Presque chaque peuple eut ses conquérans : très-peu de Nations peuvent se glorifier d’avoir produit des Sages. […] Du reste, ni l’ancienne Egypte, ni la Chaldée, n’eurent jamais ni un seul Poëte, ni un seul Historien connus ; & sans les Grecs on ignorerait entiérement l’histoire de ces deux Peuples si fameux. […] Il faut des spectacles à un peuple nombreux. […] Son adversaire lui observait, entr’autres choses, que les mœurs, les loix de chaque peuple ont bien varié, quoique le climat que chaque peuple habite soit par lui-même invariable. […] Ils n’étaient plus obligés, comme lui, de se plier au goût du peuple.
Tout le peuple était en prières ; les femmes se lamentaient ; chacun croyait que tout était perdu et que le trésor sacré allait être violé par le ministre de Séleucus. […] L’enfant, comme le peuple qui assiège les Tuileries, fait un suprême effort ; enfin il l’entr’ouvre, il est le plus fort. […] D’autres peuples, plus favorisés, sentent tout de suite, tout à la fois, synthétiquement. […] L’allégorie créée par le peuple ne peut pas être comparée à ces semences qu’un cultivateur communique fraternellement à un autre qui les veut acclimater dans son pays. […] Je vois, par l’histoire des peuples, que chacun à son tour est appelé à conquérir le monde ; peut-être en est-il de la domination poétique comme du règne de l’épée.
Qu’est devenu le bruit des peuples d’autrefois, Des antiques Romains et des citoyens-rois ? […] Même l’homme du peuple, et le moindre garçon A qui certes jamais Zénon ne fit leçon, Même la jeune fille, humble enfant qui s’ignore, Qui se sentait dresser les cheveux hier encore Au seul mot de mourir, tout d’un coup enhardis, Ils vont oser régler ces apprêts si maudits, Méditer longuement, d’un œil plein de constance, Le poison ou le fer, leur unique assistance ; Et dans un cœur inculte, et du reste ignorant, La grâce de la mort à la fin se comprend : Tant cette grâce est vraie, et tant la discipline De l’amour vers la mort doucement nous incline ! […] Dans la préface qu’il mit au discours de Gémiste Pleton, il conteste l’opinion de son ami Giordani qui avait parlé de ce genre d’exercice comme n’étant profitable que dans l’enfance des littératures ; pour lui il pense, dit-il, que « les livres des Anciens, Grecs ou Latins, non-seulement sur toute autre matière, mais en philosophie, en morale, et en de tels genres dans lesquels les Anciens sont réputés si inférieurs aux modernes, que ces livres, s’ils étaient, moyennant de bonnes traductions, plus généralement répandus qu’ils ne le sont et ne l’ont jamais été, pourraient améliorer beaucoup plus qu’on ne croit les habitudes, les idées, la civilisation des peuples, et à certains égards plus efficacement que les livres modernes. » — Dans la liste des écrits publiées ou inédits de Leopardi nous trouvons, en conséquence, bon nombre de traductions. […] On se rappelle, au livre IV de l’Odyssée, le beau passage où Ménélas exprime devant Télémaque sa tendre amitié pour Ulysse, et le vœu qu’il avait autrefois formé de le réunir à lui : « Je lui aurais, dit-il, fondé une ville dans le pays d’Argos et bâti des palais, le faisant venir d’Ithaque avec ses biens et son fils et tous ses peuples… et là nous aurions vécu unis ensemble, et rien autre chose ne nous aurait pu séparer dans cette douceur de nous aimer et de nous conjouir, avant que le noir nuage de la mort nous vînt envelopper. » Ici s’exprime et déborde dans sa plénitude le sentiment de bonheur des deux amis.
Elle mourut en réputation de sainteté parmi le peuple de Ferrare ; les médailles que nous avons sous les yeux, et ses portraits, la représentent comme le profil de la mélancolie et de la douceur ; des yeux bleus, une chevelure noire, un front sans nuage, une bouche où l’intelligence fine donne de l’agrément à un sourire naturellement rêveur, un ovale arrondi des joues, un port de tête un peu incliné en avant, comme celui d’une figure qui écoute, ou comme le buste d’une princesse qui se penche pour accueillir avec pitié les malheureux, enfin la grâce française de sa mère mêlée à la gravité pensive d’une Italienne, font aimer cette femme, que son tendre intérêt pour le Tasse associe à jamais à son immortalité. […] Les croisades, dernier grand choc religieux entre l’Occident et l’Orient, avaient rempli l’imagination des peuples de combats, de miracles, de héros, auxquels la distance ajoutait encore son prestige. […] Déjà une exception semblable avait été faite par les brigands de l’Apennin, entre Bologne et Florence, en faveur de l’Arioste ; peuple étrange, où les brigands mêmes ne sont pas étrangers au prestige des lettres, et où le crime lui-même se désarme devant les élus de la gloire comme devant les élus de Dieu. […] Mais, pendant que le Tasse négociait ainsi en vain son raccommodement avec la maison d’Este, son ami le jeune cardinal Cinthio négociait pour lui auprès du pape son oncle le couronnement poétique au Capitole, la royauté du génie consacrée par la religion, par le sénat et par le peuple.
Il n’est, ici, pas question d’imiter Wagner ; mais de profiter de son labeur, et de tirer de ses ouvrages, des doctrines, des théories applicables, en les modifiant, au génie particulier de chaque peuple. […] Mais, en Le nommant, les souverains pensent, assurément à Jéhovah, à Jahveh, à Elohim, qui haïssait tous les autres dieux, et voulait les savoir soumis par son peuple fidèle (R. et A.). […] Tolstoï a condamné l’Art ; mais il a écrit ces livres de religion et de morale, des contes même pour le peuple. […] comme vous êtes migardes, enviable peuple !
Quand on voit les enfants ou les peuples sauvages beaucoup plus habiles que les adultes et que les peuples civilisés à tous les jeux d’adresse, de même qu’à l’exercice du lasso, de l’arc, ou du simple jet de la main, il faut bien avouer que la juste évaluation des distance est infiniment plus aisée à l’instinct qu’à l’intelligence, et que l’habitude des sens vaut mieux dans la pratique que le calcul de la réflexion et les études mathématiques. […] Au contraire, les peuples plus avancés entretiennent le nombre de leurs générations au complet avec un très-petit nombre de naissances, et une vie moyenne très longue. Parmi ces peuples, il est même à remarquer que les individus doués d’une intelligence remarquable, soit parmi les hommes, soit parmi les femmes, ne laissent en général qu’une postérité très peu nombreuse, au point que, si l’espèce ne comptait que de ces intelligences supérieures, elle décroîtrait rapidement.
Dieu seul peut y mettre ordre. » À Paris, l’exaspération du public était arrivée à son comble dans cet été de 1758, et ce déchaînement dura jusqu’à ce que quelques succès de M. de Broglie, l’année suivante, vinssent rompre l’uniformité des revers : On me menace par des lettres anonymes, écrivait Bernis, d’être bientôt déchiré par le peuple, et, quoique je ne craigne guère de pareilles menaces, il est certain que les malheurs prochains qu’on peut prévoir pourraient aisément les réaliser. […] Je ne juge pas comme le peuple, et je n’ai jamais soupçonné mes amis.
La première ode de Malherbe qui le mit en vue fut celle qu’il présenta, étant à Aix en 1600, à Marie de Médicis, la jeune reine qui venait prendre possession du trône : Peuples, qu’on mette sur la tête Tout ce que la terre a de fleurs… André Chénier, commentateur excellent, a remarqué les beautés rares, et à cette date toutes neuves, de cette ode qui aujourd’hui frappe bien plutôt le lecteur par ses côtés exagérés et faux. […] Il suit aucune fois un cerf par les foulées, Dans ces vieilles forêts du peuple reculées… Laissons le chasseur disparaître dans la profondeur de ces grandes allées sombres, qui nous sont traduites par cette harmonie même.
Cependant Gibbon traite successivement et avec détail des Goths, des Lombards, des Francs, des Turcs, des Bulgares, des Croates, des Hongrois, des Normands et de vingt autres peuples encore. […] Sur ces parties accessoires il sera nécessairement surpassé un jour par ceux qui étudieront ces peuples dévastateurs en eux-mêmes, et remonteront plus haut vers leurs racines et leurs sources asiatiques : là où il reste original, c’est dans l’exposé des derniers grands règnes romains ou byzantins, quand il parle de Dioclétien, de Constantin, de Théodose, de ces âmes héroïques et venues trop tard comme Majorien ; c’est quand il parle de Justinien et de Bélisaire.
Il l’a vue telle qu’elle était, tout occupée du salut du roi, de sa réforme, de son amusement décent, de l’intérieur de la famille royale, du soulagement des peuples, et faisant tout cela, il est vrai, avec plus de rectitude que d’effusion, avec plus de justesse que de grandeur ; enfin, il a résumé son jugement sur elle en des termes précis, au moment de l’accompagner dans son œuvre de tendresse et de prédilection : Mme de Maintenon, dit-il, n’a donc pas eu sur Louis XIV l’influence malfaisante que ses ennemis lui ont attribuée : elle n’eut pas de grandes vues, elle ne lui inspira pas de grandes choses : elle borna trop sa pensée et sa mission au salut de l’homme et aux affaires de religion ; l’on peut même dire qu’en beaucoup de circonstances elle rapetissa le grand roi ; mais elle ne lui donna que des conseils salutaires, désintéressés, utiles à l’État et au soulagement du peuple, et en définitive elle a fait à la France un bien réel en réformant la vie d’un homme dont les passions avaient été divinisées, en arrachant à une vieillesse licencieuse un monarque qui, selon Leibniz, « faisait seul le destin de son siècle » ; enfin en le rendant capable de soutenir, « avec un visage toujours égal et véritablement chrétien », les désastres de la fin de son règne.
Il a les plus fines remarques sur le contraste du génie des peuples, sur la gaieté italienne opposée à la gaieté française : La gaieté italienne, c’est de la gaieté annonçant le bonheur ; parmi nous elle serait bien près du mauvais ton ; ce serait montrer soi heureux, et en quelque sorte occuper les autres de soi. […] Il faut laisser aux peuples divers leur génie, tout en cherchant à le féconder et à l’étendre.
S’agissait-il de Florus qu’il faisait lire à sa fille, il savait très bien remarquer que l’ouvrage de ce distingué et très élégant écrivain n’a point de valeur historique, et ne doit se lire que comme une œuvre oratoire et un panégyrique tout en l’honneur du peuple romain109. […] [NdA] La vraie définition du livre de Florus me paraît être : « une Biographie laudative, brillante et sommaire, du Peuple romain ».
Pendant que Frédéric s’appliquait, après tant de désastres, à rétablir toutes les parties de l’État qui avaient souffert, soignant l’agriculture et l’industrie, attirait chez lui les populations voisines, faisait bâtir des villages, rendait à l’armée sa discipline et le ton de solidité qu’elle avait autrefois, et, en cela comme dans le veste, moins inventeur et novateur que praticien, « se bornait à donner par la routine, par de continuels exercices, aux officiers et aux troupes, l’intelligence et la fermeté dans tous les mouvements, pour être sûr d’eux à l’occasion s’il était nécessaire de les employer dans le sérieux » ; pendant que chaque jour, depuis le matin jusqu’à la nuit, il remplissait ainsi en conscience son devoir de chef et de tuteur de peuple, il fut atteint de la plus cruelle des douleurs. […] Ce temps est encore très éloigné, les peuples ne sont pas encore induits par les raisonnements ; mais je crois qu’on peut, avec un œil observateur, entrevoir le germe que ces nouveautés préparent.
Faire après Louis XIV quelque chose de ce que Henri IV aurait aimé à voir s’accomplir s’il avait vécu, affranchir la noblesse des servitudes de cour et des usurpations de la roture, la rendre plus sédentaire et attachée à son ménage des champs, rendre le peuple content de son sort et assuré de son bien-être, supprimer les sangsues publiques et l’appareil intermédiaire de finances entre le roi et son peuple, asseoir l’impôt moyennant des assemblées provinciales, de grands Conseils généraux répartiteurs des charges, c’est ce que Mirabeau aurait voulu et ce qui aurait renouvelé en effet l’ancienne monarchie ainsi reprise en sous-œuvre.
Il fallait faire passer tous les peuples du monde sous les yeux de votre lecteur… Il fallait, si vous le pouviez, imiter Tacite qui n’annonce pas fastueusement le tableau des nations, mais qui, sous le titre modeste d’Annales, peint l’univers… Cela veut dire qu’il ne fallait pas être Voltaire ; mais Voltaire, qui était lui et pas un autre, a peint à sa manière ce grand siècle dont un souffle avait passé sur son berceau, et il en a donné à tout lecteur impartial un sentiment vif, juste et charmant. […] Un peuple bien élevé est facile à gouverner. » Pure invention ; pas un mot de cela chez Frédéric. — Un billet du roi, de quelques lignes, lui fournit prétexte à deux pages de réflexions (p. 365-366) sur les autres rois qui perdent leur temps de mille manières, tandis que Frédéric le perd à rimer : « Je leur pardonne de donner à la chasse, à la bonne chère, au jeu, à la représentation, plus d’heures que je n’en donne à mes amusements littéraires.
Puis tout à coup, sur un terrain plus rude et franchement stérile, sur un sol pierreux où croissent le romarin et l’absinthe et où s’agite et rampe tout un peuple de lézards, de scorpions et de vipères, il entend les alouettes, et des alouettes de France, et des rouges-gorges aussi, ces « autres chanteurs d’automne, qui leur répondent du haut des amandiers sans feuilles ». […] Il faut regarder ce peuple à la distance où il lui convient de se montrer : les hommes de près, les femmes de loin ; la chambre à coucher, la mosquée, jamais.
À un moment, cette reine fière, sensible, élégante, bonne au fond et d’un cœur bienfaisant, s’aperçut avec douleur, avec indignation, qu’elle était méconnue, calomniée, outragée même du peuple de Paris ; qu’elle était impopulaire : Versailles était alors bien loin de Paris, et tout ce qu’on en racontait en mal était accueilli avidement et grossi à l’envi par la crédulité ou par la haine. […] À Strasbourg elle écrit à sa mère, et avec elle, elle est plus optimiste, elle voit plus en beau, elle lui dit tout ce qui peut la rassurer et montrer le côté serein des choses (8 mai 1770) : « Quel bon peuple que les Français !
Dans les autres écrits de M. de Sénancour, soit ceux qui précèdent, soit ceux que j’omets (le livre essentiel et ingénieux de l’Amour, les réfutations de MM. de Chateaubriand et de Bonald, le Résumé des traditions morales et religieuses chez tous les peuples, etc.), presque toujours on rencontre à l’occasion une sorte d’aigreur sardonique contre le christianisme tel que les âges l’ont constitué et transmis ; car, pour son essence prétendue primitive et le caractère purement moral de son fondateur, M. de Sénancour serait disposé à lui rendre hommage. […] Que les Parsis, les Hindous, les races d’Orient, se soient rencontrés dans certaines croyances, diversement produites, de chute et de réparation, de sacrifice et d’attente, de baptêmes, de confessions, de nativités singulières, cela lui suffit encore, mais cette fois pour rejeter ; de sorte que la conformité d’opinion de quelques sages lui paraît une preuve déterminante en morale, et que la convergence universelle des peuples vers certaines croyances ou pratiques lui paraît une objection victorieuse contre toute religion.
Mais à travers ses arguments et ses exposés de faits, toute son âme se fait jour, un peu tumultueusement : un vif besoin d’ordre, de paix et de justice, un ardent patriotisme, un christianisme sincère, une profonde pitié du peuple qui paie et qui peine, et le très robuste orgueil du commerçant et de l’industriel : on le sent bien nettement, par la bouche de cet économiste, la bourgeoisie fixe le prix dont elle entend que la royauté lui paie le pouvoir absolu. […] Un grand besoin d’ordre et de paix s’est à la longue éveillé, surtout dans le peuple et dans la bourgeoisie : on se réfugie dans la monarchie absolue, à qui l’on demande le salut de l’État et la protection des intérêts privés.
Est-il possible de mettre sur la même ligne celles d’un homme ou celles d’un peuple aux différentes époques de leur vie ? […] Est-il possible d’assigner le même rang à toutes celles de la même époque ou aux différentes formes du beau qui ont été réalisées par des peuples différents ?
Un jeune homme, enfant du peuple, bien doué, et d’une demi-éducation, fut témoin d’une scène déchirante, et, comme Jasmin avec quelques amis arrivait sur les lieux, l’enfant encore plein d’émotion la leur raconta : Je ne l’oublierai jamais, dit Jasmin, il nous fit frémir, il nous fit pleurer… C’était Corneille, c’était Talma ! […] C’est ainsi que ses poèmes mûrissent pendant des années avant de se produire au grand jour, selon le précepte d’Horace que Jasmin a retrouvé à son usage, et c’est ainsi que ce poète du peuple, écrivant dans un patois populaire et pour des solennités publiques qui rappellent celles du Moyen Âge et de la Grèce, se trouve être en définitive, plus qu’aucun de nos contemporains, de l’école d’Horace que je viens de nommer, de l’école de Théocrite, de celle de Gray et de tous ces charmants génies studieux qui visent dans chaque œuvre à la perfection.