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366. (1874) Premiers lundis. Tome I « Bonaparte et les Grecs, par Madame Louise SW.-Belloc. »

L’auteur étale trop souvent peut-être ce vague instinct de sentiment, qu’il ne faut ni dédaigner ni prodiguer, et dont madame de Staël elle-même n’a pas toujours été assez sobre dans ses admirables écrits.

367. (1874) Premiers lundis. Tome II « Dupin Aîné. Réception à l’Académie française »

Mais ceci n’était plus qu’une jactance oratoire, une morgue de faux homme de bien, du moment que, magistrat investi des plus hautes fonctions du ministère public, on avait fait taire dans une circonstance décisive son devoir suprême, sa conscience légale, ses antécédents notoires, et jusqu’à ces instincts entraînants de parole, seconde conscience de l’orateur.

368. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — B — Bergerat, Émile (1845-1923) »

C’est que, d’instinct, le nouveau venu marchait sans balancier sur la corde raide du paradoxe ; il trouvait la formule d’un style clownique, désarticulé, chahutant et cascadeur ; des mots alertes, des phrases retroussées, lestes, pimpantes, décolletées, agaçant l’œil, qui complétaient et servaient merveilleusement son esprit incisif, mordant, railleur, prompt à la riposte et rompu à toutes les charges, à tous les argots d’atelier, de coulisses, de boulevard.

369. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre quatrième. Du Merveilleux, ou de la Poésie dans ses rapports avec les êtres surnaturels. — Chapitre premier. Que la Mythologie rapetissait la nature ; que les Anciens n’avaient point de Poésie proprement dite descriptive. »

Il y a dans l’homme un instinct qui le met en rapport avec les scènes de la nature.

370. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 4, du pouvoir que les imitations ont sur nous, et de la facilité avec laquelle le coeur humain est ému » pp. 34-42

Quand nous sommes dans un de ces réduits où plusieurs joüeurs sont assis autour de differentes tables : pourquoi un instinct secret nous fait-il prendre place auprès des joüeurs qui risquent de plus grosses sommes, bien que leur jeu ne soit pas aussi digne de curiosité que celui qui se jouë sur les autres tables ?

371. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Troisième partie — Section 11, les romains partageoient souvent la déclamation théatrale entre deux acteurs, dont l’un prononçoit tandis que l’autre faisoit des gestes » pp. 174-184

On sent bien, ajoute Quintilien, qu’il est impossible de le réciter sans renverser un peu la tête en arriere, comme l’on est porté à le faire par un instinct machinal, lorsqu’on veut prononcer quelque chose avec emphase.

372. (1905) Les ennemis de l’art d’écrire. Réponse aux objections de MM. F. Brunetière, Emile Faguet, Adolphe Brisson, Rémy de Gourmont, Ernest Charles, G. Lanson, G. Pélissier, Octave Uzanne, Léon Blum, A. Mazel, C. Vergniol, etc… « VI »

Taine aurait tout simplement « retrouvé son premier instinct littéraire, étouffé par ses œuvres de début, de sorte que le style descriptif lui aurait été aussi naturel que le style abstrait ».‌

373. (1908) Les œuvres et les hommes XXIV. Voyageurs et romanciers « Méry »

Mais s’il était catholique d’instinct et d’émotion, l’était-il quand il était rassis et calme ?

374. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre second. De la sagesse poétique — Argument » pp. 93-99

La Providence a mis dans l’instinct des premiers hommes les germes de civilisation que la réflexion devait ensuite développer.

375. (1861) Questions d’art et de morale pp. 1-449

Par une loi universelle, l’instinct de la foule en face des œuvres du génie remonte vers l’auteur, vers le dispensateur suprême de la force et de la vérité. […] Mais, à ce premier essor, si on ne peut rien présumer encore de la grandeur qu’atteindront les ailes du cygne, on comprend déjà vers quelles régions son instinct l’entraîne. […] L’instinct des artistes en devine plusieurs, et le sentiment religieux reconnaît et adore les autres sans les comprendre. […] Cette servitude était nécessaire pour empêcher de tomber encore plus bas et jusqu’à la pure animalité des hommes dont la liberté morale ne savait plus résister aux bas instincts. […] Ce n’est plus de la pensée, mais des instincts ; ce n’est plus de la notion du droit, mais de la tyrannie des besoins qu’émanent les institutions et les pouvoirs.

376. (1883) Souvenirs d’enfance et de jeunesse « Chapitre I. Le broyeur de lin  (1876) »

L’instinct chez elle était tout. […] Il y a des instincts pour qui l’apparence suffit et qu’on endort par des fictions. […] Sa folie était une sorte de folie ménagère, un instinct de ménage contrarié.

377. (1896) Écrivains étrangers. Première série

Mais avec ce goût de construire, il avait l’instinct de la destruction, et sa vie s’est écoulée parmi des ruines. […] Inglesant était tourmenté de remords, ne comprenant pas l’instinct fatal qui le faisait agir. […] Toujours, depuis ses années de jeunesse, un impérieux instinct l’a poussé à se gagner partout des amis. […] D’instinct et sans trace d’effort, Mme Swarth-Lapidoth est parvenue à un très haut degré de maîtrise poétique. […] Empêcheront-elles les hommes de souffrir, et de se haïr, et de s’entre-dévorer quand l’instinct fatal les y poussera ?

378. (1866) Petite comédie de la critique littéraire, ou Molière selon trois écoles philosophiques « Deuxième partie. — L’école critique » pp. 187-250

L’un dit : la comédie se borne à représenter les mœurs des hommes dans une condition privée294, excluant par sa définition tout le théâtre d’Aristophane ; un autre : le comique exprime l’empire de l’instinct physique sur l’existence morale295, oubliant Philaminte, Armande, Bélise, Vadius, le docteur Pancrace, et Alceste. […] Elle s’est ainsi formé un sens esthétique (mais ce mot n’est pas de sa langue), un instinct du bon et du mauvais, du beau et du laid, du vrai et du faux, un véritable tact littéraire. […] Mais son instinct du beau et du laid a gardé dans tout le reste sa vivacité et ses franchises. […] Car, dit-il, c’est l’instinct qui la dirige et non des principes.

379. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre deuxième. Les mœurs et les caractères. — Chapitre II. La vie de salon. »

Par instinct, le Français aime à se trouver en compagnie, et la raison en est qu’il fait bien et sans peine toutes les actions que comporte la société. […] Pour ses instincts de bienveillance et de vanité, il y a de charmantes douceurs dans l’habitude d’être aimable, d’autant plus qu’elle est contagieuse. […] L’indécence qui est dans les choses n’est jamais dans les mots, et le langage des convenances s’impose, non seulement aux éclats de la passion, mais encore aux grossièretés de l’instinct  Ainsi les sentiments les plus naturellement âpres ont perdu leurs pointes et leurs épines ; de leurs restes ornés et polis, on a fait des jouets de salon que des mains blanches lancent, se renvoient et laissent tomber comme un joli volant. […] Il réfléchit et répondit : Je lui écrirais : Je suis charmé que le ciel ait enfin béni notre union ; soignez votre santé, j’irai vous faire ma cour ce soir. » — Il y a vingt réponses semblables, et j’ose dire qu’avant de les avoir lues on n’imagine pas à quel point l’art social peut dompter l’instinct naturel.

380. (1859) Cours familier de littérature. VII « XXXVIIe entretien. La littérature des sens. La peinture. Léopold Robert (2e partie) » pp. 5-80

Tout cela lui parut ou trop abstrait, ou trop conventionnel, ou trop mystique, ou trop sensuel : il conçoit, plus près de terre, une félicité rurale et domestique plus accessible à l’universalité de l’espèce humaine, félicité fondée non sur les chimères d’esprit ou de cœur, mais sur les instincts innés de l’homme et sur les réalités péniblement douces de la vie. […] Enfin ils étaient jeunes, et les révolutions sont l’instinct de la jeunesse, parce qu’elles pressent le pas du temps et parce qu’elles arrachent violemment à l’avenir le mot du destin. […] Le ciel bas et brumeux de Venise en automne, le silence des grèves interrompu seulement par le bruit des pierres de ses quais qui tombent une à une dans l’eau morte de ses lagunes, étaient un site et un séjour admirablement choisis d’instinct pour la conception et pour l’exécution d’une telle œuvre. […] La critique, qui constate la gloire comme l’ombre constate le corps quand il y a du soleil en haut, n’a pas cessé non plus de protester contre notre enthousiasme à nous ignorants ; mais l’ignorance aura le dernier mot, car elle est l’instinct des sens et de l’âme.

381. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome second — Livre cinquième. Principales idées-forces, leur genèse et leur influence — Chapitre cinquième. Genèse et action des principes d’identité et de raison suffisante. — Origines de notre structure intellectuelle »

Le principe de raison suffisante et les autres de ce genre sont des instincts intellectuels : or les instincts ont leur première origine, au point de vue physiologique, dans une organisation des mouvements de réaction ayant pour objet la vie ; ils ont leur seconde et radicale origine, au point de vue psychologique, dans le désir ou vouloir cherchant à se satisfaire par des actes appropriés. […] L’instinct de l’ordre est avant tout une condition de conservation. […] C’est antérieurement à la logique abstraite de l’entendement, c’est dans notre mode de sentir et de réagir qu’il faut chercher la raison dernière de notre instinct scientifique : in semu et volúntate, non in intellectu.

382. (1889) Écrivains francisés. Dickens, Heine, Tourguénef, Poe, Dostoïewski, Tolstoï « Le Comte Léon Tolstoï »

Dans l’exécution de son œuvre Tolstoï réalise, à rencontre de tous les romanciers idéalistes, l’une des principales lois de toute vitalité et de toute vivification : il a su reconnaître et montrer d’instinct qu’un être ne peut être décrit dans les limites bornées d’une série cohérente et dramatique d’incidents, d’une, action que la multiplicité des faits physiques et psychiques dont il est le centre déborde, que l’homme est du plus au moins toujours un microcosme complet, divers, désuni, d’une infinie variété ; qu’ainsi le roman, s’il veut être l’image et contenir tout l’intérêt et l’importance de la vie, doit être complexe, nombreux et diffus comme elle ; construite sur cette intuition profonde, l’œuvre perdra en fini, en concentration artificielle d’effet, en unité factice des caractères ; mais elle pourra se hausser à la variété frémissante et nuancée des vrais faits et des vraies âmes, au point de déployer la même richesse de contrastes et subtils développements, que la nature où les individus ne sont en définitive que des centres réflecteurs sous un angle défini de toutes choses, des particules essentiellement participantes. […] Le prince Pierre est sans doute par certains côtés le Russe et la Russie, lourd, bon, à peine dégrossi, avec de pesants instincts animaux, sourdement inquiet cependant et ne sachant comment vivre ; mais il est aussi un débauché ordinaire, un idéologue enthousiaste de Napoléon, de la franc-maçonnerie, un homme timide, gauche, myope, amoureux, d’une certaine sorte d’humeur avec ses domestiques, un mari ayant avec sa femme des relations particulières de colère et de faiblesse. […] Par une vertu particulière de la race slave, ou par un penchant de l’écrivain, les hommes de Tolstoï sont naturellement bons, portés d’un premier mouvement affectueux vers leurs semblables, disposés d’instinct à la confiance, à la compassion, aptes à sentir, en dépit des hiérarchies et des préjugés sociaux, les penchants secrets de fraternité qui forcent finalement les hommes à agir humainement l’un à l’égard de l’autre. […] L’auteur qui eût paru capable entre les premiers de mettre debout un capitaine de génie et qui rencontre Napoléon sous sa plume, ne sait nous en décrire que quelques aspects anecdotiques ridicules, et quand il se trouve amené à propos de la guerre à exposer ses vues sur la philosophie de l’histoire, c’est à la plus mesquine, à la plus absurde doctrine qu’il se rallie, prétendant citer le hasard, l’instinct obscur des masses comme une explication, et préférant la stupide inaction de Koutouzoff à tous les actes déterminants de ses lieutenants et de ses adversaires.

383. (1889) Essai sur les données immédiates de la conscience « Chapitre II. De la multiplicité des états de conscience. L’idée de durée »

Nous ne mesurons plus alors la durée, mais nous la sentons ; de quantité elle revient à l’état de qualité ; l’appréciation mathématique du temps écoulé ne se fait plus ; mais elle cède la place à un instinct confus, capable, comme tous les instincts, de commettre des méprises grossières et parfois aussi de procéder avec une extraordinaire sûreté. […] Qu’il nous suffise de dire que l’ardeur irréfléchie avec laquelle nous prenons parti dans certaines questions prouve assez que notre intelligence a ses instincts : et comment nous représenter ces instincts, sinon par un élan commun à toutes nos idées, c’est-à-dire par leur pénétration mutuelle ?

384. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Préface pour les Maximes de La Rochefoucauld, (Édition elzévirienne de P. Jannet) 1853. » pp. 404-421

L’inconvénient du système de La Rochefoucauld est de donner pour tous les ordres d’action une explication uniforme et jusqu’à un certain point abstraite, quand la nature, au contraire, a multiplié les instincts, les goûts, les talents divers, et qu’elle a coloré en mille sens cette poursuite entrecroisée de tous, cette course impétueuse et savante de chacun vers l’objet de son désir. […] Cousin, restée un instinct et une ingénuité première chez M. de Lamartine, et ils se jugent encore plus qu’ils ne jugent l’adversaire.

385. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Œuvres inédites de P. de Ronsard, recueillies et publiées par M. Prosper Blanchemain, 1 vol. petit in-8°, Paris, Auguste Aubry, 1856. Étude sur Ronsard, considéré comme imitateur d’Homère et de Pindare, par M. Eugène Gandar, ancien membre de l’École française d’Athènes, 1 vol. in-8°, Metz, 1854. — I » pp. 57-75

Les principaux de ces poètes, ceux qui avaient le plus d’avenir, se rattachaient à l’ordre d’idées et d’affections inaugurées dès le commencement du siècle par M. de Chateaubriand, et dont la Restauration favorisait le réveil ; et, pour cette autre initiation qui tient plus particulièrement à la forme poétique, ils aimaient à se réclamer d’André Chénier, non pas tant pour l’imiter directement que par instinct de fraîcheur, de renouvellement, et par amour pour cette beauté grecque dont il nous rendait les vives élégances et les grâces. […] Enrichir la palette de quelques tons agréables à l’œil, ajouter quelques notes aux accents connus, quelques nombres et couplets aux rythmes en usage, justifier surtout par des exemples retrouvés à propos ce qu’osaient d’instinct les poètes novateurs de notre temps, renouer la tradition sur un point où l’on n’avait jusque-là signalé que des débris, c’était mon ambition la plus haute.

386. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Méditations sur l’essence de la religion chrétienne, par M. Guizot. »

Il a besoin de la chute et du péché originel, pour expliquer le mauvais instinct de l’homme, son penchant obstiné à la désobéissance, et aussi le vague sentiment, le souvenir comme héréditaire d’un premier âge antérieur d’innocence et de félicité. […] Ce qu’on appelle instinct et qui semble à d’autres d’une portée infaillible ne trompe pas mon sage ; il y applique son analyse ; il en démêle le principe et le jeu ; il s’en rend compte d’après les lois de l’optique morale.

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