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1184. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « Mademoiselle de Condé »

Mais sous cette crapule, la passion — la passion hideuse, il est vrai, mais au moins la passion, — existait, tandis que nous ne sommes plus — nous et nos livres — que de la pourriture puant dans de la glace.

1185. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « XV. Vauvenargues »

Vauvenargues fut un de ces favoris qui n’ont d’autre raison pour exister que le bon plaisir de leur maître.

1186. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « XXXII. L’Internelle Consolacion »

Il existe depuis 1441 à peu près, et il est bien probable qu’il vivra autant que le sentiment du christianisme qui l’a inspiré, et que le sentiment de la langue charmante dans laquelle il a été traduit.

1187. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « Mgr Rudesindo Salvado »

Pour ces poèmes héroïques racontés par un vieux croisé comme Joinville, qui revient de la rescousse, ou quelque vieux capucin qui revient du martyre, pour ces dits et gestes rapportés avec des simplesses de cœur inconnues à tous les Naïfs littéraires les plus vrais, à tous les La Fontaine les plus profonds, la critique ne saurait vraiment exister, et elle se désarme dans l’émotion et dans le respect.

1188. (1909) Les œuvres et les hommes. Philosophes et écrivains religieux et politiques. XXV « La Bible Illustrée. Par Gustave Doré »

… Dans l’art de la peinture et du dessin, il faut déjà beaucoup de profondeur dans l’inspiration pour s’affranchir des tyrannies de la mémoire, mais que n’en faut-il pas quand on traite, les unes après les autres, deux cents scènes appartenant à l’histoire du peuple le plus un qui ait jamais existé sur la terre ?

1189. (1909) Les œuvres et les hommes. Philosophes et écrivains religieux et politiques. XXV « Gérard Du Boulan »

chercha toujours dans le xviie  siècle, en digne philosophe, ce qui n’y était pas, a écrit, en style oraculaire, cette phrase, qui, comme tous les oracles, ne signifie pas grand’chose : « Alceste est resté le secret du génie de Molière », et cette phrase, lancée par ce vaste et gesticulant étourdi de Cousin, et dont Gérard du Boulan a fait l’épigraphe de son livre, a probablement donné à cet écrivain, que je ne crois pas très connu encore, l’envie de deviner le secret — qui n’existe pas !

1190. (1906) Les œuvres et les hommes. Poésie et poètes. XXIII « Henri Cantel »

Le monde, le monde sur lequel le poète opère, existait et avait son prix (et son prix éternel) avant d’être pétri par la main du poète, avant d’être animé de son souffle : il vivait, et vivait si bien que le poète n’a qu’augmenté sa vie en lui donnant la sienne, en lui versant, comme une vie nouvelle, sa propre individualité.

1191. (1906) Les œuvres et les hommes. Poésie et poètes. XXIII « Auguste Vacquerie  »

Que suis-je pour la ville à qui tout grand artiste, Célèbre ailleurs, s’en vient demander s’il existe ?

1192. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. J. Autran. Laboureurs et Soldats, — Milianah. »

Ce genre de poésie que M. de Lamartine inaugura en France par son poème de Jocelyn existe depuis longtemps en Angleterre, pays du roman sous toutes les formes, et il exige une expression d’autant plus idéale et plus puissante, que les faits qu’il retrace, les sentiments et les habitudes qu’il reproduit sont plus près de nous.

1193. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « Milton »

À côté des pédants de la Critique, il y a les pédants de la Politique, — une race nouvelle, — il y a les caporaux de la Démocratie, qui donnent, depuis quelque temps, le mot d’ordre contre la Poésie, qui lui refusent le droit d’exister, à cette sublime fille de la tête humaine, et qui la traitent comme une amusette de peuple enfant, comme un polichinelle cassé.

1194. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « Les Mémoires d’une femme de chambre » pp. 309-321

Aussi n’ai-je été nullement surpris quand, arrivé à la dernière page de ces prétendus et impudents Mémoires, j’ai vu que la vraie femme de chambre, en supposant qu’elle existe, n’avait pas écrit et s’était contentée de donner ses notes à un littérateur, mâle ou femelle, qui en avait fait cette belle pièce de littérature !

1195. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre IX. Suite des éloges chez les Grecs. De Xénophon, de Plutarque et de Lucien. »

Aujourd’hui aucun de ces monuments n’existe : mais nous avons un ouvrage plus précieux qui les rassemble tous.

1196. (1903) Le problème de l’avenir latin

Je n’ignore pas qu’il existe à rencontre de cette distinction, apparemment fruste, une multitude de faits ou de théories semblant la contredire. […] Il existe des lois et des principes aussi sûrs pour déterminer la vigueur d’un enfant en dehors bien entendu de ses dispositions héréditaires — que pour produire une plante robuste et belle. […] Ce sont comme les en-têtes des chapitres qui demandent à être construits et développés pour qu’un livre existe. […] Il existe pourtant à cette mainmise de certains peuples sur d’autres peuples une raison supérieure aux individus : une raison, pour ainsi dire, cosmique. […] Vous me direz qu’une Europe où l’élément latin n’existerait plus, serait comme un monde privé de féminité, un monde sèchement et durement viril.

1197. (1905) Études et portraits. Portraits d’écrivains‌ et notes d’esthétique‌. Tome I.

Si Dieu existe, sa loi édictée dans les livres saints donne une règle de justice inattaquable. […] Au cas où nous parierions que Dieu existe et que Dieu ne fût pas, que perdrions-nous ? […] Et si Dieu existe, nous gagnons le paradis, c’est-à-dire tout. Au contraire, Dieu existe et nous parions contre lui. […] Pour cet écrivain, comme pour tous ceux qui ont un style, les mots existent d’une existence de créatures.

1198. (1887) Études critiques sur l’histoire de la littérature française. Troisième série pp. 1-326

— Si le point de départ était moins arbitraire, si le cadre était plus nettement dessiné, s’il existait un lien entre ces lettres, nous aurions là l’esquisse d’un véritable roman de mœurs. […] Il n’y a que cela qui existe pour la noblesse de leur goût. […] On s’est demandé si les héros de Crébillon fils et de Duclos avaient existé quelque autre part ailleurs que dans l’imagination libertine et dépravée de leurs auteurs. […] De 1680 ou 1690, en effet, jusqu’à 1725 ou 1730 environ, ni en France, ni en Angleterre, et bien moins encore sans doute en Allemagne, il n’a existé de réputation littéraire que l’on pût opposer à celle de l’auteur d’Andromaque et de Phèdre. […] Le roman historique existait, puisque, comme nous l’avons fait voir à propos de Gil Blas, le roman de mœurs en était lui-même sorti.

1199. (1925) Dissociations

On peut être bon, sans être naïf et c’est là leur erreur, de ne pas savoir faire la distinction, mais s’ils la faisaient, ils ne seraient pas naïfs, ils n’existeraient pas. […] Comme tout le monde, en 1845, il considérait que la jeune fille n’existait que dans le futur. […] Elles ont dorénavant la prétention d’exister, d’avoir leurs sentiments propres, leur volonté. […] La rue Basse-du-Rempart existait encore avec ses escaliers et sa balustrade en bois, le long de l’actuel Olympia, à ce que je crois, où il y avait un dépôt de voitures ou d’omnibus. […] Cela existe encore en plusieurs langues.

1200. (1896) Le livre des masques

Par rapport à l’homme, sujet pensant, le monde, tout ce qui est extérieur au moi, n’existe que selon l’idée qu’il s’en fait. […] On ne peut comparer un artiste qu’à lui-même, mais il y a profit et justice à noter des dissemblances : nous tâcherons de marquer, non en quoi les « nouveaux venus » se ressemblent, mais en quoi ils diffèrent, c’est-à-dire en quoi ils existent, car être existant, c’est être différent. […] Les jours se sont fanés comme des roses brèves, Mais ton Verbe a créé le mirage où tu vis… et ma beauté, c’est toi qui lui donnes sa forme et son geste ; je suis ton œuvre ; j’existe parce que tu me penses et parce que tu m’évoques. […] Ce même sens de mystiques pouvoirs de l’articulation syllabique l’incite vers des recherches de dénominations aussi étranges que : le Desservant de l’office des Morts, fonction d’église qui n’exista jamais, sinon au monastère de Sainte-Appollodora ; ou, l’Homme-qui-marche-sous-terre, nom que nul Indien ne porta hors des scènes du Nouveau-Monde. […] Apprenez à l’enfant à prier toutes choses : L’abeille de l’esprit compose un miel de jour Sur les vivants ave du rosaire des roses, Chapelet de parfums aux dizaines d’amour… En somme, M. de Montesquiou existe : hortensia bleu, rose verte ou pivoine blanche, il est de ces fleurs qu’on regarde avec curiosité dans un parterre, dont on demande le nom et dont on garde le souvenir.

1201. (1868) Curiosités esthétiques « V. Salon de 1859 » pp. 245-358

D’ailleurs, vous n’y perdrez rien ; car existe-t-il (je me plais à constater que vous êtes en cela de mon avis) quelque chose de plus charmant, de plus fertile et d’une nature plus positivement excitante que le lieu commun ? […] Pour me résumer d’une manière paradoxale, je vous demanderai, à vous et à ceux de mes amis qui sont plus instruits que moi dans l’histoire de l’art, si le goût du bête, le goût du spirituel (qui est la même chose) ont existé de tout temps, si Appartement à louer et autres conceptions alambiquées ont paru dans tous les âges pour soulever le même enthousiasme, si la Venise de Véronèse et de Bassan a été affligée par ces logogriphes, si les yeux de Jules Romain, de Michel-Ange , de Bandinelli, ont été effarés par de semblables monstruosités ; je demande, en un mot, si M.  […] , l’immense classe des artistes, c’est-à-dire des hommes qui se sont voués à l’expression de l’art, peut se diviser en deux camps bien distincts : celui-ci, qui s’appelle lui-même réaliste, mot à double entente et dont le sens n’est pas bien déterminé, et que nous appellerons, pour mieux caractériser son erreur, un positiviste, dit : « Je veux représenter les choses telles qu’elles sont, ou bien qu’elles seraient, en supposant que je n’existe pas. » L’univers sans l’homme. […] Je regrette encore, et j’obéis peut-être à mon insu aux accoutumances de ma jeunesse, le paysage romantique, et même le paysage romanesque qui existait déjà au dix-huitième siècle. […] Je regrette ces grands lacs qui représentent l’immobilité dans le désespoir, les immenses montagnes, escaliers de la planète vers le ciel, d’où tout ce qui paraissait grand paraît petit, les châteaux forts (oui, mon cynisme ira jusque-là), les abbayes crénelées qui se mirent dans les mornes étangs, les ponts gigantesques, les constructions ninivites, habitées par le vertige, et enfin tout ce qu’il faudrait inventer, si tout cela n’existait pas !

1202. (1887) Études littéraires : dix-neuvième siècle

Mais son régiment n’existait plus, la littérature traversait de mauvais jours, et sa famille, noble et réactionnaire, était inquiétée. […] Il semble, à le lire, que le laid et le mal n’existent point. […] En quoi doit consister ce progrès, il ne le sait guère ; et ce qui lui démontre qu’il existe ou existera, il le dit peu. […] Elle n’existe pas chez les classiques. […] Il est, comme disait Gautier de lui-même, un homme pour qui le monde sensible existe, ce qui aux époques de civilisation est assez rare.

1203. (1894) La bataille littéraire. Septième série (1893) pp. -307

Prise d’affolement, dans un mouvement de désespoir inconscient, la victime s’est vengée ; mais elle veut mourir, et c’est la logique d’Hermil, si mal employée pour lui-même, qui la convainc de son innocence, lui démontrant que le crime n’existe pas quand l’âme n’est pas consentante. […] On a beaucoup reproché ces deux adjectifs à Louis-Philippe ; on avait tort, car il avait contre lui et la populace, ennemie de tout ce qui existe, et la bourgeoisie aveugle qui le renversait pour le pleurer le lendemain. […] Il est possible que tout ce que l’on nous a enseigné n’existe pas : il n’en faut pas moins conduire sa vie comme si tout cela existait : dans la crainte d’un châtiment, dans l’attente d’une rémunération ? […] En voilà plus qu’il ne faut pour prouver que des sympathies anciennes existent de la Russie à l’égard de la France ; en dépit des puissances hostiles, cette sympathie s’était hautement manifestée lors des fêtes de Cronstadt, dont il faut lire le récit authentique pour voir que les nôtres n’avaient rien d’exagéré. […] Pour beaucoup, la tendresse paternelle n’existait pas alors, et tout se passait en formules de respect du fils au père et en sévérités hautaines du père au fils.

1204. (1890) Journal des Goncourt. Tome IV (1870-1871) « Année 1870 » pp. 3-176

— c’était la conviction de tout le monde que nous étions héroïques de naissance, — eh bien, ça n’existerait plus ? […] Le passant n’existe plus. […] Je crois qu’il n’existe pas, dans l’histoire diplomatique du monde, un document plus féroce que le Mémorandum de M. de Bismarck. […] Et cette perspective fait dire aux uns que l’exil, c’est la condamnation à mort, ainsi que le comprenaient les Romains, fait dire au cosmopolite Nefftzer que l’exil n’existe pas. […] L’idée d’une capitulation avant que la dernière bouchée de pain ait été mangée, — idée qui n’existait pas hier, — est entrée dans la cervelle du peuple, annonçant aujourd’hui d’avance l’entrée des Prussiens pour un de ces jours.

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