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1445. (1862) Portraits littéraires. Tome II (nouv. éd.) « Delille »

On a dit plaisamment qu’une faute de français, un cuir d’un membre du Comité de salut public qu’il rencontra, le fit s’écrier : « Décidément on ne peut plus habiter ce pays-ci. » On a raconté non moins plaisamment37 que l’abbé de Cournand, alors son ami, et qui depuis crut lui jouer un mauvais tour en retraduisant les Géorgiques, étant de garde aux Tuileries, reconnut le poëte qui se promenait malgré sa mise en arrestation au logis, qu’il fit mine de le vouloir reconduire chez lui au nom de la loi, et que depuis lors Delille avait peur de la garde nationale et de l’abbé de Cournand. […] Le poète, en costume d’abbé, tournait le dos à la Nature et dirigeait ses pas et sa lorgnette vers le Temple du mauvais Goût. […] I, p. 156), cite une requête en vers adressée à Bonaparte par le libraire de Delille, et il l’attribue sans hésiter à celui-ci ; mais les vers sont si mauvais qu’on a le droit d’en douter.

1446. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre deuxième. Les mœurs et les caractères. — Chapitre II. La vie de salon. »

Il n’a pas la mauvaise honte qui gêne ses voisins du Nord, ni les passions fortes qui absorbent ses voisins du Midi. […] La chanson sur la bataille d’Hochstædt fut trouvée mauvaise, et quelques-uns dirent à ce sujet : « Je suis fâché de la perte de cette bataille ; la chanson ne vaut rien227 ». — Même en défalquant de ce trait ce que l’entraînement de la verve et la licence du paradoxe y ont mis d’énorme, il reste la marque d’un siècle où l’État n’était presque rien et la société presque tout. […] Le cardinal de Rohan a une aube brodée en point à l’aiguille qu’on estime à plus de 100 000 livres, et sa batterie de cuisine est en argent massif242. — Rien de plus naturel avec l’idée qu’on se faisait alors de l’argent ; épargné, entassé, au lieu d’un fleuve, c’était une mare inutile et qui sentait mauvais.

1447. (1865) Cours familier de littérature. XX « CXVIIIe entretien. Littérature américaine. Une page unique d’histoire naturelle, par Audubon (2e partie) » pp. 161-239

Il n’est pas prudent, tant s’en faut, de se tenir à portée de l’animal, qui dans ce cas ferait certainement à l’agresseur un mauvais parti. […] Que mon doigt eût pressé la détente, et c’était fait de sa vie ; mais, m’étant aperçu que ce qu’il dirigeait sur ma poitrine n’était qu’une espèce de mauvais fusil qui ne pourrait jamais faire feu, je me sentis au fond assez peu effrayé de ses menaces et ne crus pas nécessaire d’en venir aux extrémités. […] Quelque temps il souffrit d’un désespoir profond, sous son nouveau maître ; mais, ayant retenu dans sa mémoire le nom des diverses personnes qui avaient acheté chacune une partie de sa chère famille, il feignit une maladie, si l’on peut appeler feint l’état d’un homme dont les affections avaient été si cruellement brisées, et refusa de se nourrir pendant plusieurs jours, regardé de mauvais œil par l’intendant, qui lui-même se trouvait frustré dans ce qu’il avait considéré comme un bon marché.

1448. (1890) L’avenir de la science « XV » pp. 296-320

Le Livres des rois, de Firdousi, est sûrement une bien mauvaise histoire de la Perse ; et pourtant ce beau poème nous représente mieux le génie de la Perse que ne le ferait l’histoire la plus exacte ; il nous donne ses légendes et ses traditions épiques, c’est-à-dire son âme. […] Ce n’est que plus tard qu’on arrive à concevoir le livre profane, œuvre individuelle, bonne ou mauvaise, de tel ou tel. […] Avec ce système-là, et surtout avec le secours d’un ami qui ne soit pas helléniste, je me charge de trouver des beautés de premier ordre dans la plus mauvaise traduction d’Homère ou de Pindare  indépendamment de celles qui y sont.

1449. (1888) Revue wagnérienne. Tome III « VII »

Cette considération de style poétique prime toutes les autres ; cela est évident42 am mais on verra que dans les détails de l’exécution, la traduction d’un drame de Wagner offre d’autres difficultés que ne présentaient point non plus les opéras de ses devanciers ; et on se convaincra que si cette traduction ne remplit pas au moins certaines conditions, elle est pire qu’inutile, elle est tout à fait mauvaise. […] C’est bien à tort ; nous ne nous sommes jamais adressés qu’à un public très restreint et d’élite ; nous n’avons jamais ambitionné de « vulgariser » l’œuvre de Wagner, car nous savons fort bien que la seule vulgarisation à désirer, serait celle qui se ferait indirectement, par l’influence du maître allemand sur les artistes français : toute autre est foncièrement mauvaise. […] Cette traduction est mauvaise, car le sens de détresse est un sens dérivé; et Wagner, presque toujours, emploie les mots dans leur sens primitif, fondamental Dans tous les idiomes germaniques ce mot signifie : une nécessité, une contrainte, un danger, même un combat (voir : Kluge, Etymologishes Woerterbuch).

1450. (1888) Revue wagnérienne. Tome III « IX »

Ceux-là sont appelés des « enragés » et vus d’un mauvais œil en France comme en Allemagne ; ils inspirent, comme disait naïvement l’auteur de Wagner jugé en France, un sentiment de gêne. […] Camille Benoit a rendu à Wagner un fort mauvais service en donnant au public français la traduction soit de brochures sans importance, soit de fragments arrachés à ses écrits. […] Je crois que cette Revue elle-même n’eut point la marche sûre des grands dévouements : elle nous donna de précieuses informations, nous renseigna, avec netteté et conscience, sur tels faits extérieurs que nous désirions connaître ; mais en refeuilletant sa collection, je ne vois pas que rien s’en dégage de définitif : la figure de Wagner n’y apparaît point, qu’éparse et par ébauches rapides ; le sens de ses œuvres n’y est guère saisi ni exprimé qu’à travers les partis-pris et les rhétoriques de systèmes littéraires bien restreints ; les choses même de l’actualité y sont jugées avec des principes flottants, comme sous l’influence de bonnes ou mauvaises digestions, d’humeurs en va et vient, de colères d’un moment et d’étranges balancements psychologiques, Ici aussi, on a voulu garder sa vie.

1451. (1891) Journal des Goncourt. Tome V (1872-1877) « Année 1874 » pp. 106-168

Je ne puis trouver son choix mauvais, moi qui dans Manette Salomon, ai chanté ces deux professions, comme fournissant les plus picturaux modèles de femmes de ce temps, pour un artiste moderne. […] La préoccupation de faire à son pauvre homme la vie douce, d’écarter tout ce qui peut mettre un nuage sur son front, de lui donner le plat qu’il aime, de lui sauver le désagréable d’une nouvelle, de défendre enfin, à toute heure, son système nerveux des mauvaises choses physiques et morales, dépasse tout ce qu’on peut imaginer. […] Et dans le fouillis des choses, la presse des objets, la confusion des formes et des couleurs, l’on entrevoit encore des photographies de l’Empereur Napoléon III, dans toutes les phases de sa bonne ou de sa mauvaise fortune ; on entrevoit les éclairs de rubis et d’émeraude de toute une collection d’oiseaux-mouches dans l’ombre d’une armoire ; on entrevoit des aquarelles drolatiques de Giraud représentant des scènes de l’intérieur de la princesse ; on entrevoit d’élégiaques têtes d’études d’Amaury Duval ; on entrevoit de vieilles gravures représentant Napoléon Ier en costume troubadouresque ; on entrevoit des mécaniques en bronze doré pour tenir horizontalement une branche, on entrevoit par l’entrebâillement des panneaux, des tiroirs, des albums, des blocs de papiers à aquarelle, des cornets de cristal hérissés de pinceaux, des tubes, des vessies, une armée de bouteilles d’encres de couleur avec leurs floquets de ruban rouge : tous les ustensiles et tous les outils de la peinture à l’huile, de l’aquarelle, du pastel, du crayonnage, — à l’état de provisions.

1452. (1889) L’art au point de vue sociologique « Chapitre onzième. La littérature des décadents et des déséquilibrés ; son caractère généralement insociable. Rôle moral et social de l’art. »

» Une grande quantité portent ces devises : — né sous une mauvaise étoile, — fils de la disgrâce, — fils de l’infortune, etc., etc. […] En effet, peindre que bonnes ou des mauvaises pour que l’hérédité soit visible, il faut une exagération des descendants. Mais cette qualités qui seront sa signature, sa griffe sur tous les individus en fait prédominance des qualités bonnes ou mauvaises dans les naissent à précisément des détraqués, puisque les sains d’esprit se reconnaissent à l’équilibre de toutes leurs facultés.

1453. (1889) Écrivains francisés. Dickens, Heine, Tourguénef, Poe, Dostoïewski, Tolstoï « Conclusions »

Ils donnent à l’homme un corps contrefait, mal bâti et souffreteux ou bouffi de chair et truculent, un visage déplaisant, vulgaire, hâve, douloureux ; ils se complaisent dans la description des lieux sales et pauvres ou lourdement fastueux ; ils analysent les passions basses, la luxure, l’avarice, la méchanceté, la fourberie, l’humiliation, la souffrance laide ; ils conçoivent l’homme comme méchant et malheureux, c’est-à-dire encore qu’ils le représentent dans les traits corporels et moraux qu’il est mauvais que l’homme possède pour son bonheur et celui de sa race. […] Le terme inévitable de cette affection est un sentiment continu de malaise et d’amertume, de déclin et d’arrêt, que l’on peut le mieux comprendre par le mauvais effet produit sur la marche d’une machine par la présence et le frottement d’un appareil enregistreur. […] Cet éveil de sentiment était tout moral, c’est-à-dire tel que les faits et les actes en paraissaient à Tolstoï louables ou détestables selon qu’ils réalisaient une conduite bonne ou mauvaise à l’égard des autres hommes.

1454. (1894) Textes critiques

— Et je ne vois pas que le « Nave nave moe » de Gauguin « rappelle une imitation des plus mauvais imitateurs de M.  […] Jésus mort repose sur l’herbe, le haut du corps soutenu par Joseph d’Arimathie ; la Vierge11, stupide de douleur, s’est pris le visage dans les mains et regarde son fils ; la tête du Mauvais Larron, du haut de la croix, semble un soleil noir. […] Livre qui tendrait à démontrer que les « guerriers » anarchistes sont de mauvais littérateurs, et dont le héros est finalement guillotiné, après boire, ainsi qu’il convient.

1455. (1856) Cours familier de littérature. II « VIIe entretien » pp. 5-85

Je suis l’instrument, bon ou mauvais, qui a reçu le premier souffle du siècle à travers ses cordes, et qui rend le son juste ou faux, mais sincère, et qui le rend, non pour que les autres s’accordent à sa note, mais pour qu’ils la jugent et la rectifient s’ils ont un autre diapason dans leur âme. […] Une rose artificielle toute poudreuse et toute fanée, tombée d’une guirlande de robe après une nuit de bal, foulée aux pieds des danseurs, puis enveloppée dans un morceau de gaze et cachée au fond de ma malle comme un talisman, avec quelques mauvais vers, n’était qu’une puérilité ; mais cette puérilité avait éveillé les craintes d’une tendre mère. […] J’ai encore, sur un papier tout jauni par la poussière des grandes routes d’Italie, ces mauvais vers de dix-huit ans qui enveloppaient la rose fanée.

1456. (1884) Articles. Revue des deux mondes

Toujours la barbarie est à nos portes ; sous le masque des théories subversives, avec l’aide de toutes les mauvaises passions, armée des formidables ressources de la science, toujours elle est prête à donner l’assaut à l’ordre social. […] Le monde, dit-il dans la Métaphysique, n’est pas comme un mauvais poème dont les épisodes soient sans liens entre eux. […] Infléchis vers les tempes, ils indiquent un esprit d’imitation moqueuse et de raillerie ; abaissés, ils indiquent un caractère envieux… Quand les coins des paupières sont allongés, c’est le signe d’un caractère mauvais ; quand leur chair est dentelée comme les peignes du côté du nez, cela indique une nature vicieuse. » Enfin des yeux gris sont, paraît-il, le signe d’un très bon caractère.

1457. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « XVIII. J.-M. Audin. Œuvres complètes : Vies de Luther, de Calvin, de Léon X, d’Henri VIII, etc. » pp. 369-425

Moyen comme un autre de développer l’abnégation dans les âmes chrétiennes ; mauvais moyen de servir une cause que nos ennemis s’entendent mieux à ruiner que nous à défendre ! […] Suspendre une excommunication qui ne suffisait plus et qui devait descendre du monde spirituel pour s’incarner dans le châtiment matériel de l’hérésiarque, accessible à ce seul châtiment, n’était pas seulement le mal irréparable d’une perte de temps dans un incendie ; c’était aussi le renversement accepté des rapports qui devaient exister entre le Saint-Siège indéfectible et la folle personnalité d’un mauvais moine ! […] Pèlerin du Moyen Âge attardé dans nos mauvais jours, il voulait aller à Jérusalem, non pas pour écrire à son retour ses impressions personnelles (il n’aurait pas pour si peu tracassé la poussière des chemins), mais pour en rapporter une œuvre savante, utile à sa foi, utile surtout à l’incrédulité des autres.

1458. (1921) Esquisses critiques. Première série

La peinture des mauvaises mœurs ne le choque point : il ne tente pas de faire croire que ce ne sont pas les siennes. […] On se souvient toutefois que la critique, qui jamais ne négligea cet auteur — alors même qu’elle lui donnait des mauvais points — les tenait pour improvisations et farces d’atelier. […] Car si l’évolution d’un caractère peut être un excellent sujet de pièce (ou d’étude), c’est un mauvais moyen dramatique que l’on tire d’un changement de caractère qui a eu lieu pendant l’entracte sans explication. […] Indiscrétion, l’esprit lourd, la mauvaise plaisanterie et la situation sans netteté. […] Suprême indiscrétion enfin chez un écrivain : le mauvais langage64.

1459. (1899) Arabesques pp. 1-223

Ernest Contou dénonce les mauvais effets de l’internat. […] Huysmans déplore les mauvaises digestions de M.  […] Par cent moyens différents, ils tentent d’étayer la bâtisse vermoulue où s’abrite la Bête mauvaise : le Capital. […] Les philanthropes qui sucent, en guise de pastilles, les boutons de la culotte de Calvin, lui reprochent ses mauvaises mœurs. […] Pourtant, les Bourgeois trouvent fort mauvais qu’on agisse de la sorte.

1460. (1889) Les artistes littéraires : études sur le XIXe siècle

Ce n’étaient ni les lectures précoces, ni les mauvais exemples, ni les relations pernicieuses dont l’influence peut être fatale à quelques individualités débiles, mais non des générations entières. […] Ils n’ont pas subi cette mauvaise fortune de voir passer en des mains maladroites l’instrument dont ils avaient usé, et dont seuls ils étaient aptes à tirer un complet effet : leurs imperfections n’ont pas été accentuées et placées en évidence ; leurs mérites n’ont pas été brutalement exagérés jusqu’à se tourner en défauts. […] L’homme et la femme savent, de naissance, que dans le mal se trouve la volupté 147. » Mais, sur ce sujet, les pages qu’il faut citer, entre toutes, c’est le conte du Mauvais Vitrier. […] La vie universelle, la vie en soi ne serait pas mauvaise, ainsi qu’il l’a affirmé ailleurs ; elle l’est devenue aujourd’hui sans doute, mais par un concours de circonstances qui ne sortent pas fatalement de ses principes essentiels. […] En réalité, il ne fit ni l’un ni l’autre ; son influence, si tant est qu’elle soit appréciable, ne fut ni si mauvaise ni si heureuse, et la justice impartiale considérera sa doctrine moins à titre de cause que simplement à titre d’effet.

1461. (1894) La bataille littéraire. Sixième série (1891-1892) pp. 1-368

Comme l’écrivait Saint-Marc-Girardin : « Personne n’est à l’abri de l’idylle, ni les vicieux de la bonne compagnie, ni les soudards de la mauvaise, ni la courtisane elle-même, en dépit de la banalité de ses amours !  […] J’ai dit dans un précédent article où je constatais, avec regret, le mauvais usage, selon moi, que M.  […] Le terrain est mauvais, ne vous aventurez pas. […] Il est scrupuleux pour l’honneur de son nom et répond à une mauvaise pensée : « Qu’est-ce qu’on dirait de moi dans le quartier ?  […] C’est, en outre, un mauvais exemple à donner à ses frères et sœurs et il faut que Chartres se corrige absolument de cette mauvaise habitude.

1462. (1891) Études critiques sur l’histoire de la littérature française. Quatrième série

Cette mauvaise langue de Furetière n’a-t-il pas insinué qu’on payait pour être peint, sous quelque nom grec ou babylonien, dans ces romans célèbres ? […] De grandes dames : Mme de Guémenée, Mme de Longueville, Mme de Liancourt, Mme de Sablé se sont honorées et s’honorent d’être appelées par les mauvais plaisants « les Mères de l’Église ». […] Mais ce n’est qu’un peu plus tard, sous la Régence et vers le milieu du siècle suivant, que cette littérature de tripots ou de mauvais lieux atteindra son épanouissement. […] C’est une gaîté singulière que celle qui se dégage de George Dandin ou du Malade imaginaire, une gaîté méprisante et mauvaise, la gaîté de ceux qui se pressent de rire des choses. — de peur d’être obligés d’en pleurer. […] Il parle volontiers de ses « terres », de ses « vassaux » ; et s’il a l’air de se moquer de sa généalogie, c’est pour prévenir les mauvais plaisants, mais tout de même il la fait faire.

1463. (1886) Le roman russe pp. -351

Ses premiers essais de réformation furent incertains et gauches : le romantisme, il faut bien le reconnaître aujourd’hui, était un produit bâtard ; il respirait la révolte, mauvaise condition pour être tranquille et fort comme la nature. […] J’ai lu quelque part qu’il fallait bien de la mauvaise volonté pour être pessimiste après 89, après les grands principes, après quinze ans de république ; on nous a fait honte de notre découragement en nous disant que M.  […] La partie amoureuse est franchement mauvaise ; c’est du placage littéraire, sans l’ombre d’un sentiment personnel, le dernier mot du genre troubadour. […] Égarés par les écrits socialistes d’Occident, les révolutionnaires de 1848 s’enivrèrent de mauvaise encre, ils s’expatrièrent moralement dans un désert stérile d’abstractions et de négations. […] Rien à dire des mères ; par un parti pris curieux, qui révèle quelque plaie ancienne du cœur, toutes les mères des romans de Tourguénef, sans une exception, sont mauvaises ou grotesques.

1464. (1891) La bataille littéraire. Quatrième série (1887-1888) pp. 1-398

On finit toujours, quand on a de bonnes et insistantes trompettes, par imposer pour un temps à cette indifférence qui s’appelle le public une formule d’art, si rebutante qu’elle soit ; on ne lui imposera jamais un mauvais plat ! […] En l’éclairant sur ses intérêts et sur ses devoirs, ou en flattant ses mauvais instincts et ses goûts dépravés. […] Jamais il ne devrait écrire : — Ceci est bon ou mauvais ! […] De même que le Laboratoire municipal ne recherche que les falsifications, la plupart des romanciers qui travaillent dans les « mœurs parisiennes » n’étudient que les mauvaises ; les bonnes, il semble que cela manque d’intérêt ou qu’il soit inutile d’en parler sur la couverture ; c’est pour les mauvaises seules qu’on a des complaisances et une patience d’analyse que rien ne rebute. […] Ces mauvaises mœurs parisiennes, la corruption, l’adultère et la débauche, dont on nous charge si complaisamment, nous appartiennent-elles donc en propre, et en avons-nous le monopole ?

1465. (1895) Le mal d’écrire et le roman contemporain

Le mercantilisme est au fond un très mauvais calcul. […] Quel insondable mystère que cette sensualité toujours éveillée en nous, bonne à cause du mariage, mauvaise à cause du vice ! […] N’est-on admis à décrire la passion que par son mauvais côté ? […] C’est qu’il savait que le bon et le beau sont en art aussi exacts que le mauvais et le laid. […] Voyez l’avortement où la mauvaise direction du talent a conduit.

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