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1302. (1912) L’art de lire « Chapitre VIII. Les ennemis de la lecture »

C’est un homme qui dans un salon prend la parole ; c’est un homme qui dans un salon va du côté de la cheminée ; il faut qu’un homme ait bien de l’esprit pour se taire pardonner de s’être dirigé du côté de la cheminée. […] Si, dans l’artiste le critique intervenait pendant que l’artiste travaille, c’est alors que seraient absolument vraies les paroles de Nietzsche, « l’artiste appauvrirait sa puissance créatrice », il la dessécherait même et deviendrait incapable de rien produire.

1303. (1895) Les œuvres et les hommes. Journalistes et polémistes, chroniqueurs et pamphlétaires. XV « Fervaques et Bachaumont(1) » pp. 219-245

Fervaques et Bachaumont prennent bien exactement la mesure de ma critique et de mes paroles ! […] Ils n’ont pas, en peignant leur monstrueuse Rolande, cet accent profond qui, dans la pensée des lecteurs, sépare le peintre de son modèle ; ils n’ont pas cette manière de poser leur personnage qui n’a pas même besoin de paroles, qui n’est qu’un souffle de la plume, mais un souffle vengeur, en exposant des abominations… Certes !

1304. (1898) L’esprit nouveau dans la vie artistique, sociale et religieuse « III — Un symbole »

Ceux qui, en petit nombre, prirent la parole en ce sens manquaient de perspicacité, et pas un n’attaqua la question de fond, clairement et vigoureusement. […] Je lui demande bien pardon, il n’existait pas avant d’exister et il n’existera plus quand il aura cessé d’être… Vous pouvez me contredire, vous pouvez me lancer des interruptions pour me troubler, mais ce que vous ne troublez pas, c’est le fait qui est gros comme le monde, qui est éclatant comme le soleil, à savoir : que depuis deux ans, la libre pensée a fait d’immenses progrès, et que les masses populaires en France se rangent du côté de la Révolution. » C’étaient là d’énergiques paroles assurément, une vigoureuse tentative pour démasquer l’insidieuse et cauteleuse proposition de l’archevêque.

1305. (1868) Les philosophes classiques du XIXe siècle en France « Chapitre XII : Pourquoi l’éclectisme a-t-il réussi ? »

On oublia d’autres paroles très-expressives, trop expressives, qu’on avait autrefois jetées contre le christianisme, que les critiques n’osent citer, et dont tous les contemporains se souviennent. […] Si l’on excepte les élèves qui croient sur parole, les professeurs qui croient par état, et les inventeurs qui croient à titre d’inventeurs, on trouve que sur la foule, savants, jeunes gens et gens du monde, cette philosophie n’a plus de prise, Ceux-ci admettent comme l’école Dieu, l’âme, le devoir ; mais l’obligation en est au catéchisme et à l’opinion plus qu’à l’école.

1306. (1788) Les entretiens du Jardin des Thuileries de Paris pp. 2-212

le bon époux, ne pensoit pas à partir, & ces paroles proférées avec adresse, réveillent le desir de monter à cheval, & viennent à bout de rendre la chere épouse maîtresse du champ de bataille. […] Les anciens eurent pour eux les pensées, & nous avons les paroles ; mais nous les accommodons si joliment ; qu’on en fait tout ce qu’on veut, des rébus, des charades, des calembourgs. […] A peine l’écoute-t-on ; lorsqu’il parle, son suffrage n’a pas le moindre prix ; & moi j’ai dit ceci, & moi j’ai fait cela ; paroles admirables ! […] Il faut que les paroles soient compassées, & que la voix soit délicieuse. […] Ils ne pensent pas que du cabinet d’un monarque, on voit plus loin que de leur petit réduit, & qu’en conséquence tous leurs beaux discours sont des paroles perdues.

1307. (1908) Promenades philosophiques. Deuxième série

Tout au plus pourrait-on essayer d’établir que, chez l’homme, comme cela arrive à l’occasion chez telle espèce d’oiseau, le chant a précédé la parole. Chant, ou quelque modulation comme celles qui encore signifient la joie de vivre chez les enfants, modulation contenant des syllabes articulées, matrice de la parole. […] Ce n’est que là que j’ai compris quelque chose à l’origine, non du langage, mais de la parole. […] Muni de pains et de sous, il se plantait aux carrefours, rassemblait les mendiants et hurlait la bonne parole. […] On ne prend pas la parole le premier, on attend.

1308. (1864) Corneille, Shakespeare et Goethe : étude sur l’influence anglo-germanique en France au XIXe siècle pp. -311

Hâtons-nous de lui céder la parole avec l’espérance que le pavillon sauvera la marchandise. […] La première partie, qui comprendrait la Régence et le règne de Louis XV, formerait un opéra-comique, dont les paroles et la musique seraient faciles à trouver. […] René a la gloire de la parole, la poésie de l’expression, qui est presque une contradiction avec son état d’âme terne et désolé. […] Vinet disait de Nodier : « Tout vit, tout palpite dans son langage ; jamais l’hymen d’un homme avec sa parole ne fut plus tendre et plus étroit. […] Il m’est impossible de faire un pareil cas de la Parole.

1309. (1902) La politique comparée de Montesquieu, Rousseau et Voltaire

Les lois ne se chargent de punir que les actions extérieures.  » Il n’y a pas de délit de parole, sauf quand les paroles sont intimement unies à un acte criminel, et alors c’est l’acte criminel qu’on punit, non les paroles : « Un homme qui va dans une place publique exhorter les sujets à la révolte devient coupable de lèse-majesté, parce que les paroles sont jointes à l’action et y participent. Ce ne sont point les paroles qu’on punit, mais une action commise, dans laquelle on emploie des paroles. […] Un renverse tout si l’on fait des paroles un crime capital, au lieu de les regarder comme le signe d’un crime capital.  » (Esprit des Lois, xii, 12.) […] Il peut se servir de sa plume comme de sa voix, et les délits faits avec la plume doivent être punis comme les délits faits avec la parole. […] Qui résistera à vos paroles et ne sera pas obéissant à tous vos ordres, qu’il meure !

1310. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Lettre sur l’orthographe » pp. 427-431

Duclos, le philosophe cynique, soutenait un jour qu’on pouvait se permettre bien plus de libertés en paroles devant les honnêtes femmes que devant celles qui ne le sont pas ; il était alors entre deux femmes de la Cour, et il se mit à leur faire un conte si fort et si salé que l’une d’elles s’écria : « Ah !

1311. (1862) Portraits littéraires. Tome II (nouv. éd.) « Appendice à l’article sur Gabriel Naudé »

(Campanella)  ; mais si la lettre que je lui écrivis il y a environ quinze jours ou trois semaines ne lui donne ouverture et occasion de travailler autrement, je ne pense pas qu’il soit bastant pour terminer le différend, car il ne m’écrit rien autre chose, sinon que le Père proteste de n’avoir rien dit à mon désavantage et qu’il veut mourir mon serviteur et ami, qui sont les caquets desquels il m’a repu jusqu’à cette heure, et desquels je ne puis en aucune façon demeurer satisfait ; et s’il ne m’écrit de sa propre main de s’être licencié légèrement ou par inadvertance de certaines paroles et imputations contre moi, lesquelles il voudroit n’être point dites, et proteste maintenant qu’elles ne me doivent ni peuvent préjudicier en aucune façon, je suis résolu, sous votre bon consentement néanmoins, de ne pas endurer une telle calomnie sans m’en ressentir.

1312. (1892) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Cinquième série « Les legs de l’exposition philosophie de la danse »

Rien n’était d’une élégance plus chaste que la danse de Mlle Beaugrand — ou même de cette Cornalba pour qui Meilhac éprouva un sentiment d’une spiritualité si pure qu’un jour il commanda son portrait sans lui avoir jamais adressé la parole.

1313. (1899) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Septième série « Malaise moral. » pp. 176-183

Il ne s’agissait que de prononcer publiquement certaines paroles.

1314. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces des pièces de théâtre — Préface d’« Hernani » (1830) »

Tout en admirant la littérature de Louis XIV si bien adaptée à sa monarchie, elle saura bien avoir sa littérature propre, et personnelle, et nationale, cette France actuelle, cette France du dix-neuvième siècle à qui Mirabeau a fait sa liberté et Napoléon sa puissance9. » Qu’on pardonne à l’auteur de ce drame de se citer ici lui-même ; ses paroles ont si peu le don de se graver dans les esprits, qu’il aurait souvent besoin de les rappeler.

1315. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « Émile Augier »

On y trouve ce vieux mot, qui veut dire cette chose qui existe depuis madame Putiphar, et qui existe beaucoup trop, non seulement comme indécence, mais comme redite : « Elle ne vous a pas obligé à lui laisser votre manteau. » On y donne ceci comme une découverte : « La parole est d’argent, mais le silence est d’or. » Enfin, les plus grandes malices et les plus grandes originalités contre Déodat : « C’est le bâtonniste devant l’arche », comme si nous étions chez les Juifs.

1316. (1900) Taine et Renan. Pages perdues recueillies et commentées par Victor Giraud « Renan — II »

Si nous interrogeons notre conscience, nous lui devons ce témoignage, et, fût-il apporté par le plus humble, je n’en vois pas qui puisse faire un son plus beau parmi tant de paroles qu’on va jeter sur son cercueil.‌

1317. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Jean-Jacques Ampère »

Sa déclaration était faite, l’aveu lui était échappé : il avait proféré, sans le vouloir, la parole sacrée sur laquelle il ne revint pas. […] Vitet, je le dirai à plus forte raison de Jouffroy, l’homme des hautes pensées, le théoricien au front contemplatif, à la parole magistrale, et dont la chaleur d’âme, avant de se révéler, se cachait quelque temps sous un aspect d’élévation et de froideur. […] Ce premier cours, dans lequel il paraît avoir apporté plus d’entrain et de vivacité de parole qu’il ne fit plus tard dans les chaires de Paris, a laissé un long souvenir à Marseille, si j’en juge par une étude sur Ampère, publiée par M.  […] Il ne regardait pas ses auditeurs, même quand il relevait ses lunettes ; la direction de son regard comme de sa parole semblait se retourner sur lui-même comme dans un soliloque. […] Guizot m’en croie certainement sur parole, il m’a prié de vous adresser la question et de lui faire connaître votre réponse.

1318. (1828) Introduction à l’histoire de la philosophie

Cette foule immense agissait inévitablement sur le professeur, animait, élevait, précipitait sa parole. […] Guizot et moi nous crûmes devoir faire usage de la parole qui nous était rendue. […] Séparé du public depuis huit années, j’ai perdu l’habitude de porter la parole devant de pareilles assemblées. […] Se rendre compte, messieurs, se rendre compte, c’est une parole bien grave que je prononce ! […] Toute parole est un acte de foi ; voilà pourquoi dans le berceau des sociétés la parole primitive est un hymne.

1319. (1925) Proses datées

Leconte de Lisle écouta la présentation, me tendit la main, mais ne m’adressa pas la parole. […] Comme elle écoutait ses paroles admirées ! […] Alors, en souriant, il m’adressait la parole, me demandait, mon nom, m’encourageait, si bien que je tirais un papier. […] Même, la parole déclamatoire de Dargaud n’était pas sans influence sur l’esprit de Lamartine, plus souple et un peu indécis. […] Grand amateur de musique et de peinture, vous y joignîtes un vif attrait pour les paroles aimables et les jolis visages.

1320. (1903) Le problème de l’avenir latin

C’est que je suis résolument l’ennemi des paroles d’espoir fondées sur le vide. […] Ce fut une véritable hypertrophie de la parole, un ruissellement ininterrompu de périodes. […] La même force qui s’agite en lui, traduite en paroles retentissantes, avait naguère animé le bras d’Hermann, d’Alaric, de Witikind. […] Sur un sol détrempé par le flot incessant de la parole, la végétation des faits ne peut ni germer ni croître. […] De l’abus de parole au sophisme la distance est brève, et cette distance les peuples latins l’ont naturellement franchie.

1321. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Massillon. — P.-S. » pp. 38-40

. — Dieu fait primer encore hautement, cette année, les pères de l’Oratoire dans le ministère de la parole, le père Hubert à Saint-Jean, le père Massillon à Saint-Gervais, le père Guibert à Saint-Germain de l’Auxerrois, le père de La Boissière à Saint-André, le père de Monteuil à Saint-Leu, le père Maur à Saint-Étienne-du-Mont.

1322. (1874) Premiers lundis. Tome II « Étienne Jay. Réception à l’Académie française. »

Nous nous permettrons aussi de trouver que la chaleur de parole et l’emportement exemplaire avec lesquels on a remis sur le tapis, à propos de M. 

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