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1035. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre IV. L’âge moderne. — Chapitre I. Les idées et les œuvres. » pp. 234-333

Pourtant, dit Burns, je suis sûr que c’est un mince plaisir, même pour un diable, d’éreinter et d’échauder les pauvres chiens comme moi et de les entendre piauler. […] Même il a fait des vers orduriers, et lord Byron cite de lui un paquet de lettres, inédites bien entendu, et telles qu’on ne peut rien imaginer de pis ; c’est le trop-plein de la séve qui suintait chez lui et salissait l’écorce. […] Plusieurs fois, devant Dugald Stewart, à Édimbourg, il désapprouva les plaisanteries sceptiques qu’il entendait dans les soupers. […] À trois ans, il criait si haut la ballade de Hardyknute qu’il empêchait le ministre du village, homme doué d’une très-belle voix, d’être entendu et même de s’entendre. […] Ils entendent palpiter le grand cœur de la nature, ils veulent arriver jusqu’à lui, ils tentent toutes les voies spirituelles ou sensibles, celle de la Judée et celle de la Grèce, celle des dogmes consacrés et celle des doctrines proscrites.

1036. (1925) Proses datées

Là, j’entendis Heredia me conter bien des choses de la vie de Leconte de Lisle. […] le beau plaisir que d’entendre converser un Mallarmé et un Bourges. […] A l’entendre, Dumas père domine son siècle. […] J’entends par là qu’ils ont leurs habitudes personnelles, leurs façons particulières. […] Vous le déclarez « le seul qui vous ait paru bien entendu en dedans ».

1037. (1922) Gustave Flaubert

Je ne veux rien t’ôter, entends-tu ? […] Mais quand il se compare lui-même à ce tourneur de ronds de serviette, entendons-le bien. […] Ses yeux me brûlent, j’entends sa voix. […] Il faut s’entendre, quand on dit que Frédéric c’est Flaubert. […] Un jour, j’entendis une voix qui me disait : Travaille !

1038. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Madame de Verdelin  »

Dans l’ordre religieux, ce fut tout un réveil ou plutôt un puissant appel qui s’entendait pour la première fois : on vit ce que la philosophie n’avait su faire, on vit de grands saints, un Jérôme avoir tout un cortège de femmes, de dames illustres, ses sœurs ou filles spirituelles. […] On disait d’elle assez plaisamment que, lorsqu’elle était à la messe, elle riait à Y Introït et entendait malice au Kyrie eleison. […] Il lui écrivait un jour, de Montmorency : « Vous me dites, madame, que vous ne vous êtes pas bien expliquée, pour me faire entendre que je m’explique mal. […] m’a-t-il dit, je voudrais la lui entendre lire. » Ses yeux sont devenus humides, et mes larmes coulaient. » Elle vient de parler de ses forces qui sont à peine revenues : c’est qu’elle avait été malade deux mois durant. […] Il ne dit pas, mais il laisse entendre que Mme de Verdelin pouvait bien avoir été, sinon complice, instrument du moins (à son insu) dans cette conspiration générale tramée par Hume et consorts pour l’enlever et le perdre, sous prétexte de le sauver.

1039. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre XV. La littérature et les arts » pp. 364-405

Mais la poésie, plus encore que la prose, se pique d’être agréable à entendre. […] Au moyen âge, dans les miracles et les mystères, on entend parfois un trio composé d’une basse, d’un baryton et d’un ténor : c’est la Sainte Trinité qui est censée parler. […] Il lui faisait entendre une ariette, un motif quelconque, puis il disait : « Adaptez-moi à cela des mots qui soient dans le sentiment de la phrase musicale, du rythme, et, autant que possible, de la situation dramatique129. » Soumise à des conditions pareilles, obligée de se plier aux caprices du compositeur, la poésie a pu se plaindre souvent d’être sacrifiée, et il n’est pas surprenant qu’elle ait alors rempli sa tâche avec quelque négligence. […] On se figure très bien sous ces voûtes sonores une chanson guerrière déclamée d’une voix tonnante, quelque conte gras et gaillard faisant éclater un gros rire sur de larges faces ; on entend à la rigueur un chant d’amour charmant l’ennui des longues soirées d’hiver où la châtelaine rêve et soupire. […] M. de Talleyrand disait un jour à des personnes que Napoléon Ier avait invitées à une représentation théâtrale : « Messieurs, l’Empereur entend qu’on s’amuse. » — L’Empereur entendait aussi qu’on fût inspiré pour chanter ses exploits ; mais le génie, assez indocile de sa nature, ne répondait pas toujours à l’appel.

1040. (1888) Revue wagnérienne. Tome III « VIII »

Ce besoin d’entendre sa musique devenait aigu. […] C’est la conception même de ses mélodies, laquelle dans son ampleur, sa passion, sa dévorante sensualité est essentiellement italienne ; italienne, j’entends, dans le sens élevé et noble du mot. […] Ce n’est pas ici l’endroit d’examiner cette question d’art national, si importante pour la compréhension de Wagner ; et certes je n’entends pas insinuer qu’il aurait mieux fait de prendre comme base nationale la France, ou l’Italie, ou tel autre pays, car je crois le contraire. […] Le fait que, de temps en temps, le maître nous laisse entendre, au milieu de ces situations, des mots ou des périodes entières avec une clarté parfaite, n’est qu’une preuve à l’appui de ce que j’avance. […] Ernst, qu’il faille négliger les souvenirs personnels de ceux qui ont eu le bonheur d’entendre le maître ; mais nous ne les acceptons que quand, comme ici, ils viennent d’un témoin digne de foi et qu’ils sont datés.

1041. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome II « Querelles générales, ou querelles sur de grands sujets. — Troisième Partie. De la Poësie. — III. Le Poëme épique, ou l’Épopée. » pp. 275-353

Il réfuta son confrère La Barre en présence des mêmes personnes qui l’avoient entendu décharger les poëtes épiques de la règle de la moralité. […] Il fit beaucoup valoir le P. le Bossu ; le donna pour l’homme qui avoit le mieux entendu tout le méchanisme de l’épique, & dont les décisions sur ce point devoient être autant d’oracles. […] Le père entendit cette conversation &, quand elle fut finie, il appella sa fille & lui demanda si elle se sentoit du goût pour l’étude : elle répondit qu’oui. […] Je ne sçais si l’auteur qu’il combat s’est avoué vaincu ; mais, du moins, on n’entendit plus parler ni de l’un ni de l’autre. […] Il se défie moins de l’art de l’auteur : il ne voit, il n’entend que les personnages qui sont en scène, & l’illusion produit tout son effet.

1042. (1926) L’esprit contre la raison

Là s’exprime le plus clairement cette pensée que Crevel entend combattre, une pensée qui justifie selon lui le refuge dans une posture littéraire et prétend éviter la contagion du politique. […] La réception élogieuse d’Anabase en 1924, les articles enthousiastes de Crevel, résonnent sur cet arrière-plan idéologique qu’ils entendent contrer. […] Le génie dans la vie, entendez licence complète. […] J’entends que l’ensemble des combinaisons sociales ne saurait prévaloir contre l’angoisse dont est pétrie notre chair même […]/  On se suicide, dit-on, par amour, par peur, par vérole. […] La phrase anticipe la citation qui suit ; on reconnaît presque mot pour mot: « Nous vivons encore sous le règne de la logique, voilà, bien entendu, à quoi je voulais en venir.

1043. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Madame Dacier. — II. (Fin.) » pp. 495-513

Elle lui opposait une autorité, selon elle, convaincante, celle du délicat et très dédaigneux Alcibiade, qui n’aimait rien que le neuf et qui ne pouvait souffrir d’entendre la même chose deux fois : Cependant cet homme, si ennemi des répétitions, disait-elle, aimait et estimait si fort Homère, qu’un jour, étant entré dans l’école d’un rhéteur, il lui demanda qu’il lui lût quelque partie d’Homère ; et le rhéteur lui ayant répondu qu’il n’avait rien de ce poète, Alcibiade lui donna un grand soufflet. […] Dès l’abord, il avait défini cet esprit de philosophie comme il l’entendait, « une supériorité de raison qui nous fait rapporter chaque chose à ses principes propres et naturels, indépendamment de l’opinion qu’en ont eue les autres hommes ». […] Le père Hardouin partait de ce point que personne jusque-là n’avait entendu le sujet de l’Iliade, qu’il proclamait d’ailleurs le chef-d’œuvre le plus ingénieux de l’esprit humain en son genre ; il venait donc révéler à tous pour la première fois ce sujet tel qu’il se flattait de l’avoir découvert : ce n’était pas du tout la colère d’Achille comme on l’avait cru généralement, mais bien la destruction, selon lui, et l’extinction de la branche d’Ilus, décrite et racontée tout en l’honneur d’Énée qui était de la branche cadette. […] En face de ce colosse d’érudition et de pédantisme, elle fut même relativement légère et spirituelle : Quand je lui ôterai le mérite d’avoir entendu Homère et pénétré l’art de la poésie, disait-elle du docte jésuite, je ne lui ôterai presque rien : il lui reste des richesses infinies : au lieu que moi, si le révérend père m’avait ravi le médiocre avantage d’avoir passablement traduit et expliqué ce poète et démêlé l’art du poème, je n’aurais plus rien ; c’est la seule petite brebis que je possède116 ; je l’ai nourrie avec soin, elle mange de mon pain et boit dans ma coupe : serait-il juste qu’un homme si riche vînt me la ravir ?

1044. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Bossuet. Lettres sur Bossuet à un homme d’État, par M. Poujoulat, 1854. — Portrait de Bossuet, par M. de Lamartine, dans Le Civilisateur, 1854. — II. (Fin.) » pp. 198-216

et il va s’appliquer à y répondre : Mortels grossiers et charnels, nous entendons tout corporellement ; nous voulons toujours des images et des formes matérielles. […] Louis XIV, lorsqu’il entendit pour la première fois Bossuet, le goûta beaucoup et eut envers lui un procédé charmant, bien digne d’un jeune roi qui a encore sa mère : il fit écrire au père de Bossuet, à Metz, pour le féliciter d’avoir un tel fils. […] Rome même entendra sa voix, et un jour cette ville maîtresse se tiendra bien plus honorée d’une lettre du stvle de Paul, adressée à ses citoyens, que de tant de fameuses harangues qu’elle a entendues de son Cicéron.

1045. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Maucroix, l’ami de La Fontaine. Ses Œuvres diverses publiées par M. Louis Paris. » pp. 217-234

Voyez-vous, le corps est si près de l’esprit, on ne saurait quasi les séparer… Voilà du La Fontaine en prose, mais Maucroix ajoutait comme correctif (et il semble tout à fait au ton de sa lettre qu’on l’entend causer) : Mais là, là, voici bien de quoi convaincre toutes celles qui voudraient m’accuser de légèreté. […] Qu’une grave maladie le prenne, comme cela lui arriva à Paris, où il se trouvait au printemps de 1682 en qualité de membre de l’Assemblée du clergé, et voilà tout aussitôt cet homme de société, de gaieté et, jusqu’à un certain point, de plaisir, le voilà tout changé ; il a des regrets, il se repent, il se réconcilie : Je commence à sortir, écrit-il au chanoine Favart, si souvent confident de ses légèretés et de ses jeux ; j’ai été aujourd’hui à la messe, c’est la troisième que j’ai entendue depuis ma maladie mortelle : car, mon enfant, j’ai été mort sûrement ; on ne peut aller plus loin sans toucher au but. […] Si Dieu, qui est le maître, m’eût voulu tirer d’ici, il eût fallu obéir avec toute la soumission dont j’étais capable ; mais je suis assez content de revoir le soleil, même d’entendre les carrosses qui me rompent la tête ; ombre, livres et petits repas consumeront ce qu’il plaira à Dieu qu’il me reste de vie, et un peu de griffonnage45 ! […] S’il avait vécu à Paris, sa plume élégante et qui cherchait des sujets où s’employer, eût peut-être aspiré à l’histoire, l’histoire écrite en beau style et traitée comme on l’entendait alors : « Je me serais hasardé à composer une histoire de quelqu’un de nos rois. » Mais vivant en province, loin des secours et des riches dépôts, il finit par s’accommoder très bien de cet obstacle à un plus grand travail, et sauf quelques heures d’étude facile dans le cabinet, il passa une bonne partie de sa vie à l’ombre dans son jardin, au jeu, aux agréables propos et en légères collations.

1046. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Sylvain Bailly. — II. (Fin.) » pp. 361-379

L’office de président était rude comme il l’a été depuis ; il y avait de longs quarts d’heure de trouble et de tumulte : l’Assemblée n’avait pas encore d’huissiers à ses ordres, et le président en était réduit à sa sonnette : Dans un moment, raconte Bailly, où je n’étais pas entendu, désespéré de ne pouvoir ramener l’ordre et le silence, je m’échappai à dire : « Messieurs, vous me tuerez !  […] La surprise ajoutant à ma timidité naturelle, et devant une grande assemblée, je me levai, balbutiai quelques mots qu’on n’entendit pasn, que je n’entendis pas moi-même, mais que mon trouble, plus encore que ma bouche, rendit expressifs… La députation se rend de là à Notre-Dame ; Bailly, dans son trouble, se voit séparé du gros du cortège ; un électeur, M.  […] [1re éd.] je me levai, je balbutiai quelques mots qu’on n’entendit pas o.

1047. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Préface pour les Maximes de La Rochefoucauld, (Édition elzévirienne de P. Jannet) 1853. » pp. 404-421

C’est, il faut en convenir, un amour-propre très particulier et qui ne ressemble pas à ce qu’on entend communément sous ce nom. […] Il faut leur donner le temps de se faire entendre, et souffrir même qu’ils disent des choses inutiles. Bien loin de les contredire et de les interrompre, on doit, au contraire, entrer dans leur esprit et dans leur goût, montrer qu’on les entend, louer ce qu’ils disent autant qu’il mérite d’être loué, et faire voir que c’est plutôt par choix qu’on les loue que par complaisance. […] Rien ne serait plus sot et plus déplacé ; mais j’ai appris à connaître les hommes en vieillissant, et je crois que le meilleur est de se passer d’eux sans faire l’entendu… Cette rareté de bonnes gens est la honte du genre humain.

1048. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Madame Bovary par M. Gustave Flaubert. » pp. 346-363

L’ombrelle de soie gorge de pigeon, que traversait le soleil, éclairait de reflets mobiles la peau blanche de sa figure : elle souriait là-dessous à la chaleur tiède, et on entendait les gouttes d’eau, une à une, tomber sur la moire tendue. […] Un soir que Rodolphe est venu, rendre visite à Mme Bovary et qu’il s’est installé dans le cabinet aux consultations où personne n’entre à cette heure, on entend du bruit ; Emma lui dit : « As-tu tes pistolets ?  […] — À ton étude. » Le meurtre et même le vol, cette dernière dégradation, voici ce que Mme Bovary irait jusqu’à insinuer à ses amants s’ils étaient hommes à l’entendre. […] C’est bien un livre à lire en sortant d’entendre le dialogue net et acéré d’une comédie d’Alexandre Dumas fils, ou d’applaudir Les Faux Bonshommes, entre deux articles de Taine.

1049. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Correspondance de Lammenais » pp. 22-43

« Il y a un désordre profond dans les esprits ; on ne s’entend sur rien : la société des intelligences est dissoute… Depuis que je suis ici (à Paris), je crois être à Charenton, et pis que cela. » (18 février 1826.) […] Il avait beau les prévenir, ces amis tendres, et leur dire comme à l’oreille : « Peut-être, avant peu, entendrez-vous parler de quelque chose qui fera crier… Il va paraître un petit livre qui vous déplaira fortement. […] Il reçut la visite du libraire, s’entendit avec lui, et partit en me laissant les soins de l’impression : « Vous êtes maître absolu, me dit-il ; vous changerez ce qu’il vous plaira. » C’était là une parole de confiance dont j’entendais bien ne pas user.

1050. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Des prochaines élections de l’Académie. »

L’Académie demeure comme l’unique vestige de l’ancienne société détruite. » C’était gentil à dire et flatteur à entendre ; les applaudissements éclatèrent : le malheur est que c’est parfaitement inexact et faux. […] J’entends prononcer aussi le nom de M.  […] Je suppose que le suffrage de tous les gens de lettres assemblés (j’ai la faiblesse de croire assez au suffrage de tous en pareil cas) eût à prononcer pour lui désigner un successeur, — je mets hors de cause, bien entendu, les auteurs dramatiques, membres déjà de l’Académie, qui choisirait-on ? […] Lacordaire fut mort depuis près d’une semaine, et que la première émotion de cette triste nouvelle fût passée, l’Académie, assemblée un jeudi, — le premier jeudi depuis qu’on avait reçu la lettre de faire part, — leva incontinent sa séance, après cette lettre entendue.

1051. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Le Poëme des champs par M. Calemard de Lafayette. »

Hier, lorsque tu étais assise avec moi sur la pierre, que le vent dans la cime des pins nous faisait entendre le bruit de la mer, prêt à succomber d’amour et de mélancolie, je me disais : Ma main est-elle assez légère pour caresser cette blonde chevelure ? […] Souviens-toi seulement des accents passionnés que je te fis entendre, et quand tu aimeras un jour un beau jeune homme, demande-toi s’il te parle comme je te parlais et si sa puissance d’aimer approcha jamais de la mienne. […] Lerambert j’aurais bien plutôt à représenter qu’après avoir souffert il ne suffit pas de chanter purement, mélodieusement, avec sensibilité et avec goût, qu’il faut encore, pour être entendu, hausser le ton et le pousser même jusqu’au cri. […] Mais, parmi les roseaux, On entend respirer un fleuve dont les eaux Pleines de reflets d’or coulent presque sans ride.

1052. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Journal de la santé du roi Louis XIV »

Cet investigateur curieux et fin, et qui de plus est, je le crois, docteur en médecine, n’a pu résister au désir de produire un Journal aussi instructif en son genre que celui dont la Bibliothèque de Versailles avait une copie ; mais il a bien entendu être sérieux, rester historique, ne pas nuire à la mémoire d’un roi glorieux et national. […] Je l’ai entendu de mes oreilles : tant ce ministre, d’ailleurs excellent homme, mais archi-monarchique d’esprit et d’affiche, tenait mordicus pour ce qu’il croyait de l’honneur de Louis XV ! […] Un simple bourgeois aujourd’hui vit mieux, se soigne mieux, s’entend mieux au bien-être que Louis XIV dans toute sa pompe. […] Ceux qui, il y a cinquante ans, avaient l’honneur de visiter le matin le prince Cambacérès et de l’entendre sur le chapitre de sa santé, n’étaient pas plus au fait de toutes les conséquences laborieuses de ses digestions, que nous ne le sommes aujourd’hui des suites des copieux soupers de Louis XIV.

1053. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Le Mystère du Siège d’Orléans ou Jeanne d’Arc, et à ce propos de l’ancien théâtre français (suite.) »

Quand je parle de beauté, je m’entends, et je m’adresse à ceux qui savent de quoi il s’agit, lorsqu’ils prononcent ce mot. […] Il faut absolument, s’entendre au préalable là-dessus. […] Un des docteurs le croit, un autre en doute ; on discute, on ne s’entend pas. […] Mais ce que je nie, même après le plaidoyer de MM. les frères Paris, c’est que l’art ait passé par là, par le travail de l’auteur : il n’y a là dedans qu’un talent de faiseur, une certaine habileté incontestable, et tout à fait comparable à celle d’un de nos dramaturges du boulevard, entendus et rompus au métier.

1054. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Mémoire de Foucault. Intendant sous Louis XIV »

« M. de Cazaux, après avoir entendu patiemment et paisiblement M. de Lescar, se leva en pied, et, après l’avoir remercié des égards qu’il avait eus pour lui et de ses prudents et charitables avis, il lui promettait de renvoyer cette fille à son père, pourvu qu’il s’engageât par serment, devant la Compagnie, de ne la point prendre pour lui. […] Je leur fis entendre en latin que nous venions les visiter, par ordre du roi, comme ses sujets, et pour leur offrir toute protection ; qu’ils avaient pour fondateur un roi de France, et qu’ils n’avaient aucun sujet de rien appréhender pour notre venue. […] Ce bon sous-prieur fit garde toute la nuit à la porte de la chambre où je couchais, qui était la sienne, et où apparemment il avait son trésor. » Le lendemain, après avoir entendu la messe dans l’église de cette abbaye à la Rabelais, où se voyaient les armes de Roland, on se mit en marche dès sept heures du matin pour rentrer en France ; on prit un autre chemin qu’en allant et où il n’y avait pas de neige : « Tous les soldats étaient chargés de jambons et de barricots de vin, que leurs hôtes leur avaient donnés, car c’est le pays des jambons ; et je ne reçus aucune plainte d’exactions des soldats. » Foucault ne manque pas d’écrire aussitôt à M. de Louvois pour rendre compte de l’expédition et assurer le roi du zèle de ses sujets de par-delà les Pyrénées, et de la bonne volonté des Navarrais espagnols à rentrer sous son obéissance comme étant leur prince légitime, successeur de Charlemagne. […] Il en dit plus qu’il n’en disait au roi, et le restant du sous entendu se laisse très-aisément deviner.

1055. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Histoire de la littérature anglaise par M. Taine. »

Le professeur en était quitte, toutes plaidoiries entendues, pour donner un résumé des débats, comme fait au Palais le président. […] Je parle, bien entendu, dans la supposition, qui est la vraie, que le cadre de la civilisation ne sera pas entièrement changé, que la tradition ne sera pas brisée tout entière, et qu’il y aura lieu, même dans des sociétés assez différentes, aux mêmes formes essentielles des esprits. […] Cela prouverait seulement qu’il faut beaucoup rabattre des écrits, et que lorsqu’on dit et qu’on répète que la littérature est l’expression de la société, il convient de ne l’entendre qu’avec bien des précautions et des réserves. […] Taine m’écrit à ce sujet que je l’ai fait trop savant en ce qui est des mathématiques : « J’ai à peine touché les mathématiques ; je n’ai fait qu’effleurer l’analyse : j’en entends l’idée et la marche, voilà tout. » Ses études se sont presque toutes concentrées autour de la psychologie, et c’est pourquoi il dut s’appliquer principalement à la physiologie humaine et comparée.

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