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379. (1896) Les idées en marche pp. 1-385

L’amour a disparu, la jeunesse, la beauté aussi ; la foi, il n’y en eut jamais. […] À mesure que monte le brouillard de la foi, il paraît pénétrer aussi les monuments et les perspectives. […] D’abord il eut la foi, rebelle, indomptée, furieuse, blasphématoire ; n’importe, elle lui fut un guide. […] aux personnages de d’Aurevilly cette foi est un dur fardeau, une claie, une torture ! […] Il ne s’aperçoit pas qu’il a, lui aussi, ses idoles, ses dogmes, ses articles de foi, ses fétiches.

380. (1859) Moralistes des seizième et dix-septième siècles

C’est par là que maint ennemi de la foi chrétienne l’a servie d’une main en l’attaquant de l’autre. […] Si tout, dans leurs idées, n’était pas rationnel, ils suppléaient à la raison par la foi. […] les défenseurs de la foi s’avisèrent de faire du pyrrhonisme un auxiliaire de la Révélation. […] Là se retrouvait, par la foi, un culte en esprit et en vérité, entretenu de temps à autre par des révélations surnaturelles. […] Il est au point où était parvenu Abraham, à la foi.

381. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — T. — article » p. 386

Apprends-le-moi ; Me conserve-t-il bien sa foi ?

382. (1875) Premiers lundis. Tome III « De la liberté de l’enseignement »

D’éminents prélats ont désiré qu’on remît la discussion à un temps où eux-mêmes en personne pourraient venir, après Pâques, défendre « la foi de leurs diocésains. » Ç’a été l’expression employée. […] La vérité ou ce qu’on appelle de ce nom en matière de foi, chacun se l’attribue à soi exclusivement et la dénie aux autres : à ce compte il n’y aurait jamais lieu qu’à une orthodoxie maîtresse et absolue comme au moyen âge. […] Car de quel droit la déclare-t-on téméraire, sur la foi de je ne sais quelle philosophie ou croyance vague et convenue qui pourrait bien elle-même, si on la serrait de près, passer pour une témérité ? […] Politiquement donc, séparons des ordres aussi divers et aussi distincts ; ne parlons pas à la légère des témérités de la science, car que ne faudrait-il point dire alors de certains articles et dogmes affirmés : par les opposants orthodoxes, si l'on s’en remettait au simple témoignage de la raison et du bon sens non éclairés par la foi ? […] Il n’eut, dès les premiers mots, à faire d’autre profession de foi qu’une profession scientifique.

383. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre troisième. L’esprit et la doctrine. — Chapitre III. Combinaison des deux éléments. »

Même élan de foi, d’espérance et d’enthousiasme, même esprit de propagande et de domination, même raideur et même intolérance, même ambition de refondre l’homme et de modeler toute la vie humaine d’après un type préconçu. […] Non seulement, quand ils livrent leurs croyances au doute méthodique, ils exceptent et mettent à part, comme en un sanctuaire, « les vérités de la foi384 » ; mais encore le dogme qu’ils pensent avoir écarté demeure en leur esprit, efficace et latent, pour les conduire à leur insu, et faire de leur philosophie une préparation ou une confirmation du christianisme385. — En somme, au dix-septième siècle, ce qui fournit les idées mères, c’est la foi, c’est la pratique, c’est l’établissement religieux et politique. […] Nous le recevons dans notre esprit par la foi, et la foi est toujours suspecte. […] Émile , Profession de foi du vicaire savoyard, passim.

384. (1870) La science et la conscience « Chapitre IV : La métaphysique »

Quelle foi et quelle force ne donne pas une pareille doctrine à l’agent de la puissance divine ? […] Rien ne peut arracher cette foi de notre âme. […] Kant avait admis, sur la foi d’une méthode en vogue, que la conscience n’atteint directement que les actes, et que l’induction est nécessaire pour pénétrer au-delà, jusqu’aux facultés de l’être, jusqu’à l’être lui-même. […] Aussi peut-on dire que le sentiment religieux a constamment été en raison du sentiment moral, et quand la foi du croyant a eu besoin d’un commentaire de la parole sainte, où l’a-t-elle cherché ? […] « C’est dans de telles circonstances qu’on voit l’histoire remplacer la philosophie et la morale dans les préoccupations publiques, et l’esprit désabusé de la recherche des vérités rationnelles, doutant même s’il en existe en ce genre, affaibli dans tous ses ressorts d’action par la perte de l’espérance et de la foi, se rejeter de la poursuite ardente de ce qui devrait être dans la considération froide de ce qui a été et de ce qui a dû être.

385. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — N — Ned, Édouard (1873-1949) »

En toute simplicité il dit sa foi, ses douleurs, ses terreurs, ses regrets, ses dégoûts et ses espoirs.

386. (1913) Poètes et critiques

Ce sont les mêmes coutumes féodales, les mêmes façons de guerroyer, la même foi au merveilleux. […] Nous rencontrons aussi la profession de foi, substituant à l’Évangile de Jésus celui de Marc-Aurèle. […] Mais d’autres l’ont connu jeune, vaillant, et à l’époque où cette foi faisait chaque jour des miracles. […] Le flot shakespearien lui-même était trop trouble, trop souillé pour un cœur qu’enivrait enfin l’enchantement des sources mêmes de la foi. […] Le catalogue de sa bibliothèque en fait foi.

387. (1928) Quelques témoignages : hommes et idées. Tome II

Il demeure un scientiste et qui considère que la Foi et la Science sont irréductibles l’une à l’autre. […] Les vers qu’il rimait lui-même à cette époque témoignent que ces dons s’unissaient à la foi profonde. […] L’une, celle de Biran, est en marche vers la foi, mais n’y arrive que sur le soir de sa vie, à travers quel long et douloureux chemin ! […] La Foi, l’Espérance et la Charité. […] Il avait foi dans le bienfait de sa science, comme Poncet dans celui de la sienne.

388. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — B — article » p. 394

Il y a apparence que si elles eussent été connues avant les deux volumes qu’on a faits pour enseigner la maniere de se servir de cette baguette, elles auroient épargné au Public un ridicule Ouvrage, & à certains Lecteurs le ridicule d’y ajouter foi.

389. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre I. La littérature pendant la Révolution et l’Empire — Chapitre IV. Chateaubriand »

Si Bonaparte donc ne fut pas le restaurateur du culte, Chateaubriand ne fut pas le restaurateur de la foi. […] Chateaubriand dérive foyer de foi ; et là-dessus nous fait admirer dans la foi la source de toutes les vertus, de toutes les joies domestiques. […] Il avait cessé de l’être récemment : pour qu’il le redevînt, il y avait plutôt à ranimer qu’à démontrer la foi.

390. (1891) Journal des Goncourt. Tome V (1872-1877) « Année 1877 » pp. 308-348

— Ma foi, non, monsieur, mais nous allons voir. » Renan prend une Bible hébraïque, cherche parmi les préceptes de Moïse, et trouve cette phrase : « Tu ne mangeras… tu ne mangeras pas le lièvre, parce qu’il rumine. » — C’est parfaitement exact… la Bible dit que c’est un ruminant. […] … Alors Flaubert se met à attaquer — toutefois avec des coups, de très grands coups de chapeau, au talent de l’auteur — se met à attaquer les préfaces, les doctrines, les professions de foi naturalistes de Zola. […] Le marié est de la race héroïque, qui a fait passer d’Angleterre en Amérique, l’indépendance de la foi. […] Et je revois cette gentille petite femme d’avocat, — mariée, il n’y avait pas, ma foi, plus de trois mois — qui, toujours en retard, me gardait seul, pour se faire accompagner au bois, à la tendue.

391. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « Michelet » pp. 167-205

Il dit que le siècle présent, le xixe  siècle, est suprêmement un siècle de foi et de certitude. Que Montaigne doutât, il veut bien l’innocenter de son doute, mais Pascal, il le trouve coupable du sien, et il oublie Byron, qui écrivait : « Le doute est le nec plus ultra de la foi humaine », et Chateaubriand, qui ne doutait pas, et qui n’est probablement resté chrétien que par le sentiment de l’honneur, traitant de gentilhomme à Dieu ! […] Comme cela ne lui va pas non plus, de vanter la joie, la grosse joie du bonhomme Luther, qui était, au fond, un sale homme ; de mettre Rabelais — ma foi ! […] — des théâtres du Moyen Âge, qui exaltaient l’amour des choses saintes et resserraient l’union du peuple dans la communauté d’une même foi, et il n’a oublié qu’une seule chose : c’est que le théâtre, au Moyen Âge, avec ses Mystères et ses Légendes, n’était que la conséquence d’un état de sentiments et de mœurs qu’aujourd’hui il faudrait créer pour sauver la France et pour laquelle ni lui, Michelet, ni personne parmi ceux qui se targuent de la régénérer, n’apporte un moyen de salut nouveau, absolu, infaillible, et dont la Libre Pensée puisse dire : « Ceci est à moi, car je l’ai trouvé ! 

392. (1898) L’esprit nouveau dans la vie artistique, sociale et religieuse « I — L’avenir du naturalisme »

Il nous aura suffi de montrer que la doctrine scientifique et philosophique à laquelle Zola s’est pleinement rattaché au début, est actuellement dépassée, et que lui-même, demeurant étroitement fidèle à sa pensée première et s’immobilisant au milieu des idées en marche, se présente à nous maintenant comme l’un des fidèles d’une foi morte ou du moins en pleine décadence, la foi matérialiste. […] Le plus grand des services que rendra la science, ce sera de dégager ce lien des fables, des superstitions qui le recouvrent, et de centupler notre foi. […] Autant je donne mon admiration entière à Zola pour son ardente foi de révolutionnaire, de réaliste et de libre penseur, autant je salue joyeusement son indomptable et âpre désir de vérité, autant je lui reproche d’avoir amoindri l’humanité, d’avoir amputé le monde de la moitié de lui même, d’avoir étriqué de nouveau la vie, d’avoir privé en somme l’univers de son âme lui, le vivant et le robuste, le sincère et le sain à qui semblait réservé un plus vaste rôle.

393. (1896) Écrivains étrangers. Première série

Voici, d’ailleurs, sa profession de foi. […] Aussi bien sommes-nous trop portés à croire, sur la foi des traducteurs, que M.  […] Romanes, abjurant avant de mourir son ancienne foi dans la valeur absolue de la raison et de l’expérience scientifique. […] Steevens, dans la New Review, lui reproche d’avoir admis la foi en Dieu comme une croyance nécessaire. […] Ce n’est pas qu’il fasse payer aux moujiks le pain qu’il leur donne en les forçant à écouter ses professions de foi.

394. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — A — article » pp. 111-112

En ce cas, ses erreurs doivent être regardées comme involontaires & comme une suite presque inévitable de la démangeaison de tout approfondir & de tout commenter en matiere de Foi.

395. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre XXII. Machinations des ennemis de Jésus. »

La foi ne connaît d’autre loi que l’intérêt de ce qu’elle croit le vrai. […] Les autres miracles de Jésus étaient des actes passagers, acceptés spontanément par la foi, grossis par la renommée populaire, et sur lesquels, une fois passés, on ne revenait plus.

396. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre XIII. Mme Swetchine »

Telle était cette Sophie Swetchine qui, dans la hiérarchie des Saints, embrassant comme on le sait, toutes les fonctions et tous les états de la terre, pourrait être, à ce qu’il semble, la patronne des femmes du monde, lesquelles, j’imagine, n’en ont pas eu beaucoup jusqu’ici… C’était l’amabilité, la bonté, la raison pratique, faites saintes et revêtues du calme du ciel… Moraliste chrétienne de bonne humeur, quand les moralistes, même chrétiens, sont plus ou moins moroses, elle introduisit la gaieté dans la foi, qui ne s’y voit guère, et c’est elle qui a pu écrire, en se rappelant son pays : « Je suis avec le bon Dieu comme les femmes russes sont avec leurs maris. […] Il y en a jusque dans sa gaieté, cette gaieté que j’ai dit qu’elle avait introduite dans la foi.

397. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « M. Antoine Campaux » pp. 301-314

… Supposez qu’il cesse d’être un bohème comme on l’était au xve  siècle, donnez-lui une place dans le classement d’un monde où chacun était classé, faites un moine, un soldat, un être quelconque de cette société féodale, qui lut un chef-d’œuvre de hiérarchie, de cet escholier indomptable qui a rompu son ban et qui est devenu un véritable outlaw en plein Paris, — autant, ma foi ! […] Villon a toujours gardé en lui l’amour de sa mère, cet amour qui nous embaume si mélancoliquement la vie quand notre mère n’est plus, la foi ardente du Moyen Âge au Dieu crucifié, le sentiment de l’honneur de la France, et la fidélité dans l’amour, — même dans l’amour coupable et trahi — l’immortelle fidélité des âmes fortes !

398. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « Vauvenargues » pp. 185-198

Si Vauvenargues était revenu aux idées qu’il exprime dans sa Méditation sur la foi, par exemple, Voltaire eût pensé vite comme le Régent. […] Vauvenargues, avec sa Méditation sur la foi et les autres passages de ses écrits que Voltaire appelait des « capucinades », en se priant de les excuser, est un sceptique du xixe  siècle qui a devancé le temps où il aurait dû vivre.

399. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « XV. Vauvenargues »

Si Vauvenargues était revenu aux idées qu’il exprime dans sa Méditation sur la foi, par exemple, Voltaire eût pensé vite comme le Régent. […] Vauvenargues, avec sa Méditation sur la foi, et les autres passages de ses écrits, que Voltaire appelait des « capucinades », en se priant de les excuser, est un sceptique du dix-neuvième siècle qui a devancé le temps où il aurait dû vivre.

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