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947. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Œuvres inédites de F. de la Mennais (suite et fin.)  »

Je n’aspire qu’à l’oubli dans tous les sens, et plût à Dieu que je pusse m’oublier moi-même ! […] … » Or, maintenant, si j’ouvre le petit livre ne M. le pasteur Peyrat, j’y trouve le passage suivant : « Avec moi, M. de La Mennais ne se départait jamais de sa morale ascétique ni de son pseudo-christianisme incompatibles avec la société et l’univers (n’oublions pas que M.  […] Ainsi, dans une lettre à l’abbé Jean, datée de Paris 5 janvier 1816, la Mennais lui dit : « N’oublie pas les intentions de messes pour M. 

948. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Béranger — Béranger en 1832 »

Elle y joignait d’excellents avertissements de morale, à l’appui desquels la dévotion n’était pas oubliée : le jeune Béranger fit sa première communion à onze ans et demi. […] Au lieu de se précipiter à sa suite dans les camps, Béranger sut se faire oublier de lui dans sa vie infime. […] Près du drapeau que dans l’ombre on replie, Au fond du verre où l’infortune oublie, Autour du punch et des jeunes gaîtés, Même au cou nu des folâtres beautés, Oh !

949. (1886) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Deuxième série « Ferdinand Fabre  »

Le XXe siècle le fera, je pense, pour tous les écrivains du XIXe qui méritent de ne pas être oubliés et peut-être même pour les classiques. […] Les conversations avec Marianne qui ne veut pas qu’il jeûne pendant le carême (« Vous avez bien soixante-quatre ans, vous, Marianne, et pourtant vous pratiquez la loi de l’Église dans sa rigueur  Moi, c’est différent… Si vous l’avez oublié, je suis née à Éric-sous-Caroux, dans une pauvre cabane…, et je ne vous ressemble pas plus..   […] Il est bien d’un prêtre, en tout cas, ce revirement soudain de l’abbé Tigrane qui, à peine devenu évêque, s’apaise, se fait onctueux, demande pardon et oublie.

950. (1895) La musique et les lettres pp. 1-84

        Si près de la dispersion et de l’été, j’aime, ces refuges que je dois oublier, les fixer (d’accord, ils ne sont pas à notre gré) : et que ne se fasse, sans une équivalence pour quelques-uns et moi, le mental adieu. […] Je n’oublie.. […]     Alors, on possède, avec justesse, les moyens réciproques du Mystère — oublions la vieille distinction, entre la Musique et les Lettres, n’étant que le partage, voulu, pour sa rencontre ultérieure, du cas premier : l’une évocatoire de prestiges situés à ce point de l’ouïe et presque de la vision abstrait, devenu l’entendement ; qui, spacieux, accorde au feuillet d’imprimerie une portée égale.

951. (1921) Enquête sur la critique (Les Marges)

— Il est rare, aujourd’hui, que les critiques parlent du style ; souvent même, ils s’oublient jusqu’à prôner des livres médiocrement écrits comme si l’art de l’écrivain n’était, avant tout, l’art de bien écrire. […] Il n’a point d’amis, point d’ennemis, point d’opinions politiques ou autres, et, s’il en a, il les oublie. […] Paul Souday, Jean de Pierrefeu, André Beaunier, Fernand Vandérem, Henri de Régnier, Abel Hermant, Charles Le Goffic, Jean-Louis Vaudoyer, André Billy, Georges Le Cardonnel, Marius André, Rachilde, André Fontainas, Raymond Clauzel, Henriette Charasson, Antoine Albalat, Binet-Valmer et tant d’autres que j’oublie, sont de brillants défenseurs et introducteurs des écrivains auprès du public.

952. (1868) Alexandre Pouchkine pp. 1-34

Remarquons encore qu’il y a dans toutes un trait qui frappe et qu’on n’oublie plus : trouver le trait qu’il faut, c’est là le problème à résoudre. […] J’oublie ton fol abandon, et c’est bien Démétrius que je vois à présent. […] c’est ma femme… Mais comment as-tu déjà oublié ta voisine de campagne, Tatiana ?

953. (1890) L’avenir de la science « XXII » pp. 441-461

barbares, oubliez-vous que nous avons eu Voltaire et que nous pourrions encore vous jeter à la face le père Nicodème, Abraham Chaumeix, Sabathier et Nonnotte ? […] Les affaires étaient entre les mains d’un roi incapable, de courtisans oubliés, de grands seigneurs sans vues ni portée. […] Si saint Ambroise fût resté gouverneur de Ligurie, en supposant même qu’il eût eu de l’avancement et fût devenu, comme son père, préfet des Gaules, il serait maintenant parfaitement oublié.

954. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Mirabeau et Sophie. — I. (Dialogues inédits.) » pp. 1-28

Il avait les gros yeux de la race, et qui, charmants dans les portraits de ses père, oncle et aïeul, le devenaient aussi chez lui toutes les fois qu’une femme s’oubliait à le regarder : « Ce sont ces certains yeux couchés, disait-il, que, sur mon honneur, je ne saurais appeler beaux, dusses-tu me battre (c’est à Sophie qu’il écrivait cela), mais qui enfin disent assez bien, et quelquefois trop bien, tout ce que sent l’âme qu’ils peignent. » Il tenait pourtant de sa mère (Mlle de Vassan) des caractères qui gâtaient fort et qui ravalaient même, disait son père, la hauteur originelle du type, qui en altéraient certainement la noblesse, mais qui en corrigèrent aussi la dureté. […] Je m’occupe sérieusement à des chiffons ; je fais un reversi le soir ; j’écoute des médisances, je les oublie bien vite ; je dors et je recommence. […] Au milieu de tout cela, je m’aperçois que j’ai oublié de dire comment était Sophie, et de donner son portrait.

955. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces des romans — Préface des « Derniers Jours d’un condamné » (1832) »

Il s’était caché, le misérable, il s’était blotti sous sa guillotine, mal à l’aise au soleil de juillet comme un oiseau de nuit en plein jour, tâchant de se faire oublier, se bouchant les oreilles et n’osant souffler. […] Dans le midi, vers la fin du mois de septembre dernier, nous n’avons pas bien présents à l’esprit le lieu, le jour, ni le nom du condamné, mais nous les retrouverons si l’on conteste le fait, et nous croyons que c’est à Pamiers ; vers la fin de septembre donc, on vient trouver un homme dans sa prison, où il jouait tranquillement aux cartes : on lui signifie qu’il faut mourir dans deux heures, ce qui le fait trembler de tous ses membres, car, depuis six mois qu’on l’oubliait, il ne comptait plus sur la mort ; on le rase, on le tond, on le garrotte, on le confesse ; puis on le brouette entre quatre gendarmes, et à travers la foule, au lieu de l’exécution. […] D’ailleurs les deux séries se tiennent toujours, ne l’oublions pas.

956. (1919) L’énergie spirituelle. Essais et conférences « Chapitre I. La conscience et la vie »

Une conscience qui ne conserverait rien de son passé, qui s’oublierait sans cesse elle-même, périrait et renaîtrait à chaque instant : comment définir autrement l’inconscience ? […] Si l’individu s’y oublie lui-même, la société oublie aussi sa destination ; l’un et l’autre, en état de somnambulisme, font et refont indéfiniment le tour du même cercle, au lieu de marcher, droit en avant, à une efficacité sociale plus grande et à une liberté individuelle plus complète.

957. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre premier. »

Les noms des animaux domestiques » ; et il traduit un peu longuement, mais noblement : « Cet oiseau domestique, dont le chant annonce le jour et qui n’a que son pailler pour théâtre de ses exploits. » Le docte traducteur oubliait qu’au siècle d’Auguste Horace conseillait de tirer du milieu commun le poëme original : Tantum de medio sumptis accedit honoris ! Enfin, il oubliait que dans son siècle, même à l’époque du grand goût, Corneille, Bossuet, Pascal, et souvent même Boileau et la Bruyère, avaient à propos nommé les choses par leurs noms, et qu’ils avaient enchâssé les mots les plus simples dans des vers et des lignes énergiques ou sublimes. […] Si on oubliait qu’il s’agit d’un des petits rois, entre lesquels se partageait la Sicile, du roi d’Agrigente ou du roi d’Etna, on croirait parfois entendre l’éloge d’un des héritiers de ces maisons souveraines qui, du moyen âge à nos jours, ont régné sur quelque grand peuple, à travers les révolutions et les guerres.

958. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Parny poète élégiaque. » pp. 285-300

Parny a eu l’honneur de graver la sienne en quelques vers brûlants, naturels, et que la poésie française n’oubliera jamais. […] Tous ceux qui l’ont lue l’ont retenue, et de tous ceux qui la savent par cœur, pas un ne l’oublie.

959. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « M. Ernest Renan »

Ernest Renan, qui n’a pas quarante ans encore, est né en 1823 en Bretagne, — dans la Basse-Bretagne, ne l’oublions pas, — à Tréguier. […] Telle est l’humanité : chaque nation, chaque forme intellectuelle, religieuse, morale, laisse après elle une courte expression qui en est comme le type abrégé et expressif, et qui demeure pour représenter les millions d’hommes à jamais oubliés qui ont vécu et qui sont morts groupés autour d’elle. » Cette conscience, cette mémoire du genre humain, c’est donc comme une Arche de Noë perpétuelle dans laquelle il ne peut entrer que les chefs de file de chaque race, de chaque série.

960. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « HOMÈRE. (L’Iliade, traduite par M. Eugène Bareste, et illustrée par M.e Lemud.) —  second article  » pp. 342-358

Un philosophe fameux de nos jours, et qui n’oubliait pas pourtant qu’il était né gentilhomme, se faisait réveiller tous les matins par son valet de chambre qui lui disait : « Monsieur le comte, vous avez de grandes choses à faire. » Pour qui lirait tous les matins une page de Thucydide ou d’Homère, cela serait dit mieux encore que par le valet de chambre, et d’une manière, j’imagine, plus persuasive. […] En un endroit, lorsqu’elle apprend brusquement à Mars la mort de son fils chéri Ascalaphus, le dieu terrible dans l’accès de sa douleur se met à frapper violemment ses deux florissantes cuisses de la paume de ses mains : le traducteur met simplement qu’il se frappe le corps de ses mains divines ; il oublie que cette forme expressive de désespoir s’est conservée fidèlement jusque chez les Grecs modernes.

961. (1796) De l’influence des passions sur le bonheur des individus et des nations « Section première. Des passions. — Chapitre II. De l’ambition. »

L’homme qui s’est jugé comme la voix publique, qui conserve au-dedans de lui tous les sentiments élevés qui l’accusent, et peut à peine s’oublier dans l’enivrement du succès, que deviendra-t-il à l’époque du malheur ? […] Bientôt celle-là même s’efface, et la meilleure chance de bonheur pour cette situation, c’est la facilité qu’on trouve à se faire oublier : mais par une réunion cruelle, le monde qu’on voudrait occuper, ne se rappelle plus de votre existence passée, et ceux qui vous approchent ne peuvent en perdre le souvenir.

962. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre III. Le naturalisme, 1850-1890 — Chapitre II. La critique »

Le plus avisé, le plus fin de ces apologistes fut Sainte-Beuve, qui, comme je l’ai dit plus haut, joua aux classiques le bon tour de leur escamoter la poésie du xvie  siècle qu’ils avaient eu le tort d’oublier, pour la donner aux romantiques désireux de se créer une tradition et des ancêtres. […] Mais je dois, avant de me tourner vers lui, nommer deux hommes de grand talent, qui sont en dehors du courant principal des idées littéraires, et que pourtant l’on ne saurait oublier.

963. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — G — Gautier, Théophile (1811-1872) »

Sur ton muet sépulcre et tes os consumés Qu’un autre verse ou non les pleurs accoutumés ; Que ton siècle banal l’oublie ou te renomme ; Moi, je t’envie, au fond du tombeau calme et noir, D’être affranchi de vivre, et de ne plus savoir La honte de penser et l’horreur d’être un homme. […] grâce à lui, la raison reprend peu à peu sa place légitime, celle de frein dans les impulsions de l’imagination et de la sensibilité, et c’est là le vrai sens de la boutade : « Mes métaphores se tiennent, tout est là » ; c’est beaucoup du moins ; et comme on l’avait oublié autour de lui, Vigny et Sainte-Beuve exceptés !

964. (1766) Le bonheur des gens de lettres : discours [graphies originales] « Le Bonheur des gens de lettres. — Premiere partie. » pp. 12-34

Il cédera plutôt aux clameurs de l’envie, il fuira ses persécuteurs jusqu’au fond des forêts, & préférera, s’il le faut, le commerce des Tygres à celui des hommes ; mais du fond des déserts il ne les oubliera point, il les servira, tout ingrats qu’ils sont, attendrit sur les nouveaux malheurs qui les menacent, il fera entendre sa voix désintéressée & expirante, & consumera ses derniers jours à instruire une Société qui la rejette de son sein. […] Et sur les ruines magnifiques de la dominatrice de l’Univers, elle oublie ce trône qu’elle occupoit.

965. (1911) La valeur de la science « Première partie : Les sciences mathématiques — Chapitre I. L’intuition et la logique en Mathématiques. »

Riemann, au contraire, appelle de suite la Géométrie à son secours, chacune de ses conceptions est une image que nul ne peut oublier dès qu’il en a compris le sens. […] Ce n’est pas cela que je veux dire ; en devenant rigoureuse, la Science mathématique prend un caractère artificiel qui frappera tout le monde ; elle oublie ses origines historiques ; on voit comment les questions peuvent se résoudre, on ne voit plus comment et pourquoi elles se posent.

966. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre XXI. Dernier voyage de Jésus à Jérusalem. »

Souvent, assise aux pieds de Jésus, elle oubliait à l’écouter les devoirs de la vie réelle. […] C’est là qu’au sein d’une pieuse amitié Jésus oubliait les dégoûts de la vie publique.

967. (1824) Ébauches d’une poétique dramatique « De la tragédie chez les Anciens. » pp. 2-20

Thespis, Phrynicus, Chérilus, et tous ceux qui composèrent dans le goût de Thespis, oublièrent presque entièrement la destination du chœur, et ne parlèrent plus de Bacchus. […] Après cet effort, il lui était bien moins difficile de transporter de l’épopée à la tragédie, ce qui s’appelle intrigue ou nœud ; car il est plus aisé de faire oublier le poète et le narrateur, quand on vient à brouiller différents intérêts et à nouer le jeu de divers personnages, que quand on veut mettre les spectateurs au fait d’une action, sans qu’ils s’aperçoivent qu’on ait eu dessein de le faire.

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