/ 1823
1127. (1865) Cours familier de littérature. XIX « CXIe entretien. Mémoires du cardinal Consalvi, ministre du pape Pie VII, par M. Crétineau-Joly (3e partie) » pp. 161-219

Les jours et les nuits que l’on passa dans cette anxiété furent plus amers que la mort, morte amariores . […] Après, je fus témoin d’un siège de plusieurs semaines que l’on mit devant le palais pontifical et qui arrachait les larmes des yeux de tous les bons ; puis, dans les ténèbres de la nuit, le sac du Quirinal.

1128. (1869) Cours familier de littérature. XXVIII « CLXIVe entretien. Chateaubriand, (suite.) »

Nous inclinâmes sur l’oreiller la femme arrivée au repos ; elle pencha la tête ; quelques boucles de ses cheveux déroulés tombaient sur son front ; ses yeux étaient fermés, la nuit éternelle était descendue. […] La maison, pleine d’ouvriers qui riaient, chantaient, cognaient, était chauffée avec des copeaux allumés, et éclairée par des bouts de chandelles ; elle ressemblait à un ermitage illuminé la nuit par des pèlerins dans les bois.

1129. (1887) Revue wagnérienne. Tome II « Paris, le 8 juillet 1886. »

C’est la nuit : le ciel propice sourit par ses millions d’étoiles. […] Parce que le jour est en eux, ils croient que la nuit complaisante les couvrira toujours.

1130. (1887) Revue wagnérienne. Tome II « Paris, le 15 décembre 1886. »

» Dans le deuxième chant de Sigurd vainqueur de Fafner, Brunnhilde réveillée s’écrie : « Salut, Jour-salut à vous, fils du jour, à toi, Nuit, à vous, filles de la Nuit.

1131. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome premier — Livre troisième. Le souvenir. Son rapport à l’appétit et au mouvement. — Chapitre premier. La sélection et la conservation des idées dans leur relation à l’appétit et au mouvement. »

La terre ne tourne pas moins pendant la nuit que pendant le jour. […] Qu’y aurait-il d’étonnant à ce que les ondulations du cerveau se propageassent, sous une certaine forme, pendant la vie entière et à ce qu’une sensation pût reparaître en l’absence de sa cause, comme le rayon de l’étoile semble se rallumer dans la nuit ?

1132. (1904) En méthode à l’œuvre

Et mon dire autant que compris, doit être senti… Donc, les Mots d’expression idéographique d’idées dépendantes d’une des séries idéogéniques que nous avons généralement déterminées, devront en même temps être en valeurs de timbres-vocaux de la série phonétique correspondante, — ainsi que suit :   les diverses voix instrumentales assourdies par m, n, gn (e) l’Orgue nuits mouvantes et pleines des sensations, sentiments et idées   oû, ou, oui (ll), iou, oui ô, o, io, oi a, a, ai (ll), ai eû, en, ien eui (ll), eui Bruns, noirs à roux Rouges Vermillons Orangés à ors, verts F, L, M, S P, R, S H, R, S, V L, N, R, S, Z les Flûtes longues, primitives la série grave des Sax les séries hautes des Sax les Cors, Bassons et Hautbois Monotonie, doute, simplesse. […] Mon esprit est en exaltation et en humilité, lorsqu’en la nuit concordante et lumineuse, d’éternité et pour éternité et dans l’illimité !

1133. (1856) Cours familier de littérature. II « IXe entretien. Suite de l’aperçu préliminaire sur la prétendue décadence de la littérature française » pp. 161-216

S’il fallait tout dire, je croirais plutôt que les académies nuisent à la formation de ces phénomènes toujours isolés d’intelligence qui deviennent les lustres des peuples sur la nuit des temps. […] Il était sorti seulement de temps en temps des prisons quelques chants du cygne, quelques plaintes mélodieuses ; ces poésies avaient l’accent des brises de nuit qui traversent les ifs ou les cyprès des cimetières, elles donnèrent à la langue poétique, et même à la prose française d’après la révolution, les premières notes de cette mélancolie tragique, inconnues jusque-là à la langue.

1134. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Notes et éclaircissements. [Œuvres complètes, tome XIII] »

Que de fois de l’airain les terribles accents De l’athée endurci firent frémir les sens, Alors qu’au sein des nuits leur funèbre harmonie Annonçoit qu’un mortel alloit quitter la vie ! Écoutez le récit des crédules hameaux : Un fantôme, à minuit, dans la vieille chapelle, Par d’affreux tintements a troublé leur repos, Et chaque nuit amène une terreur nouvelle.

1135. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « Ernest Feydeau » pp. 106-143

Mais ce n’est pas tout, elle nuit profondément à l’idée du livre. […] Les pressentiments de Catherine, sa fuite épouvantée sur ce cheval ardent et méchant, qu’elle ne mène pas et qui la cahote sur sa selle ; l’étendue des neiges autour d’eux, le tocsin qui sonne dans la nuit, les torches qu’on voit courir à l’horizon, la chute de cette fille, qui n’est pas taillée pour être une amazone, mais une ménagère de Flandre, qui va peut-être mourir dans ce chemin, de fatigue, de froid et de peur, et qu’on ramasse et qu’on rejette sur sa selle, presque inanimée, au galop du cheval qui l’emporte, tout cela est haletant, effaré, sinistre, et, sans la grossièreté du misérable coquin auquel elle s’est donnée, serait peut-être tragique et beau.

1136. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « La princesse Mathilde » pp. 389-400

Il fait nuit, ou il fait jour.

1137. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Vie militaire du général comte Friant, par le comte Friant, son fils » pp. 56-68

De nuit il se relevait pour tout visiter : « Quand on a seize mille hommes derrière soi, disait-il, on doit veiller pour tous. » Aussi n’était-il jamais surpris.

1138. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Dübner »

Heureux après tout, heureux homme, pourrions-nous dire, qui a consacré toute sa vie à d’innocents travaux, payés par de si intimes jouissances ; qui a approfondi ces belles choses que d’autres effleurent ; qui n’a pas été comme ceux (et j’en ai connu) qui se sentent privés et sevrés de ce qu’ils aiment et qu’ils admirent le plus : car, ainsi que la dit Pindare, « c’est la plus grande amertume à qui apprécie les belles choses d’avoir le pied dehors par nécessité. » Lui, l’heureux Dübner, il était dedans, il avait les deux pieds dans la double Antiquité ; il y habitait nuit et jour ; il savait le sens et la nuance et l’âge de chaque mot, l’histoire du goût lui-même ; il était comme le secrétaire des plus beaux génies, des plus purs écrivains ; il a comme assisté à la naissance, à l’expression de leurs pensées dans les plus belles des langues ; il a récrit sous leur dictée leurs plus parfaits ouvrages ; il avait la douce et secrète satisfaction de sentir qu’il leur rendait à tout instant, par sa fidélité et sa sagacité à les comprendre, d’humbles et obscurs services, bien essentiels pourtant ; qu’il les engageait sans bruit de bien des injures ; qu’il réparait à leur égard de longs affronts.

1139. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Victor Hugo — Victor Hugo, Les Feuilles d'automne, (1831) »

nuit noire !

1140. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « JULES LEFÈVRE. Confidences, poésies, 1833. » pp. 249-261

Je voudrais pouvoir citer tout le morceau intitulé Déception ; c’est un des plus irréprochables ; en voici le début : Quoique bien jeune encor, j’ai longtemps, loin du bruit, Des langages du monde interrogé la nuit, Et, de leur mine abstraite explorant les merveilles, Ma lampe curieuse a pâli dans les veilles ; Mais lorsque, sous mes pas, ses lumineux secours Des sentiers de l’étude éclairaient les détours, Je n’ai pas, de la gloire évoquant la richesse, Vu son manteau de pourpre en cacher la rudesse.

1141. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Des soirées littéraires ou les poètes entre eux »

Ce que le sévère historien a si hautement compris, le poëte surtout le doit faire ; c’est dans ce recueillement des nuits, dans ce commerce salutaire avec les impérissables maîtres, qu’il peut retrouver tout ce que les frottements et la poussière du jour ont enlevé à sa foi native, à sa blancheur privilégiée.

1142. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Appendice sur La Fontaine »

Ce n’était pas à beaucoup près un travailleur opiniâtre ni un érudit que La Fontaine, ni encore moins un investigateur de manuscrits, comme on l’a récemment avancé196, et il employait ses nuits à tout autre chose qu’à feuilleter de poudreux auteurs, ou à pâlir sur Platon et Plutarque, que d’ailleurs il aimait fort à lire durant le jour.

1143. (1874) Premiers lundis. Tome II « Jouffroy. Cours de philosophie moderne — III »

Le moi qui profiterait de cette facilité trop fréquemment et avec trop d’amour, le moi qui se livrerait à la vie du dehors autrement que pour comprendre et regarder, le moi qui s’adonnerait à une pratique assidue de la nature et à de trop longues communications avec le monde matériel ; qui, franchissant le pont-levis dès le matin, s’égarerait dans ses pâturages et ses terres pour les amender, visiterait ses mines et ses canaux, dessécherait ses marais, transplanterait des troupeaux lointains pour s’enrichir de leurs toisons, croiserait des races, apprivoiserait une végétation agreste, assainirait un climat fangeux, et qui ne rentrerait au logis qu’à la nuit close, ce moi-là, selon les psychologistes, courrait grand risque d’oublier qu’il n’est pas dans les conditions essentielles de sa nature ; qu’il n’y a au fond et dans la réalité rien de commun entre cette matière et lui ; qu’il n’arrive à elle que moyennant un pont tremblant et fragile, sur la foi d’un laisser-passer arbitraire ; et qu’il ne doit pas s’attarder dans la plaine ni sur les monts, de peur des distractions trompeuses et des pièges sans nombre.

1144. (1874) Premiers lundis. Tome II « Thomas Jefferson. Mélanges politiques et philosophiques extraits de ses Mémoires et de sa correspondance, avec une introduction par M. Conseil. — I »

Et parmi ceux de nos vieillards politiques que la hache des factions ou la fièvre intérieure de la lutte a épargnés, combien y en a-t-il qui, à travers la corruption de l’Empire et la turpitude de nos sénats, soient demeurés fidèles à eux-mêmes et à leurs commencements, fidèles à la majesté du Jeu de paume, à la nuit du 4 août, aux grandes journées d’autrefois, où nous lisons leurs noms ?

1145. (1875) Premiers lundis. Tome III « Nicolas Gogol : Nouvelles russes, traduites par M. Louis Viardot. »

Une nuit, il manque à son devoir de Cosaque, et s’introduit dans la place assiégée avec des vivres.

1146. (1861) La Fontaine et ses fables « Première partie — Chapitre IV. L’écrivain (suite) »

On n’a pas besoin d’aller à Vaux regarder la peinture de la Nuit ; la voici, et digne du Corrège Par de calmes vapeurs mollement soutenue, La tête sur son bras et son bras sur la nue, Laissant tomber des fleurs et ne les semant pas.

1147. (1861) La Fontaine et ses fables « Deuxième partie — Chapitre III. Les dieux »

Jupiter descend en pluie dans la puissante terre qu’il féconde, et les grandes formes des pins vivants et des montagnes ondulent sous la lune dans la nuit « pleine de dieux. » Aujourd’hui dans cet abattis universel des dogmes, parmi l’encombrement des idées entassées par la philosophie, l’histoire et les sciences, parmi les désirs excessifs et les dégoûts prématurés, la paix ne nous revient que par le sentiment des choses divines.

/ 1823