Cette suspension est pleine de goût…. […] Il n’est pas absurde de dire qu’il y a un nombre infini de mondes, mais qu’ils soient pleins de Démocrites, je ne sais ce que cela veut dire.
… Francis Wey a le ferme bon sens qui devient, en toutes choses, très vite le grand sens, et il a aussi cette mâle finesse de la prudence qui n’est pas la prudence femelle, celle de la lâcheté… Son style, à la trame serrée, étoffée à pleine main, solide, et dont je me permettrai de dire qu’on en sent le grain comme celui d’un maroquin étincelant qui prend et retient la lumière, est bien le style qui convient à un esprit net, avisé (que les sots croiront retors parce qu’il est avisé), sagace enfin, et dont la sagacité naturelle a été aiguisée par l’étude première et continuée de toute sa vie, — l’étude de l’Histoire. […] Je me permets cette revendication, parce qu’il ne faut pas voler à un pauvre le seul écu qu’il ait jamais eu, fût-ce pour le donner à un autre pauvre, d’ailleurs, comme Esménard, plein d’indignité.
Pleine d’admiration pour les premiers siècles de l’Église qui furent si grands, pour cette période de l’histoire, la Genèse d’un nouvel univers moral dressée devant les yeux humiliés de l’Économie politique, comme ce bouclier de diamants qu’Ubald, dans le Tasse, présente à Renaud pour qu’il y mire son impuissance et sa honte, l’Académie n’a pas su conclure nettement dans le sens de cette admiration franche et souveraine, et ce n’est pas le livre véritablement chrétien, imbibé de ce catholicisme qui est le sang pur de la vérité chrétienne qu’elle a couronné, mais des livres infectés plus ou moins de ce protestantisme qui est le commencement de la philosophie, comme, dans un autre ordre, la crainte de Dieu est le commencement de la sagesse. […] Ce talent est animé, vivant, plein d’une généreuse chaleur de tête et d’entrailles.
Seulement, tels qu’ils sont, il faut bien le dire, ils n’ont ni les développements, pleins de grandeur de ces Mille et une Nuits qui sont les épopées de l’enfance, ni le dramatique et le concentré de Perrault, — ce Shakespeare en raccourci s’il avait du style et les grâces riantes ou mélancoliques de cette fée des Contes de fées, la ravissante madame d’Aulnoy ! […] Hémistiches brisés, tronçons d’images, groupes d’expressions, la phrase de Feuillet, en ses contes, roule du La Fontaine à plein bord.
Chassé de France, il écrivit contre ces deux Monarques des Libelles pleins d’audace & de férocité.
Ses Plaidoyers sont d’un style véhément, rapide, pleins de pensées nobles, de tours énergiques, & d’expressions heureuses.
Elle est bien rédigée, assez habile et spécieuse ; mais au fond violente, pleine d’insinuations assez calomnieuses, et même d’une menace mal déguisée vers la fin.
C’est bien là le paradis charmeur foulé par les pieds de Lilith, plein de perversités, débordant de joie et que le mensonge triste n’a pas encore fané.
Paul Mariéton Une âme charmante, ingénieuse aussi, palpite dans les vers pleins de franchise et de simplicité qui composent ce livre (Au bord de la vie) portant un titre donné à l’auteur par Joséphin Soulary, dont le nom est inscrit au premier feuillet comme une invocation tutélaire au fronton d’un petit temple grec.
On connoît ceux-ci, pleins de naturel & de délicatesse.
Ses Pieces sont pleines de saillies, & très-réjouissantes, qualités propres à couvrir bien des défauts.
Il est plein, chemin faisant, de citations littéraires admirables et qui sortent d’un fonds riche où toute doctrine s’est accumulée. Il n’est jamais plus satisfait que quand il peut revêtir sa propre pensée de l’expression de quelque ancien sage ; et, par exemple, il tire à lui et détourne ici à son objet, en l’accommodant quelque peu, ce beau mot du philosophe Charron traitant de Dieu même : « Le plus expédient est que l’âme s’élève par-dessus tout comme en un vide vague et infini, avec un silence profond et chaste et une admiration toute pleine de craintive humilité. […] Je distingue, entre tous ces articles sévères, d’analyse et de discussion, celui qui traite des Mélanges littéraires de M. de Sacy, une oasis charmante au milieu de ces graves domaines, une causerie pleine de laisser aller, où M. […] Littré le comprend, et quand même il inspirerait peu de goût, a été un rude et courageux effort ; que le nœud qu’y a contracté l’esprit humain n’a pas été une nouure ni une servitude irrémédiable ; que « dans l’histoire déjà si longue et toujours enchaînée que l’on parcourt depuis la civilisation grecque jusqu’à la nôtre, à toutes les époques favorables ou inclémentes (et celle du Moyen-Age a été assurément inclémente), la vertu qui tendait à réparer, à tirer de l’existence antérieure une existence plus développée, s’est exercée avec pleine vigueur » ; qu’en ce sens le Moyen-Age n’a été qu’un stage plus dur pour l’esprit humain ; qu’au sortir de là et à l’époque du quinzième siècle et de la Renaissance, le monde est entré, par le fait même de la réaction et de la lutte, dans un cercle plus large et plus étendu que s’il avait continué mollement de vieillir sans complication et sans accident sous une suite pieuse d’éternels Antonins. […] Sa modestie y trouve son compte, et, moyennant cette déférence, son humanité peut se donner pleine carrière.
Jules Levallois, ce critique consciencieux et élevé, qui a de plus enrichi les volumes d’une Introduction d’une cinquantaine de pages, écrite d’un style ferme et pleine de vues étudiées et originales. […] Il n’est point de lecteur, au reste, qui n’ait lieu d’être amplement satisfait d’un travail si plein, si net, et où l’on est à tout moment dans le vif. […] Ce sont là de ces choses qui font que l’on se sent poète. » Il n’est rien tel en effet que de semblables aveux pour faire sentir dans sa douceur, sa vérité et son sérieux plein de charme, l’heureuse puissance du talent ou du génie, sa vertu d’influence continue et son triomphe invisible. […] Vous êtes trop jeune encore, vous avez un cœur trop tendre et plein d’une inclination trop ancienne pour n’être pas obligée à compter avec vous-même dans ce que vous devez sur ce point à vos enfants. […] Voilà maintenant de quoi j’ai le cœur plein, et ce que je voulais vous dire : j’ai plus à me louer qu’à me plaindre d’une adversité qui m’a mis en état de vous parler ainsi. » (7 février 1763.) — « Comment arrive-t-il, madame, que j’aie le cœur si plein de vous, et que je ne vous parle jamais que de moi ?
C’était un homme d’une belle figure, entre cinquante et soixante ans, d’une voix pleine et sonore, accoutumé à remplir les vastes salles de l’université à Padoue. […] Mais, au lieu de laisser dans notre entretien de la soirée cette mélancolie pensive que laisse la lecture d’un livre passionné dans l’esprit d’une société de lecteurs, notre entretien, plus gai et plus souriant qu’à l’ordinaire, se ressentit de la folie et de la verve du poète : la villa, les jardins, les bois de lauriers, les vallées de l’horizon, la mer et le ciel nous parurent pleins de paladins, d’enchanteurs et de belles aventurières poursuivies par leurs persécuteurs ou poursuivant leurs héros à travers le monde. […] Renaud maudit une loi si féroce qui punit de mort une faute de cœur ; il excuse l’entraînement de l’amour dans des vers pleins de l’indignation du héros et de l’indulgence de l’amant. […] La magnifique invention du sujet, qui appartient tout à l’Arioste, a donné à cette tragédie de Voltaire un effet théâtral immense : mais Voltaire fait déclamer pompeusement la passion dans sa tragédie, et Arioste la fait chanter, raconter et pleurer comme la nature ; il n’y a pas un homme de goût, dans aucun pays, qui puisse comparer de bonne foi les vers sonores et faibles de la tragédie avec les stances simples et pleines du poème. […] — Ce livre en est tout plein, Mademoiselle, dit le professeur ; mais en voilà assez pour aujourd’hui.
Le livre admirable dont nous allons vous parler est du nombre infiniment petit de ces secrets de la littérature qui ont été chuchotés bien bas entre le berceau, le lit et l’autel ; il est plein de mystère et de larmes, il en fait couler. […] Les moins nombreux encore sont-ils ceux que l’on voit ; nos dents, notre peau, tout notre corps, dit-on, en est plein. […] Elle avait pour son père un amour filial plein de confiance, de pitié pour son isolement, de reconnaissance pour tous les sacrifices qu’il s’imposait en faveur de ses enfants ; pour sa sœur Mimi une affection vraiment maternelle qui aimait à se tromper soi-même, en lui persuadant que cette jeune sœur était sa fille. […] Nous ne savons pas ce qu’il serait devenu si Dieu l’avait laissé vivre jusqu’à pleine maturité d’esprit. […] Les confidences de l’espérance et de la jeunesse, pleines d’illusions, sont moins touchantes que celles de la dernière heure.
Victor Hugo125, qui est un voyant du monde visible et invisible, se représente le carillon des cités flamandes sous les traits d’une danseuse espagnole qui descend à petits pas du haut d’un beffroi et qui égrène sur la route les notes cristallines dont est plein son tablier d’argent. […] Des cantilènes populaires sont l’origine et le noyau de nos chansons de geste, et, plus tard, les jongleurs qui les débitent en font une sorte de récitatif ou de mélopée, comme ce Taillefer « qui moult bien cantait » et qui, en tête de l’armée de Guillaume le Conquérant, lançait à pleine voix la Chanson de Roland, vraie Marseillaise de ce temps-là. […] Vivent le plein cintre et la coupole ! […] Il a toujours la mémoire tellement pleine d’œuvres d’art anciennes ou modernes qu’il voit la nature même à travers. […] Delacroix a surpassé les tableaux que je m’étais faits de scènes écrites par moi-même, à plus forte raison les lecteurs trouveront-ils toutes ces compositions pleines de vie et allant bien au-delà des images qu’ils se sont créées. » Mais à qui remonte en pareille occurrence l’inspiration première ?
Chez Wotan seul le conflit est tout à fait vivant et vrai ; chez les autres il l’est moins, d’abord à cause de leur manque de pleine conscience, et ensuite parce que — au fond — nous les voyons tous d’un point de vue unique, qui est précisément l’âme de Wotan. […] Nous le voyons, par exemple, jeter sur le papier — quand on le lui demande — des thèmes musicaux qui n’acquièrent leur plein développement qu’un quart de siècle plus tard, lorsque les circonstances lui permettent de faire la partition. — Je crois que pour Wagner le poème était — pour ainsi dire — une chose bien plus fortuite que la musique ; celle-ci, au contraire, était nécessaire, elle ne pouvait être autrement, elle répondait à un ordre de vérité plus vague dans un certain sens et pour lequel la fable dramatique pouvait en conséquence varier, mais de vérité plus profonde dans sa généralité, plus certaine, plus absolue. […] Certes il faut reconnaître que les drames du maître sont aussi une manifestation de sa conception de l’art ; et je dirais même que ses œuvres artistiques sont plus éloquentes, plus convaincantes, plus pleines de haute vérité que tous les écrits théoriques. […] En attendant il faut reconnaître que leurs études sur la trame musicale des Maîtres Chanteurs et de Parsifal, et surtout leur examen des conditions optiques et acoustiques du théâtre de Bayreuth sont pleins d’intérêt et de remarques originales. […] Pierre et Charles Bonnier, accumulant des faits précis et des rapprochements pleins d’intérêt, et préparant de la sorte l’analyse scientifique des œuvres créées par le maître immortel.
Wronsky, Lévine, Anna, dans Anna Karénine, le prince André, le prince Pierre, Natacha, Nicolas Rostow dans La Guerre et la Paix, confessés et se confessant, agissant, parlant et pensant, se témoignent chacun par une suite de manifestations si nombreuses et caractéristiques, pendant un laps de temps si considérable et si plein, que le spectacle même de leur vie ne pourrait donner une notion plus distincte de leur être. […] Sur la foule de nos frères et de nos ennemis, Tolstoï a attaché le regard limpide et tranquille le plus aigûment pénétrant qu’ils aient souffert, et y portant ses larges et calmes mains, il a jeté dans son œuvre le groupe d’êtres d’âmes et de chairs dont elles étaient pleines, un morceau de création soustrait en sa forme mentale à la ruine du transitoire, tel quel, moite encore de la vie surprise, mou, ductile, coloré et bruissant ; tendrement saisie, conservée toute comme le commandait son prix, et laissée emmêlée comme le commandait sa mollesse, cette pêche miraculeuse d’êtres vivants a déterminé la beauté même et la forme de l’œuvre dans laquelle expire leur souple animation. […] Les lieux de massacre à la terre gluante et noire de sang, les lazarets pleins de râles, de cris, de membres amputés, d’exhalaisons putrides, sont des lieux d’humanité, comme les multitudes grouillantes, odorantes et bavardes des jours de fête, comme les troupes de laboureurs, tendant des muscles suants sous les lourds soleils, comme ces bals où hommes et femmes échangent, de leurs yeux vagues, d’inarticulés et frissonnants appels aux consommations de la volupté. […] Son œuvre donne au monde une large représentation et saisit par ce vaste déploiement, par un art qui tend à égaler la grandeur, l’illogisme, l’existence autonome du réel, mis face à face avec lui en une contemplation si proche qu’elle paraît neuve et personnelle, le lecteur, pris d’impérieux attraits, pénètre dans les romans de Tolstoï comme en un monde dont il est, s’émeut de la bonté dont ses personnages sont pleins, s’affole des angoisses dont les attristent les problèmes de la mort et du sens de la vie, et plonge dans l’atmosphère grise de ces livres comme on se perd hors de soi dans un rêve. […] Il fallait qu’en cette vie, dès ce moment, les hommes devinssent meilleurs et plus heureux, que cela fût facile, simple, instantané ; et le psychologue le plus génial de ce temps, celui dont la large âme a pénétré et recréé toute la multitude des types divers, qui a compris et fixé le plus véridiquement le plus large fragment du spectacle du monde, en est venu ces dernières années à élaborer un pauvre manuel de morale pratique ne contenant que quelques règles, mais telles que le plus religieux des hommes passerait pour fou à tenter de les accomplir, prônées cependant comme tout aisées, praticables sur l’heure, de nature à donner immédiatement le plein bonheur, et se résumant en ce précepte, de ne faire en aucune occasion de mal à qui que ce soit, même pour se défendre des méchants.
Ses ouvrages, tout pleins d’affreuses vérités, Étincellent pourtant de sublimes beautés : Soit que, sur un écrit arrivé de Caprée, Il brise de Séjan la statue adorée ; Soit qu’il fasse au conseil courir les sénateurs, D’un tyran soupçonneux pâles adulateurs ; Ou que, poussant à bout la luxure latine, Aux portefaix de Rome il vende Messaline ! […] ou porter dans ses mains des urnes pleines des cendres de nos sœurs ? […] Cette satire n’est qu’une charmante et piquante plaisanterie, pleine de ce qu’on appelait alors le sel attique ou la sève grecque, sur les difficultés de la rime dans le mètre français. […] Sans ce métier, fatal au repos de ma vie, Mes jours pleins de loisirs couleraient sans envie ; Mon cœur, exempt de soins, libre de passion, Sait donner une borne à mon ambition. […] ……………………………………………………… On le presse de produire encore ; il répond ……………………………………………………… Cependant tout décroît, et moi-même, à qui l’âge D’aucune ride encor n’a flétri le visage, Déjà moins plein de feu, pour animer ma voix J’ai besoin du silence et de l’ombre des bois.
Il n’avait versé dans Don Paez qu’une goutte du philtre empoisonné de la bohémienne, Circé de faubourg : il le versa à pleines coupes dans ses poèmes suivants. […] Elle est pleine d’entrain et vide de sens ; ou si elle a du sens, elle ne peut en avoir qu’un ; une moquerie de l’amour, la dernière chose dont puisse se moquer un poète. […] …………………………………………………… Mais laisse-moi du moins regarder dans ton âme, Comme un enfant craintif se penche sur les eaux ; Toi si plein, front pâli sous des larmes de femme ! […] Ce poème du Saule est plein d’accents de cette solennité et de cette spiritualité sublimes. […] Souffle-t-il à l’aurore une brise aussi pure, Un vent d’est aussi plein des larmes du printemps, Que celui qui passa sur ta tête blanchie, Quand le ciel te donna de ressaisir la vie Au manteau virginal d’un enfant de quinze ans !
Massillon a plus qu’aucun orateur la source en lui et la fécondité du développement moral ; et toutes les grâces, toutes les facilités de la diction viennent s’y joindre d’elles-mêmes, tellement que sa période longue et pleine se compose d’une suite de membres et de redoublements unis par je ne sais quel lien insensible, comme un flot large et plein qui se composerait d’une suite de petites ondes. […] Et après qu’il avait ainsi fait frissonner, en la touchant au passage, la plaie cachée de chaque auditeur, après qu’il avait dû sembler en venir presque aux personnalités auprès de chacun, Massillon se relevait dans un résumé plein de richesse et de grandeur ; il se hâtait de recouvrir le tout d’un large flot d’éloquence, et d’y jeter comme un pan déployé du rideau du Temple : Non, mon cher auditeur, disait-il aussitôt en rendant magnifiquement à toutes ces chutes et toutes ces misères présentes des noms bibliques et consacrésa, non, les crimes ne sont jamais les coups d’essai du cœur : David fut indiscret et oiseux avant que d’être adultère : Salomon se laissa amollir par les délices de la royauté, avant que de paraître sur les hauts lieux au milieu des femmes étrangères : Judas aima l’argent avant que de mettre à prix son maître : Pierre présuma avant que de le renoncer : Madeleine, sans doute, voulut plaire avant que d’être la pécheresse de Jérusalem… Le vice a ses progrès comme la vertu ; comme le jour instruit le jour, ainsi, dit le Prophète, la nuit donne de funestes leçons à la nuit… Ici l’écho s’éveille et nous redit ces vers de l’Hippolyte de Racine : Quelques crimes toujours précèdent les grands crimes… Ainsi que la vertu, le crime a ses degrés… On a souvent remarqué que Massillon se souvient de Racine et qu’il se plaît à le paraphraser quelquefois.