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607. (1900) Poètes d’aujourd’hui et poésie de demain (Mercure de France) pp. 321-350

La Poésie, qui est éternelle, fait parfois semblant de mourir. […] Elle ne meurt point ; elle dort et ce sont des sommeils de Belle-au-Bois-dormant d’où elle renaît, chaque fois plus vivante. […] Ils se demandaient où étaient les robes éclatantes qu’elle portait au temps des Romantiques, les colliers et les joyaux qu’avaient ciselés pour elle les bons artisans du Parnasse et, à la voir ainsi enveloppée de voiles mouvants et nombreux, ils pensaient n’avoir devant eux que son ombre vaine, oubliant qu’il suffisait d’écarter ces voiles pour retrouver derrière leurs plis le visage éternel de celle qui ne meurt pas. […] Maurice Maeterlinck construisait ses drames mystérieux et tragiques où meurt Maleine, où aiment Mélisande et Pelléas.

608. (1888) Revue wagnérienne. Tome III « V »

car, en faisant mourir l’artiste de faim, en le couvrant de boue, ils se proclament vaincus par lui, sans combat, et le sacrent de suite en pleine gloire. Berlioz, meurt, honni : et tout à coup l’on s’aperçoit que c’est lui le victorieux ; Manet s’en va, dans la force de son talent, et, en réalité, c’est M.  […] Oui, celui qui — en vue de tels bas intérêts de succès ou d’argent, — essaie de grimacer, en un prétendu ouvrage d’Art, une foi fictive, se trahit lui-même et ne produit qu’une œuvre morte. […] Ce roman, tout platonique, eut une fin touchante : la jeune fille, pour prévenir le roi de la rupture d’un pont sur lequel il devait passer, était restée plusieurs heures sous la neige à l’attendre ; elle mourut, quelques jours après, d’une pleurésie.

609. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XXXVII et dernier » pp. 442-475

Le 28 juin 1681, madame de Fontanges, qui s’était retirée à l’abbaye de Port-Royal, mourut. […] Madame de Montespan sèche de notre joie ; elle meurt de jalousie, tout lui déplaît et l’importune, et elle prétend que les couches des autres lui sont aussi funestes que les siennes. […] Elle mourut à Versailles le vendredi 30 juillet 1683, âgée de quarante-cinq ans. […] Madame de Genlis parle aussi de l’élégance de madame de Maintenon dans son costume. « Toujours vêtue avec la même simplicité, ne quittant presque jamais sa modeste couleur favorite, la feuille morte, son costume était cependant d’une élégance particulière (historique).

610. (1880) Les deux masques. Première série. I, Les antiques. Eschyle : tragédie-comédie. « Chapitre IV, Eschyle. »

Des enfants moururent de peur, des femmes avortèrent le jour de l’Orestie, à l’apparition des Euménides déchaînant leurs serpents et secouant leurs torches. […] Eschyle mourut à soixante-neuf ans. […] Né dans Athènes, il mourut aux champs plantureux de Géla. […] Un siècle tient en effet dans cet intervalle, Athènes va vite ; destinée à mourir jeune comme Achille, elle a ses « pieds légers », son rapide élan.

611. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Alexandre Dumas fils — CHAPITRE XIV »

J’insiste sur ce canon légendaire parce qu’il est, en somme, le pivot de la pièce, et qu’il la tuera, si elle doit mourir. […] Il tolère donc cette femme dans sa maison ; mais elle est morte pour lui. […] Le coup part, elle tombe raide morte ! […] Octave renie d’abord l’enfant et l’attribue à un ami qui l’en a chargé : il confesse enfin sa paternité, mais en affirmant que la mère est morte.

612. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Huet, évêque d’Avranches, par M. Christian Bartholmèss. (1850.) » pp. 163-186

Aussi de quoi s’avisait-il d’aller en écrire la plupart en latin, lui qui, né en 1630, ne mourut qu’en 1721, c’est-à-dire qui était à peine l’aîné de Boileau et de Racine, et qui leur survécut assez pour voir les premières fredaines de Voltaire ? […] « Je puis donc dire, ajoutait Huet, que j’ai vu fleurir et mourir les Lettres, et que je leur ai survécu. » Ce qu’il disait là, ce n’était point par esprit chagrin, ni en qualité de vieillard qui dénigre le présent et se plaît à glorifier le passé ; personne n’eut l’esprit plus uni, plus égal et moins chagrin que Huet. […] Il leur en demeura à jamais reconnaissant ; il garda avec eux de tout temps tous ses liens : et vieux, affaibli de corps, ce fut chez eux à Paris, dans leur maison de la rue Saint-Antoine, qu’il voulut achever de vieillir et qu’il vint mourir. […] Bossuet mourut moins de quatre mois après ; Huet survécut encore dix-sept ans (1721).

613. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Madame Émile de Girardin. (Poésies. — Élégies. — Napoline. — Cléopâtre. — Lettres parisiennes, etc., etc.) » pp. 384-406

Napoline, c’est la jeune fille aimante, croyante, enthousiaste, qui va essuyer ses premiers échecs et recevoir ses premières blessures dont elle mourra. […] Dès le début, à quoi sert cet esclave admis aux faveurs de la reine, et qui devait mourir, et qu’on sauve pour en faire un témoin contre elle ? […] est allée tomber dans le bel étang de Mortfontaine ; elle a choisi le site le plus poétique pour y mourir. […] Mme Émile de Girardin est morte le 29 juin 1855.

614. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Mémoires de Marmontel. » pp. 515-538

Ce qui est à faire à l’égard de ces écrivains si estimés en leur temps et qui ont vieilli, c’est de revoir leurs titres et de séparer en eux la partie morte, en n’emportant que celle qui mérite de survivre. […] Aussi, quand on apprit que ce bon vieillard Marmontel venait de mourir dans la chaumière où il s’était retiré, au hameau d’Abloville près Gaillon en Normandie, le 31 décembre 1799, le dernier jour du siècle, cette mort n’éveilla partout qu’un sentiment d’estime et de regret. […] Marmontel avait de soixante-seize à soixante-dix-sept ans quand il mourut, étant né le 11 juillet 1723 à Bort en Limousin. […] Sa Cléopâtre, où Vaucanson avait fourni l’aspic, et qui prêta à tant d’épigrammes, n’eut qu’un demi-succès, onze représentations ; Les Héraclides moururent à la dixième.

615. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Volney. Étude sur sa vie et sur ses œuvres, par M. Eugène Berger. 1852. — II. (Fin.) » pp. 411-433

Il mourut le 25 avril 1820, en son hôtel, rue de Vaugirard, à l’âge de soixante-trois ans51. […] Moi, j’ai compté mourir chaque année de 1802 à 1805, et me voilà en 1819. […] Volney, content de ne pas mourir et s’enfonçant dans son fauteuil, s’appliquait aussi le mot de Franklin, qui disait en les voyant, Cabanis et lui, tous deux jeunes alors et pleins d’ardeur : « À cet âge, l’âme est en dehors ; au mien elle est en dedans, elle regarde par la fenêtre le bruit des passants sans prendre part à leurs querelles. » Volney, qui n’était point orateur et qui avait l’organe assez faible, causait bien dans un salon ; il parlait comme il écrivait, avec la même netteté, et cela coulait de source ; on aimait à l’écouter. — Son honneur durable, si on le dégage de tout ce qui a mérité de périr en lui, sera d’avoir été un excellent voyageur, d’avoir bien vu tout ce qu’il a vu, de l’avoir souvent rendu avec une exactitude si parfaite que l’art d’écrire ne se distingue pas chez lui de l’art d’observer, et une fois au moins, dans son tableau de la Syrie, d’avoir le premier offert un modèle de la manière dont chaque partie de la terre devrait être étudiée et décrite. […] [NdA] Les papiers de Volney ont été confiés par lui et remis en dépôt, avant de mourir, à l’un de ses collègues d’un renom sévère et d’une probité proverbiale, le même à qui Fontanes a également remis les siens.

616. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Notes et éclaircissements. [Œuvres complètes, tome XII] »

Je doute que cet ordre de citoyens ait jamais le temps ni la capacité de s’instruire ; ils mourraient de faim avant de devenir philosophes. […] À quelque noir destin qu’elle soit asservie, D’une étreinte invincible il embrasse la vie, Et va chercher bien loin, plutôt que de mourir, Quelque prétexte ami pour vivre et pour souffrir. […] Noi eravam lungh’ esso’l mare ancora, Come gente, ch’ aspetta su camino ; Che va col cuor, et col corpo dimora : Et ecco, qual sul presso del mattino Per li grossi vapor morte rosseggia Giu nel ponente sovra’l suol marino : Cotal m’apparue, sancor lo veggia, Un lume per lo mar venir si ratto Ch’ el muover su nessun volar parreggia ; Del qual com’i un poco hebbi ritratto L’occhio, per dimandar lo Duca mio, Rividi’l piu lucente et maggior fatto. […] Elle a renversé les idoles, établi à la croix de Jésus, persuadé à un million d’hommes de mourir pour en défendre la gloire : enfin, dans ses admirables épîtres elle a expliqué de si grands secrets, qu’on a vu les plus sublimes esprits, après s’être exercés longtemps dans les plus hautes spéculations où pouvait aller la philosophie, descendre de cette vaine hauteur où ils se croyaient élevés, pour apprendre à bégayer humblement dans l’école de Jésus-Christ, sous la discipline de Paul… » Note K, page 310.

617. (1898) L’esprit nouveau dans la vie artistique, sociale et religieuse « III — La rentrée dans l’ordre »

La plante à laquelle vous voudriez inculquer la faculté de plonger ses racines non pas dans la terre, son élément normal, mais dans le vide, se dessécherait et mourrait. L’adolescent que l’on arrache de son milieu se dessèche lui aussi, mais il ne meurt pas. […] Elle empoisonne de scrupule et d’angoisse toute sensibilité naturelle : ainsi elle s’assujettit ceux des siens qui n’ont pas voulu complètement mourir de la mort intérieure, en leur faisant un supplice de vivre. […] Tu es encore un vivant, et on va faire de toi un sépulcre vide, une chose morte et stérile.

618. (1895) Les mercredis d’un critique, 1894 pp. 3-382

Il lui était doux de mourir pour un si grand coupable et d’accomplir ainsi son vœu. Mais mourir par lui n’était-ce pas horrible ? […] As-tu donc oublié que j’ai failli mourir en lui donnant le jour ?  […] Là, une exquise et tendre créature espéra, s’ennuya, sourit, mourut. […] « Avec ça je tremblais, j’avais une peur, une peur folle de mourir.

619. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « VICTORIN FABRE (Œuvres mises en ordre par M. J. Sabbatier. (Tome II, 1844.) » pp. 144-153

Il suivit à son tour le convoi de ces veillards, et mourut, pour ainsi dire, le dernier, en mai 1831. […] Lorsque Victorin fut mort, Auguste, atteint du coup, se renferma dans l’appartement de son frère, laissa croître sa barbe, ne sortit plus, ne permit plus qu’on enlevât la poussière des papiers et des meubles, désormais consacrés à ses yeux ; il mourut tout entier à ce deuil, et constatant sa pensée fixe dans un testament dont un récent procès est venu révéler les dispositions singulières.

620. (1874) Premiers lundis. Tome I « A. de Lamartine : Harmonies poétiques et religieuses — II »

C’est alors que ma paupière Vous vit pâlir et mourir, Tendres fruits qu’à la lumière Dieu n’a pas laissé mûrir ! […] Et le poète se rappelle toutes les pertes qu’on ait à chaque pas dans la vie : une mère, une fiancée, un ami d’enfance, qui nous sont enlevés C’est l’ombre pâle d’un père Qui mourut en nous nommant, C’est une sœur, c’est un frère Qui nous devance un moment.

621. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « Jules Vallès » pp. 259-268

Cette tarentule dont on meurt, la plume, les a piqués. […] Ce meurt-de-faim d’hier qui n’en mourra pas (heureusement !)

622. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre IX. »

Pour Sparte, la mort, ce n’est pas de mourir, c’est d’avoir fui. » C’était encore Simonide qui avait consacré au même souvenir cette inscription, la meilleure de toutes, parce qu’elle est la plus simple. […] va dire à Lacédémone que nous sommes morts ici, en obéissant à ses lois. » Ailleurs c’est encore la même pensée, avec des formes plus poétiques, cette première résistance sur le seuil de la Grèce étant comme l’exemple toujours présent à la nation102 : « Ces hommes, en donnant à leur patrie une gloire ineffaçable, se sont plongés eux-mêmes dans la nuit du trépas ; mais dans la mort ils ne mouraient pas, puisque du séjour d’Adès leur vertu triomphante les ramène au grand jour. » Ou bien encore : « La terre glorieuse a couvert, ô Léonidas !

623. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Quelques documents inédits sur André Chénier »

Chaque chose naît, meurt et se dissout. […] Ceci n’est qu’une conjecture, mais que semble confirmer et justifier le canevas suivant qui n’est autre que le sujet de Nina, transporté en Grèce, et où se retrouve jusqu’à l’écho des rimes de la romance : « La jeune fille qu’on appelait la Belle de Scio… Son amant mourut… elle devint folle… Elle courait les montagnes (la peindre d’une manière antique). — (J’en pourrai, un jour, faire un tableau, un quadro)… et, longtemps après elle, on chantait cette chanson faite par elle dans sa folie : Ne reviendra-t-il pas ? […] Va, Belle de Scio, meurs ! […] Alors il prend des fleurs et de jeunes rameaux, et les répand sur cette tombe en disant : Ô jeune infortunée… (quelque chose de tendre et d’antique) ; puis il remonte à cheval, et s’en va la tête penchée et mélancoliquement, il s’en va Pensant à son épouse et craignant de mourir. […] Ai-je trop présumé pourtant, en un moment de grandes querelles politiques et de formidables assauts, à ce qu’on assure71, de croire intéresser le monde avec ces débris de mélodie, de pensée et d’étude, uniquement propres à faire mieux connaître un poëte, un homme, lequel, après tout, vaillant et généreux entre les généreux, a su, au jour voulu, à l’heure du danger, sortir de ses doctes vallées, combattre sur la brèche sociale, et mourir ?

624. (1862) Cours familier de littérature. XIII « LXXVIe entretien. La passion désintéressée du beau dans la littérature et dans l’art. Phidias, par Louis de Ronchaud (1re partie) » pp. 177-240

Heureux ceux qui meurent dans le lit de leurs pères ! […] Sa vieille église, remarquée des voyageurs par son caractère oriental et par ses découpures de pierre, porte l’hiver son linceul de neige, comme une morte attendant le fossoyeur sur la grille du cimetière ; des maisons de paysans isolées ou groupées, une auberge peinte s’ouvrent sur la principale rue ; sa porte est obstruée par une file de ces chariots comtois, attelés d’un seul cheval au collier garni de sonnettes, caravane de montagnes tout à fait semblable aux interminables caravanes de chameaux de Mésopotamie qu’on rencontre dans les défilés de Damas ; de petits champs pierreux ou quelques grasses chènevières, de noir humus tombé des rochers et retenu par des murs de pierres sèches autour de l’étable, voilà Saint-Lupicin. […] Je le sais bien, moi, je ne dois pas le dire, de peur de tenter le désespoir des hommes qui savent plus aisément mourir que souffrir ; ce ne sont pas les plus magnanimes. […] » XLII Et en effet, le jeune maître faisait en silence deux choses mystérieuses et presque sataniques pour le pauvre ignorant de nos campagnes et de nos villes ; il ressuscitait la chevalerie par la poésie dans ses chants, et il ressuscitait le grand art dans ses veilles en écrivant son Phidias ; Phidias, l’art incarné, le créateur des marbres, le dieu de la sculpture et de l’architecture, le révélateur du beau dans la pierre, le créateur enfin du Parthénon, cette cathédrale d’une religion qui allait mourir dans un temple qui ne mourra pas !

625. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre II. L’époque romantique — Chapitre V. Le roman romantique »

En 1842 mourait un homme à demi célèbre, Henri Beyle823. […] Il voyait distinctement cet effet, et c’est lui qui a fourni à Taine l’idée de l’Ancien Régime : par la vie mondaine, le ressort de l’énergie a été si bien détruit que la noblesse s’est trouvée, en 1792, incapable d’une résistance active : elle n’a su que mourir avec une grâce passive. […] Elle mourut en 1876. […] Il mourut en 1850. […] Il meurt en 1842.

626. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Alexandre Dumas fils — Chapitre X »

Sur ce, la dame se lève, lui fait part de la fin de leur amour, qui vient de mourir, à la fleur de l’âge, et elle sort. […] La gangrène particulière aux âmes blessées va s’emparer d’elle : je plains ceux qui tomberont entre les froides mains de cette morte qui sent déjà le vampire. […] Quelle délicatesse de touche il fallait pour exprimer ce cas rare, cette nuance indécise, une virginité malade de la corruption qu’elle respire, et qui languit et qui va mourir. […] On en souffre toujours, on en meurt parfois, malgré le proverbe. […] Ne pouvait-il s’en tenir à sa première réponse, si spécieuse et si décisive : « Je puis mourir et je suis responsable de votre avenir. » Quel intérêt peut-il avoir à se poser en fripon devant une jeune fille tirée à quatre épingles dans sa vertu rigide et chagrine ?

627. (1890) Le massacre des amazones pp. 2-265

Mais enfin elle vieillit, et même — je puis vous certifier cet événement étonnant — elle meurt. […] Née le (soyons discret), morte à Lyon le 24 juin 1894. […] Des gens mourront qu’elle aime. […] Vauvenargues, qui mourut jeune, employa ce moyen jeune et bégayant pour exprimer son âme noble et délicate. […] Les deux héroïnes meurent de la cruauté inconsciente des deux mâles.

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