Quant à moi, je l’avoue, j’ai toujours le frisson quand j’ai à prononcer sur ces hommes, et, tout en étant sévère, je me demande si j’ai bien le droit de l’être. […] Les pièces publiées dans le volume, et qui en composent la majeure partie, achèvent de peindre l’homme. […] Tel est le personnage original qui, dans sa jeunesse, eut la pensée de devenir homme d’Église, et qui plus est, la tentation de se faire chartreux. […] Le procureur (dom Effinger), le plus égoïste et le plus insouciant de tous les hommes, est le seul avec qui je puisse parler. […] Je ne pouvais concevoir comment un homme, et surtout un homme oisif, pouvait engloutir tant de nourriture : cependant, à l’exception du prieur, tous les moines mangeaient leur portion, et j’ai même vu dom Pierre et dom Quentin, deux vieillards octogénaires, et dom Lucien, aide-sacristain, jeune encore, mais à peu près stupide, demander des suppléments !
Pierrepont était avec trois hommes qui se saisirent de la demoiselle et la battirent outrageusement de verges. […] Je n’ai point connu d’homme qui l’eût si heureuse. […] C’est bien l’homme de qui l’on a pu dire qu’il parlait de la sagesse avec magnificence. […] L’abbé était un peu son homme de lettres ; il travaillait le matin à faire pour lui des extraits, et l’après-midi il allait dans les assemblées d’où il lui rapportait des informations agréables ou utiles. […] Mais, après avoir pris conseil et mieux avisé, il sentit l’inconvénient qu’il y aurait, pour un homme de sa dignité, à se jeter dans la mêlée pour séparer des furieux.
Il s’éprit de loin pour Linguet, qui ne lui parut qu’un homme éloquent et hardi, injustement persécuté. […] Ne jugeant encore les gens de lettres et les philosophes français que de loin et sur leurs seuls écrits, Mallet du Pan montrait qu’il ne serait pas homme à s’en laisser éblouir de près. […] On voit en tout ceci des hommes adoptant, sur l’autorité des livres, des idées philosophiques, mais dépourvus d’idées ministérielles. […] « Autant que j’ai pu vous connaître en vous lisant, lui écrivait Joseph de Maistre (homme pourtant d’une autre ligne), il me paraît que vous aimez faire justice. […] Des conseils de cet ordre, en effet, n’ont chance de réussir que quand ils rencontrent à la tête des États des hommes qui sont de force à s’en passer et à se les donner eux-mêmes.
Ils arrivent à représenter l’homme, ses habitudes, sa nature, ses penchants et ses passions, complètement, sans choix ou presque ainsi. […] Ni les grands hommes et les nobles femmes de Balzac n’apparaissent dans les Rougon-Macquart, ni les fervents ambitieux de Stendhal, ni les fins artistes de Goncourt. […] Tous les héros qu’il exalte sont des hommes forts, se dépensant en action, accomplissant une grande œuvre ou couronnant une grande ruine. […] Et si les hommes dégagent ainsi leur force musculaire et volitionelle, les femmes exhalent, au profit de l’espèce, la séduction de leur sensualité. […] Un puits de mine où descendent des cages ressemble à un Moloch dévorateur d’hommes.
Quand le poète, le véritable poète est le fond d’un homme, et que cet homme est assez richement doué pour avoir une spécialité en dehors de sa poésie, il est plus fort — et on le comprend bien ! […] Don Quichotte et Cervantes, le livre et l’homme, ont été également pénétrés. […] Heine, aux yeux de la plupart des hommes, ces grossiers ! […] Singulières analogies entre ces deux hommes et singulières différences ! […] Voyez Les Œuvres et les Hommes, t.
Quel est donc cet homme que l’on estime « malgré tout un bon diable d’homme » ? […] Quel homme ! […] Cet homme masqué, c’est Mordaunt. […] Ils ne me sont ni sympathiques ni odieux en tant qu’hommes, car sont-ce des hommes ? […] Et est-ce bien le même homme ?
Notre homme a un procès. […] Empereur, suis-je pas un autre homme ? […] J’ai servi le grand homme ! […] Cet acteur était homme de flair. […] Il est idiot ; mais il est homme.
L’homme est cela. […] Rousseau n’a pas ramené l’homme à l’âge des cavernes. […] C’est pourquoi, rempli d’indulgence pour l’homme, M. […] Le dieu intérieur tue l’homme, flétrit la vie, obscurcit le monde. […] L’homme sain considère la passion comme un fléau, comme un mal.
L’homme, dès qu’il se distingua de l’animal, fut religieux, c’est-à-dire qu’il vit, dans la nature, quelque chose au-delà de la réalité, et pour lui quelque chose au-delà de la mort. […] Accablé d’opprobres, délaissé des hommes, tous détournaient de lui la face ; couvert d’ignominie, il comptait pour un néant. […] Vous l’eussiez tenu pour un homme frappé de Dieu, touché de sa main. […] C’était l’œuvre d’hommes pénétrés d’un haut idéal de la vie présente et croyant avoir trouvé les meilleurs moyens pour le réaliser. […] Une série d’hommes pieux, Esdras, Néhémie, Onias, les Macchabées, dévorés du zèle de la Loi, se succèdent pour la défense des antiques institutions.
L’académicien, auquel il est bien glorieux d’avoir succédé à tant de grands hommes dans l’emploi d’historiographe de France, se flatte d’avoir mieux entendu Tite-Live. […] Nous sçavons, dit-il, que César, Alexandre, Annibal étoient des hommes comme nous, passionnés comme nous, ne valant pas mieux que nous, mais séduits dès l’enfance par l’expression outrée de la déclamation, nous prenons ces héros de l’antiquité sur le pied que les comédiens nous les donnent, c’est-à-dire pour des hommes d’une autre nature que la nôtre. […] Étant un jour aux Thuileries, il se vit tout d’un coup environné d’ouvriers qui avoient quitté leur travail pour le suivre, dans la crainte que ce ne fût un homme prêt de se jetter, par désespoir, dans le bassin. […] Le même Riccoboni trouve qu’il n’y a que les avocats qui s’entendent à bien déclamer, qui sçachent modérer leur feu, prendre un air de vérité, & parler comme des hommes doivent parler à d’autres hommes, qu’il n’y a qu’eux qui soient attentifs à rendre les tons, & les accens de la nature. […] Mais la Le Couvreur n’en est pas moins louable d’avoir suivi les conseils de cet homme vrai, simple & naturel, qu’on a nommé le La Fontaine des philosophes, & qui, sans avoir aucun talent pour le théâtre, en jugeoit sainement.
Par l’imprudence des hommes qui ont agi depuis un demi-siècle, tout a disparu de l’ancien édifice social : les ruines mêmes ont péri. […] Mais cela est devenu nécessaire, parce que le marteau des hommes s’est uni au marteau du temps. […] Le peu qui en a échappé aux ravages de la révolution, et qui pourrait se soutenir par sa propre masse, n’échappera point au bélier que les hommes amènent à l’envi au pied de ces hautes murailles. […] Ne pourrait-on pas dire que l’état physique de Rome raconte la révolution faite en Europe par le temps, et que l’état de la France raconte la même révolution aidée par les hommes ? […] Je n’entends accuser les intentions d’aucun des hommes dont le nom est resté honorable.
Ils ont beau, en effet, s’obstiner à vouloir être des républicains de pied en cap, c’est-à-dire des hommes de la chose publique, ils restent les hommes de la chose très particulière qui se nomme la fierté, la dignité, l’honneur, — sentiments individuels qui tiennent aux racines même de l’homme, et qui furent absolument inconnus à l’Antiquité. […] Mais l’âme ne se tue pas si vite qu’il n’en demeure encore dans les hommes quand on croit qu’il n’y en a plus ! […] L’homme fut plus implacablement batailleur quand il ne se crut plus le bras vivant et visible de Dieu et quand on n’eut plus affaire qu’à son orgueil. […] Il est vrai qu’elle en avait un avec toute l’Europe, et qu’entre ses batailles à la frontière et ses échafauds dans le cœur du pays elle était trop occupée pour penser au duel d’homme à homme, grêle chose pour elle qui tuait en masse ! […] Il y en eut, par exemple, qui proposèrent de faire souffleter l’homme qui s’était battu par la main du bourreau.
Un homme instruit des faits, et seulement des faits, — les saurait-il, d’ailleurs, comme dix académies des Inscriptions à lui tout seul, — ne serait pas même un peintre d’un degré quelconque. […] c’est à cet homme-là qu’on pense, malgré soi, quand on ferme la longue et fort savante histoire de Cénac-Moncaut sur les Pyrénées 19. […] Mais pourquoi n’allume-t-il pas plus souvent sa torche à ce foyer de doctrines que tout homme, avant de toucher à l’Histoire, porte en soi, comme un a priori sublime, — qui n’est pas toujours un parti pris, comme le croient de sceptiques imbéciles, mais qui est souvent la prise de l’homme par la vérité ! […] Pourquoi y a-t-il des nations, très méritantes du reste, des races nobles et fortes, qui doivent rester obscures, comme parfois des hommes de génie ? […] à travers les faits, il se retourne et leur envoie le dernier regard de l’homme qui pense.
De ces causes cachées qui déconcertent nos raisonnements en pareille matière, et en compromettent si fréquemment la certitude, les plus réelles se rapportent à la nature même de l’homme et à sa spontanéité d’action. L’homme, en effet, par les déterminations soudaines dont il est susceptible, peut à tout moment faire intervenir dans les événements auxquels il prend part une force nouvelle, imprévue, variable, qui dans beaucoup de cas en modifie puissamment le cours, et dont en même temps l’ordinaire mobilité ne permet pas l’exacte mesure. Que si cependant, par suite de certaines circonstances, l’homme ou plutôt la majorité des hommes qui forment une société vient à se prendre d’une passion unique et violente ; si cette société, comme il arrive en temps de révolution, en proie à une idée fixe, s’obstine à ce qu’elle prévaille, et, irritée des obstacles, n’y répond que par une volonté d’une énergie croissante, n’est-il pas évident alors que l’historien peut et doit tenir compte de cette disposition morale, désormais ordonnatrice toute-puissante des événements, la mêler à chaque ligne de ses récits, et les pénétrer, les vivifier tout entiers de cette force des choses, qui n’est après tout que la force des hommes ? […] Ceci est triste, si l’on veut, mais ceci est véritable ; dans les grandes convulsions sociales, l’homme est jeté hors de lui par sa passion dominante ; par elle, tout équilibre entre ses motifs est rompu, et sa liberté morale presque annulée. […] Assez d’autres, il est vrai, à défaut de lui, s’offrirent pour les remplir ; les instruments impurs ne manquent jamais ; mais lui, homme pur, il n’a qu’à rentrer dans son foyer, à s’y asseoir jusqu’à des jours meilleurs, et, s’il le faut, à y mourir.
Bref, quand la dynastie parjure suscita contre elle par un coup insensé tout ce que le pays recélait de vigueur cachée et d’amertume dans ses reins et dans ses entrailles, il y avait en France un groupe d’hommes jeunes, professant en philosophie, en histoire, en littérature, en politique théorique, certaines doctrines réfléchies, certaines solutions déjà accréditées ; ces solutions, ces doctrines, ces hommes, se trouvèrent subitement mis à l’épreuve des choses, et confrontés, pour ainsi dire, à l’instant même, avec un résultat imprévu, immense, avec une révolution. […] Mais les hommes d’élite que ce brave peuple avait pris sur ses épaules, et qu’il avait déposés à pied sec sur l’autre bord, ces hommes eurent peur, après coup, pour la plupart, de l’étrange et cavalière façon dont ils avaient traversé. […] Les coups qu’il a portés, non pas au talent éminent de ces hommes, mais à l’influence prolongée, à l’importance absolue de leurs doctrines, n’ont pas été perdus pour beaucoup d’esprits et ont hâté le désabusement de plusieurs, en même temps que la vieille admiration des autres s’en est émue. […] Lerminier unit à tant d’autres, ne ressortent nulle part plus évidemment chez lui que dans cette attaque portée à deux hommes qui sont deux maîtres en vrai style. […] Après s’être incliné, et avoir levé un instant, puis baissé l’épée devant l’individualité brillante et aventureuse de M. de Chateaubriand, le jeune écrivain arrive à l’homme le plus constant et le plus uni des temps modernes, à celui dont l’individualité solennelle, depuis cinquante ans, consiste à exprimer la patiente et invariable pensée de la démocratie victorieuse.
La gaieté de l’esprit est facile à tous les hommes qui ont de l’esprit ; mais c’est le génie d’un homme et le bon goût de plusieurs qui peuvent seuls inspirer la véritable comédie. […] Les rapports politiques des hommes entre eux effacent les nuances, en prononçant fortement les caractères. […] Une remarque singulière, c’est que les peuples oisifs sont beaucoup plus difficiles sur l’emploi du temps qu’ils donnent à leurs plaisirs, que les hommes occupés. Les hommes livrés aux affaires sont habitués aux longs développements ; les hommes livrés au plaisir se fatiguent bien plus promptement » et le goût très exercé éprouve la satiété très vite. […] Je suis entrée à Londres, une fois, dans un cabinet de physique amusante, et j’ai vu les tours les plus grotesques, à la bague, au sautoir, à l’escarpolette, exécutés par des hommes fort âgés, du maintien le plus roide et du sérieux le plus imperturbable.
Et pourtant il arrive que, par les travaux réunis de tant d’hommes, sans qu’aucun plan ait été combiné à l’avance, une science se trouve organisée dans ses belles proportions. […] Les deux hommes qui y contribuèrent le plus, Barlaam et Léonce Pilati, étaient, au dire de Pétrarque et de Boccace, qui les pratiquèrent de si près, deux hommes aussi nuls que bourrus et fantasques. La plupart des Grecs émigrés qui ont joué un rôle si important dans le développement de l’esprit européen étaient des hommes plus que médiocres, de vrais manœuvres, qui tiraient parti, per alcuni denari, de la connaissance qu’ils possédaient de la langue grecque. […] Il est des œuvres de patience auxquelles s’astreindraient difficilement des hommes travaillés de besoins philosophiques trop exigeants. […] Le livre chrétien par excellence, l’Imitation, après avoir débuté comme le Maître de ceux qui savent par ces mots : « Tout homme désire naturellement savoir », avait toute raison d’ajouter : « Mais qu’importe la science sans l’amour ?
Il en conclut : « L’homme est une machine Que le concours des atomes forma, Et que l’éther plus rapide anima ». […] se peut-il que l’homme civilisé se méprise assez lui-même & méprise assez son semblable, pour se forger un art de tromper ! […] Si vous trouvez les hommes corrompus, injustes, ignorans, ne les blessez point ; mais fuyez-les, rompez avec eux. […] Etre frivole, trop complaisant, & flatteur ; être dur, cynique, & tout fronder : ce sont les deux extrêmes que l’homme sage doit également éviter. […] Ne montrez jamais l’homme absolu qui commande ; ne montrez jamais que la loi qui vous commande à vous-mêmes.
L’hébreu, concis, énergique, presque sans inflexions dans ses verbes, exprimant vingt nuances de la pensée par la seule apposition d’une lettre, annonce l’idiome d’un peuple qui, par une alliance remarquable, unit à la simplicité primitive une connaissance approfondie des hommes. […] Enfin, à son départ, on lui fait de riches présents, si mince qu’ait paru d’abord son équipage ; car on suppose que c’est un dieu qui vient, ainsi déguisé, surprendre le cœur des rois, ou un homme tombé dans l’infortune, et par conséquent le favori de Jupiter. […] Cet autel doit dire aux siècles futurs que deux hommes des anciens jours se rencontrèrent dans le chemin de la vie ; qu’après s’être traités comme deux frères, ils se quittèrent pour ne se revoir jamais, et pour mettre de grandes régions entre leurs tombeaux. […] Les amours-propres sont déjà éveillés dans les hommes de l’Odyssée ; ils dorment encore chez les hommes de la Genèse. […] Cette coutume de jurer par la génération des hommes est une naïve image des mœurs des premiers jours du monde, alors que la terre avait encore d’immenses déserts, et que l’homme était pour l’homme ce qu’il y avait de plus cher et de plus grand.
C’est ainsi qu’un homme aimable en présence fait oublier ses défauts et quelquefois ses vices durant les momens où l’on est seduit par les charmes de sa conversation. […] Dire simplement qu’il n’y a pas un grand merite à se faire aimer d’un homme qui devient amoureux facilement ; mais qu’il est beau de se faire aimer par un homme qui ne témoigna jamais de disposition à l’amour, ce seroit dire une verité commune et qui ne s’attireroit pas beaucoup d’attention. […] Un homme qui nous diroit simplement : je mourrai dans le même château où je suis né, ne toucheroit pas beaucoup. Mourir est la destinée de tous les hommes, et finir dans le sein de ses pénates, c’est la destinée des plus heureux. […] L’art d’émouvoir les hommes et de les amener où l’on veut, consiste principalement à sçavoir faire un bon usage de ces images.
L’homme est de trop dans la nature. […] je ne serai jamais un homme sérieux ? […] L’homme a disparu. […] Plus de héros, des hommes. […] lequel, brave homme ?