry, comprenaient des éléments ethniques pris dans tout l’ouest de la France. […] Ainsi, il y eut parmi les écrivains latins, des Grecs, des Italiotes, des Carthaginois, des Espagnols ; il y a parmi nos peintres contemporains, des Italiens, des Belges, des Allemands, des Américains, des Anglais ; ainsi notre littérature doit autant aux Celtes de Bretagne qu’aux Romains de la Provence. […] Quelle influence de milieu peut expliquer le sombre génie d’Eschyle naissant dans la dépravation commençante d’Athènes, ou la douceur de Virgile au milieu de la rudesse des guerres civiles romaines ? […] Ce milieu restreint touchait à un milieu plus vaste et plus vague au peuple romain ; celui-ci à un autre plus vaste et plus vague encore, le monde romain. […] Le monde romain était sans influence bien marquée jusque-là sur le peuple encore bien latin de la capitale ; ce peuple ne pouvait empêcher l’élite de favoriser les lettres grecques : cette élite devenue ainsi indépendante, exerça une influence marquée, dit-on sur les artistes dépendant de son suffrage.
Nicétas, l’historien des vaincus, et Villehardouin celui des vainqueurs, s’accordent pour nous en une conclusion : les Grecs de Byzance, qui osent encore s’intituler Romains, sont lâches et traîtres, deux défauts qui, en s’unissant, marquent la fin et l’extrême décrépitude des peuples. […] Quand Baudouin, élu empereur par les Français, s’est aventuré dans une expédition contre le roi des Bulgares et est fait prisonnier après une défaite, son frère Henri prend sa place ; mais les barons attendent, avant de l’élire et de le sacrer empereur à son tour, d’être positivement assurés du trépas de son frère : « Sur quoi je voudrais, écrit l’historien Nicétas, que les Romains (les Grecs) fissent un peu de réflexion ; eux, dis-je, qui n’ont pas sitôt élu un empereur qu’ils songent à le déposer. » Ainsi l’idée de légitimité, de fidélité au serment, et de religion politique, existe chez les Latins, tandis qu’elle est entièrement abolie chez les Grecs : ce qui, chez ceux-ci, est une infériorité sociale de plus. […] s’écrie tout d’un coup Nicétas en s’interrompant, le Barbare devance mes paroles ; il est emporté plus rapide dans sa course que l’aile de l’Histoire, et aucun obstacle ne l’arrête ; car elle, elle en est encore à le montrer saccageant Thèbes, s’emparant d’Athènes, envahissant l’Eubée : mais lui, il ne marche pas, il vole, il traverse les airs laissant en arrière tout récit ; il marche vers l’Isthme, il renverse l’armée romaine qui lui barre le passage ; il pénètre dans cette ville assise sur l’Isthme même et qui était jadis l’opulente Corinthe ; il se porte à Argos, il enveloppe tout le pays de Lacédémone, il s’élance dans l’Achaïe, court de là à Méthone, et se rue sur Pylos, la patrie de Nestor : puis, arrivé aux bords de l’Alphée, il s’abreuvera, je pense, de ses ondes, et, s’y baignant, il y puisera le souvenir de la tradition antique et gracieuse ; et, dès qu’il aura su que le fleuve s’est fondu d’amour pour Aréthuse, la source de Sicile, qui désaltère les fils de l’Italie, je crains fort que, ne faisant violence au fleuve lui-même, il n’écrive sur ses eaux et ne fasse savoir par lui à ses compatriotes de là-bas les exploits dont ont souffert les Grecs.
L’an de Rome 507, de Carthage 605, et avant Jésus-Christ 241, la première guerre punique étant terminée, les Carthaginois, qui avaient été contraints, par leurs dernières défaites, de signer avec les Romains un traité désavantageux, eurent à soutenir une autre guerre contre leurs propres soldats, les Mercenaires, qui avaient servi sous leurs généraux en Sicile. […] Giscon était près de réussir dans la composition qui se négociait, lorsque deux hommes dont l’histoire a conservé les noms se jetèrent à la traverse : un certain Campanien nommé Spendius, autrefois esclave chez les Romains, homme fort et hardi jusqu’à la témérité, et qui craignait, si les affaires s’arrangeaient, d’être rendu à son maître comme fugitif ; et un certain Mathos, Africain, qui, engagé dans la première sédition, avait tout intérêt à pousser les choses à l’extrémité. […] Aussi eurent-ils là, comme les Romains, leur guerre sociale, et en partie leur guerre servile.
Aujourd’hui il publie cette traduction complète de Térence, qu’il a gardée neuf ou dix ans sous clé, selon le conseil d’Horace, et il nous donne la joie, en le lisant, de retrouver, de relire aussi par occasion quelque chose du plus pur et du plus attique des poètes romains. […] Ce Carthaginois fut un attique chez les Romains. […] Térence, avec ses six comédies, laissa une fille qui épousa, après sa mort, un chevalier romain.
Je ne saurais non plus admettre que les Romains, dès le siècle de Cicéron, et plus tard au temps de Virgile, de Sénèque, de Pline, à cette grande époque de l’unité de l’Empire et de la paix romaine, n’aient pas eu une pleine et vive conscience de ce que nous appelons civilisation, curiosité élevée, progrès des sciences, amélioration de la vie dans tous les sens ; vita, comme ils disaient. Il est vrai que, chez les Romains, ce mouvement n’était pas aussi expansif que chez les Grecs ; le monde ancien, au temps de Trajan, d’Adrien, même d’Auguste, était plus porté à se contenir, à se défendre qu’à s’étendre et à se propager.