Julie avait raison d’admirer avec passion toutes les pierreries de cet écrin, de cette mine. […] La première réaction est amère et parfois injuste : il faut de la passion pour vaincre l’habitude et implanter le progrès. […] On ne recherche pas le délit, le crime peut-être, car il est des retours à la vie qui contrarieraient des intérêts cupides ou des passions coupables. […] C’est l’homme en général, c’est la lutte entre l’austérité et les passions, entre l’idéal et l’athéisme. […] Manfred n’est despotique et arrogant qu’avec les personnes infernales, c’est-à-dire avec ses propres passions et ses propres pensées.
Passion de Chapelle pour le vin ; il enivre Boileau qui lui prêchait la sobriété, et se vante également de mettre Molière en train. […] Il est, à la vérité, impossible de fournir une preuve bien positive à l’appui de cette assertion ; mais on sentira qu’elle offre assez de vraisemblance, pour peu qu’on réfléchisse à la passion malheureuse que Molière eut longtemps pour le genre sérieux, passion dont Le Prince jaloux et ses excursions comme acteur dans le grand emploi tragique sont les tristes témoignages. […] Cette affection pour Molière, cette passion pour le spectacle, finit par susciter une grave querelle à Boissat. […] Et comment, aveuglé par sa passion et brûlant de trouver dans l’objet aimé une étincelle du feu qui le dévorait, aurait-il pu distinguer la reconnaissance de l’amour ? […] Mais, soit froideur naturelle, comme le fait entendre un historien, soit qu’il fût occupé par une autre passion, le comte de Guiche ne répondit pas aux avances de mademoiselle Molière.
Il se flattait un peu en parlant de ses passions. […] Des passions il ne connut jamais que le masque et la grimace. […] Il savait admirablement bien être le maître de ses passions. […] Les grandes passions ne sont jamais stériles. […] Comme incube il satisfera sa passion.
mais le Mystère de la Passion, d’Arnould Gréban, sans doute voilà le drame, le drame image de la vie, le drame tiré des entrailles de l’histoire et de la réalité. […] Car les mots ont leur fortune, et chaque génération qui passe les marque au coin de ses besoins, de ses passions, de ses idées. […] La raison y est toujours maîtresse, et la passion s’y déploie sous la règle. […] « J’ai cru, disait Corneille, que l’amour était une passion chargée de trop de faiblesse pour être dominante dans une pièce héroïque. […] Il rompt avec la tradition des « pièces héroïques » ; et, de cette même passion de l’amour que Corneille subordonnait sévèrement à l’honneur, comme dans le Cid, au patriotisme, commue dans Horace, à la passion politique, comme dans Cinna, Racine fait le ressort agissant de son théâtre.
Cette psychologie du politique n’est pas liée chez lui aux passions d’un chantier, ou d’une travée d’hémicycle. […] Curtius montre, en une page pénétrante, que le dynamisme de Balzac, son sentiment de l’énergie humaine, est un sous toutes les formes qu’il prend, que l’amour sexuel n’en est qu’une forme entre beaucoup, qu’il s’exprime avec le même caractère de violence dans la passion maternelle, la passion paternelle, la passion de l’or, la passion artistique, — qu’une concentration de cette énergie produit les génies, les surhommes, les monomanes, tels que Louis Lambert, Balthazar Claës, maître Cornélius. […] Le foyer d’énergie avant les formes de l’énergie, la passion pour la passion, non pour les jugements de valeur sur son objet. […] Les premiers sont les dissipateurs d’énergie, les gâcheurs de passion, les consommateurs de peau de chagrin. […] Schérer s’efforce, en 1870, de démontrer que Balzac est inexistant, ses portraits sont froids et faux, il n’a ni âme ni passion !
Les écrivains de cette période, qui voyaient toutes choses avec des yeux de jeunes gens, ont célébré la souveraineté de la passion ; et il semble bien qu’en établissant, par un renversement de toutes les notions reçues, la passion à la place du devoir, ils aient eu tort. […] Les éclats de la passion le déconcertent. […] Chose terrible que l’amour, quand on le laisse devenir une passion ! […] Personne n’a plus délicieusement que lui, à l’abri des passions, joui des idées. […] C’est d’abord la passion de la science.
Précisons pourtant que d’habitude, le drame balzacien est plutôt le heurt d’intérêts ou de passions en conflit, mais exaspérées. […] C’est, ici, l’élan chevaleresque brisé par la vie ; là, l’indomptable révolte contre le malheur ; dans le livre de Prévost, la fatalité de la passion. […] Les très grands hommes, un Shakespeare, un Molière la dépassent, en y joignant une valeur humaine qui fait de leurs personnages des types éternels de tel ou tel caractère, de telle ou de telle passion. […] Sa passion était la recherche des causes, Celle d’Anatole France était la recherche des nuances. […] Il l’a comprise, et personne n’est plus préoccupé que lui du drame et du dialogue, du mouvement dans ce drame et de la passion dans ce dialogue.
C’est qu’elles seront en partie calculées sur les exigences des Français de 1670, et non sur les besoins moraux, sur les passions dominantes du Français de 1824. […] La chaîne pesante nommée unité de lieu lui interdisait à jamais ce grand tableau héroïque et enflammé comme les passions du moyen âge et cependant si près de nous qui sommes si froids. […] Si des hommes tels que Corneille et Racine avaient travaillé pour les exigences du public de 1824, avec sa méfiance de toutes choses, sa complète absence de croyances et de passions, son habitude du mensonge, sa peur de se compromettre, la tristesse morne de la jeunesse, etc., etc., la tragédie serait impossible à faire pour un siècle ou deux. […] Ils trahissent la passion pour le vers alexandrin. Peu d’hommes, surtout à dix-huit ans, connaissent assez bien les passions pour s’écrier : Voilà le mot propre que vous négligez.
Pourtant, les passions exaspérées en divers sens ne l’entendaient pas ainsi, et la guérison sociale au moyen de la Charte en était très-compromise. […] Ballanche en était venu à comprendre qu’indépendamment des passions et des intérêts contraires, il y avait chez les uns et les autres une doctrine radicalement contraire aussi sur la fondation de la société et par conséquent (qu’ils s’en rendissent compte ou non) sur l’origine du langage. […] Les vues très-avancées et d’une sagacité presque divinatoire que l’auteur exprimait sur l’avenir littéraire et poétique de la France, ses éloquents et ingénieux présages à ce sujet, un an avant l’apparition de M. de Lamartine, compliquaient encore la question de succès, en choquant des préjugés non moins irritables en tout temps que les passions politiques. […] C’est une généreuse passion de la mort, le culte sombre des idées vaincues, une abjuration stoïque de l’avenir.
Ils se forment un roman conforme à leur passion dominante, et ce roman inséré dans leur vie finit par composer à leurs yeux tout leur passé. — Une femme que j’ai vue à la Salpêtrière racontait, avec une précision et une conviction parfaites, une histoire d’après laquelle elle était noble et riche. […] Là aussi, le point du départ de l’erreur est dans un procédé d’esprit bien connu, celui du romancier ou de l’auteur qui se met à la place de ses personnages, épouse leurs passions, éprouve leurs émotions. — Nulle part on ne voit si nettement l’opération que dans l’hypnotisme ; l’attention du patient, limitée et concentrée, ne porte alors que sur une suite d’idées ; celle-ci se déroule seule ; toutes les autres sont engourdies et, pour un temps, incapables de renaître ; partant, les souvenirs ordinaires manquent et n’exercent plus de répression ; l’illusion qui, dans l’auteur et le romancier, se trouve défaite à chaque instant, n’est plus enrayée et poursuit son cours75. […] Répétée incessamment, chaque jour plus vive, entretenue par une passion maîtresse, par la vanité, par l’amour, par le scrupule religieux, soutenue par de fausses sensations mal interprétées, confirmée par un groupe d’explications appropriées, elle prend l’ascendant définitif, annule les souvenirs contradictoires ; n’étant plus niée, elle se trouve affirmative ; et le roman, qui d’abord avait été déclaré roman, semble une histoire vraie. — Ainsi notre idée de notre personne est un groupe d’éléments coordonnés dont les associations mutuelles, sans cesse attaquées, sans cesse triomphantes, se maintiennent pendant la veille et la raison, comme la composition d’un organe se maintient pendant la santé et la vie. […] Il faut donc une grande accumulation de forces pour lui arracher à tort quelque fragment qui lui appartient ou pour insérer en lui quelque pièce qui lui est étrangère. — En effet, ces transpositions sont rares ; on les rencontre surtout lorsqu’un changement organique, comme le sommeil ou l’hypnotisme, relâche les mailles du réseau ; lorsqu’une passion invétérée, dominatrice, fortifiée par des hallucinations psychiques ou sensorielles, finit par user un fil du tissu, lui substituer un autre fil, et, gagnant de proche en proche, mettre une toile factice à la place de la toile naturelle.
Le souvenir de son propre esclavage même et de sa condition d’affranchi lui faisait sentir plus qu’à un autre la passion de la supériorité sociale. […] Ses odes sont pleines de leurs noms ; ses passions ou ses dégoûts, légers comme lui, leur donnaient tour à tour la vogue de son attachement ou l’infamie de ses injures. […] On se plaît à retrouver son âme dans leurs sites favoris ; l’âme doucement philosophique d’Horace est à Ustica, ce recueillement de sa vie rurale entre deux montagnes de la Sabine ; l’âme voluptueuse et poétique d’Horace est à Tibur, ce délassement passager de la cour et des plaisirs de Rome, à l’ombre de la villa de Mécène, qui la couvrait de son amitié : l’amitié, en effet, fut sa véritable muse ; c’est par excellence le poète de l’amitié, parce que l’amitié est une passion douce et tempérée qui échauffe l’âme sans la consumer comme l’amour. […] Il était sobre dans ses passions comme à sa table ; glisser sur la vie sans trop appuyer était sa devise comme celle de Fontenelle et de Saint-Évremond.
Balzac est avant tout le grand géographe des passions. […] Ce langage secret forme en quelque sorte la franc-maçonnerie des passions. […] L’enfance et l’amour furent même chose entre Eugénie et Charles : ce fut la passion première avec tous ses enfantillages, d’autant plus caressants pour leurs cœurs qu’ils étaient enveloppés de mélancolie. […] Depuis sept ans, sa passion avait tout envahi.
On confie à la mémoire des écoliers ces harangues toutes brûlantes de passion, et ce n’est pas assez encore. […] Elle n’a plus la même raison d’être qu’autrefois dans une époque où le bon usage a cessé d’être « le bel usage », où le dédain du populaire est un sentiment suranné, où la liberté en tout domaine a été revendiquée avec passion. […] Les Enfants Sans-Souci, les Confrères de la Passion ne peuvent être passés sous silence par quiconque étudie les mystères ou les moralités d’antan. […] Et pourtant, malgré l’excès de sévérité qui est leur péché mignon, malgré les paradoxes où la passion les entraîne, ils ont le mérite de signaler, dans des œuvres trop complaisamment admirées, dans des règles trop docilement acceptées, des défaillances et des côtés faibles.
Son drame — non pas toujours, mais quelquefois — évite la vivacité de l’action, s’attarde à de longs récits, s’étale en de vastes développements de caractères ou de passions, s’idéalise par la recherche des symboles jusqu’à devenir irréel, et n’en est pas moins poignant au point de vue du peuple pour lequel il a été conçu, n’en doit pas paraître moins admirable au critique loyal qui fait la part des nationalités. […] Qu’il unisse intimement la poésie et la musique, non pour les faire briller l’une par l’autre, mais en vue du drame seul ; qu’il repousse sans faiblesse, poète, tous les agréments littéraires, musicien, toutes les beautés vocales et symphoniques qui seraient de nature à interrompre l’émotion tragique ; qu’il renonce au récitatif, aux ariettes, aux strettes, aux ensembles même, à moins que le drame, à qui tout doit être sacrifié, n’exige l’union des voix diverses ; qu’il rompe le cadre de l’antique mélodie carrée ; que sa mélodie, sans se germaniser, se prolonge infiniment selon le rythme poétique ; que sa musique, en un mot, devienne la parole, mais une parole qui soit la musique pourtant ; et surtout, que l’orchestre mêlant, développant, par toutes les ressources de l’inspiration et de la science, les thèmes représentatifs des passions et des caractères, soit comme une grande cuve où l’on entendra bouillir tous les éléments du drame en fusion, pendant qu’enveloppée de l’atmosphère tragique qui en émane, l’action héroïque et hautaine, complexe, mais logiquement issue d’une seule idée, se hâtera parmi les passions violentes et les incidents inattendus, et les sourires, et les pleurs, vers quelque noble émotion finale ! […] Et ce n’est point les pensées exprimées en les vers de Schiller qui nous occupent surtout, mais ce son familier du chant choral dans lequel nous mêmes nous sentons invités à chanter notre partie, pour nous mêler à la communion du service divin idéal, comme le faisaient, réellement, les fidèles pour la grande musique de la Passion de Sébastien Bach, à l’entrée du Choral.
il s’arrêtait ; il s’en allait en une œuvre nouvelle ; et libre là, libre de se livrer tout au démon musical qui l’affolait, il se précipitait, comme lui-même en un jour de conscience le déclara, dans cette mer de passion exclusive et infinie de la musique. […] (chant du matelot) en ce chant de naïve tristesse d’une âme que bercerait un doux amour éloigné et plein d’espérances ; puis, surgissante la passion, et ses cris où elle s’épanche, ses féroces silences, sa vie jubilante et désespérée… Oh, comme par les yeux de l’esprit je les vois, les âmes aimantes qu’attire et qu’emmène et qu’engouffre le gouffre du désir d’aimer, les pauvres âmes mortellement saisies et qui vainement se débattent sous le philtre spirituel de l’advenu irrévocable ! […] Chamberlain, le centre de l’action psychologique a disparu… avec lui disparaît l’élément réfléchissant, la Pensée ; il ne reste que les émotions, la Passion, ce que la musique exprime. […] La réplique « ich sah ihn » est un passage fameux dans lequel Kundry raconte une de ses réincarnation durant laquelle elle aurait croisé le Christ pendant sa passion et lui aurait ri au visage.
Ce n’est plus le récit, c’est le drame ; ce n’est plus la draperie, c’est le nu ; ce n’est plus le portrait, c’est l’homme ; l’homme avec tous ses traits vivants, calqués sur les beautés comme sur les difformités de sa nature ; la photographie du siècle ; un roi, une cour, des flatteurs, des courtisans, des ambitieux, des hypocrites, des hommes de bien, des méchants, des femmes, des pontifes, une nation tout entière saisie au passage dans son mouvement le plus accéléré, et reproduite, non pas seulement par l’art, mais par la passion. Le plus grand coloriste, c’est la passion, parce qu’elle ne prend pas ses couleurs sur une palette, mais dans son propre cœur. […] Un poète tragique ou épique, comme Corneille ou comme Racine, peut imiter l’antiquité, parce qu’il peint la fable ou l’histoire, choses antiques qui se prêtent aux costumes et aux passions hors du temps ; mais un poète comique n’est comique qu’à la condition d’être vrai, d’être actuel et de prendre ses modèles, ses couleurs et ses aventures, non dans des mœurs mortes, mais dans des mœurs vivantes. […] Énumérez seulement quelques-unes des conditions innombrables de ce qu’on nomme style, et jugez s’il est au pouvoir de la rhétorique de créer dans un homme ou dans une femme une telle réunion de qualités diverses : Il faut qu’il soit vrai, et que le mot se modèle sur l’impression, sans quoi il ment à l’esprit, et l’on sent le comédien de parade au lieu de l’homme qui dit ce qu’il éprouve ; Il faut qu’il soit clair, sans quoi la parole passe dans la forme des mots, et laisse l’esprit en suspens dans les ténèbres ; Il faut qu’il jaillisse, sans quoi l’effort de l’écrivain se fait sentir à l’esprit du lecteur, et la fatigue de l’un se communique à l’autre ; Il faut qu’il soit transparent, sans quoi on ne lit pas jusqu’au fond de l’âme ; Il faut qu’il soit simple, sans quoi l’esprit a trop d’étonnement et trop de peine à suivre les raffinements de l’expression, et, pendant qu’il admire la phrase, l’impression s’évapore ; Il faut qu’il soit coloré, sans quoi il reste terne, quoique juste, et l’objet n’a que des lignes et point de reliefs ; Il faut qu’il soit imagé, sans quoi l’objet, seulement décrit, ne se représente dans aucun miroir et ne devient palpable à aucun sens ; Il faut qu’il soit sobre, car l’abondance rassasie ; Il faut qu’il soit abondant, car l’indigence de l’expression atteste la pauvreté de l’intelligence ; Il faut qu’il soit modeste, car l’éclat éblouit ; Il faut qu’il soit riche, car le dénûment attriste ; Il faut qu’il soit naturel, car l’artifice défigure par ses contorsions la pensée ; Il faut qu’il coure, car le mouvement seul entraîne ; Il faut qu’il soit chaud, car une douce chaleur est la température de l’âme ; Il faut qu’il soit facile, car tout ce qui est peiné est pénible ; Il faut qu’il s’élève et qu’il s’abaisse, car tout ce qui est uniforme est fastidieux ; Il faut qu’il raisonne, car l’homme est raison ; Il faut qu’il se passionne, car le cœur est passion ; Il faut qu’il converse, car la lecture est un entretien avec les absents ou avec les morts ; Il faut qu’il soit personnel et qu’il ait l’empreinte de l’esprit, car un homme ne ressemble pas à un autre ; Il faut qu’il soit lyrique, car l’âme a des cris comme la voix ; Il faut qu’il pleure, car la nature humaine a des gémissements et des larmes ; Il faut… Mais des pages ne suffiraient pas à énumérer tous ces éléments dont se compose le style.
Homme bon, entraînant, fragile, cœur tendre, esprit facile, talent naturel, langue excellente, plume intarissable, inventeur invraisemblable et hasardeux, qui sut être une fois, comme par miracle, le copiste inimitable de la passion, tel fut l’abbé Prévost, qu’il ne faut point juger, mais qu’on relit par son meilleur endroit et qu’on aime. […] [1re éd.] de roman ou passion
Les passions, multipliées avec la société, s’étaient amincies comme le métal brillant et ductile étendu sur des surfaces ; il y avait moins de liberté et plus de conventions dans la société : l’esprit et le goût en étaient une, et la gaieté moins libre commençait à lui céder l’empire. […] Martin68, a vu, non pas naître, mais se développer avec une faveur toute nouvelle deux hypothèses peu conciliables, et pourtant acceptées alors avec enthousiasme par les mêmes esprits, parce qu’elles dérivent d’une même source, de la passion pour le nouveau et l’inconnu, savoir : l’hypothèse du progrès indéfini de l’humanité, et l’hypothèse d’un âge d’or des sciences mathématiques et physiques près du berceau du genre humain. » En effet, dans le temps même où Turgot traçait pour l’humanité le programme d’une marche ascendante et d’un progrès indéfini, que Condorcet devait développer avec une sorte de fanatisme et pousser aux dernières limites, jusqu’à dire que la mort pour l’homme pourrait se retarder indéfiniment, Buffon, Bailly se reportaient en arrière vers un âge d’une date non assignable, dans lequel ils plaçaient je ne sais quel peuple sage, savant, inventeur à souhait, et créaient un véritable âge d’or pour des imaginations d’académiciens.
Marcotte en juillet 1832, c’est la passion que je me sens pour faire quelque chose. […] En lisant attentivement la suite des lettres comme je viens de le faire, il y a place pour toutes les suppositions, pour celle qui attribue son désespoir final à une grande passion vainement combattue, comme pour celle qui y voit avant tout, et nonobstant les divers prétextes, une maladie d’artiste arrivé au terme, inquiet de sa propre renommée, jaloux de la soutenir, tourmenté du besoin de l’approbation d’autrui, et se croyant désormais impuissant à produire.
Le poème de Dante, c’est l’expression de l’histoire de son temps prise au sens le plus étendu, l’expression non seulement des passions, des haines politiques, des luttes, mais encore de la science, des croyances et des imaginations d’alors. […] Dans une langue qui ne savait guère encore, comme il le dit, que bégayer papa et maman, il trouva moyen d’exprimer le fond de l’univers et la cime des subtilités divines. — Pour nous il a fait plus : il a fait entrer dans le langage du genre humain nombre de ces paroles décisives qui marquent les grands moments de la vie et de la destinée, ou qui fixent la note inimitable de la passion, et qui se répéteront telles qu’il les a dites, tant qu’il y aura des hommes.
Il a écrit quelque part, à propos de Saint-Simon et de ses excès de passion, de fureur pittoresque et d’explosion parfois risible ou terrible dans l’intimité : « C’est à ce prix qu’est le génie ; uniquement et totalement englouti dans l’idée qui l’absorbe, il perd de vue la mesure, la décence et le respect. […] Je néglige les expressions, je ne fais jamais une phrase dans ma tête : j’étudie, j’approfondis les idées pour elles-mêmes, pour connaître ce qu’elles sont, ce qu’elles renferment, et avec le plus entier désintéressement d’amour-propre et de passion.