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987. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre XVI. »

« Ce jour, vraiment jour de fête pour moi, doit emporter les noirs soucis.

988. (1929) Amiel ou la part du rêve

* Les contrariétés du commerce, bien qu’il y gagnât beaucoup d’argent, puis celles du mariage, bien qu’il aimât tendrement sa femme, firent place chez Henri Amiel aux anxiétés, plus noires encore, du veuvage. […]     L’ouragan noir vient d’Allemagne ! […] La bergère est en basquine de velours noir et en chapeau de paille, le professeur berger porte pour épargner son cerveau un parasol doublé de vert. […] Le Journal d’après-souper se termine par une page de fureur contre l’esprit français, contre le peuple de l’apparence et du faux plaqué, ces logiciens, absolus comme l’ignorance, qui ne comprennent rien « que le noir et le blanc, le oui et le non, omettent ainsi toutes les couleurs d’une part et d’autre part tous les degrés intermédiaires entre l’affirmation et la négation… Leur casier de catégories est d’une simplicité sauvage. […] Pour qu’un homme remplisse une fonction, exerce une action déterminée et utile, il faut que l’univers s’anéantisse, ou du moins s’obscurcisse autour d’un point, le sien, que des obstacles, des écrans ou des écrous soient posés ou serrés, ne laissant passer, comme dans la chambre noire, que le filet de lumière et d’être nécessaires à l’action, canaliseurs ou catalyseurs de l’image utile.

989. (1881) Le roman expérimental

On entrait là par une petite porte, on y trouvait en plein jour des chambres noires que des bougies éclairaient. […] Pourquoi un drame si noir ? […] Quatre-vingt-dix-neuf personnes sur cent s’obstinent à lire « noir ». […] Dès lors, le terrible est que nous arrivons tout de suite à la bête humaine, sous l’habit noir comme sous la blouse. […] C’est pour cela que nos livres sont si noirs, si sévères.

990. (1910) Propos de théâtre. Cinquième série

Et c’était noir ; mais ce n’était pas bête. […] Cette mort à la fois condamnait le jeune Hebbel à la misère noire et le libérait. […] Guérin, la situation du Serpent noir, de Paul Adam. […] je ne suis pas des reîtres, Admirateurs bâtards des noirs temps féodaux. […] Il fait Mme Lebrun décidément trop noire.

991. (1890) Nouvelles questions de critique

Il lui ferait alors bien de l’honneur, trop d’honneur à mon sens, ayant le malheur d’être de ceux qui, dans la Chartreuse de Parme ou dans le Rouge et le Noir, ont beau s’écarquiller les yeux, ils n’y peuvent découvrir ce que les initiés y admirent. […] Ils y reviendraient bien davantage encore, si l’on comptait les échanges de politesses qu’ils font entre eux : Ses grands yeux noirs brillaient sous la double mantille Telle une double étoile au front des nuits scintille Sous les plis d’un nuage obscur ; ou, réciproquement : L’étoile qui s’éteint et brille Comme un œil prêt à s’assoupir. […] Les avalanches d’or s’écroulant dans l’azur… et La palpitation sauvage du printemps… et L’inhospitalité sinistre du fond noir… et L’inexprimable horreur des lieux prodigieux… Il n’en a pas trouvé de plus fortes, mais de plus humaines, pour exprimer le frisson de la créature devant la mort, l’horreur de la tombe, et l’effroi du néant. […] ni … le bâillement noir de l’éternité ? […] Mais, en fait, dans la vie et dans l’art, il en est autrement ; et, par exemple, sur une plage déserte, sous un ciel bas et noir, en un jour d’hiver, si vous mettez le plus jovial des hommes en présence d’une mer furieuse et démontée, il arrivera rarement que ce spectacle lui suggère des idées couleur de rose.

992. (1911) Nos directions

Souvent j’ai retourné cette terre noire Sous les étoiles d’avril dès le soir, Ainsi, Dormant à travers le jour lourd A rêver des récoltes. […] Ils grouillent noir là-bas et ils n’ont plus assez à manger. […] Et nous, tous quatre, nous avons les cheveux noirs et c’est ainsi que nous sommes réunis Comme des ouvriers qu’on a loués pour travailler à une même pièce. […] De cette confusion, de cette incohérence, un monstre naît, à la fois mystique et pervers, un soleil noir d’où rayonne un obscur malaise, que tous les spectateurs, et les plus sceptiques, ont ressenti. […] que les bondissements grâce auxquels, par-dessus la règle, le Verhaeren des Flambeaux noirs 79 s’élevait du ton oratoire au lyrisme ?

993. (1825) Racine et Shaskpeare, n° II pp. -103

J’aurais eu un toupet carré, à cinq pointes dessinées sur le front ; j’aurais été poudré à frimas, avec de la poudre blanche par-dessus de la poudre grise ; deux rangs de boucles eussent de chaque côté relevé ma coiffure ; et par derrière ils eussent fait place à une belle bourse de taffetas noir. […] Si, suivant les conseils du plus simple bon sens, vous écrivez aujourd’hui sans vous embarrasser de la censure actuelle, peut-être qu’en 1834, par un juste respect pour vous-même, et afin de repousser le désagrément de toute ressemblance avec les hommes de lettres de la trésorerie d’alors, vous serez obligé d’affaiblir les traits dont vous aurez peint les noirs ridicules des puissants d’aujourd’hui24. […] 5º C’est l’art qu’il faut dérober à Shakspeare, tout en comprenant que ce jeune ouvrier en laine gagna 50 000 francs de rente en agissant sur des Anglais de l’an 1600, dans le sein desquels fermentaient déjà toutes les horreurs noires et plates qu’ils voyaient dans la Bible, et dont ils firent le puritanisme.

994. (1870) De l’intelligence. Deuxième partie : Les diverses sortes de connaissances « Livre deuxième. La connaissance des corps — Chapitre II. La perception extérieure et l’éducation des sens » pp. 123-196

« Des points lumineux mobiles apparaissent dans le champ de la vue, quand on regarde fixement une surface uniformément éclairée, par exemple le ciel ou un champ de neige, notamment pendant une marche active ou quelque autre mouvement du corps. » En cas de pléthore ou de congestion, « lorsque après s’être baissé on se redresse brusquement, on voit une foule de petits corps noirs et pourvus de queues qui sautent et courent dans toutes sortes de directions ». — Divers narcotiques, et notamment la digitale, provoquent des flamboiements dans les yeux. — Pareillement, quand une maladie de l’œil enflamme ou irrite la rétine, on aperçoit des éclairs et des étincelles, et, dans les opérations chirurgicales qui entraînent la section du nerf optique, le patient voit, au moment où l’instrument tranche le nerf, de grandes masses de lumière. — Mais la rétine et le nerf optique tout entier ne sont eux-mêmes que des conducteurs intermédiaires ; ils servent à exciter les centres optiques de l’encéphale, voilà tout. […] D’ordinaire, leur cristallin, quoique opaque, laisse déjà passer un peu de lumière ; l’aveugle de Cheselden distinguait au moins trois couleurs, le blanc, le noir et l’écarlate ; celui de Ware reconnaissait les couleurs quand on les approchait de ses yeux. […] Une surface unie, par exemple une feuille imprimée ou écrite, ne donne au toucher qu’une sensation uniforme ; et la même surface donne à la vue autant de sensations distinctes qu’il y a de lettres noires écrites ou imprimées sur le blanc.

995. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre V. Les contemporains. — Chapitre II. Le Roman (suite). Thackeray. »

Si vous ne les observez que comme vertueuses ou vicieuses, vos illusions perdues vous enchaîneront dans des pensées noires, et vous ne trouverez en l’homme que faiblesse et que laideur. […] —  Un des écossais à tête noire, sir Pitt. […] » Le dialogue continue sur le même ton : après le mouton d’Écosse, le cochon noir de Kent ; ces bêtes semblent la famille de sir Pitt, tant il s’y intéresse.

996. (1896) Essai sur le naturisme pp. 13-150

S’il est logicien comme l’auteur du « Rouge et le Noir », sa forme négligée était pour lui déplaire. […] Si certains poètes firent parfois intervenir les noirs cyprès, les mélèzes et les gris oliviers, ce n’est pas qu’ils y découvraient une| beauté spéciale, ni par prédilection particulière, mais bien pour la rigoureuse signification de vertus fictives. […] Attentifs, courbés sur des eaux taciturnes, peinent de noirs pêcheurs.

997. (1920) Action, n° 2, mars 1920

» Ainsi, la sale maritorne en cottes grasses et en sabots, les mains noires de récurer l’auge de ses poussins grognant, la bouche plus empestée encore de rires grossiers et de jurons, paraît au Chevalier des Chevaliers la Béatrice de ce monde. […] La Tempête pourrait être un second Roi Lear, à l’échelle de l’espèce plutôt que de la famille ; Cymbeline, on ne sait quoi plus noir qu’Iphigénie et Thyeste ensemble, le père tuant ses fils, la calomnie immolant dans Imogène sa plus pure victime, la plus douce innocence. […] Il est le modèle de Cripure dans Le Sang noir de Louis Guilloux.

998. (1860) Cours familier de littérature. X « LVIe entretien. L’Arioste (2e partie) » pp. 81-160

Un songe l’avertit confusément des périls qu’elle court ; il s’évade du camp, couvert d’une armure noire, pour la chercher dans tout l’univers. […] « Cloridan, intrépide chasseur toute sa vie, était de robuste stature et d’une rare légèreté à la course ; Médor, à la fleur de ses années, avait encore les joues colorées, blanches et fraîches de l’adolescence, les yeux noirs, les cheveux dorés et bouclés ; il ressemblait à un ange du chœur le plus élevé du ciel.

999. (1865) Cours familier de littérature. XIX « CIXe entretien. Mémoires du cardinal Consalvi, ministre du pape Pie VII, par M. Crétineau-Joly (1re partie) » pp. 5-79

Ce matin, nous avons fait ex nigro album , ce qui est bien plus difficile, car pour que le blanc devienne noir, il faut très peu.” Ce cardinal faisait allusion au changement de costume de Chiaramonti, qui, tout en étant cardinal, s’habillait de noir en sa qualité de bénédictin, et qui alors se revêtait de blanc comme pape.

1000. (1856) Cours familier de littérature. I « IVe entretien. [Philosophie et littérature de l’Inde primitive (suite)]. I » pp. 241-320

” Toi, le lion des hommes, qui chassera de toi les noirs soucis, quand la fatigue, la faim, la douleur vont t’assaillir ?  […] « Ô femme, aux cheveux noirs comme la nuit », dit-il en s’adressant par une apostrophe involontaire à Damayanti, « ne t’indigne pas contre l’homme infortuné, privé de sa raison, qui cherchait en vain la nourriture de sa femme et la sienne, et à qui des oiseaux néfastes venaient d’enlever jusqu’à son manteau ; si tu vois jamais revenir ton époux, dépouillé de l’empire, indigent, dévoré de remords, ah !

1001. (1857) Cours familier de littérature. III « XIIIe entretien. Racine. — Athalie » pp. 5-80

Il prit en aversion l’habit noir que son oncle lui faisait porter, les mœurs claustrales et la ville même d’Uzès. […] Du chagrin le plus noir elle écarte les ombres, Et fait des jours sereins de mes jours les plus sombres ; Que dis-je ?

1002. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « III. M. Michelet » pp. 47-96

… Nous n’avons jamais lu de plus noir pamphlet sous prétexte d’histoire, et un pamphlet dont, malgré soi, on suspecte plus les passions ! […] Michelet, c’est la masse acéphale, c’est le peuple obscur qui l’emporte sur tous les états-majors de la Révolution, en instincts, en vertus, en dévouements, et, qu’on nous passe le mot, en spiritualité révolutionnaire ; c’est le peuple qui est le vrai chef dans cette terrible campagne contre les principes éternels des sociétés et contre Dieu ; c’est le peuple qui est le grand et, de fait, l’unique acteur de ce vaste drame, le bourreau masqué de sa masse même, comme le bourreau de Whitehall l’est de son voile noir !

1003. (1868) Curiosités esthétiques « I. Salon de 1845 » pp. 1-76

Richardot a peint une jeune dame vêtue d’une robe noire et verte, — coiffée avec une afféterie de keepsake. — Elle a un certain air de famille avec les saintes de Zurbaran, et se promène gravement derrière un grand mur d’un assez bon effet. […] Brillouin a envoyé cinq dessins au crayon noir qui ressemblent un peu à ceux de M. de Lehmud ; mais ceux-ci sont plus fermes et ont peut-être plus de caractère. — En général, ils sont bien composés. — Le Tintoret donnant une leçon de dessin à sa fille, est certainement une très-bonne chose. — Ce qui distingue surtout ces dessins est leur noble tournure, leur sérieux et le choix des têtes.

1004. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Le buste de l’abbé Prévost. » pp. 122-139

Le samedi 22 octobre, veille de l’inauguration, une pierre commémorative en marbre noir, avec une inscription en lettres d’or, a été posée au-dessus de la porte d’entrée de la maison où il est né, et qui appartient encore à la famille.

1005. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Bossuet. Lettres sur Bossuet à un homme d’État, par M. Poujoulat, 1854. — Portrait de Bossuet, par M. de Lamartine, dans Le Civilisateur, 1854. — I. » pp. 180-197

Ses yeux étaient noirs, pénétrants, mais doux.

1006. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Eugénie de Guérin, Reliquiae, publié par Jules Barbey d’Aurevilly et G.-S. Trébutien, Caen, imprimerie de Hardel, 1855, 1 vol. in-18, imprimé à petit nombre ; ne se vend pas. » pp. 331-247

Jamais ville plus déserte, plus noire, plus ennuyeuse, malgré les charmes qui l’habitent, Marie et son aimable famille.

1007. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Le maréchal de Villars — I » pp. 39-56

Son gouvernement de Fribourg lui donne occasion d’aller visiter les entrées des montagnes Noires : « Il ne les trouva pas d’un accès si difficile que l’on le publiait, et dès ce temps-là il prit des connaissances qui lui furent utiles dans la suite. » Le roi lui demande même des mémoires sur les projets de guerre qu’on peut former : Villars les lui remet en audience particulière ; le roi les lit et l’assure que c’est avec plaisir, et qu’il en comprend les conséquences et l’utilité : mais comme celui qui pensait n’était pas à portée d’être chargé de l’exécution, qu’il y avait trois maréchaux de France destinés au commandement de l’armée d’Allemagne, et que, d’ailleurs, le ministre de la guerre (c’était alors Barbesieux) était ennemi déclaré du marquis de Villars, ses idées ne furent point suivies.

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