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16. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Du génie critique et de Bayle »

Du génie critique et de Bayle La critique s’appliquant à tout, il y en a de diverses sortes selon les objets qu’elle embrasse et qu’elle poursuit ; il y a la critique historique, littéraire, grammaticale et philologique, etc. […] Quoi qu’il en soit, le génie critique, dans tout ce qu’il a de mobile, de libre et de divers, y a grandi et s’est révélé. […] Cette distraction limite le génie critique. […] Voltaire avait de plus son fanatisme philosophique, sa passion, qui faussait sa critique. […] Il n’avait besoin de se relire que pour la clarté et la netteté du sens : heureux critique !

17. (1895) Les œuvres et les hommes. Journalistes et polémistes, chroniqueurs et pamphlétaires. XV « Xavier Aubryet » pp. 117-145

Hope dans l’ordre de la critique littéraire : c’est, en un mot, un esprit généralisateur. […] la critique s’est reposée, comme Dieu quand il eut créé l’univers. […] J’ai dit que c’était un critique d’art en même temps qu’un critique en littérature. […] Et voilà ma critique sur la critique de Xavier Aubryet. […] Aubryet, qui n’est pas encore le critique qu’il sera, est déjà le poète qui doit le doubler ; mais pour un critique futur, c’est dangereux d’être actuellement un tel poète.

18. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « M. CHARLES MAGNIN (Causeries et Méditations historiques et littéraires.) » pp. 387-414

En un mot, chaque critique de cette génération lie sa gerbe et fait son livre. […] La critique est pour eux un prélude ou une fin, une manière d’essai ou un pisaller. […] Magnin, et c’est un point par lequel il se distingue de plus d’un de ses confrères en critique. […] Et puis la place faite, le passage ouvert, les critiques mis en avant ont été laissés là. […] Dictionnaire philosophique, article Critique.

19. (1906) Les œuvres et les hommes. Poésie et poètes. XXIII « Charles Monselet »

Et lorsque je dis : la Critique, n’entendez pas telle ou telle critique injuste, improbe, malavisée ; non ! mais la Critique, quelle qu’elle soit. […] « J’aimerais mieux — écrivait dernièrement à un critique de profession un de ces esprits systématiquement gendarmés contre la Critique — faire un petit roman payé mille francs que de la Critique à dix mille francs par an dans vos journaux  », et si cette phrase exprimait plus qu’un goût personnel, c’est-à-dire une insignifiance, c’était tout simplement une sottise ! […] Et les plus grands inventeurs eux-mêmes qui aient vécu dans les temps modernes, c’est-à-dire à l’époque de la Critique par excellence : Goethe, Walter Scott, Chateaubriand, Balzac, n’ont pas dédaigné d’être des critiques ; et ils savaient qu’ils doublaient leur gloire en l’étant au même degré qu’ils avaient été des inventeurs ! […] La Critique devrait alors lui en donner.

20. (1896) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Sixième série « En guise de préface »

Il traite avec moquerie les critiques qui parlent trop d’eux-mêmes, et qui à cause de cela ne seront jamais que de « jeunes critiques ». […] Ce n’est pas de la critique ? […] J’admire de bon coeur la majesté d’une telle critique. […] Or, il ne se trompe point, sans doute : mais enfin qui le jurerait  Et ne dites pas non plus que la critique personnelle, la critique impressionniste, la critique voluptueuse, comme vous voudrez l’appeler, est bien pauvre vraiment et bien mesquine comparée à l’autre critique, à celle qui fait entrer le ressouvenir des siècles dans chacune de ses appréciations. […] Et ainsi il n’y a pas de « critique individualiste ».

21. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « Sainte-Beuve » pp. 43-79

Évidemment le critique, à son tour femme aussi, mais trop femme, a pris les perles pour le front. […] Il a fait toute sa vie ou voulu faire de la critique, mais ce n’était pas un critique. […] Mais il n’était rien de plus, et quoique cela fût, cela n’était pas le critique, car le critique conclut d’après une idée supérieure à ce qu’il vient de décrire, d’analyser, de disséquer… Et puis, je l’ai dit déjà, le critique est le Stator suprême… S’il revient sur son jugement, ce n’est plus un juge : c’est un pauvre homme qui s’est trompé. Sainte-Beuve le sceptique, l’ondoyant, le divers, le nuancé, n’est et ne peut pas être un critique, et c’est critique — ces livres donnés — qu’il prétend le plus être ! […] Encore un écueil au critique pour ceux qui l’en croient un et l’appellent de ce nom.

22. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « LA REVUE EN 1845. » pp. 257-274

Choisir son critique de sa propre main, entendez-vous bien ? […] Mais ce rôle d’urgence pour la critique n’a qu’un temps ; il trouve naturellement son terme dans le triomphe même des œuvres et des talents auxquels cette critique s’était vouée. […] Qu’il y ait lieu, par instants, en littérature, à une critique d’allure tranchée, plus dogmatique et systématique, plus dirigée d’après une unité profonde de principes, nous ne le nions pas, et simplement, sans exclure de son à propos cette haute critique d’initiative, ce n’est point celle à laquelle la Revue d’ordinaire prétend. […] Tous les critiques distingués en leur temps, je parle des critiques praticiens qui, comme des médecins vraiment hippocratiques, ont combattu les maladies du jour et les contagions régnantes, La Harpe, le docteur Johnson, ont été doués de ce sens juste et vif que la nature sans doute accorde, mais qu’on développe aussi, et que plus d’un esprit bien fait peut, jusqu’à un certain point, perfectionner en soi. […] Tout critique a sur ce point plus que jamais à se surveiller.

23. (1914) L’évolution des genres dans l’histoire de la littérature. Leçons professées à l’École normale supérieure

Mais, en attendant, c’est bien de lui que tout cela procède, de lui, et de sa critique, et de l’esprit de sa critique. […] C’est le contraire même de la critique. […] Génie critique ? […] La critique suit le mouvement. […] Déjà une critique nouvelle, à mesure qu’elle se développait, s’éloignait davantage des voies de la critique conservatrice et classique.

24. (1890) Les princes de la jeune critique pp. -299

Et dire que les critiques qui me liront critiqueront encore ma critique ! […] Les critiques sont des êtres redoutables, fort sensibles, dit-on, à la critique des autres. […] Mais le critique ? […] Brunetière, le critique ? […] Mais un critique !

25. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « M. Ch. de Barthélémy » pp. 359-372

Mais l’homme de ces idées générales, appliquées à l’œuvre et à l’auteur que Fréron critique, n’y est pas. […] Or, c’est cette personnalité du critique contre la personnalité des critiqués que j’aurais voulu trouver aussi dans ce livre des Confessions de Fréron, qui sont plus des extractions que des confessions… parce qu’il n’y a de critique efficace, de critique qui mérite ce nom de critique, qu’à la condition de traverser l’homme par le livre et le livre par l’homme… Je sais que le préjugé contraire court les chemins. […] Il ne fut pas un critique comme le fut Diderot, qui n’avait que des sensations et de l’enthousiasme sans profondeur. […] Aussi pourrait-on dire de lui que de hauteur, de gravité, de tenue, de politesse même, — car cet homme insulté est toujours resté poli, — il avait la critique Louis-quatorzienne… Il n’admettait pas la critique sans maître, sans enseignement, sans tradition. […] Cherchez de ces traits dans les critiques modernes, dans Sainte-Beuve qui se tortille et dans Planche qui gèle, et qui semblent pourtant tous deux avoir découvert la Critique.

26. (1890) L’avenir de la science « VIII » p. 200

Entendue dans son sens étymologique, elle ne comprendrait que la grammaire, l’exégèse et la critique des textes ; les travaux d’érudition, d’archéologie, de critique esthétique en seraient distraits. […] Quant à la critique des textes, leur position était fort différente de la nôtre. […] Rien de plus insipide que ce que Racine et Corneille nous ont laissé en fait de critique. […] La critique, telle est donc la forme sous laquelle, dans toutes les voies, l’esprit humain tend à s’exercer ; or, si la critique et la philologie ne sont pas identiques, elles sont au moins inséparables. […] Pour bien comprendre le caractère de la critique ancienne, voir l’excellent article de M. 

27. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « Philarète Chasles » pp. 111-136

Il était né littérateur et critique comme on naît poète. Il avait en littérature le génie de la recherche et de la découverte, qui est le vrai génie de la Critique. […] Puisque, de facultés, il était destiné à être un critique, son sens de critique s’en serait fortifié et purifié. […] Il est tout cela, et tout cela est charmant ; mais, après tout, — il faut bien le dire, — insuffisant pour cette chose d’imposance et d’autorité qui est la Critique, et qui n’est plus la Critique si elle n’est pas chose d’autorité. […] Depuis Mme de Staël, il ne fut peut-être pas, en France, de critique plus vivant.

28. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « Nisard » pp. 81-110

Cet écrivain sec, ce critique… n’était pas même un critique ! […] La Critique n’est pas seulement de comprendre. […] Nisard atteint au critique. […] C’est ainsi qu’il a jugé Byron en maître, et peut-être, dans toutes ses œuvres, n’a-t-il été grand critique, c’est-à-dire critique complet, que cette fois-là. […] Nisard est bien plutôt fait pour l’apologie critique proprement dite.

29. (1912) L’art de lire « Avant-propos »

Est-ce pour juger des ouvrages, en d’autres termes, est-ce lire en critique ? […] Il apprend au lecteur à lire en critique. Or lire en critique n’est pas un plaisir ou du moins est un plaisir très particulier, mêlé de beaucoup de sécheresse. […] A quoi donc sert le critique ? […] Mais, encore une fois, le critique est un homme qui ne sait lire qu’en critique et qui n’apprend à lire qu’en critique, qui n’enseigne que la lecture critique, dont, du reste, je ne songe à dire aucun mal.

30. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre III. Le naturalisme, 1850-1890 — Chapitre II. La critique »

Sainte-Beuve ; la critique biographique. […] Il semble, d’abord, qu’il continue l’œuvre de Villemain, qui avait été de réduire la critique littéraire à l’histoire. […] Sainte-Beuve s’attache aux individus : et par là il introduit d’abord une relativité plus grande dans la critique. […] Son œuvre se distribue en trois masses principales : philosophie, critique, histoire. […] Il y a là un résidu inexplicable, qu’il faut, en bonne critique, soigneusement dégager.

31. (1866) Petite comédie de la critique littéraire, ou Molière selon trois écoles philosophiques « Introduction » pp. 3-17

Si nous voulons donner un nom à cette deuxième et petite famille de critiques moins occupés de ce qu’ils croient que de ce qu’ils ne croient pas, nous l’appellerons sans difficulté l’école critique proprement dite. L’école critique n’a pas le dernier mot. […] Nos trois écoles sont les grandes divisions de la critique littéraire. […] Entre ses mains la critique littéraire devient une sorte d’apologie du christianisme. […] Sainte-Beuve était tout simplement le premier critique de notre temps.

32. (1898) Introduction aux études historiques pp. 17-281

La critique historique ! […] C’est le domaine de la Critique. […] Cette opération est la critique interne. […] Ainsi l’analyse est nécessaire à la critique ; toute critique commence par une analyse. […] C’est l’office de la critique.

33. (1866) Petite comédie de la critique littéraire, ou Molière selon trois écoles philosophiques « Deuxième partie. — L’école critique » pp. 187-250

Voici maintenant l’école critique et l’école historique. […] Il professe aujourd’hui et applique dans la critique littéraire les doctrines de l’école historique. […] s’écrient tous les critiques ; la perfection n’est pas de ce monde ! […] Date de la première représentation de La Critique de l’École des femmes. […] Kant, Critique du jugement esthétique.

34. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « M. De Pontmartin. Causeries littéraires, causeries du samedi, les semaines littéraires, etc. »

Elle lui conféra son baptême et le lança dans la littérature et la critique politiques. […] Est-ce un critique pourtant dans la justesse et la sévérité du terme ? […] Or, cela est triste à dire, le critique est un juge, il n’est pas un homme de qualité ni un chevalier. […] Pour le coup, ce serait le cas ou jamais de s’écrier : la critique et les honnêtes gens ! […] Essais de critique en province, par M. 

35. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Cours de littérature dramatique, par M. Saint-Marc Girardin. (2 vol.) Essais de littérature et de morale, par le même. (2 vol.) » pp. 7-19

c’est ce mouvement propre au poète que je ne sens jamais dans le spirituel critique. […] Sa critique, à cet égard, est pleine d’invention et de fertilité. […] La critique, à ce degré, est devenue une magistrature, et ses arrêts ont pu sembler à quelques-uns une religion. […] Cette tradition respectueuse de la critique se retrouve tout entière chez les Latins. […] Ce sont de petits chefs-d’œuvre de critique modérée.

36. (1886) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Deuxième série « J.-J. Weiss  »

Weiss, même si l’on s’en tient à sa critique dramatique. […] une critique si capricieuse ! […] Quelle rage de découverte et d’invention dans toute cette critique ! […] Le lecteur jouit et de l’œuvre critiquée et de son critique. […] Et le critique peut être à son tour défini, façonné, inventé par un autre critique.

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