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826. (1896) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Sixième série « Anatole France, le Lys rouge »

Si, tout en goûtant la grâce infinie de cette forme, presque unique dans notre littérature, je regarde ingénument ce qu’elle recouvre, j’aperçois, au travers des guirlandes de causeries et d’épisodes dont il est délicieusement fleuri, un drame très simple, très violent, surprenant d’âpreté et de cruauté. […] D’un bout à l’autre du livre, il se regarde aimer, et être fou, et être malheureux, et être méchant.

827. (1863) Molière et la comédie italienne « Chapitre V. Le théâtre des Gelosi (suite) » pp. 81-102

Arlequin regarde attentivement la fenêtre de Flaminia. […] Moi, je le laisserai ou je mourrai. » De même, lorsque le capitaine revient à Silvia, ils n’ont d’autres paroles à échanger entre eux que celles que prêtent à leurs personnages les auteurs des Ingannati : Regardez, messer Spavente, reconnaissez votre page, celui qui s’est fait votre serviteur si fidèle, si dévoué ; celle qui vous a aimé d’un amour si brave et si constant.

828. (1913) Les antinomies entre l’individu et la société « Chapitre XII. L’antinomie morale » pp. 253-269

Mais si l’on y regarde de plus près, ou voit bien vite que la personnalité glorifiée par les moralistes est toujours, au fond, l’essence idéale de l’humanité, la raison impersonnelle, une et identique en tous les individus. […] La casuistique est regardée par ses ennemis comme une sophistique au service de l’instinct de liberté et d’anomie morale ; comme un prétexte qu’invoque trop aisément l’instinct égoïste toujours disposé à se dérober à l’autorité de la règle.

829. (1882) Qu’est-ce qu’une nation ? « II »

L’importance politique qu’on attache aux langues vient de ce qu’on les regarde comme des signes de race. […] La religion est devenue chose individuelle ; elle regarde la conscience de chacun.

830. (1881) La psychologie anglaise contemporaine « M. John Stuart Mill — Chapitre III : Théorie psychologique de la matière et de l’esprit. »

Ces postulats posés, « la théorie psychologique maintient qu’il y a des associations naturellement et même nécessairement produites par l’ordre de nos sensations et de nos réminiscences de sensations, lesquelles, en supposant qu’il n’existât dans la conscience aucune intuition d’un monde extérieur, en produiraient inévitablement la croyance et le feraient regarder comme une intuition. » Et d’abord, que voulons-nous dire par ces mots : un monde extérieur, une substance externe ? […] Avec ce goût de la libre critique et cette parfaite loyauté qui lui sont propres, il se plaît à citer ses adversaires, à mettre en relief certaines objections et à dire même nettement celles qu’il regarde comme insolubles.

831. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XXXI » pp. 338-354

Il faut s’éclaircir de leurs vrais sentiments à mon égard en leur proposant quelque chose de présent et de solide… Je veux que madame de Richelieu voie la froideur et l’indifférence de madame de Montespan sur tout ce qui regarde mes affaires essentielles. » Une lettre, datée de Versailles, le 6 août, au même abbé Gobelin, ne laisse aucun doute sur la brouillerie des deux dames, et sur sa cause, et sur la mauvaise humeur qu’en avait prise le roi, fatigué de leurs altercations. […] « J’en parlai hier au matin à madame de Montespan, et je lui dis que je priais le roi et elle de ne point regarder la mauvaise humeur où je leur paraissais être, comme une bouderie passagère contre eux ; que c’était quelque chose de plus sérieux ; que je voyais à n’en pouvoir douter que j’étais très mal avec elle et qu’elle m’avait brouillée avec le roi. » Brouillée avec le roi !

832. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Œuvres littéraires de M. Villemain (« Collection Didier », 10 vol.), Œuvres littéraires de M. Cousin (3 vol.) » pp. 108-120

C’est déjà un salutaire exemple que de voir des hommes, si comblés par la renommée, se recueillir pour donner à des œuvres qui ont eu dès longtemps leur succès, et qui n’en sont plus à attendre la faveur publique, ce degré de perfection et de fini qui n’est sensible qu’à des lecteurs attentifs, et qui ne s’apprécie que si l’on y regarde de très près. […] Seulement si quelqu’un, frappé chez celui-ci de tant de grandes parties qui enlèvent, était tenté, entre les deux, de le préférer comme écrivain et de le lui dire, nous sommes bien sûr que lui-même serait le premier à renvoyer l’admirateur au style de l’autre, en disant : « Regardez bien, vous n’y avez pas tout vu. »

833. (1902) L’humanisme. Figaro

Que ce soit le grand soleil ineffable de Dieu ou le grand soleil noir du néant, je saurai le regarder en face, sans être aveuglé par la lumière, sans être ébloui par l’ombre. […] Les empêcherez-vous de franchir vos barrières, de regarder au-delà de votre horizon ?

834. (1889) L’art au point de vue sociologique « Chapitre troisième. De la sympathie et de la sociabilité dans la critique. »

C’est à l’œuvre, après tout, qu’il faut en revenir, et c’est elle qu’il faut apprécier, en la regardant du point de vue même d’où son auteur l’a regardée. […] Regardez dans les yeux un passant indifférent : ces yeux, clairs pourtant et transparents, vous diront sans doute peu de chose, peut-être rien.

835. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — L’abbé d’Aubignac, avec Ménage, Pierre Corneille, Mademoiselle de Scudéri et Richelet. » pp. 217-236

Cet abbé regarda cela comme un outrage. […] D’Aubignac, enchanté de voir le grand Corneille docile à ses avis, s’accoutume à le regarder comme son disciple, l’encourage, le cite avec complaisance dans sa Pratique du théâtre Cette attention marquée de d’Aubignac lui parut en devoir mériter une autre de la part de Corneille.

836. (1853) Histoire de la littérature dramatique. Tome II « Chapitre II. Mademoiselle Mars a été toute la comédie de son temps » pp. 93-102

Vous l’avez accompagné en silence sur le bord de la mer : l’heure du départ est arrivée, le ciel est noir, la mer rugit au loin, le frêle esquif se balance d’une façon formidable, votre ami reste calme, il vous tient la main dans les siennes, il vous la serre, il vous regarde avec assurance, il vous sourit une dernière fois ; vous, cependant, vous avez la mort dans le cœur. […] « Voilà ce que disent nos maîtres, les critiques qui ont vu, qui se souviennent et qui regardent, à la fois, dans le présent et dans le passé.

837. (1760) Réflexions sur la poésie

Ceci ne regarde pas nos grands poètes vivants ; leur génie, leur succès, la voix publique les exceptent et les distinguent : mais pour la foule qui se traîne à leur suite, la carrière est devenue d’autant plus dangereuse, que la plupart des genres de poésie semblent successivement passer de mode. […] La Fontaine surtout, qu’on regarde assez mal à propos comme le poète des enfants, qui ne l’entendent guère, est à bien plus juste titre le poète chéri des vieillards : il l’est même plus que Racine.

838. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre XV. Mme la Mise de Blocqueville »

elle tremble pour son salut, dit-elle, quand elle songe à quel point elle est une grande et hardie Voluptueuse intellectuelle, lorsqu’elle regarde les comètes !!! […] Vous pouvez, pour vous en divertir ou vous en attrister, y aller regarder ce que le bas-bleuisme peut faire d’une femme qui fut spirituelle, et Parisienne et du faubourg Saint-Germain, et qui se moque bien de tout cela, maintenant que la voilà passée comète et, dans son ascension à travers les astres, ne touchant plus à cette misérable terre que par l’extrémité de ses peignoirs !

839. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre XXIV. Mme Claire de Chandeneux »

Évidemment, c’est par ce côté de leur esprit et de leur style, inépuisablement aqueux et capables d’éternellement couler, qu’on peut les regarder comme étant les successeurs naturels de cet Alexandre ! […] On n’a eu que la peine de l’y porter, — et les premiers jours qu’on l’y a vue, elle y a été regardée avec l’œil rond d’une foule badaude, qui fait une plaisanterie morne et puis, qui s’en va… Le vieux xixe  siècle, — car le voilà vieux, — ressemble au vieux célibataire, qui souffre qu’une femme soit tout chez lui et s’y permette tout.

840. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « Joubert » pp. 185-199

… Je n’en serais pas étonné ; mais regardez bien ce Joubert, et voyez s’il n’est pas Platon à sa manière, — un Platon moderne, chrétien, par conséquent plus Platon, par là, que Platon lui-même. […] Seulement Fénelon, le beau Fénelon, dont on a dit qu’il fallait faire effort pour cesser de le regarder, est un grand ondoyant aux mouvements de cygne et même de serpent… innocent, — s’il en est, et si, à la première tortuosité, à la première ramperie, on n’est pas serpent tout à fait, — tandis que Joubert a la simplicité d’Astrée.

841. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « Guizot » pp. 201-215

Guizot soutint que sa traduction n’était pas morte, il ne voulut pas avoir le démenti de cette traduction, il ne voulut pas qu’elle fût regardée comme non avenue. […] Et si ce congé aux historiens n’était qu’un mot de désespoir, un mot de renard qui regarde la grappe et la trouve bonne pour les goujats, je n’en tiendrais que le compte qu’il faudrait ; mais ce n’est pas cela, c’est bien autre chose, c’est tout un système que la Critique doit dénoncer et flétrir, parce qu’il est mauvais et funeste et qu’il peut devenir populaire.

842. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « Histoire des Pyrénées »

Ce grand spectacle de l’ensemble et de l’unité de l’Europe aurait replacé, pour l’historien des Pyrénées, dans leur véritable perspective les hommes, les événements et les choses de cette encoignure historique, qu’il nous a grossis parce qu’il les a regardés de trop près, et il n’eût pas fait l’honneur d’une si longue et si pieuse histoire à ces bouillonnements de peuplades, écumant ici ou là, un instant, aux avant-postes des vraies nations, de ces nations aux pieds de marbre qui constituent l’Europe actuelle, et qui n’ont point passé entre deux soleils ! […] Entre les deux dates dans lesquelles Cénac-Moncaut renferme son sujet, puisque la féodalité est toute l’histoire, c’était la féodalité qu’il devait regarder dans le fond de l’âme, par-dessus la tête des faits.

843. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « Madame de Montmorency » pp. 199-214

Seulement, si l’ardente sympathie qu’il éprouve pour madame de Montmorency lui donne le courage de regarder, les yeux bien ouverts, cette robe rouge qui les fait ordinairement baisser, tant elle est rouge, trempée du sang des Montmorency ! […] Il regardait le coup qu’elle allait frapper comme une délivrance.

844. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « M. le vicomte de Meaux » pp. 117-133

Pour qui regarde attentivement l’état des esprits à cette époque, il n’est nullement prouvé que Henri IV, même sans conversion, ne pût être Roi. […] Mais, aux yeux de M. de Meaux, qui a une manière à lui de regarder les choses catholiques, c’est peut-être une preuve de la profondeur du catholicisme de Henri IV, qu’il l’ait promulgué ?

845. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « M. Funck Brentano. Les Sophistes grecs et les Sophistes contemporains » pp. 401-416

Funck Brentano ne regarde pas Locke et Bacon comme des sophistes. […] Les formes que le génie artistique de la Grèce mettait à tout les grandissait… Quand nous les regardons à distance, nous nous trouvons bien loin de nos minces claque-dents, avec leur guenille noire moderne sur leurs maigres jambes.

846. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. Roger de Beauvoir. Colombes et Couleuvres. »

D’où vient qu’après avoir quitté vos bras charmants, Et regagné l’alcôve à la tenture noire, Nous regardons souvent, le crucifix d’ivoire, Le front humide encor de vos embrassements ? […] À nos yeux c’est un livre charmant en beaucoup d’endroits et qu’on peut regarder comme un progrès dans la manière de l’auteur, mais nous espérons bien que ce progrès sera suivi d’un autre ; que là n’est pas le dernier effort du poète et son dernier résultat.

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