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916. (1894) La bataille littéraire. Sixième série (1891-1892) pp. 1-368

Saint-Simon a merveilleusement dit tout ce qu’il avait sur le cœur, mais de combien d’erreurs passionnées sont remplis ses récits ! […] Ce n’est pas seulement les erreurs françaises sur les habitudes et le tempérament du peuple anglais, que M.  […] L’erreur ne fonde pas ; aucune erreur ne dure très longtemps. […] Le génie joue avec l’erreur, comme l’enfance avec les serpents ; il n’en est pas atteint. […] Le cadavre d’un voleur peut usurper, durant des années, par suite d’une erreur des antiquaires, les honneurs dus aux héros !

917. (1929) Les livres du Temps. Deuxième série pp. 2-509

Mais pour lui ces erreurs ne sont que ridicules et sans conséquence. […] Je note que plusieurs références sont inexactes, par erreur de copie ou faute d’impression ; il y a aussi des erreurs ou des grossissements dans l’interprétation. […] Qu’importent, après cela, quelques écarts ou quelques erreurs de l’homme privé ? […] L’abus du vers blanc dans la prose me paraît une erreur. […] Cela n’a l’air de rien, mais cette erreur si légère détruit l’harmonie et révèle donc une oreille peu exercée, ce qui est grave pour un poète.

918. (1920) Impressions de théâtre. Onzième série

Consentant au plaisir, nous consentons à l’erreur. Mais d’abord nos erreurs sont sans conséquence ; elles ne sont pas liées entre elles ; elles ne portent que sur des cas particuliers ; au lieu que si, d’aventure, M.  […] Or, sauf erreur, ce ne sont point celles-ci les plus nombreuses. […] Et ainsi, lors même qu’il lui arrive de se tromper sur un point, il ne manque pas d’appuyer son erreur sur une quantité de faits adroitement interprétés. Et ces interprétations sont peut-être d’autres erreurs ; mais alors cela fait tout un système d’erreurs si fortement et si logiquement liées entre elles, qu’il faudrait être aussi savant et aussi subtil que M. 

919. (1817) Cours analytique de littérature générale. Tome IV pp. 5-

C’est là l’erreur du génie tudesque : sa hauteur pouvait sans déroger dans la Messiade, descendre à la naïveté sublime de l’évangile : l’extrême simplicité qui l’embellit d’un bout à l’autre, ajoute au merveilleux des paraboles qui en font l’ornement épisodique : par cette seule qualité si rare, les miracles même y sont vraisemblables. […] Ce sont pourtant là des erreurs de Voltaire, que les lois du goût ne garantirent pas de faire un mélange du profane et du sacré, parce que, plus philosophe que poète épique, il savait mieux raisonner sur les mœurs que les peindre. […]     « Potentats, capitaines, princes, « À son abord, frappés d’erreur, « Trônes, républiques, provinces, « L’envisagent avec terreur. […] Nous eussions perdu ces passages où Camoëns et Milton déplorent d’une voix si noble et si attendrissante leurs personnelles infortunes ; car c’est une erreur d’Addison, que d’avoir attribué au seul poète anglais, comme une innovation heureuse, les plaintes qu’il fait sur lui dans son troisième chant. […] On s’aperçoit de cette cause de leurs erreurs, en les écoutant.

920. (1920) Essais de psychologie contemporaine. Tome II

Mais ce serait une erreur de considérer le symbolisme comme une opération artificielle de notre esprit. […] Pour arriver à écrire l’histoire de mœurs d’une façon vraiment indiscutable, ne suffirait-il pas de supprimer cette cause d’erreur, inhérente à la perspective du temps ? […] A mesure que l’homme moderne devient d’une volonté plus chétive, il sent croître son indulgence pour les erreurs et les fautes de la faiblesse. […] C’est là, dans les romans de mœurs composés avec la prose si vibrante des Goncourt et de leurs disciples, le point faible, le paradoxe premier, l’erreur initiale. […] Ses erreurs et ses insuffisances mêmes ont leur intérêt, pourvu qu’elles soient sincères. — Je voudrais tenter un essai de ce genre à l’occasion du grand romancier dont j’ai mis le nom en tête de cette étude.

921. (1888) Études sur le XIXe siècle

En 1851, Holman Hunt avait exposé une scène des Deux gentilshommes de Vérone, et le critique du Times avait accusé d’erreurs dans la perspective et de mauvais dessin : M.  […] Toutefois — et c’est là une erreur qu’ont commise la plupart des écrivains français qui se sont occupés des beaux-arts en Angleterre, — il ne faut point considérer M.  […] Bien d’autres, sans doute, l’ont compris avant lui, en France aussi bien qu’en Angleterre : mais ils ont commis l’erreur de chercher, comme Delacroix par exemple, l’expression dans le mouvement, qui est insaisissable et ne peut être peint. […] Tronconi s’attaque, c’est à la façon dont les devoirs de la maternité sont compris toujours de travers, selon lui ; c’est au sentiment maternel lui-même, qu’il juge dérouté et vicié par les préjugés du monde et par les erreurs de la civilisation. […] S’il a eu le sentiment de cette erreur, il peut pourtant s’en consoler et être bien sûr qu’elle n’est point restée inféconde.

922. (1889) Histoire de la littérature française. Tome III (16e éd.) «  Chapitre treizième.  »

Tous les effets, et j’entends par là toutes les opérations de l’entendement, avec ou sans l’intervention des sens, tous les mouvements des passions, toutes les causes d’erreur, y sont distingués et décrits avec une profondeur d’analyse et une netteté d’expression qui valent mieux que l’invention d’un système de plus, ou que la découverte contestable d’une nouvelle faculté. […] Son bon sens, une foi qui retranchait d’avance de ses méditations tout ce qui dépasse la portée de l’homme, le sauvèrent de la tentation d’ajouter une erreur éclatante et glorieuse à toutes celles qu’a enfantées l’ambition philosophique. […] Parlant de sa condamnation et de la doctrine qui avait triomphé, il dit : « Celui qui errait a prévalu ; celui qui était exempt d’erreur a été écrasé. » Il est vrai qu’il ajoute, comme pour ne pas démentir le mandement de soumission : « Dieu soit béni ! […] Tantôt l’énormité de ses erreurs le révolte ; tantôt les prodigieuses ressources de ce talent lui tirent des paroles d’admiration, qui ne sont pas de vaines atténuations du tort qu’il entend bien lui faire par ses réponses. […] Il n’y a eu ni chute par trop d’ambition, ni mauvaise foi, ni erreur de jugement, ni une volonté libre à qui la passion aurait fait prendre le faux pour le vrai ; il y a eu l’impossible.

923. (1865) La crise philosophique. MM. Taine, Renan, Littré, Vacherot

Toutefois ces erreurs et ces bizarreries ne sont rien auprès de la contradiction radicale qui existe entre une telle définition et la prétendue méthode de l’école positive. […] Le monde est rempli de mal, d’erreur, de désordre, d’imperfection : comment serait-il un Dieu ? […] De même ne puis-je pas concevoir par abstraction un être dégagé des conditions imparfaites qui accompagnent partout l’existence, à savoir, l’espace, le temps, la division, le mal et l’erreur ? […] Il faut éviter en outre une erreur trop fréquente : c’est de vouloir tout embrasser à la fois et d’avoir toujours entre les mains une synthèse universelle. […] « Vous comprenez alors l’erreur, je dirais presque le crime du panthéisme. » (De la métaphysique, etc., t. 

924. (1932) Les deux sources de la morale et de la religion « L’obligation morale »

Lorsque, pour rendre compte de l’obligation, de son essence et de son origine, on pose que l’obéissance au devoir est avant tout un effort sur soi-même, un état de tension ou de contraction, on commet une erreur psychologique qui a vicié beaucoup de théories morales. […] Il semble qu’une erreur du même genre ait été commise par beaucoup de ceux qui ont spéculé sur l’obligation. […] Remarquons que les anciens avaient déjà parlé des illusions de l’amour, mais il s’agissait alors d’erreurs apparentées à celles des sens et qui concernaient la figure de la femme qu’on aime, sa taille, sa démarche, son caractère. […] Erreur qui explique l’échec des morales proprement intellectualistes, c’est-à-dire, en somme, de la plupart des théories philosophiques du devoir. […] L’erreur serait de croire que pression et aspiration morales trouvent leur explication définitive dans la vie sociale considérée comme un simple fait.

925. (1866) Cours familier de littérature. XXI « CXXIe entretien. Conversations de Goethe, par Eckermann (3e partie) » pp. 5-96

VI « Mes ouvrages ne peuvent pas devenir populaires, dit-il un autre soir ; celui qui pense le contraire et qui travaille à les rendre populaires est dans l’erreur. […] « Les erreurs de mes adversaires, a-t-il dit, sont trop généralement répandues depuis un siècle, pour que je puisse espérer trouver quelqu’un qui marche avec moi sur ma route solitaire. […] Je veux seulement faire observer que, pendant cette heure de conversation, j’acquis la plus profonde conviction que c’est une erreur radicale de croire que Goethe n’a pas aimé sa patrie, n’a pas eu le cœur allemand, n’a pas eu foi en notre peuple, n’a pas ressenti l’honneur et la honte, le bonheur et l’infortune de l’Allemagne.

926. (1870) De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés « De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés — Chapitre VII : Instinct »

Mais on tomberait dans une grave erreur si l’on supposait que le plus grand nombre des instincts ont été acquis par habitude, et transmis ensuite héréditairement aux générations suivantes. […] On a vu quel rôle important joue le travail d’excavation dans la construction des cellules ; mais ce serait faire erreur que de supposer les Abeilles incapables d’élever une cloison de cire où il en est besoin, c’est-à-dire dans le plan d’intersection de deux sphères contiguës. […] D’autre part, il est évident, je crois, que les instincts ne sont pas toujours absolument parfaits, mais sont parfois susceptibles d’erreurs ; que nul instinct n’a jamais pour but exclusif le bien d’une espèce différente, mais que chaque animal fait tourner l’instinct des autres espèces à son profit toutes les fois qu’il le peut ; que l’axiome d’histoire naturelle : Natura non facit saltum s’applique aussi parfaitement aux instincts qu’à l’organisation physique ; qu’en outre cet axiome trouve aisément sa raison d’être dans les principes qui forment la base de ma théorie, tandis qu’il demeure inexplicable autrement : tout enfin s’accorde pour prouver la valeur et la vérité de la loi de sélection naturelle.

927. (1922) Durée et simultanéité : à propos de la théorie d’Einstein « Chapitre IV. De la pluralité des temps »

Je dirais qu’au lieu de prémunir le philosophe contre l’erreur vous voulez l’y attirer, si je ne savais l’avantage que vous avez, physicien, à employer le mot simultanéité dans les deux sens : vous rappelez ainsi que la simultanéité savante a commencé par être simultanéité naturelle, et peut toujours le redevenir si la pensée immobilise de nouveau le système. […] Strictement parlant, il devrait s’exprimer ainsi : « Je place l’événement dans l’avenir du lieu P′, mais du moment que je le laisse à l’intérieur de l’intervalle de temps futur équation , que je ne le recule pas plus loin, je n’aurai jamais à me représenter le personnage en N′ comme capable d’apercevoir ce qui se passera en P′ et d’en instruire les habitants du lieu. » Mais sa manière de voir les choses lui fait dire : « L’observateur en N′ a beau posséder, dans son présent, quelque chose de l’avenir du lieu P′, il ne peut pas en prendre connaissance, ni l’influencer ou l’utiliser en aucune manière. » Il ne résultera de là, certes, aucune erreur physique ou mathématique ; mais grande serait l’illusion du philosophe qui prendrait au mot le physicien. […] Tout au plus me reprochera-t-il de croire que j’ai constaté effectivement la constance de la vitesse de la lumière dans toutes les directions : selon lui, je n’affirme cette constance que parce que mes erreurs relatives à la mesure du temps et de l’espace se compensent de manière à donner un résultat semblable au sien.

928. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Discours sur le système et la vie de Vico » pp. -

Admirons la Providence qui permit qu’à une époque où les hommes étaient incapables de discerner le droit, la raison véritable, ils trouvassent dans leur erreur un principe d’ordre et de conduite. […] Me connaissant dès ma première jeunesse, ils se rappellent mes faiblesses et mes erreurs. […] De là les erreurs où je suis tombé dans certaines matières... — Dans la première édition de la Science nouvelle, j’errais, sinon dans la matière, au moins dans l’ordre que je suivais.

929. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « LOUISE LABÉ. » pp. 1-38

Celui-ci faisait en quelque sorte école, une école intermédiaire ; et lorsque Pontus de Thiard qui écrivait dans le Mâconnais, c’est-à-dire dans le rayon ou ressort poétique de Lyon, publiait en 1548 ses Erreurs amoureuses, qui devançaient les débuts de la pléiade à laquelle il allait appartenir, c’est à Maurice Sève qu’il adressait le premier sonnet. […] Ce qui d’ailleurs a le plus nui à Louise Labé, je m’empresse de le reconnaître, et ce qui a pu induire en erreur, ce sont les pièces mêmes de vers à sa louange attachées à ses œuvres.

930. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre cinquième. Le peuple. — Chapitre II. Principale cause de la misère : l’impôt. »

Chaque dimanche et chaque jour de fête, ils se tiennent à la sortie de l’église, avertissant les retardataires ; puis, dans la semaine, ils vont de chaumière en chaumière pour obtenir leur dû. « Communément, ils ne savent point écrire et mènent avec eux un scribe. » Sur les six cent six qui courent dans l’élection de Saint-Flour, il n’y en a pas dix qui puissent lire le papier officiel et signer un acquit ; de là des erreurs et des friponneries sans nombre. […] De fausses déclarations, des baux simulés, des traitements trop favorables accordés à presque tous les riches propriétaires, avaient entraîné des inégalités et des erreurs infinies… La vérification de 4 902 paroisses a démontré que le produit des deux vingtièmes, qui est de 54 millions, devrait monter à 81. » Tel domaine seigneurial qui, d’après son revenu avéré, devrait payer 2 400 livres, n’en paye que 1 216.

931. (1861) Cours familier de littérature. XII « LXIXe entretien. Tacite (2e partie) » pp. 105-184

On verra que je n’apostasie rien que l’erreur dans laquelle je suis une ou deux fois tombé, et quelques expressions mal sonnantes ou mal interprétées par mes nombreux lecteurs ; que j’ai mûri mes idées sur les conditions naturelles du pouvoir ; que j’ai profité de l’expérience et des temps, mais que je suis après ce que j’étais avant, l’homme qui se corrige des moyens sans se détourner du but : la liberté par l’honnêteté, le gouvernement spiritualiste. […] Le mot est malheureux ; mais le spirituel rédacteur ne nous condamne pas à mort, et cette erreur de fait de sa part n’enlève rien de l’estime et de la reconnaissance que nous portons à la rédaction d’un journal libéral partout ailleurs qu’en Italie, pierre d’attente de la liberté, et qui mérite que la liberté l’attende à son tour.

932. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Livre II — Chapitre quatrième »

Le mérite en est si grand qu’il ne saurait être diminué par les erreurs que Du Bellay mêle à ces vues et notamment par le conseil d’imiter les modernes. […] « L’imitation des nostres, dit-il dans la préface de la première édition de ses Odes, m’est tant odieuse, d’autant que la langue est encores en son enfance, que pour cette raison je me suis eslongné d’eux, prenant style à part, sens à part, œuvre à part, ne désirant avoir rien de commun avec une si monstrueuse erreur. » Il attaque les rimeurs, et principalement les courtisans, « qui n’admirent qu’un petit sonnet pétrarquisé ou quelque mignardise d’amour qui continue toujours en son propos ».

933. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Livre II — Chapitre sixième. »

Il dégage sans cesse sa raison de son imagination et de ses passions ; il s’attache à la recherche de ce point milieu, où l’on se trouve enfin soi-même, et d’où l’on juge les autres avec le moins de chances d’erreurs. […] La Bruyère imite visiblement son style ; La Fontaine le médite, Bayle se sert de son doute, comme d’une arme légère, contre les mille erreurs de l’esprit humain.

934. (1881) La psychologie anglaise contemporaine «  M. Georges Lewes — Chapitre II : La Psychologie »

La grande erreur commise jusqu’ici a été, ou bien de ne s’occuper que des données de la conscience et de l’observation interne, comme les métaphysiciens ; ou bien de se borner, comme les biologistes, à combiner les données de l’observation interne avec l’interprétation du phénomène nerveux. […] Mais supposer que ces subordonnes n’ont pas aussi leurs fonctions indépendantes, c’est une erreur.

935. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Alexandre Dumas fils — Chapitre X »

Sa vie est une règle de division, qui arrive à la fin de l’an sans erreur. […] Passe pour Franklin et Fulton — des génies de manufacture ; — mais que Raphaël, Machiavel et Shakespeare aient travaillé en vue du salaire, là est l’erreur et le paradoxe.

936. (1913) La Fontaine « V. Le conteur — le touriste. »

Et ce qu’il y a de charmant dans cette fable, c’est précisément le contraste parfaitement voulu, parfaitement médité et concerté, le contraste entre la jeunesse présomptueuse qui n’accorde même pas au vieillard la liberté, la licence de travailler en quelque sorte à long terme ; et, tout au contraire, cette sorte de méditation du futur qui accompagne le vieillard dans son labeur et qui lui fait dire : Voilà des jeunes gens qui me suppriment dans leur pensée, et moi, c’est à des gens qui ne sont pas encore, c’est à mes arrière-neveux que je songe déjà   Voilà une très jolie leçon de sagesse, tout à fait dans la manière d’Horace en même temps que dans la manière de Virgile, une très jolie leçon de sagesse antique avec quelque chose, je crois, de plus attendri, de plus doux, de plus mouillé de la tendresse moderne et de la tendresse, j’allais dire chrétienne, mais il ne faut pas dire chrétienne, en parlant de La Fontaine, ce serait trop une erreur, enfin d’une tendresse qui avoisine déjà le christianisme et qui en a senti quelque légère influence. […] Stendhal n’est pas très pittoresque, Stendhal a même des erreurs de goût, au point de vue du pittoresque, qui m’ont fait frémir.

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