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1615. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « M. Jules Janin » pp. 159-171

IV En effet, la grande réserve maintenue, en faveur de Diderot, de la conception de ce Neveu de Rameau, qui est le type deviné de l’artiste moderne tel que nos décadences l’ont fait et montré, éblouissant et sinistre, dans ce qu’il y a de plus brillant et de plus abject, comparez, de ces deux Neveux de Rameau qui n’en font qu’un, celui que Diderot nous a peint et celui que M ; Jules Janin vient de nous peindre !

1616. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XXVII. Des panégyriques ou éloges adressés à Louis XIII, au cardinal de Richelieu, et au cardinal Mazarin. »

Il lui apprend qu’il est le plus grand homme de Rome moderne, et il l’appelle très sérieusement l’ homme au-dessus de l’homme .

1617. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre XII. »

Les chefs-d’œuvre qu’elle avait laissés, ces marbres antédiluviens que la génération moderne ne pouvait reproduire, n’en étaient que plus admirés ; et on sait quelle gloire obtenait, en les interprétant, l’esprit encyclopédique d’Aristote.

1618. (1853) Propos de ville et propos de théâtre

Derrière eux vient la foule, qui se répand dans les rues, semant sur son passage mille rumeurs qui préparent le succès, et en colportent la nouvelle par toutes les voix, de l’on dit sonore, — qui est la trompette de la moderne Renommée. […] Je fus heureusement sorti d’embarras par l’obligeance du docteur Verdé-Delisle, qui vient de mettre tout le monde médical en émoi, par la publication d’un livre contre la vaccine, à laquelle il attribue l’abâtardissement de la race moderne en Europe. […] Cette piété, un peu exclusive envers le passé, ne l’empêcha point quelquefois de prêter l’appui de son talent à des œuvres modernes. […] Augier, qui, il faut le dire, n’avait jamais été en meilleure veine de poésie. — Le sujet de sa pièce nouvelle est tout moderne : c’est la lutte de l’homme jeune avec les mœurs de l’époque, qui, au nom de ses intérêts de position et de fortune, réclament l’immolation de tous les instincts libres et généreux de l’âge juvénile. — On pourrait contester à M.  […] Cependant un jeune homme qui sait adroitement jeter quelque ô mon Dieur-je dans la conversation peut encore se présenter dans un salon. — Si l’Alboni chante, on la fera taire. — Ce sera d’abord une occasion d’éviter l’art, une chose que le public moderne n’aime pas, parce qu’elle offense la vulgarité de ses goûts.

1619. (1925) Proses datées

Ce monde moderne, ces sociétés parisiennes et cosmopolites dont il décrivait avec tant de verve les plaisirs, les élégances, les modes, les jeux lui apparaissaient aussi en leurs travers, leurs vanités, leurs turpitudes. […] Je dirai même que les Fleurs du Mal sont un livre réaliste, peinture exacte, secrète, impitoyable, d’une âme moderne, infiniment torturée. […] Ne voyons-nous pas, en effet, les plus opulentes demeures modernes se priver volontiers de ce superflu champêtre ou bocager ou le réduire à une infime proportion ? […] Il est vrai que tout semble être conjuré pour les détruire, et je crains bien que les efforts faits pour les préserver ne soient vains, tant il semble que le jardin n’ait plus sa place dans notre ville moderne ! […] Ces rives agréables m’ont charmé, mais, au lieu de les longer à bord de notre engin moderne, que j’eusse préféré les contempler à bord de votre « burchiello » !

1620. (1854) Nouveaux portraits littéraires. Tome I pp. 1-402

L’Angleterre et l’Italie moderne sont condamnées avec la même étourderie. […] Depuis les historiens de l’antiquité jusqu’aux historiens de l’Europe moderne, certes les modèles ne manquent pas. […] Or, ces conditions ne sont pas créées par ma fantaisie ; elles sont respectées par toutes les nations qui possèdent une littérature ; elles étaient connues de l’antiquité, et l’Europe moderne, en les acceptant, n’y a rien changé. […] Quelle que soit l’opinion de la science moderne sur l’origine des races humaines, la Genèse rattache toutes les races à une seule famille. […] Or, il est impossible de nier que cette qualité, si précieuse et si rare parmi les poètes modernes, n’exerce une action puissante sur l’intelligence.

1621. (1899) La parade littéraire (articles de La Plume, 1898-1899) pp. 300-117

« L’art moderne, nous dit-il, rompt d’une manière décisive avec l’idéalisme, c’est-à-dire que, respectueux de ce qu’il voit et de ce qu’il sent, il ne se reconnaît pas le droit de trahir les formes dans le but de leur faire exprimer un autre sens que celui qu’elles possèdent réellement. […] L’auteur y oppose les cathédrales de Huysmans à celles de Monet, et le rapprochement m’a paru tout à fait pathétique : « Huysmans, à la fin du dix-huitième siècle, considère la cathédrale comme l’expression toujours vivante et toujours adéquate de la pensée religieuse contemporaine… C’est à travers le flot des puériles légendes, des naïves ignorances, des obscures allégories, charrié par le moyen âge, c’est orné de cette végétation mystique qu’il entrevoit le monument où l’humanité d’hier pétrifia son rêve, et qu’il en exalte la signification tout à la fois d’orgueil et d’humilité. » Mais la conception moderne de Claude Monet s’oppose à la conception catholique de J. […] Toute son emphase un peu castillane de Grec moderne, toute sa désinvolture de Palikare insouciant s’y révèlent en des vers d’allure tendre ou fanfaronne. […] Ce que nous montre Proudhon, c’est donc, à mon avis, bien moins la psychologie de Napoléon que, dans sa terrifiante réalité et dans son horreur barbare, le portrait de l’homme de guerre moderne, de celui que M.  […] elle incarne en ses formes antiques nos angoisses et nos nostalgies d’hommes modernes, ses sentiments sont chastes, attristés et tendres comme ceux d’Eloa, les plaintes qu’elle exhale auraient ravi Schumann.

1622. (1889) Histoire de la littérature française. Tome II (16e éd.) « Chapitre sixième »

Ils adoraient les ouvrages des anciens, ne refusaient point à ceux des modernes les louanges qui leur sont dues, parlaient des leurs avec modestie, et se donnaient des avis sincères, lorsque quelqu’un d’eux tombait dans la maladie du siècle, et faisait un livre, ce qui arrivait rarement. » Ces quatre amis ne sont autres que Molière, qui y est désigné sous le nom de Gélaste (γελαστός, plaisant) ; Boileau (Ariste) qui était sérieux sans être incommode ; Racine (Acante), et La Fontaine (Polyphile), dont « on pouvait dire qu’il aimait toutes choses131. » Racine et La Fontaine s’étaient liés les premiers. […] N’est-ce pas lui en effet qui, dans la querelle des anciens et des modernes, se prononça le premier pour les anciens ? Huit jours après la séance académique où Perrault avait immolé, dans une ode, les anciens aux modernes, paraissait cette charmante épître à Huet, où, faisant allusion à ces ridicules attaques, l’amateur de toutes choses, Polyphile, disait : Je vois avec douleur ces routes méprisées : Art et guides, tout est dans les champs Élysées. […] L’écrivain moderne crée dans sa langue ce que, dix-sept siècles avant lui, un autre écrivain de génie a créé dans la sienne. […] De même, si, par un vain scrupule, l’écrivain moderne, qui traite des mêmes choses que l’ancien, évite de reproduire une vérité déjà dite, là où l’exigent impérieusement la matière et la suite du discours, il risque de tomber dans le faux pour n’avoir pas voulu répéter le vrai.

1623. (1925) Comment on devient écrivain

Faguet conseillait d’aller les chercher dans l’Histoire de France et de les habiller ensuite à la moderne. […] A vrai dire, le goût ne s’en est jamais perdu ; il s’est même produit une sorte de surenchère, due à l’influence de Wells et de Kipling et à l’introduction de nouveaux éléments modernes, torpillages, aviation, découvertes scientifiques, etc. […] C’est, en effet, celui de la plupart de nos prédicateurs modernes. […] Sa traduction, dit Vigneul-Marville, fera toujours « les délices des personnes qui préfèrent la naïveté d’un style qui n’est plus en usage à l’exactitude d’un auteur plus moderne ». […] Le manque d’une bonne traduction a créé autour d’Homère une réputation d’ennui qui suffit à expliquer la querelle des Anciens et des Modernes et les blasphèmes académiques de Perrault.

1624. (1809) Tableau de la littérature française au dix-huitième siècle

Lamothe se fit, dans son temps, plus remarquer encore comme critique que comme auteur, et l’on doit rappeler l’espèce de mérite qu’il montra dans la discussion sur les anciens et les modernes. […] Tant qu’on ne concevra pas l’histoire moderne, d’une manière analogue à l’histoire des Grecs et des Romains, il faudra renoncer à exciter le même intérêt. […] Dans les temps modernes, les philosophes eurent un rôle moins grand ; ils n’occupaient aucun rang parmi les hommes, et n’exerçaient aucune autorité sur eux. […] L’abbé de Mably ne rendit justice à rien de ce qui appartenait aux temps modernes ; ni la religion, ni le gouvernement, ni la gloire, ni les annales de la France et des nations européennes ne lui parurent mériter un regard. […] Ses livres étaient bien moins une louange de l’antiquité qu’une attaque contre ce qui existait ; ils inspiraient moins la vénération pour les institutions anciennes que le mépris pour les institutions modernes.

1625. (1925) Portraits et souvenirs

Baudelaire et Gambetta sont un exemple de plus de nos exigences modernes. […] Parmi la banale et médiocre fabrication du livre moderne, les poètes font effort pour donner à leur œuvre un aspect avenant et agréable, lis surveillent, le choix du papier et des caractères. […] Moréas prisait assez peu les modernes, et Hugo ne l’enthousiasmait guère, pas plus, il me semble bien, que les autres romantiques, encore qu’il leur rendit, en partie, justice, ainsi qu’à Leconte de Lisle et à Baudelaire. […] Il l’est par son sentiment de l’ordonnance et de la mesure, en même temps qu’il est moderne par sa sensibilité aiguë et tourmentée. […] Jules Bois nous en a décrit plus d’un dans son bel ouvrage sur le Miracle moderne.

1626. (1853) Histoire de la littérature dramatique. Tome II « Chapitre premier. Ce que devient l’esprit mal dépensé » pp. 1-92

Entre ces deux femmes, celle-ci qui s’en va emportant la comédie avec elle, et celle-là qui arrive apportant à sa suite la tragédie, il faut placer une autre femme, une illustre, une infortunée, une passionnée, une éloquente… l’honneur et la maîtresse du drame moderne, qui est né avec elle, qui est mort avec elle : est-il besoin de nommer madame Dorval ? […] Celui qui a fait Tartuffe s’est élevé jusqu’au sacerdoce ; l’hypocrisie est encore un des vices des sociétés modernes dont l’antiquité se doutait à peine, odieux vice ou plutôt crime abominable qui méritait une histoire à part ; or cet historien ne pouvait être que Molière, soutenu de toute la bienveillance du grand roi ! […] D’abord, il y puise l’autorité nécessaire à qui veut faire la leçon aux beaux esprits de son temps ; en second lieu, cette profitable étude aura ceci d’utile et de bienséant que, faute d’un poète moderne à censurer, la critique aura toujours sous la main, quelque grand poète à admirer. […] Il entraîne, il est chaleureux, il est abondant, il est rempli des défauts et des qualités de son époque ; on comprend que l’homme qui écrivait ainsi avait, à un haut degré, la conscience de sa force et de son importance : or, ce sont là des qualités trop rares, surtout dans la comédie moderne, pour qu’on soit le bienvenu à s’armer de la Grammaire et du Dictionnaire de l’Académie contre un philosophe tel que Fabre d’Églantine. […] Il n’a imité ni l’ingénieux, ni le fini, ni le noble d’aucun auteur ancien ou moderne ; il comprenait que chaque époque a sa finesse, son génie et sa noblesse qui lui sont propres.

1627. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre V. Les contemporains. — Chapitre II. Le Roman (suite). Thackeray. »

En vérité, vous auriez bien mauvaise opinion de la littérature moderne et des modernes littérateurs, si vous doutiez qu’un seul d’entre nous hésitât à enfoncer un couteau dans le corps de son confrère en cas de besoin public. […] Nos témérités modernes, nos images prodiguées, nos figures heurtées, notre usage de gesticuler, notre volonté de faire effet, toutes nos mauvaises habitudes littéraires ont disparu. […] Nous voyons un héros, mais original et nouveau, Anglais par sa volonté froide, moderne par la délicatesse et la sensibilité de son cœur.

1628. (1862) Portraits littéraires. Tome II (nouv. éd.) « Appendice à l’article sur Joseph de Maistre »

C’est pour avoir supprimé ce second rôle, celui du conseiller, du critique sincère et de l’homme de goût à consulter, c’est pour avoir réformé, comme inutiles, l’Aristarque, le Quintilius et le Fontanes, que l’école des modernes novateurs n’a évité aucun de ses défauts.

1629. (1883) Souvenirs d’enfance et de jeunesse « Préface »

La supériorité de la science moderne consiste en ce que chacun de ses progrès est un degré de plus dans l’ordre des abstractions.

1630. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome II « Querelles générales, ou querelles sur de grands sujets. — Première Partie. Des Langues Françoise et Latine. — Les traductions. » pp. 125-144

Il dit qu’un poëte Grec ou Latin, dépouillé de son principal charme, la mesure & l’harmonie, n’est plus reconnoissable ; que les habillemens à la moderne, qu’on peut lui donner, peuvent être tous très-beaux, mais que ce ne seront jamais les siens ; qu’on l’imitera, mais qu’on ne le rendra jamais au naturel ; que notre poësie, avec ses rimes, ses hémistiches toujours semblables, l’uniformité de sa marche, &, si on ose le dire, sa monotonie, ne sçauroit représenter la cadence variée de la poësie des anciens ; qu’enfin il faut apprendre leurs langues, lorsqu’on veut connoître leurs poëtes.

1631. (1799) Dialogue entre la Poésie et la Philosophie [posth.]

je pense qu’on ne peut jamais savoir parfaitement qu’une seule langue ; c’est la sienne propre : encore cela est-il rare ; et je me souviens que Despréaux avait fait une espèce de dialogue satirique contre les versificateurs latins modernes, qu’il supprima de son vivant, pour ne point blesser trois ou quatre latinistes de ses amis, et surtout de ses admirateurs, qui avaient pris la peine de mettre en vers latins son ode sur Namur ; ouvrage d’ailleurs si faible et si défectueux, que les traductions même, toutes latines qu’elles sont, ne paraissent pas au-dessous de l’original.

1632. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre XIV. L’auteur de Robert Emmet »

Lord Byron, à lui seul, l’emporte, en intérêt littéraire et surtout en intérêt de nature humaine, sur tous ces Allemands sans passion ardente et profonde et qui n’ont de nature humaine que dans le cerveau… La vie de ce grand poëte, qui s’est élevé jusqu’au grand homme, est autre chose que celle de ces travailleurs en rêveries dont l’existence ressemble à une table des matières de leurs œuvres, dans laquelle elle tient… Pour tout homme, pour tout être si heureusement et si puissamment organisé qu’il soit, la vie de Byron est un sujet de critique et de biographie de la plus redoutable magnificence ; car Byron fut comme le plexus solaire du xixe  siècle, et tous les nerfs de la société moderne, cette terrible nerveuse, aboutissent à lui… Toucher à cet homme central, magnétique et vibrant, qui mit en vibration son époque, c’est toucher à l’époque entière… Jusqu’ici, ceux qui y ont touché s’y sont morfondus.

1633. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre XVII. Le Retour du Christ. Appel aux femmes ! »

Librairie moderne, chez Jules Lecuir.

1634. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « Louis XVI et sa cour »

Ils ont la conscience de l’histoire et sa gravité, le soin vigilant des faits et du détail, et cette raison moderne et libérale, cet esprit du temps qui voit peut-être avec trop de confiance et de sérénité les problèmes sociaux auxquels est suspendu l’avenir.

1635. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « Ch.-L. Livet »

Un Allemand, un précieux moderne, — et, ma foi !

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