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731. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « XI. Gorini »

Or, le jardin de M. l’abbé Gorini, que je tiens à ce qu’il achève, est le jardin public — trop public — de l’histoire contemporaine, un potager d’erreurs de toute sorte, et dans lequel précisément ce vigoureux sarcleur d’abbé Gorini a retourné plus d’une plate-bande pour le compte de M.  […] Le grand défaut, le seul défaut capital peut-être de l’ouvrage de M. l’abbé Gorini, qui l’empêchera d’être lu et goûté du public, nous l’avons signalé au commencement de ce chapitre, c’est de n’être pas un livre ayant son commencement, son milieu, sa fin, son organisme et son art.

732. (1908) Les œuvres et les hommes XXIV. Voyageurs et romanciers « L’Abbé *** »

Publié en Belgique, chez les éditeurs Lacroix et Verboeckhoven, les fonctionnaires publics du gouvernement Victor Hugo, descendu de la même planche qui, sans se rompre, a porté les Misérables, et bien autrement fort de café, disait-on, contre le sacerdoce et l’Église, que tout ce qu’on nous avait servi jusque-là, ce livre, intitulé sinistrement : le Maudit, était l’œuvre d’un prêtre, non d’un prêtre ébauché et d’un fuyard de séminaire comme Ernest Renan, mais d’un vrai prêtre, complet et héroïque, qui n’avait pas mis son nom à son ouvrage, parbleu ! […] Tiré en pleine chambre du Sénat et de la main gantée d’écarlate d’un cardinal, il a forcé l’attention publique. […] Sans valoir la millième partie du bruit qu’on lui a fait, Renan a bien ce qu’il faut, semble-t-il, pour illusionner, je ne dis pas les évêques, dont les mains calmes et consacrées doivent savoir exactement le poids ou la légèreté de l’erreur, mais du moins ce gros public, dont l’instinct est faillible, — mauvais juge d’une science assez grande pour tromper et d’un style assez travaillé pour paraître beau.

733. (1859) Critique. Portraits et caractères contemporains

Votre colère ne fait abstraction de personne ; tout le monde y passe, l’homme de talent et son copiste qui n’en a pas ; le livre admiré par le public, et le livre que le public a sifflé. […] Pourquoi laisser le public en paix, pendant que vous agitez le monde littéraire ? Le public est en ceci le vrai coupable ; c’est le public, tout autant que les auteurs, qui fait ses romans, ses contes et ses drames. […] Au contraire, parlez au public d’un huissier-priseur ou d’un commissaire de police ; parlez tout simplement de l’ours Martin ou de Jacqueline : soudain le public va vous prêter tout son intérêt, toute son attention. […] Ici, Charrié et sa bande, et là-bas le comité de salut public !

734. (1842) Discours sur l’esprit positif

Il y faudra voir, au contraire, l’un des principaux exemples de cette admirable condensation de formules qui, chez les populations avancées, réunit, sous une seule expression usuelle, plusieurs attributs distincts, quand la raison publique est parvenue à reconnaître leur liaison permanente. […] Ne pouvant empêcher le libre essor de la raison moderne chez les esprits cultivés, on s’est ainsi proposé d’obtenir d’eux, en vue de l’intérêt public, le respect apparent des antiques croyances, afin d’en maintenir, chez le vulgaire, l’autorité jugée indispensable. […] Notre respectueuse admiration sera toujours bien due assurément à la prudence sacerdotale qui, sous l’heureuse impulsion d’un instinct public, a su retirer longtemps une haute utilité pratique d’une si imparfaite philosophie. […] Cette prééminence est d’une nature tellement sensible que, sans doute, la raison publique la reconnaîtra suffisamment, longtemps avant que les institutions correspondantes aient pu convenablement réaliser ses heureuses propriétés. […] Ainsi, l’universelle propagation des principales études positives n’est pas uniquement destinée aujourd’hui à satisfaire un besoin déjà très prononcé chez le public, qui sent de plus en plus que les sciences ne sont plus exclusivement réservées pour les savants, mais qu’elles existent surtout pour lui-même.

735. (1910) Propos de théâtre. Cinquième série

Mais, s’il vous plaît, à cause des allusions, non point que contenait la pièce, mais que le public pouvait y mettre. […] Mais dès le temps de Sedaine, le public désirait secrètement qu’ils se mariassent, et l’auteur voulait que le public le désirât. […] Je n’aime pas que le public se trompe complètement. […] Il s’agissait de forcer le public à donner raison à une personne qui, aux yeux de la raison, a absolument tort. […] Par conséquent, durant cette seconde partie, à l’acte IV, de la scène du III, nous dirons sans cesse, nous, public : « Hé !

736. (1826) Mélanges littéraires pp. 1-457

Ce passage est tiré du livre même que nous annonçons aujourd’hui au public. […] L’éducation publique, qui est celle que les enfants reçoivent de l’état dans des établissements publics ; son but est de former l’homme pour la société publique et les devoirs religieux et politiques qu’elle commande. […] « Que des établissements publics, dit M.  […] Luther attenta au sacerdoce public, Calvin le remplaça dans la famille. […] Sans doute quand le cri est public, général, violent, quand c’est toute une nation qui parle sans contrainte.

737. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre II. La Renaissance. — Chapitre II. Le théâtre. » pp. 2-96

Le public. —  La scène. […] Un écriteau en grosses lettres indique au public qu’on est à Londres ou à Constantinople ; et cela suffit au public pour se transporter à l’endroit voulu. […] Quels sont-ils ces bourgeois, ces courtisans, ce public dont le goût façonne le théâtre ? […] Ils manifestent mieux que les autres hommes l’esprit public, parce que l’esprit public est plus fort chez eux que chez les autres hommes. […] Oui, j’en suis une ; car celle qui est la femme d’Orgilus, et vit en adultère public avec Bassanès, est à tout le moins une prostituée.

738. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Étienne de La Boétie. L’ami de Montaigne. » pp. 140-161

Comme amateur des vieux livres, on peut souffrir de cette divulgation des choses rares ; comme partie du public et comme lecteur du commun, on ne saurait s’en plaindre. […] le siècle marche, les voies publiques s’étendent, les rues s’élargissent, le grand chemin est partout. […] Léon Feugère, cet autre éditeur qui a bien mérité de La Boétie, n’est pas et ne prétend pas être un amateur aussi déclaré ni aussi opiniâtrement en quête sur tel ou tel point, un défricheur ni un investigateur bibliographique du même genre : il ne s’adresse qu’à ce qui peut intéresser plus généralement le public ; universitaire des plus instruits, littérateur estimable, plein d’acquis, de culture, et utilement laborieux, il a pris à tâche de faire connaître avec étendue et de mettre aux mains de tout le monde des auteurs jusqu’ici peu répandus, et dont la lecture courante ne peut se faire qu’à l’aide d’un introducteur aussi complaisant qu’érudit. […] En dédiant les vers latins de La Boétie au chancelier de L’Hôpital, Montaigne développe cette même idée : il se console, dit-il, de voir tant de hasard présider au choix des hommes qui gouvernent les autres, et, là même où la chose publique est le mieux réglée, le discernement faire faute trop souvent sur ce point, en considérant qu’Étienne de La Boétie, « l’un des plus propres et nécessaires hommes aux premières charges de France, avait tout du long de sa vie croupi méprisé ès cendres de son foyer domestique ». […] Quand ils se rencontrèrent La Boétie et lui au début de la vie publique, ils étaient encore sous le vestibule de l’Antiquité et comme sous le Portique.

739. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Théophile Gautier. »

Tout en ayant l’air de braver le public, ou de le narguer, il n’est que de le prendre en dessous par une de ses veines. Théophile Gautier négligea toujours et dédaigna ce qui parle le plus au public français ; il se fit un malin plaisir et un jeu de le contredire en toute rencontre, affectant de ne s’adresser qu’à quelques-uns. […] Ce sont tous ces charmants vers que je reproche au public, qui lit avec plaisir les feuilletons de Théophile Gautier, de ne pas avoir présents et de ne pas assez couronner. […] Est-il amoureux, par exemple, souffre-t-il : au lieu de se plaindre, de gémir, de se répandre en larmes et en sanglots, de presser et de tordre son cœur au su et vu de tous, ce qui lui paraît peu digne, — car il ne sied pas, selon lui, que le poète geigne en public, — il se contient, il a recours à quelque image comme à un voile, il met à son sentiment nu une enveloppe transparente et figurée ; il dira : LE POT DE FLEURS Parfois un enfant trouve une petite graine, Et tout d’abord, charmé de ses vives couleurs, Pour la planter, il prend un pot de porcelaine Orné de dragons bleus et de bizarres fleurs. […] Sans compter que le public français (j’y reviendrai) ne peut guère porter qu’un poète nouveau à la fois, notez encore que c’est presque toujours par des côtés accessoires, étrangers à la poésie pure, qu’il l’adopte et qu’il l’épouse.

740. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Mémoires de Malouet (suite et fin.) »

Je pardonne même, sinon à ceux qui ont pu contribuer à sa démarche, à ceux du moins qui sont tentés d’y applaudir, parce que je suis persuadé qu’elle produira dans le public un effet tout contraire à celui qu’on en attend… » C’était dix fois juste. […] Maiouet, dans cette affaire et pour cette petite pièce montée à loisir, ne sut donc point se placer au vrai point de vue du public et du théâtre. Il ne se dit point que l’autorité de Raynal (si autorité il y avait) ne pouvait se séparer du fond des doctrines qu’il avait si ostensiblement soutenues et proclamées ; que son changement d’idées graduel et sincère, remontant à quelques années et connu seulement de quelques amis, ne pouvait que lui nuire en éclatant comme une conversion subite et en s’étalant comme un exemple de plus de la versatilité humaine ; que les hommes célèbres et les personnages publics ne sont pas seulement ce qu’ils sont, mais ce qu’ils paraissent ; que l’auteur de l’Histoire philosophique était le dernier des hommes qui eût le droit de rappeler si solennellement à la modération ceux qu’il avait de longue main excités et échauffés ; que c’était tout au plus ce qu’aurait pu tenter un Mirabeau, se transformant de tribun séditieux en tribun conservateur : et encore aurait-il eu de terribles difficultés personnelles à vaincre : Quis tulerit Gracchos de seditione querentes ? […] Il put continuer d’être cher à ses amis et leur tenir de fort beaux propos, leur prodiguer de généreux sentiments, et gémir plus haut que personne en se promenant avec eux le soir dans les allées du Luxembourg97 ; mais l’homme public ne comptait plus, il s’était brisé du même coup et devant ses contemporains et devant la postérité. […] Peut-être enfin n’était-il pas sans utilité pour la morale de remarquer qu’en soufflant dans cette occasion une sorte de flétrissure publique pour une production qui n’était pas de lui, Raynal avait en quelque sorte été puni d’avoir usurpé seul la gloire d’un grand ouvrage où il avait eu tant de collaborateurs. » 99.

741. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « M. EUGÈNE SCRIBE (Le Verre d’eau.) » pp. 118-145

Il y a des scènes et des publics qui nous excitent, qui nous élèvent dès l’abord, qui nous forcent à tirer de nous-mêmes et plus constamment tout ce que nous valons. […] Plus ou moins tôt, toutes les qualités percent, et la dose de nouveauté qu’on avait en soi est versée dans le public. […] Le public, dans sa reprise d’enthousiasme, en voulait, les acteurs tout naturellement y insistèrent ; ce leur était chose plus facile. […] Vers le même temps, il est vrai, la pièce, jouée en province, à Metz, à Bordeaux, devant un public moins en garde, réussissait entièrement. […] Scribe a observé que les titres directs, les caractères affichés aux pièces, tels que l’Ambitieux, les Indépendants, sont une difficulté de plus aujourd’hui, une sorte de programme proposé d’avance au public impatient qui le conçoit à sa manière, et trouve volontiers que l’auteur ne le remplit pas à souhait.

742. (1862) Cours familier de littérature. XIII « LXXVe entretien. Critique de l’Histoire des Girondins (6e partie) » pp. 129-176

II « Mais cette femme, si magnanime et si supérieure à son sort en public, fléchissait, comme toute nature humaine, dans la solitude et dans le silence du cachot. […] dit l’accusateur public en voyant ce cortège de femmes des noms les plus illustres groupé autour de la sœur de Louis XVI. […] Non, je n’ai pas eu de telles faiblesses envers le comité de salut public qui contresigna de telles concessions de têtes à la cruauté du peuple ! […] Robespierre, qui a personnifié en lui cette mêlée d’abord sublime, puis hideuse, des pensées et des passions, des philosophies et des fureurs, des principes et des sophismes, des moralités privées et des atrocités publiques, va périr sous la main non de ses ennemis, mais de ses complices. […] Il s’enivre d’une perspective de félicité publique pendant que la France palpite sur l’échafaud.

743. (1869) Cours familier de littérature. XXVIII « CLXVIIIe entretien. Fénelon, (suite) »

La malignité publique se complut à voir la figure du roi, des princes, des ministres, des favoris et des favorites, dans les personnages dont Fénelon avait composé ses tableaux. […] Il y vit sa condamnation certaine à un éternel exil, et sa situation d’ennemi public dans une cour qui ne lui pardonnerait jamais. […] Mais le dévouement de Fénelon ne se borna pas à des actes particuliers ; il put s’élever au noble rôle d’assistance publique. […] Le service militaire réduit à cinq ans de présence sous les drapeaux ; les pensions aux invalides servies dans leurs familles, pour être dépensées dans leurs villages, au lieu d’être dilapidées dans l’oisiveté et dans la débauche du Palais des Invalides dans la capitale ; Jamais de guerre générale contre toute l’Europe ; Un système d’alliance variant avec les intérêts légitimes de la patrie ; Un état régulier et public des recettes et des dépenses de l’État ; Une assiette fixe et cadastrée des impôts ; Le vote et la répartition de ces subsides par les représentants des provinces ; Des assemblées provinciales ; La suppression de la survivance et de l’hérédité des fonctions ; Les États généraux du royaume convertis en assemblées nationales ; La noblesse dépouillée de tout privilége et de toute autorité féodale, réduite à une illustration consacrée par le titre de la famille ; La justice gratuite et non héréditaire ; La liberté réglée de commerce ; L’encouragement aux manufactures ; Les monts-de-piété, les caisses d’épargne ; Le sol français ouvert de plein droit à tous les étrangers qui voudraient s’y naturaliser ; Les propriétés de l’Église imposées au profit de l’État ; Les évêques et les ministres du culte élus par leurs pairs ou par le peuple ; La liberté des cultes ; L’abstention du pouvoir civil dans la conscience du citoyen, etc. […] Cet élève était devenu la perspective de la France ; elle attendait son règne comme celui de la vertu et de la félicité publique.

744. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre II. La première génération des grands classiques — Chapitre II. Corneille »

Étant homme, et poète, il aimait ce qui venait de lui, et préférait ce qu’il voyait mal reçu du public. Il quitta le théâtre par un dépit d’auteur sifflé, après Pertharite : il y rentra, au moment où disparaissaient et les modèles qu’il peignait et le public qui avait fait sa renommée. […] Pour lui, il a sur les unités le sentiment qui est celui du public, et qui les a établies : elles sont l’expression de « la raison naturelle » ; elles donnent la vraisemblance, et un air de réalité au poème dramatique. […] Ensuite, parce que, de son temps du moins, la fortune des hommes illustres intéressait le public plus que celle des bourgeois, et fournissait des causes plus adéquates à la grandeur des passions ; et puis, aussi, parce qu’en somme les intérêts historiques donnent aux passions une base plus universellement intelligible que les intérêts professionnels ou financiers, d’où sortent les passions bourgeoises. […] Seulement ces effets violents ne réchauffent pas la tragédie, précisément par ce que le public fait la réduction convenable, et par ce que le sang versé au théâtre n’est pas pathétique physiquement, par son aspect, mais moralement, par les causes de l’acte.

745. (1887) Discours et conférences « Rapport sur les prix de vertu lu dans la séance publique annuelle de l’Académie française »

Rapport sur les prix de vertu lu dans la séance publique annuelle de l’Académie française 4 août 1881 Il y a un jour dans l’année, Messieurs, où la vertu est récompensée. […] « Tous les enfants élevés par cette bonne fille Albert, nous dit l’inspecteur de l’Assistance publique de la Loire-Inférieure, ont bien tourné. […] Le public, qui est juste quelquefois, se prononce hautement pour la touchante victime ; elle, toujours réservée, ne consent pas à se laisser trop plaindre. ; Le dimanche suffit à sa consolation. […] Un groupe de jeunes filles que ses vertus ont spécialement captivées, et qui cherchent l’estime publique en s’approchant d’elle, ne la quitte pas. […] Dans ce genre, il est vrai, vous ne prenez pas vos lauréats pour confrères ; mais la confiance que le public vous témoigne est quelque chose de touchant.

746. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Mirabeau et Sophie. — II. (Lettres écrites du donjon de Vincennes.) » pp. 29-50

Ce sont ces originaux que Manuel, officier public, trouva dans les cartons et qu’il s’appropria sans scrupule, se vantant, pour plus d’effet, de les avoir découverts « sous les débris » de la Bastille, dont il était l’un des « vainqueurs ». […] Il descendit donc, et, pour arriver à la langue générale et publique, il ne craignit point de traverser la déclamation à la nage et de se plonger dans le plein courant du siècle, bien sûr qu’il était d’en ressortir à la fin non moins original et plus grand. […] Même dans les choses d’amour, dans ses souvenirs élégiaques, écrivant à son amie, il la défend en idée devant ses accusateurs, et il la défend en se levant, en se tournant volontiers vers le public absent, qu’il apostrophe et qu’il invoque : Voulez-vous, demande-t-il, qu’elle ait fait une imprudence ? […] On se prend à répéter avec lui : « Somme toute, il n’y a que les hommes fortement passionnés capables d’aller au grand ; il n’y a qu’eux capables de mériter la reconnaissance publique… » Ne dirait-on pas qu‘à travers ses barreaux il aperçoit déjà le Panthéon ? […] Il y eut en lui aussi une part de comédien et de personnage de théâtre qui tenait au talent même, et comme il en entre si aisément et à peu près inévitablement, on ose le dire, chez tous les hommes publics à qui il est donné de mener les autres hommes : mais le fond du cœur était chaud, le fond de la conviction était sincère, de même que plus tard nous verrons que le fond de ses vues politiques, en apparence si turbulentes et si orageuses, était tout à fait sensé.

747. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Madame de Lambert et madame Necker. » pp. 217-239

Mais il résulta de cette longévité académique que, dans la seconde moitié du xviie  siècle, l’Académie ne se renouvela point aussi vite que le public l’aurait pu souhaiter. […] ) Elle se livra au public, elle s’associa à Messieurs de l’Académie, et établit chez elle un bureau d’esprit. […] Ses petits écrits parurent de son vivant et d’abord sans sa participation, bien que, par le soin extrême de rédaction qu’elle y avait mis, elle semble avoir eu en vue le public. […] Mais ce fut bien pis quand le manuscrit de ses Réflexions sur les femmes, ouvrage plus hardi et qui était de nature à provoquer les railleurs, fut tombé aux mains d’un libraire et commença à circuler dans le public ; elle racheta vite toute l’édition ou ce qui en restait, mais sans pouvoir empêcher qu’on ne la réimprimât à l’étranger. […] À un endroit elle définira, par exemple, toutes les vertus d’après leur degré d’opposition avec l’amour-propre : « Tous les vices favorisent l’amour-propre, et toutes les vertus s’accordent à le combattre : la valeur l’expose, la modestie l’abaisse, la générosité le dépouille, la modération le mécontente, et le zèle du bien public l’immole. » C’est merveilleusement bien dit ; mais, du temps de Mme de Lambert, il ne fallait pas un grand nombre de ces phrases-là pour fatiguer quiconque n’était pas né à l’avance avec un esprit de forme psychologique et quelque peu doctrinaire.

748. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Le maréchal Marmont, duc de Raguse. — II. (Suite.) » pp. 23-46

Il demanda à le voir seul ; il l’entretint longuement des malheurs publics, et il cherchait jour sensiblement à une ouverture. […] Ce qui n’était pas une manœuvre et une intrigue, c’était le sentiment public alors répandu dans les classes supérieures et aisées de la société, et qui faisait explosion pour la première fois. […] Pour prendre des noms très purs et presque consacrés qui représentent l’un et l’autre de ces deux aspects de la France, je nommerai comme expression de la raison publique alors, des hommes tels que M.  […] Ce qu’on peut dire après avoir écouté Marmont, et ce que diront tous ceux qui l’entendront un jour, c’est que, dans la résolution qu’il prit, il n’entra rien de cet égoïsme qui songe avant tout à soi et non au bien public, et qui déshonore. […] Le colonel Fabvier, qui avait accompagné le maréchal à Lyon, et qui avait été son chef d’état-major dans cette mission délicate et ferme, jugea à propos de rétablir les faits et de justifier par un écrit public ces actes que le ministère ne défendait que faiblement.

749. (1864) William Shakespeare « Conclusion — Livre I. Après la mort — Shakespeare — L’Angleterre »

Un jeune homme de vingt ans fait cette action héroïque d’épouser une belle jeune fille ; on lui dresse des arcs de triomphe, on vient le voir par curiosité, on lui envoie le grand-cordon comme le lendemain d’une bataille, on couvre les places publiques de feux d’artifice, des gens qui pourraient avoir des barbes blanches mettent des perruques pour venir le haranguer presque à genoux, on jette en l’air des millions sterling en fusées et en pétards aux applaudissements d’une multitude en haillons, qui ne mangera pas demain ; le Lancashire affamé fait pendant à la noce ; on s’extasie, on tire le canon, on sonne les cloches, Rule, Britannia ! […] Mais si l’on joue Macbeth, c’est devant peu de public. […] On y a utilisé tous les bronzes York, Cumberland, Pitt et Peel ; on a, pour la composer, désencombré les places publiques d’un tas de cuivres non justifiés ; on a amalgamé dans cette haute figure toutes sortes de Henris et d’Edouards, on y a fondu les divers Guillaumes et les nombreux Georges, l’Achille de Hyde-Park a fait l’orteil ; c’est beau, voilà Shakespeare presque aussi grand qu’un Pharaon ou qu’un Sésostris. […] L’initiative prise par le comité entraînera certainement les pouvoirs publics. […] Ce qui est dû à Shakespeare, c’est une manifestation nationale ; un jour férié, une fête publique, un monument populaire, votés par les chambres et inscrits au budget.

750. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Vien » pp. 74-89

Le public a été partagé entre ce tableau de Vien, et celui de Doyen sur l’ épidémie des ardents ; et il est certain que ce sont deux beaux tableaux ; deux grandes machines. […] De graves magistrats s’ils y avoient été auraient écouté et pesé ce que la doctrine nouvelle avoit de conforme ou de contraire à la tranquillité publique. […] Pourquoi ces statues qui peuploient les jardins publics, le portique, le céramique et autres endroits, ne se recommandoient pas seulement par la correction et la pureté du dessein. […] Je vous ai dit que le public avoit été partagé sur la supériorité des tableaux de Doyen et de Vien. […] J’observai qu’à la plaine des sablons, un jour de revue, que la curiosité badaude y rassemble cinquante mille hommes, le nombre des masses y seroient infinis en comparaison des grouppes ; qu’il en seroit de même à l’église, le jour de pâques ; à la promenade, une belle soirée d’été ; au spectacle, un jour de première représentation ; dans les rues, un jour de réjouissance publique ; même au bal de l’opéra, un jour de lundi gras ; et que pour faire naître des grouppes dans ces nombreuses assemblées ; il fallait supposer quelque événement subit qui les menaçât.

751. (1860) Ceci n’est pas un livre « Hors barrières » pp. 241-298

Je ne le crois pas : Cette mesure musicale me paraît purement une mesure de salubrité publique. […] Et, le salut donné, il se retourne vers le gros du public avec un sourire qui signifie : Voyez, vous autres manants, en quels termes je suis avec la noblesse ! […] Vingt ans il a fouillé les bibliothèques publiques ; vingt ans il a épelé — ligne par ligne — Monstrelet, Lachesnaye des Boys, d’Hozier — nulle part le nom des Maillet n’était inscrit dans le livre d’or de la noblesse. […] il se livra à l’enthousiasme public, — vêtu d’une veste en toile blanche et d’un pantalon de couleur : il est aimé d’une sympathie qui lui permet de ces insolences. […] Il va sans dire que j’inaugure ma direction en interdisant l’entrée du musée au public.

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