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1549. (1926) La poésie de Stéphane Mallarmé. Étude littéraire

Si l’art est l’homme ajouté à la nature, on est, quand on prétend faire à la nature un enfant, mal venu à se reconnaître impuissant. […] Il y a chez lui, comme chez Verlaine ou Rimbaud, une sensibilité d’enfant, originale, un jour lavé de création. […] A Madame de Staël lui demandant quelle sorte de femme il préférait, Napoléon répondit : Celle qui fait le plus d’enfants. […] Et voilà la Muse qui produira beaucoup d’enfants et qui de tous points se place à l’opposé du Narcisse mallarméen et symboliste. […] Extrais-toi de la geôle du monde, enfant des prisonniers.

1550. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Alfred de Vigny. »

« Nous avons élevé cet enfant pour le roi », écrivait sa mère au ministre de la guerre en 1814 ; elle demandait l’admission de son fils dans les gendarmes de la Maison rouge ; il y entra avec brevet de lieutenant le 1er juin 1814, à l’âge de dix-sept ans. […] La pauvre enfant était loin de prévoir qu’une rêverie si douce lui coûterait des larmes ; mais cette rêverie s’emparait de sa vie. […] Le Christ demande à son père le prix de sa venue : il pose les éternels problèmes du bien et du mal, de la vérité et du doute, de la vie et de la mort, de la Providence et du Hasard, tous les pourquoi possibles, en philosophie naturelle, en philosophie morale, en politique : Et si les nations sont des femmes guidées Par les étoiles d’or des divines idées, Ou de folles enfants sans lampe dans la nuit, Se heurtant et pleurant, et que rien ne conduit ? […] Toujours voir serpenter la vipère dorée Qui se traîne en sa fange et s’y croit ignorée ; Toujours ce compagnon dont le cœur n’est pas sûr, La Femme, enfant malade et douze fois impur !

1551. (1858) Cours familier de littérature. VI « XXXIe entretien. Vie et œuvres de Pétrarque » pp. 2-79

Ermessende de Noves, veuve d’Audibert, fut tutrice de ses trois enfants ; elle accorda la main de Laure, encore enfant, à Hugues de Sades, gentilhomme d’une famille illustre et sénatoriale d’Avignon ; le contrat de mariage, retrouvé aussi, est daté de Noves, 16 janvier 1325, dans l’église de Notre-Dame. […] La voilà vérifiée la prédiction de ce poète qui disait : Rome a perdu la douce consolation, dans son malheur, de ne reconnaître point de rois, et de n’obéir qu’à ses enfants. […] Rome était bloquée par ses propres enfants.

1552. (1860) Cours familier de littérature. IX « LIIIe entretien. Littérature politique. Machiavel (2e partie) » pp. 321-414

Ce serviteur des serviteurs de Dieu imprime d’avance un respect surnaturel aux barbares ; ils fléchiront d’autant plus le genou devant lui qu’ils le trouveront pauvre et désarmé ; ils verront un Dieu dans ce vieillard bénissant tout le monde au nom d’un maître supérieur aux vicissitudes des empires ; il nommera ces barbares ses enfants, et ces barbares verront dans ce vieillard leur père ; ils se convertiront peu à peu à une foi qui leur laisse posséder le monde, qui n’a que des armées d’anges, et qui n’a d’ambition qu’au ciel ; ils lui concéderont sur la capitale de l’Italie, que ce vieillard habite, un empire des ruines ; ils y laisseront éclore lentement l’œuf du christianisme couvé par les barbares dans le nid abandonné de l’aigle romaine. […] Par le dernier de ces traités, la Toscane, où le dernier des Médicis allait s’éteindre sans enfants, fut dévolue à la maison d’Autriche dans la personne de François duc de Lorraine, futur empereur et époux de l’immortelle Marie-Thérèse. […] Ce jeune prince, issu d’une branche indirecte de la maison de Savoie, avait été appelé à l’hérédité du trône par le vieux roi Victor-Emmanuel, sans enfants. Le frère du vieux roi, le duc de Génevois, sans enfants aussi, avait acquiescé à cette adoption.

1553. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome second — Livre cinquième. Principales idées-forces, leur genèse et leur influence — Chapitre cinquième. Genèse et action des principes d’identité et de raison suffisante. — Origines de notre structure intellectuelle »

Quand l’enfant, par exemple, éprouve une douleur, il veut la faire cesser : c’est la loi fondamentale de la volonté même. Pour cela, l’enfant fait au hasard une multitude de mouvements ; parmi ces mouvements, il en est qui le soulagent et qui, par la, se détachant de l’ensemble, fixent son attention, arrêtent sa volonté. […] L’enfant ne peut juger que d’après soi ; il est inévitable qu’il attribue aux objets quelque chose d’analogue à lui-même et, en particulier, à sa pensée lorsqu’elle fonctionne, c’est-à-dire lorsqu’elle raisonne. […] Quand l’enfant pense que le marteau est cause de la cassure d’une pierre, il projette dans le marteau quelque chose d’analogue à ce dont il a l’expérience quand il agit, dans la pierre quelque chose d’analogue à ce dont il a l’expérience quand il pâtit.

1554. (1856) Cours familier de littérature. II « XIIe entretien » pp. 429-507

Leurs troupeaux sont multipliés ; leurs petits enfants sortent de leurs tentes comme un troupeau, et leurs enfants se réjouissent en voyant leurs jeux. […] « Qui a renfermé la mer en ses digues, quand elle rompait ses liens comme l’enfant qui sort du sein de sa mère, « Lorsque je l’enveloppai des nuées comme d’un vêtement, et que je l’entourai des ténèbres comme des langes de l’enfance ? […] « Il envisage tout ce qu’il y a de superbe ; il est le roi de tous les enfants d’orgueil. » Job, répondant alors au Seigneur, dit : « Je sais que vous pouvez tout, et aucune pensée ne vous est cachée.

1555. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Chateaubriand. Anniversaire du Génie du christianisme. » pp. 74-90

Ma mère, après avoir été jetée à soixante-douze ans dans des cachots, où elle vit périr une partie de ses enfants, expira dans un lieu obscur, sur un grabat où ses malheurs l’avaient reléguée. […] Sous forme indirecte et à la troisième personne, il raconte sa propre vie en Angleterre, sa fuite ces jours-là loin des jardins publics, loin des promenades fréquentées, sa recherche des sentiers solitaires ; il nous initie aux plus humbles consolations de sa vie misérable, comme ferait un enfant du peuple, un Werther et un René des faubourgs2 : Lorsque la brune commence à confondre les objets, notre infortuné, dit-il, s’aventure hors de sa retraite, et, traversant en bâte les lieux fréquentés, il gagne quelque chemin solitaire où il puisse errer en liberté.

1556. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Léopold Robert. Sa Vie, ses Œuvres et sa Correspondance, par M. F. Feuillet de Conches. — I. » pp. 409-426

On amena à Rome plus de deux cents habitants, hommes, femmes, enfants, tous plus ou moins brigands et complices. […] Je vis extrêmement retiré, j’ai la société de mon frère qui est un bon enfant, nous sommes heureux de notre vie tranquille : tant il est vrai qu’il n’y a que la vertu qui donne ce calme, ce bien-être qui est trop peu connu !

1557. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Journal du marquis de Dangeau — II » pp. 18-35

Cela paraissait tout simple et au roi et aux courtisans, et à Dangeau qui enregistre ces succès avec une parfaite bonne foi, de telle sorte que lorsqu’il écrit dans son journal, à la date du 19 octobre de cette année 1685 : « Outre la cassation de l’Édit de Nantes de 1598, on casse l’édit de Nîmes de 1629, et tous les édits et déclarations donnés en faveur de ceux de la religion prétendue réformée ; ordre à tous les ministres de sortir du royaume dans quinze jours ; les enfants qui naîtront seront baptisés et élevés dans la religion catholique, etc., etc. » ; et que lorsqu’à la date du 22, il ajoute : « Ce jour-là on enregistra dans tout le royaume la cassation de l’Édit de Nantes, et l’on commença à raser tous les temples qui restaient » ; en prenant note de ces actes considérables, il semble ne faire que constater un fait accompli et que rendre compte d’une formalité dernière. […] On fait revenir les enfants à Paris, et ils seront élevés dans notre religion. » — « Samedi 26. — Le roi monta en calèche au sortir de la messe, et alla avec les dames voir voler ses oiseaux. » Ce vol des oiseaux, disons-le en passant, était une grande affaire et un des plaisirs ordinaires du roi.

1558. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Charron — I » pp. 236-253

Pierre Charron (ou le Charron) dont l’ouvrage le plus connu, le livre De la sagesse, ne parut qu’en 1601, naquit en plein xvie  siècle, en 1541, à Paris, d’un père libraire, qui n’eut pas moins de vingt-cinq enfants. […] Ce qui est certain, c’est qu’en 1589, après avoir prêché le carême à Angers, et un carême très vif38, Charron retourna à Bordeauxk, où, dit-on, il prit connaissance et vécut fort familièrement avec messire Michel de Montaigne, chevalier de l’ordre du roi, auteur du livre intitulé les Essais, duquel il faisait un merveilleux cas ; et le sieur de Montaigne l’aimait d’une affection réciproque, et avant de mourir (ce qui eut lieu trois ans après), par son testament il lui permit de porter après son décès les pleines armes de sa noble famille, parce qu’il ne laissait aucun enfant mâle.

1559. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Santeul ou de la poésie latine sous Louis XIV, par M. Montalant-Bougleux, 1 vol. in-12. Paris, 1855. — II » pp. 39-56

La Bruyère, chargé de raccommoder ces petites déchirures, écrivait à Santeul, ou le chapitrait quelquefois dans l’embrasure d’une croisée ; mais Santeul était difficile à former, et il fallait toujours en revenir sur son compte à cette conclusion du grand moraliste et du censeur amical, qui lui disait : « Je vous ai fort bien défini la première fois : vous êtes le plus beau génie du monde et la plus fertile imagination qu’il soit possible de concevoir ; mais pour les moeurs et les manières, vous êtes un enfant de douze ans et demi. » Cette insigne faveur de Santeul à Chantilly faisait grand bruit dans la rue Saint-Jacques et ailleurs, et ne laissait pas de donner quelque jalousie : « Santeul est fier, Santeul nous néglige depuis que des altesses lui font la cour ; il ne daigne plus venir même à Bâville, il ne s’abaisse plus jusqu’à nous. » Ainsi disait-on en bien des lieux. […] On lui fit des obsèques solennelles ; toute la Bourgogne se mit en frais pour l’ensevelir avec honneur et lui payer les tributs funèbres en vers et en prose comme à l’un de ses enfants ; mais Saint-Victor revendiqua ses dépouilles.

1560. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Sénecé ou un poète agréable. » pp. 280-297

Le gros de la troupe, qui n’a pas suivi ces enfants perdus, après avoir tenu conseil, se résout, sur la proposition de Catulle, à prendre Virgile pour guide. […] Il est extrêmement rapide… Et voilà les ingéniosités quintessenciées et glaciales que Sénecé met dans la bouche de Virgile, en prétendant que rien ne ressemble plus au siècle d’Auguste que celui de Louis XIV ; c’est du Scudéry tout pur, c’est la carte du royaume de Tendre transportée dans la description du goût. — Et puis, quand on est embarqué sur le fleuve d’Imagination, l’arrivée à l’endroit nommé le Péage des critiques, la garde qu’y font les capitaines Scaliger, Vossius et autres, les « petits bateaux couverts qu’on appelle métaphores », et dont quelques-uns échappent à grand-peine à ces terribles douaniers ; et plus loin, quand on a pénétré dans le cabinet du Bon Goût, l’attitude et l’accoutrement baroque de ce bon seigneur qui m’a tout l’air d’être fort goutteux, appuyé d’un côté sur la Vérité et de l’autre sur la Raison, qui, tenant chacune un éventail, lui chassent de grosses mouches de devant les yeux (ces mouches sont les Préjugés) : les deux jeunes enfants qui sont à ses pieds, aux pieds du seigneur Bon Goût, et qui le tirent chacun tant qu’ils peuvent par un pan de son habit, l’un, un petit garçon toujours inquiet et remuant, nommé l’Usage : l’autre, une petite fille toujours fixe et assise, une vraie poupée nommée l’Habitude, que vous dirai-je de plus ?

1561. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Correspondance de Lammenais » pp. 22-43

Nous ouvrons le livre, et dès l’abord ceux qui ne connaissent que le Lamennais des derniers temps sont comme transportés aux antipodes : on a un Lamennais tendre, gai, enfant, innocent, tout occupé du petit troupeau spirituel qui se rangeait autour de l’abbé Carron, et badinant avec un peu moins de légèreté que Saint-François de Sales, mais avec la même allégresse ; un Lamennais parlant du bon Dieu, de la sainte Vierge, et disant en toute naïveté : « Les Feuillantines sont ma pensée habituelle. — Mon cœur, ma vie est aux Feuillantines ; je me trouve partout ailleurs étranger. » Qu’il y a loin de là au Lamennais qu’on a vu siéger, silencieux et le front plissé, à la Montagne ! […] L’avenir ne le reniera pas ; sa dernière forme, dégagée de quelques violences qui de loin, déjà, nous font seulement sourire, prévaudra dans la mémoire ; son dernier geste, dès qu’on veut bien oublier l’énergumène ou l’enfant colère, est d’un ami touché de tendresse jusqu’au fond de l’âme pour ceux qui viendront.

1562. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Madame de Staël. Coppet et Weimar, par l’auteur des Souvenirs de Mme Récamier »

Mme de Staël se l’était attaché à titre de précepteur de ses enfants ; mais Schlegel, qui avait ses travers, affectait devant le monde de n’être auprès d’elle que sur le pied d’un ami. « Schlegel, écrivait-elle dans un moment d’épanchement, a des défauts qui me cachent quelquefois ses vertus. » Témoin journalier de l’humeur et même des ridicules de Schlegel (car il en avait qui sautaient aux yeux), Bonstetten disait plus gaiement et en y mettant moins de façon : « Les jours où Schlegel n’est pas gentil, il est impitoyablement fouetté, et le plus joli, c’est que Mme de Staël se charge elle-même de la punition ; alors elle a trois fois plus d’esprit. » Quoi qu’il en ait pu être de ces petites querelles amusantes, Schlegel lui fut, pendant des années, du plus grand usage par ses qualités, par son savoir ingénieux et profond. […] Je me sens un obstacle à tout bien pour mes enfants et pour mes amis.

1563. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Études de politique et de philosophie religieuse, par M. Adolphe Guéroult. »

Si je suis homme d’industrie ou de commerce, que j’habite une rue du centre, que j’aie une famille, des enfants qui aient besoin d’air et de soleil, je puis, sous le plus beau gouvernement de discussion et de discours pour ou contre, n’avoir pas la liberté de leur procurer un jardin, une promenade salubre à portée de chez moi ; j’ai au contraire cette liberté, si j’habite en 1863 près de la Tour-Saint-Jacques où l’on a créé pour les habitants du quartier un commode et riant jardin déjà plein d’ombrage. […] Un peuple sobre, rangé, laborieux, instruit, pourra supporter une dose de liberté plus grande qu’un autre moins richement doué sous ce rapport, de même qu’un homme peut user sans inconvénient d’une liberté qui serait funeste à un enfant.

1564. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Œuvres de M. P. Lebrun, de l’Académie française. »

Vivront-ils les enfants de ce long hyménée ? […] André Lefèvre, un enfant aussi de Provins et de la Voulsie.

1565. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Anthologie grecque traduite pour la première fois en français, et de la question des anciens et des modernes, (suite et fin.) »

J’accorde tout à fait que, « dès qu’on ouvre Homère, on se sent transporté dans le monde de l’instinct » ; qu’on sent qu’on a affaire à des passions du monde enfant ou adolescent ; que lorsqu’on se laisser aller au courant de ces poèmes, « c’est moins encore telle ou telle scène qui nous émeut, que le ton général et, en quelque sorte, l’air qu’on y respire et qui nous enivre. » J’accorde que « les descriptions d’Homère n’étant que des copies des impressions les plus générales, nous nous trouvons en face de ces descriptions dans la même situation qu’en face de la nature », c’est-à-dire d’un objet et d’un spectacle inépuisable : « Il est dès lors facile de comprendre pourquoi on peut toujours relire Homère sans se lasser. […] on l’ignore, mais sans doute le plus fort et le plus beau des enfants de la lumière, prend possession de cette terre bénie qui fut depuis la Grèce.

1566. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Histoire de la littérature anglaise par M. Taine. »

Ces Ardennes, en effet, puissantes et vastes, ce grand lambeau subsistant des antiques forêts primitives, ces collines et ces vallées boisées qui recommencent sans cesse et où l’on ne redescend que pour remonter ensuite comme perdu dans l’uniformité de leurs plis, ces grands aspects mornes, tristes, pleins d’une vigueur majestueuse, ont-ils contribué en effet à remplir, à meubler de bonne heure l’imagination du jeune et grave enfant ? […] Son grand-père était sous-préfet à Rocroi, en 1814-1815, sous la première Restauration ; son père, avoué de profession, aimait par goût les études ; il fut le premier maître de son fils et lui apprit le latin : un oncle revenu d’Amérique lui apprenait l’anglais en le tenant tout enfant sur ses genoux.

1567. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Entretiens sur l’histoire, — Antiquité et Moyen Âge — Par M. J. Zeller. (Suite et fin.) »

Assujettir le corps aux exercices qui fortifient aussi l’âme, ne point le dépouiller de ses vêtements en présence des astres du jour ou de la nuit, n’y jamais introduire d’aliments impurs, le tenir toujours exempt de toute souillure, surtout ne pécher « ni par pensée, ni par parole, ni par action » ; pratiquer le repentir après la chute ; élever ses enfants ; ressembler, en un mot, à son bon Génie ou Fervers, type et représentation idéale de chacun, telle est la prière que le Persan adresse à Ormuz, « qui est toute pureté et toute lumière, esprit universel et source de toute vie. » Toujours, chez M.  […] Rêves d’enfants !

1568. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre II. Les formes d’art — Chapitre IV. Le roman »

Il est d’usage de louer l’invention du caractère de Gil Blas : ce garçon qui est si peu héros de roman, bon enfant, sans malice, sans délicatesse, sans bravoure, mais admirablement résistant par le manque même de profondeur, qui ne prend jamais la vie au tragique, qui se relève et se console si vite de toutes ses disgrâces, toujours tourné vers l’avenir, jamais vers le passé, toujours en action, jamais rêveur ni contemplatif, que l’expérience mène rudement de la vanité puérile à l’égoïsme calculateur, et qui finit par s’élever assez tard à une solide encore qu’un peu grosse moralité ; ce personnage-là, dit-on, c’est notre moyenne humanité. […] Comme Gil Blas, Marianne et Jacob sont chargés de nous montrer les milieux qu’ils traversent, l’une d’enfant trouvée devenant demoiselle de boutique, mise au couvent, lancée dans le monde, s’acheminant à un riche mariage ; l’autre, de laquais s’élevant à la condition de fermier général.

1569. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre I. La littérature pendant la Révolution et l’Empire — Chapitre II. L’éloquence politique »

Pour son malheur, il eut affaire au père le plus absolu, le plus pénétré des droits de son autorité paternelle, qui se soit jamais rencontré : dès les premières résistances de l’enfant, le marquis s’irrita et voulut le briser rudement. […] Biographie : Mirabeau (1749-1791) fut mis par son père chez l’abbé Choquard qui tenait une pension pour les enfants indisciplinés ; sous-lieutenant à Saintes, il est emprisonné à l’île de Ré par lettre de cachet pour dettes et intrigues amoureuses ; de là envoyé en Corse, puis marié en Provence (1772), interdit pour dettes, incarcéré an château d’If pour voies de fait sur un gentilhomme qui a insulté sa sœur et ne veut pas se battre ; d’If, on le transfère au fort de Joux, d’où il s’évade, et fuit avec Mme de Monnier.

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