Fénelon, qui, après avoir reconnu formellement l’autorité des commissaires, fit tous ses efforts pour empêcher la condamnation de Mme Guyon, fut associé à la signature des articles (10 mars 1695). […] Il prit grand intérêt aux communautés religieuses, qu’il soumit vigoureusement à son autorité : Jouarre et sa noble abbesse tentèrent de résister à l’évêque, qui plaida, gagna, et dut presque faire enfoncer les portes du couvent pour s’y faire reconnaître. […] C’en est assez pour reconnaître une éloquence sans rivale. […] Les subtiles analyses, les « anatomies » du cœur humain, qui ne servent que d’amusement intellectuel, ne sont pas son fait ; il se contente d’en dire assez pour que chacun se reconnaisse, rentre en soi-même, et tâche de s’améliorer. […] Au travers de la controverse, l’histoire ressuscite le passé ; les hommes apparaissent : Calvin, Luther, Bucer vivent dans des portraits où l’on reconnaît la main d’un ennemi, mais d’un ennemi singulièrement clairvoyant ; il y a surtout un admirable livre où les angoisses, les incertitudes de Mélanchthon sont exposées, et qui est d’un bout à l’aulte une des plus belles études d’âmes qu’on ait faites.
Il serait facile de multiplier les exemples de ce genre, de rappeler tout ce que nous avons dit et ce qui est notoire sur la diversité des individus qui composent une nation, dans un même pays, de faire remarquer combien les immenses migrations des races indo-européennes, mongoles, ou sémitiques ont peu contribué, en somme, à oblitérer les quelques traits généraux qu’on leur reconnaît. […] A moins donc d’admettre qu’une même particularité esthétique correspond à deux sortes de facultés, il nous faut conclure que les admirateurs d’une œuvre d’art doivent posséder une organisation psychologique analogue à celle de son auteur, et l’âme de ce dernier étant connue par l’analyse, il sera légitime d’attribuer à ses admirateurs les facultés, les défauts, les excès, toutes les particularités saillantes de l’organisation mentale qui lui aura été reconnue. […] Enfin ce qu’on sait des lectures de quelques-uns des écrivains célèbres de ce siècle, montre qu’il existe chez ces hommes dont on peut reconnaître à la fois les goûts et les facultés, de frappantes ressemblances entre ce qu’ils aiment et ce qu’ils sont. […] En d’autres termes, la série des œuvres populaires d’un groupe donné, écrit l’histoire intellectuelle de ce groupe, une littérature exprime une nation, non parce que celle-ci l’a produite, mais parce que celle-ci l’a adoptée et admirée, s’y est complue et reconnue. […] M. de Quatrefages reconnaît explicitement cette tendance (Unité de l’Espèce humaine, p. 214) dont les effets ne sont pas favorables à sa thèse.
Je reconnais qu’il y a une large part de vérité dans cette opinion, et néanmoins je ne puis la croire tout à fait exacte. […] De ce qu’un sentiment est reconnu généralement pour vrai, il ne suit pas que ce soit un sentiment général. […] Et s’il est unique en son genre, à quel signe reconnaît-on qu’il est vrai ? Nous le reconnaissons, je crois, à l’effort même qu’il nous amène à faire sur nous pour voir sincèrement à notre tour. […] La vérité porte donc en elle une puissance de conviction, de conversion même, qui est la marque à laquelle elle se reconnaît.
Quant à ce qui est dit, en un autre endroit du journal, de plus fort et de plus dur encore contre Fénelon, que Bossuet « tranche avoir été toute sa vie un parfait hypocrite », ce sont de ces paroles regrettables qui peuvent échapper dans le laisser-aller d’un tête-à-tête familier, et que celui même qui les a prononcées ne reconnaîtrait pas s’il les voyait produites au grand jour : faiblesses et traces de l’humanité, qu’il est fâcheux que Le Dieu ait recueillies et qu’il ait comme trahies en les révélant. […] Tout ce second ordre, au reste, reconnaissait volontiers Bossuet pour son chef et son oracle, et, pour peu qu’il eût fait un signe, lui eût servi d’armée et de cortège. […] On assure qu’en décembre 1702, en apprenant l’ordonnance de M. de Meaux contre son dernier livre (la traduction du Nouveau Testament, imprimée à Trévoux), Richard Simon disait : « Il faut le laisser mourir, il n’ira pas loin. » L’oratorien déjà philosophe semblait confesser par là qu’il ne reconnaissait et ne redoutait véritablement qu’un docteur, celui qui pouvait, le dernier, s’appeler un maître en Israël.
Monmerqué, il n’a pas été long à en reconnaître la valeur et aussi les lacunes, et lui, le dernier venu, il a étonné aussitôt par la précision de son coup d’œil et sa justesse diligente les Sèvignistes les plus consommés. […] Venons-en à ce qui est nouveau, aux endroits inédits, l’ai prévenu qu’en générales sont moins brillants et moins à découper qu’à reconnaître sur place et à rejoindre en leur lieu : ce sont des suites, des liaisons, des fils déplus dans la trame plutôt que des morceaux. […] Vous ne me reconnaissez plus, me voilà une vraie commère ; je m’en vais régenter dans mon quartier.
Le roi d’Espagne, le faible Charles IV, avait eu une pensée de roi et de parent après le 10 août : une note confidentielle où il offrait de reconnaître la République française, et où il proposait sa médiation près des autres puissances, à la condition de sauver Louis XVI, auquel il aurait donné asile dans le midi de la Péninsule, fut remise à la Convention, qui y répondit par des cris de colère et de menace. […] Puycerda, évacué par les troupes ennemies, reçoit avec joie les Français : « Pour reconnaître ce bon accueil, pour discréditer, autant que possible, les calomnies que les moines espagnols ne cessaient d’exhaler contre nous, et donner en même temps aux Catalans un gage de notre respect pour le culte catholique, le premier soin du représentant fut d’aller, accompagné du général d’Arbonneau, à l’église principale, rendre grâces à Dieu du succès de nos armes. » Honneur à ce représentant Cassanyes pour cet acte de civilisation et de bon sens ! […] C’étaient, on commençait à le reconnaître, les intrépides soldats d’une Révolution qui allait changer la face du monde… Il y avait un an, à pareille époque, que le roi de Prusse repliait vers le Rhin une armée qui sortait formidable encore des plaines de la Champagne.
On reconnaît, on retrouve à coup sûr l’homme supérieur, au moins en partie, dans ses parents, dans sa mère surtout, cette parente la plus directe et la plus certaine ; dans ses sœurs aussi, dans ses frères, dans ses enfants mêmes. […] Cependant il est, à cet égard, il faut le reconnaître, de grandes diversités entre les talents et selon les genres. […] On connaît ses origines bretonnes, sa famille, sa race ; on le suit dans les divers groupes littéraires qu’il a traversés dès sa jeunesse, dans ce monde du xviiie siècle qu’il n’a fait que côtoyer et reconnaître en 89, et plus tard dans son cercle intime de 1802, où il s’est épanoui avec toute sa fleur.
L’entretien s’animant à ce sujet, et continuant de parler de cette sorte de chanson et de son influence électrique sur les nations à certaines heures, Gœthe disait qu’il fallait pour cela qu’une nation n’eût qu’une tête et qu’un cœur et, à un moment donné, qu’une seule voix : « Mais, ajoutait-il, une poésie politique n’est aussi que l’œuvre d’une certaine situation momentanée qui passe et qui ôte à la poésie la valeur même qu’elle lui a donnée. » Il reconnaissait qu’il y avait seize ans, même dans cette Allemagne si divisée, mais unie alors dans un sentiment commun contre l’étranger, un poëte politique aurait pu exercer aussi son influence sur le pays tout entier, et il ajoutait : « Mais ce poëte était inutile : le mal universel et le sentiment général de honte avaient, comme un démon, saisi la nation ; le feu de l’inspiration qui aurait pu enflammer le poëte brûlait déjà partout de lui-même. […] Mais qu’on veuille y réfléchir : je le demande, Gœthe étant ce qu’il était par sa nature, par ses tendances, par la région élevée où habitait sa pensée, pouvait-il avoir une autre opinion sur le jeune et brillant poëte, dont il reconnaît d’ailleurs en maint endroit le grand talent d’imagination et la puissance ? […] Toujours lumineux, toujours clair, décidé, ayant à toute heure assez d’énergie en lui pour mettre immédiatement à exécution ce qu’il avait reconnu avantageux et nécessaire.
La position des ennemis était forte ; elle n’avait pu être bien reconnue. […] Laujon, dans cette carrière facile, — pas si facile qu’il semblerait, — se proposait pour maître et pour modèle, il le reconnaît, l’ingénieux Benserade, ce véritable inventeur des ballets modernes et qui, à toutes les critiques dont il se voyait l’objet en son temps de la part du rigide Despréaux, avait pour réponse : « J’ai du moins imaginé un plaisir. » Collé, d’une humeur moins douce que Laujon, et qui sur la fin n’avait de gaieté que dans ses œuvres, fut aussi appelé à Berny. […] « Il arrive au vieux Louvre, nous dit M. de Luynes, sans être attendu, et il entre dans une salle sans savoir où il était ; il reconnaît que c’est l’Académie des Sciences ; il sort au plus tôt et arrive enfin à l’Académie française ; il prend place auprès de l’abbé Alary ; le directeur, qui est M. de Saint-Aignan, n’y était point. » Collé, qui nous complète, dit que Mirabaud présidait ce jour-là ; il tenait du moins le bureau en qualité de secrétaire perpétuel : à la vue du soudain confrère qui faisait son apparition, il ne quitta point le fauteuil pour le lui donner.
Il est reconnu, je crois, que la fédération est un système politique très favorable au bonheur et à la liberté, mais il nuit presque toujours au plus grand développement possible : des arts et des talents, pour lesquels la perfection du goût est nécessaire. […] Le vrai talent a peine à se reconnaître au milieu de cette foule innombrable de livres : il parvient à la fin, sans doute, à se distinguer ; mais le goût général se gâte de plus en plus par tant de lectures insipides, et les occupations littéraires elles-mêmes doivent finir par perdre de leur considération. […] On a besoin, pour conquérir les empires, que les armées disciplinées reconnaissent le pouvoir d’un chef ; mais pour faire des progrès dans la carrière de la vérité, il faut que chaque homme y marche de lui-même, guidé par les lumières de son siècle, et non par les documents de tel parti60.
Il faut qu’une sorte de fermentation, causée par des événements extraordinaires, développe ce sentiment, dont le germe existe toujours chez un grand nombre d’hommes, mais peut mourir avec eux sans qu’ils aient jamais eu l’occasion de le reconnaître. […] Lorsqu’en étant assidu aux élections, on pouvait influer sur le choix des hommes dont allait dépendre le sort de la France, les Aristocrates aimaient mieux l’exposer au joug des scélérats, que de reconnaître quelques-uns des principes de la révolution en votant dans les Assemblées primaires. […] le malheur qu’il cause serait encore possible à supporter, s’il venait uniquement de la perte d’une grande espérance ; mais par quels moyens racheter les sacrifices qu’elle a coûtés, et que devient un homme honnête, alors qu’il se reconnaît coupable d’actions qu’il condamne en recouvrant sa raison ?
Hugo et de Lamartine ; et même avant 1826, l’abbé de Frayssinous avait reconnu la liaison des doctrines classiques aux principes conservateurs719. […] Lemercier venait de manquer sa colossale Panhypocrisiade, quand Lamartine, du fond de sa province, apporta ses Méditations où l’on reconnut d’abord un grand poète (1820). […] C’est une œuvre de combat, venue après la défaite : œuvre d’un esprit vigoureux et pénétrant, mais systématique, partial, fermé à tout ce que son parti pris ne l’autorise à comprendre, juge délicat des œuvres qu’il se reconnaît le droit d’admirer.
Je reconnais d’ailleurs qu’il est peut-être aussi puéril de se moquer de l’érudition en bloc, que de faire de l’érudition comme quelques-uns en font. […] Mais surmontons cette première impression, prêtons une oreille attentive et sympathique, et nous reconnaîtrons que cet enfant robuste et sain, plein de vigueur, de bonté et de courage, que cet enfant qui est déjà le grand peuple français parle aussi la grande langue française. […] On pourrait donc dire que nous avons reconnu cette beauté plutôt que nous ne l’avons découverte, et que l’imitation de l’antiquité n’a pas été pour nous une « Renaissance », mais un achèvement.
Wagner, il ne reconnaît ce caractère qu’à M. […] Deux anatomistes célèbres se sont distingués dans cette recherche, Owen en Angleterre, Gratiolet parmi nous ; mais le premier va beaucoup plus loin que le second et admet des caractères distinctifs que celui-ci n’a pas reconnus. […] Notre race commence à reconnaître des sœurs dans les races inférieures ; la conscience humaine franchit la question zoologique et la tranche instinctivement : voilà le grand spectacle que présente l’humanité dans le monde entier.
Il fut démontré que la terre n’avait pas toujours été dans l’état actuel, et soit que l’on admette avec les uns la théorie des cataclysmes, avec les autres la théorie des actions lentes, on est forcé de reconnaître que la nature a eu son histoire. […] Il y a là, je le reconnais, des services réciproques : les religions agissent sur la métaphysique, surtout à l’origine ; mais plus tard la métaphysique agit sur la religion. […] C’est là, nous le reconnaissons, le travail de toute une vie ; mais maintenant que les sources sont connues, que les grandes écoles ont été approfondies, une multitude de points particuliers éclaircis, le moment serait venu peut-être d’entreprendre une vaste synthèse qui embrasserait l’histoire générale des systèmes non-seulement en eux-mêmes, mais dans leurs rapports avec l’histoire religieuse, politique et scientifique en général.
De tous les hommes qui ont jamais écrit, — Sterne, en Angleterre, comme La Fontaine, en France, — n’est-il pas le plus facile à reconnaître ? […] Malgré leurs efforts et leur souplesse, on les reconnaîtrait toujours. […] Il faut avoir le courage de le reconnaître et de l’écrire : tout est mauvais dans ce livre exhumé, tout, et jusqu’au titre, qui est un non-sens et une contradiction dans les idées et les prétentions de l’auteur.
On lisait celle d’un certain Marcius, que Tite-Live appelle un devin illustre ; et, dans la citation rajeunie qu’il en fait, on peut reconnaître cette ancienne voix du sanctuaire que nous avons entendue de la bouche de Pindare. […] Il faut donc le reconnaître : dans une œuvre d’imitation, dans l’ébauche encore incomplète du théâtre tragique chez les Romains, quelque chose restait de cette ardeur première, de cette puissance lyrique dont Eschyle avait passionné les âmes. […] Enfin un curieux témoignage à la gloire de ce vieux poëte de la république, c’est le brillant abréviateur de l’histoire romaine, le flatteur de l’empire, Velléius Paterculus, écrivant, à une des dates mémorables de son récit : « Dans le cours de cette même époque169, parurent les rares génies d’Afranius dans la comédie romaine, de Pacuvius et d’Accius dans la tragédie, d’Accius élevé jusqu’à l’honneur de la comte paraison avec les Grecs, et digne de se faire une si grande place parmi eux qu’il soit presque impossible de ne pas reconnaître, chez eux plus de perfection, et chez lui plus de verve. » Alors même que cet éloge expressif était arraché au bon goût de Velléius, l’éclat du siècle d’Auguste, l’urbanité nouvelle et aussi les précautions politiques de son règne avaient, selon toute apparence, bien éloigné de la mémoire et de la vue des spectateurs romains les drames de la vieille école.
vous ne reconnaissez pas Félicion, le fils de votre métayer, à qui vous avez donné tant de jouets quand il était enfant ? […] C’est le philosophe qui sent un bienfait ; c’est lui qui est prompt à le reconnaître, et à s’en acquitter par son aveu. […] Je ne te nomme pas, mais tu te reconnaîtras, si tu me lis… Tu rougis ! […] Reconnaît-on à ces traits l’homme qui se fera couper les veines plutôt que de dire un mot flatteur à son élève ? […] J’ai pesé mûrement ces conseils ; j’ai reconnu qu’ils étaient dictés par la raison.
Je n’accepte pas celle de Michel-Ange, mais je reconnais qu’elle existe, qu’elle est complète, solide, magistrale. […] Il ne reconnut qu’une puissance dans l’univers, l’inflexible réalité. […] … On entraîna Jancewski : je l’ai reconnu ! […] Aujourd’hui, je reconnaîtrai si je suis le plus grand de tous… ou seulement un orgueilleux. […] Il reconnaîtra le poison, la poudre, la vapeur ; il reconnaîtra tes éclairs, la fumée, la foudre ; il reconnaîtra la légalité et la chicane contre les savants et les ignorants.
Or, cette justesse d’esprit et ce talent dans la parole et dans l’action, nous les avons toujours reconnus et aimés même dans nos adversaires. […] Nous n’avons jamais reconnu ni petitesse ni gaucherie dans l’esprit de cet homme d’État et de cet écrivain ; ce ne sont pas là les défauts que ses ennemis eux-mêmes éplucheront dans sa rare nature. […] C’est un écrivain complice de la fortune ; il ne reconnaît le tort que quand le tort est puni par le revers. […] Il faut reconnaître qu’à ce moment la France n’en voulait pas d’autre. […] On se disait qu’il avait donc reconnu l’imprudence de cette entreprise, l’impossibilité de la faire réussir, puisqu’il s’enfuyait, abandonnant à d’autres ce qui lui semblait désormais inexécutable.
All is true ; il est si véritable que chacun peut en reconnaître les éléments chez soi, dans son cœur peut-être. […] Le père refusait de la reconnaître. […] Mais si vous n’êtes pas fatigué, nous pouvons passer la rivière, et monter à Clochegourde, où vous aviserez à reconnaître vos épaules. […] « Quoique madame de Mortsauf n’eût prononcé qu’un mot au bal, je reconnus sa voix qui pénétra mon âme et la remplit comme un rayon de soleil remplit et dore le cachot d’un prisonnier. […] D’abord j’essayai de me mettre à mon aise dans mon fauteuil, puis je reconnus les avantages de ma position en me laissant aller au charme d’entendre la voix de la comtesse.