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635. (1919) L’énergie spirituelle. Essais et conférences « Chapitre VII. Le cerveau et la pensée : une illusion philosophique »

L’hypothèse du réaliste n’est donc ici qu’un idéal destiné à lui rappeler qu’il n’aura jamais assez approfondi l’explication de la réalité, et qu’il devra établir des relations de plus en plus intimes entre les parties du réel qui se juxtaposent à nos yeux dans l’espace. Mais cet idéal, le réaliste ne peut s’empêcher de l’hypostasier.

636. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Académie française — Réception de M. Biot » pp. 306-310

Biot n’a eu, pour le tracer, qu’à se souvenir de sa propre vie, et à proposer pour idéal un exemplaire dont tous ceux qui le connaissent savaient déjà bien des traits.

637. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome second — Livre cinquième. Principales idées-forces, leur genèse et leur influence — Introduction »

Le platonisme se figurait des modèles éternels sur lesquels la nature règle la production des êtres, comme l’artiste règle son œuvre sur un idéal préconçu.

638. (1908) Les œuvres et les hommes XXIV. Voyageurs et romanciers « Gabriel Ferry »

S’il n’y a pas d’idéal, il est vrai, il y a de l’action dans ce style viril et musclé.

639. (1908) Les œuvres et les hommes XXIV. Voyageurs et romanciers « Champfleury ; Desnoireterres »

Ce livre contient trois nouvelles : les Souffrances de M. le professeur Delteil, les Trios des Cheniselles et les Ragotins, et, malgré la variété de ces trois sujets, jamais livre ne fut plus exsangue, plus dépourvu de tout ce que l’imagination crée, c’est-à-dire d’invention, de combinaison et d’idéal !

640. (1886) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Première série

Nous ne le voudrions pas, ce monde idéal, sans la vertu et sans l’amour : et comment la vertu et l’amour seraient-ils sans le désir ni l’effort — et l’effort et le désir sans la douleur ? […] Dans tout cela beaucoup d’amour pur, d’idéal, de mélancolie et de cette « couleur locale » un peu convenue qu’on aimait sous Louis-Philippe. […] Il croit à la nécessité de ce qu’il appelait dans son premier article « un rayon d’idéal ». […] professeurs éminents que vous êtes, bon goût, bon sens, bon ordre, moralité, idéal, c’est ce que tout honnête lettré peut mettre dans un livre ! […] J’entends par poète un écrivain qui, en vertu d’une idée ou en vue d’un idéal, transforme notablement la réalité, et, ainsi modifiée, la fait vivre.

641. (1928) Quelques témoignages : hommes et idées. Tome II

Le sublime — encore un terme cornélien qu’il emploie sans cesse — y manque absolument, et pour qu’une civilisation ait tout son prix, il faut qu’elle soit soutenue par une foi dans un Idéal qui rende ses participants capables de virils sacrifices et les hausse jusqu’à l’héroïsme, quand cet Idéal est en jeu. […] Dumesnil nous l’évoquent, fut un mystique également, et dévoré d’une fièvre d’idéal pareille, qu’il a, non pas satisfaite, disons trompée, dans son culte de l’Art. […] Son rôle, s’il veut le remplir tout entier, est de maintenir un Idéal distinct de celui du simple citoyen, mais sans lequel ce citoyen ne serait pas protégé. […] Peut-être même Chantilly réalise-t-il, plus encore que Versailles, cet Idéal défini par M.  […] Ceux-ci, en parcourant nos galeries, s’initient à l’Idéal poursuivi et réalisé par des peintres qui se sont appelés Raphaël, Poussin, Mignard, Philippe de Champaigne, Delacroix, Decamps, Fromentin.

642. (1879) À propos de « l’Assommoir »

Et cette pauvre petite Lalie, qui meurt sans une plainte sous le fouet d’un père fou d’alcool, n’en est-ce pas un aussi, et du plus pur idéal ? […] Les malheurs d’une famille du peuple atteinte de cette contagion, cela n’est pas poétique, cela manque d’idéal. […] c’est le rayon d’idéal qui, vient éclairer notre besogne quotidienne ! […] On prétend qu’il bannit l’idéal : il ne le fait que si par idéal on entend le vain caprice, la fantaisie mensongère ; le rêve trompeur et malsain d’une imagination qui croit s’élever : comme si l’on pouvait s’élever en quittant la vérité pour l’erreur !

643. (1891) Journal des Goncourt. Tome V (1872-1877) « Année 1875 » pp. 172-248

Dans les bronzes, des merveilles, des merveilles qui semblent l’idéal de ce que le goût et l’art savant de la fabrication peuvent produire. […] Ces lames, c’est l’idéal de l’acier, l’idéal de ce beau ton cruel du métal de la mort. […] Il se laisse tomber sur le divan, près de la cheminée, parle du rôle de conciliation qu’il veut jouer dorénavant dans les assemblées, dit qu’il n’est pas un modéré, parce que l’idéal d’un modéré n’est pas le sien, mais qu’il est un apaisé, un homme sans ambition et éprouvé par la vie. […] Leur idéal, c’était de fonder, non point une république, mais une monarchie anglaise, et je l’eusse désiré, mais ils n’ont point trouvé d’appui dans le Roi… Il y a encore un grand malheur dans la Révolution, ça été la prédominance du Midi sur le Nord, l’influence girondine… C’est depuis ce temps, il faut l’avouer, que la France est déséquilibrée. » Mercredi 29 décembre Sur un coin de canapé de la princesse, Fromentin me disait ce soir : « Moi, mon cher, si je n’avais pas de femme, si je n’avais pas d’enfants, si je n’étais pas père et grand-père, je ne peindrais plus.

644. (1892) Un Hollandais à Paris en 1891 pp. -305

Dans chacune de ces formes de vie réelle ou idéale, il a retrouvé quelque chose de son individualité, et en les faisant revivre il n’a pu s’empêcher de leur en donner une part. […] Plus encore, l’idéal dont il avait porté jusque-là en lui l’image confuse, l’idéal d’une règle parfaite, se révélait à lui sous les traits de la Mère des croyants : une loi d’amour qui, dans sa grande harmonie, absorbe toutes les dissonances de l’individualité, pourvu qu’elle veuille se livrer à sa direction. […] Enfant, j’ai connu des gens, dans notre petite ville d’Alsace, qui vivaient encore en pensée dans le monde idéal des romans de Mlle de Scudéry. […] Au fond l’artiste et le monde ont le même idéal. […] et elle s’en va au loin, laissant derrière elle sa maison, ses enfants, tout ce qu’elle ne reconnaît plus comme l’idéal de l’existence, — en route vers l’inconnu !

645. (1923) Les dates et les œuvres. Symbolisme et poésie scientifique

Pour la doctrine Mallarméenne du Symbole, l’idéalisme, où le Moi par intuition et par la seule valeur de son activité s’entend créateur de l’Univers, idéal et seul vrai sous les apparences : il en est autrement. […] On trouve un idéal en tout ! […] Et c’était, en ses prunelles visionnaires, la quotidienneté stupide dominée à son tour par l’idéal Inconnu. […] Et il me semble qu’en tout ceci, il était plus d’inconsciente réaction et de nationalisme au sens politiquement étroit de demain, que de révolution et d’idéal anarchique. […] L’un et l’autre n’ont point délaissé leur idéal, nous l’avons dit du premier que nous avons vu de temps à autre resurgir même en les luttes nouvelles, lui aussi, au nom du même idéal : notamment aux « Ecrits pour l’Art », nouvelle série (année 1905), où il exposait les principes très originaux d’une Critique scientifique.

646. (1895) Histoire de la littérature française « Première partie. Le Moyen âge — Introduction. Origines de la littérature française — 4. Physionomie générale du moyen âge. »

Ainsi les ressorts qui meuvent tout, c’est l’honneur et la foi, deux principes de désintéressement et de dévouement, qui imposent à la volonté l’effort infatigable contre les intérêts et contre les appétits, au nom d’un bien idéal.

647. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — B — Bergerat, Émile (1845-1923) »

Oui, empêtrés dans les niaiseries d’un théâtre incolore et d’une littérature vulgaire et mercantile, nous voulons, nous appelons à grands cris une œuvre où se trouve réuni tout ce dont nous avons soif : l’héroïsme, l’idéal, l’outrance (pour nous faire oublier tant de platitudes !)

648. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — L — Lemercier, Népomucène Louis (1771-1840) »

De Pongerville On reconnaîtra que Lemercier possédait une partie des éminentes qualités du grand écrivain, mais qu’il lui manquait le sentiment exquis, le gout qui en dirige l’emploi ; il méconnut trop souvent la précision harmonieuse du langage, la beauté des formes qui donnent la vie et la durée aux créations idéales.

649. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — R — Rollinat, Maurice (1846-1903) »

La musique avec laquelle il interprète la Mort des pauvres, la Cloche fêlée, le Flambeau vivant, l’idéal, de ce grand Baudelaire que je vis mourir, n’appartient assurément à aucune école « conservatoiresque », dit-il lui-même en son langage singulièrement imagé.

650. (1897) Le monde où l’on imprime « Chapitre V. Un livre de Renan et un livre sur Renan » pp. 53-59

Séailles complimenté par les petits jeunes du Bock Idéal et de l’Esprit nouveau, qui sont au juste des calotins.

651. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Hallé » pp. 71-73

Pour vaincre la platitude de tous ces personnages, il aurait fallu l’idéal le plus étonnant, le faire le plus merveilleux, et Mr Hallé n’a ni l’un ni l’autre.

652. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre second. De la sagesse poétique — Argument » pp. 93-99

Philosophie de la propriété, histoire des idées humaines, critique philosophique, histoire idéale éternelle, système du droit naturel des gens, origines de l’histoire universelle.

653. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME DE KRÜDNER » pp. 382-410

Mais on sent ici, à travers le déguisement et l’idéal, une réalité particulière qui donne au récit une vie non empruntée. […] Ils sont vrais à moitié, aux trois quarts ; mais il faut les continuer, les achever par l’idéal, ce qui exige une attention extrême, pour ne pas cesser de paraître naturel. […] En ces moments de craquement universel, il arrive, j’imagine, que l’idéal, qui est derrière ce monde terrestre, se révèle, apparaît rapidement à quelques yeux, et l’on croit qu’il va s’introduire : mais la fente se referme aussitôt, et l’œil qui avait vu profondément et juste un instant, en continuant de croire aux rayons disparus, s’abuse et n’est plus rempli que de sa propre lumière.

654. (1861) Cours familier de littérature. XII « LXXIe entretien. Critique de l’Histoire des Girondins (2e partie) » pp. 305-367

Les événements le disent assez, la perfection idéale d’un gouvernement est le rêve qui les fait tous tomber, sans parvenir à rien de meilleur. […] Cette royauté des expiations étant impossible à rétablir, la royauté des conspirations étant impossible pour moi à aimer et à servir, cette coalition immorale et déloyale dans le parlement étant impossible à honorer, incapable de fonder, capable seulement de détruire, je n’avais plus de devoir et de lien qu’avec la politique abstraite, idéale, personnelle qui pouvait seule à un jour donné recruter, au profit des principes sainement et honnêtement progressifs, les opinions d’un peuple prêt à retomber dans l’anarchie. Ces principes, qui étaient ceux de la vraie philosophie politique de l’Assemblée constituante, ceux que les Mirabeau, les Barnave, les Clermont-Tonnerre, les Lally-Tollendal, les Bailly, les Mounier, les Montmorency, les Cazalès, les Vergniaud, avaient si magnifiquement débattus ou formulés dans leur éloquence de raison, me passionnaient encore à distance et me paraissaient le but dépassé, mais le but idéal de la Révolution, auquel il fallait ramener le peuple par l’opinion avant de l’y ramener un jour par le fait, si les événements échappaient à l’ambitieuse et intrigante faction de la fausse révolution et de la royauté d’expédient de 1830.

655. (1862) Cours familier de littérature. XIV « LXXXIIIe entretien. Considérations sur un chef-d’œuvre, ou Le danger du génie. Les Misérables, par Victor Hugo (1re partie) » pp. 305-364

II C’est ainsi que le disciple de Socrate, après la mort de Socrate, l’homme pratique, son inspirateur ; c’est ainsi que Platon écrivit sa République idéale, pandémonium de toutes les chimères, capable de donner le vertige à toute la démagogie d’Athènes, si Périclès n’était pas né pour rendre le bon sens aux philosophes, et la discipline volontaire au peuple qui vit de bon sens. […] Puis les Misérables, dont nous allons vous parler, critique excessive, radicale et quelquefois injuste d’une société qui porte l’homme à haïr ce qui le sauve, l’ordre social, et à délirer pour ce qui le perd : le rêve antisocial de l’idéal indéfini ! […] « Si le radical c’est l’idéal, oui, je suis radical, disait-il dans les justifications éloquentes de ses intentions d’écrivain ; oui, à tous les points de vue, je comprends, je veux et j’appelle le mieux ; le mieux, quoique dénoncé par un proverbe, n’est pas l’ennemi du bien, car cela reviendrait à dire : Le mieux est l’ami du mal….

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