Cet homme, ce caractère, on l’avait déduit avec netteté et certitude de quelques pensées simples et grandes exprimées avec un accent qui ne trompe pas. […] Il avait mis d’ailleurs dans tout son jour et en pleine lumière le côté tendre, affectueux, de Vauvenargues, ce côté le plus connu, la beauté de sa nature morale, et avait parfaitement marqué le trait dominant de son caractère, la sérénité dans la douleur ; et il concluait en disant que l’espèce de gloire réservée à Vauvenargues était celle qui peut sembler le plus désirable aux natures d’élite, l’amitié des bons esprits et des bons cœurs. […] Gilbert a rassemblé à ce propos différents passages de ses maximes et de ses caractères, qui se rapportent évidemment à cette situation personnelle ; on le soupçonnait auparavant, on en est sûr désormais : et par exemple dans ce portrait de Clazomène qui est tout lui : « Quand la fortune a paru se lasser de le poursuivre, quand l’espérance trop lente commençait à flatter sa peine, la mort s’est offerte à sa vue ; elle l’a surpris dans le plus grand désordre de sa fortune ; il a eu la douleur amère de ne pas laisser assez de bien pour payer ses dettes, et n’a pu sauver sa vertu de cette tache. » L’amitié si tendre, si familière, que nous voyons établie entre Vauvenargues et Saint-Vincens nous permet de nous figurer en la personne de ce dernier un de ces amis dont La Fontaine avait vu des exemples autre part encore qu’au Monomotapa : Qu’un ami véritable est une douce chose ! […] On sent dans cette lettre qu’il aurait pu, ce jour-là même, tracer le caractère de Sénèque ou l’orateur chagrin, l’orateur de la vertu, qui commence en ces termes : Celui qui n’est connu que par les lettres, n’est pas infatué de sa réputation, s’il est vraiment ambitieux ; bien loin de vouloir faire entrer les jeunes gens dans sa propre carrière, il leur montre lui-même une route plus noble, s’ils osent la suivre : Ô mes amis, leur dit-il, pendant que des hommes médiocres exécutent de grandes choses, ou par un instinct particulier, ou par la faveur des occasions, voulez-vous vous réduire à les écrire ?
Que si cependant sa physionomie, son caractère personnel étaient restés un peu indécis et entourés de quelque vague, faute d’un développement historique suffisant, les lettres que M. […] arrêtons-nous un moment : car c’est surtout le caractère moral de Joubert que nous étudions. […] Qu’il y ait eu un peu de faiblesse physique, de la mauvaise santé dans cette disposition à se méfier de soi-même, je le crois ; mais il y a autre chose encore ; on est obligé d’y voir un trait essentiel de son caractère qui reparaîtra en toute occasion décisive de sa vie, et que Saint-Cyr nous a révélée s’accusant et redoublant avec une persistance étrange dans la nuit de perplexité qui précéda la glorieuse mort du jeune général. […] J’anticiperai donc sur les faits pour embrasser tout le caractère.
Volney, dans le programme de ses leçons d’histoire aux Écoles normales (an iii, 1795), se propose d’examiner quel caractère présente l’histoire chez les différents peuples, quel caractère surtout elle a pris en Europe depuis environ un siècle : « L’on fera sentir, disait-il, la différence notable qui se trouve dans le génie historique d’une même nation selon les progrès de sa civilisation, selon la gradation de ses connaissances exactes. » Notez bien cette sorte de traduction qui définit le sens. […] « Ce qui constitue la qualité d’être civilisé, ce ne sont pas les délicatesses du goût, les ornements de l’esprit, le train de vie que l’on mène ; ce sont les actes, c’est la conduite, c’est le caractère. […] Si Lanjuinais n’avait pas exigé le titre, ses gens auraient mis leur vanité à le lui donner. — Lemercier (Népomucène) passe pour un grand caractère, à trempe républicaine ou du moins d’une teinte des plus libérales : sa femme, Édon de son nom, était fille ou nièce du restaurateur bien connu dans la rue de l’Ancienne-Comédie.
C’est là un trait de caractère. […] Dans la seconde édition, le caractère breton prit le dessus, mais d’une façon un peu affichée. […] Les Ternaires appartiennent assez véritablement par leur caractère à une troisième époque de la vie intérieure du poëte. […] Brizeux aucun des caractères qu’on est accoutumé à attribuer aux muses du Nord.
Cousin, dans l’esquisse pleine de feu qu’il a tracée dès femmes du xviie , leur a décerné hautement la préférence sur celles de l’âge suivant ; je le conçois : du moment qu’on fait intervenir la grandeur, le contraste des caractères, l’éclat des circonstances, il n’y a pas à hésiter. […] Mme de Staal était une personne vraie, et son livre est un livre vrai dans toute l’acception du mot : ce caractère y paraît empreint à chaque ligne. […] et ce caractère indélébile de femme de chambre , comme elle le qualifie amèrement, est-il donc si indélébile qu’il la suive jusque dans les productions de sa pensée ? […] Son caractère ambitieux et sec parut se dessiner de plus en plus en avançant ; Grimm prétend qu’il était pédant et peu aimable ; il nous apprend que des mécomptes d’ambition lui troublèrent finalement la tête, au point qu’il se jeta par une fenêtre et se tua.
« L’inimitable Monsieur Dominique, dit son successeur Gherardi, a porté si loin l’excellence du naïf du caractère d’Arlequin, que les Italiens appellent goffagine, que quiconque l’a vu jouer trouvera toujours quelque chose à redire aux plus fameux Arlequins de son temps. » L’inimitable, c’est l’épithète attachée à son nom : « Qui ramènera, dit Palaprat dans la préface de ses œuvres, qui ramènera les merveilles de l’inimitable Domenico, les charmes de la nature jouant elle-même à visage découvert sous le visage de Scaramouche ? […] Depuis ce temps-là jusqu’à la mort de ce rare acteur, M. de Harlay le reçut toujours chez lui avec une estime et une distinction particulière ; le monde, qui le sut prétendait qu’Arlequin le dressait aux mimes, et qu’il était plus savant que le magistrat ; mais que celui-ci était aussi bien meilleur comédien que Dominique. » Dominique modifia très sensiblement le caractère d’Arlequin. […] Dominique, le confirmèrent dans son opinion, et nous voyons la forme qu’ils donnèrent au caractère d’Arlequin, qui est bien différente de l’ancienne… Depuis lors, le caractère d’Arlequin est devenu l’effort de l’art et de l’esprit du théâtre.
Qu’il me suffise d’en indiquer le caractère général, et, presque au hasard, de citer quatre ou cinq titres. […] Mais Wagner voulait faire ressortir le caractère chrétien de son œuvre et de son héros, pour l’opposer au paganisme agonisant personnifié dans Ortrud. […] ; Le caractère national et le caractère international dans Wagner (L.
Parmi les écrits qui peuvent donner une juste idée de la reine Marie-Antoinette et de son caractère aux années de sa prospérité et de sa jeunesse, je n’en sais pas qui porte mieux la conviction dans l’esprit du lecteur que la simple Notice du comte de La Marck, insérée par M. de Bacourt dans l’Introduction de l’ouvrage récemment publié sur Mirabeau. […] Ces deux personnes qu’elle a particulièrement distinguées en des temps différents, paraissent avoir été le duc de Coigny d’abord, homme prudent et déjà mûr, et en dernier lieu M. de Fersen, celui-ci colonel du régiment Royal-Suédois au service de France, caractère élevé, chevaleresque, et qui, aux jours du malheur, ne s’est trahi que par son dévouement absolu. […] La noble mère de Marie-Antoinette, de qui elle tenait ce nez d’aigle et ce port de reine, lui imprima le cachet de sa race ; mais ce caractère impérial, qui reparaissait aux grands moments, n’était pas celui de l’habitude de son esprit, de son éducation et de son rêve ; elle ne se retrouvait la fille des Césars que par saillies. […] L’adversité lui rendit des vertus ; l’élévation du cœur et la dignité du caractère se dessinèrent avec d’autant plus d’éclat qu’elles n’étaient point portées par un esprit tout à fait à la hauteur des circonstances.
Lorsqu’il eut été élu malgré lui archevêque de Cantorbéry le 6 mars 1093, pendant un voyage qu’il faisait en Angleterre (l’Angleterre alors et la Normandie n’étaient presque qu’un même pays depuis la conquête), Anselme ne trouva point en lui toutes les qualités et les ressources nécessaires à sa position nouvelle ; en gardant toutes ses vertus, il ne sut point les armer suffisamment pour les conflits et les combats du siècle ; cette haute dignité ecclésiastique de primat d’Angleterre, à laquelle il dut un surcroît de célébrité, un mélange d’éclat et de disgrâce, deux exils, des retours triomphants et bénis, et finalement sa canonisation peut-être, cette haute dignité nous le montre plutôt inférieur à lui-même et dépaysé dans les affaires, craintif, obstiné et indécis, débile sinon d’âme, du moins de caractère. […] Et cette direction prenait un caractère d’éloquence persuasive et de grâce qui se répandait à distance, en raison d’une faculté particulière de diction qui était en lui. […] Son caractère était, craintif, et, quoiqu’il fût capable d’une résistance consciencieuse, il fuyait la lutte et ne connaissait ni l’ambition du pouvoir ni l’amour du bruit. […] Voilà une ébauche bien faible de mon rêve ; je crois pourtant qu’aucun caractère ne s’abaisserait dans un tel rôle, simplement compris et nettement accepté ; dans tous les cas, je demande pardon à ceux ou plutôt à celui des amis absents à qui je m’adresse, de m’être ainsi laissé aller à l’exprimer : car tout cela, ne le devinez-vous pas ?
Ceci établi, quel est le caractère essentiel de la tendance ou tension qui se trouve au fond de tout désir, et aussi de tout penchant plus ou moins conscient ? […] Ce sont probablement les sensations d’innervation, accompagnées par celles de contraction musculaire, qui donnent à cette tension de l’activité son caractère sensitif d’inquiétude et de besoin d’agir. […] La sélection naturelle et mécanique a pour premier caractère d’agir sur un ensemble d’individus, non dans un seul individu ; elle suppose un certain nombre d’organismes donnés en un milieu donné ; d’où résulte ce problème : lesquels survivront et se propageront ? […] Les sensations ont ce caractère qu’elles entrent, comme on l’a dit, ex abrupto, dans la conscience51 : elles sont pour nous un commencement, un bout de série, et nous ne pouvons leur assigner des antécédents psychiques.
Mais les peuples de l’Orient diffèrent de ceux de l’Occident par bien d’autres caractères que par la forme des corps ; ils en diffèrent, par exemple, par la forme des sociétés : dès lors, qui nous dit que, encadrés en des groupements analogues, leurs membres, différents de nous par le sang, n’auraient pas été capables de comprendre les idées égalitaires ? […] Plus que toutes les autres, nos sociétés démocratiques refusent de laisser expliquer leurs idées directrices par les caractères anatomiques d’une race, puisque, dans nos sociétés démocratiques, on ne trouve justement plus de vraies races au sens biographique du mot39. […] Retenant ce fait que les divisions de races sont loin de correspondre aux divisions de nations, et rejetant par suite la confusion de la race « historique » avec la race « biologique », ils se font forts de reconnaître les éléments anthropologiquement différents, jusque dans les sociétés où ils sont actuellement mêlés, et d’établir, en comparant par exemple les indices céphaliques aux situations sociales, aux caractères, aux idées mêmes, que ces différents phénomènes varient en fonction de caractères anatomiques.
De par le mélange des races, de par les conditions durables de la terre et du ciel, surtout de par sa très ancienne civilisation, le caractère de ce peuple a un charme unique qui prend le cœur par les sens. […] Avec la vie nationale enfin constituée, ce caractère va certainement se modifier et, si j’en crois certains symptômes, il étonnera le monde. Le caractère, tel que je viens de le résumer, et les conditions politiques, nous expliquent, dans la mesure du possible, les particularités de la littérature en Italie. […] L’explication est-elle à chercher à la fois dans le caractère italien, dans la vision plastique et passionnée, dans une sorte de compensation pour la pauvreté de l’épopée et du drame, et, en certains cas, dans une faiblesse de l’invention littéraire ?
De même que les crânes dans l’enfance se forment et se déforment, s’allongent ou se dépriment sous une pression continue, ils se sont fait l’esprit et le caractère selon le moule de leur vocation obstinée, et se sont en quelque sorte déformés en souverains et en empereurs. […] Et cela, jusqu’à un certain point, est vrai : car, même avec tous ces défauts, avec toutes ces lacunes et ces creux qui se révèlent dans leurs pensées habituelles et dans la forme de leur caractère, la société ébranlée est encore trop heureuse de les avoir rencontrés un jour et de s’être ralliée à deux ou trois des qualités souveraines qui sont en eux : elle doit désirer de les conserver le plus longtemps possible, et tant qu’il porte et s’appuie sur leurs épaules même inégales, il semble que l’État dans son penchant ait encore trouvé son meilleur soutien.
Augier, qui est de son temps et qui l’aime, fait la comédie de son temps : les caractères, les mœurs, l’intrigue y ont leur part mesurée et infusée dans un mélange savoureux et piquant. […] Augier transforme la scène en tribune, ses caractères personnifient des partis, c’est une polémique en action.
Cette sçavante fille étoit d’un caractère tout opposé à celui de la belle & célèbre Lyonnoise. […] Malgré ce caractère, elle étoit vive, impétueuse & vindicative.
Le caractère de Clémentine31, par exemple, est un chef-d’œuvre dont la Grèce n’offre point de modèle. […] « C’est le caractère de cette passion, dit cet homme éloquent en parlant de l’amour, de remplir le cœur tout entier, etc. : on ne peut plus s’occuper que d’elle ; on en est possédé, enivré : on la retrouve partout ; tout en retrace les funestes images ; tout en réveille les injustes désirs : le monde, la solitude, la présence, l’éloignement, les objets les plus indifférents, les occupations les plus sérieuses, le temple saint lui-même, les autels sacrés, les mystères terribles en rappellent le souvenir32. » « C’est un désordre, s’écrie le même orateur dans la Pécheresse 33, d’aimer pour lui-même ce qui ne peut être ni notre bonheur, ni notre perfection, ni par conséquent notre repos : car aimer, c’est chercher la félicité dans ce qu’on aime ; c’est vouloir trouver dans l’objet aimé tout ce qui manque à notre cœur ; c’est l’appeler au secours de ce vide affreux que nous sentons en nous-mêmes, et nous flatter qu’il sera capable de le remplir ; c’est le regarder comme la ressource de tous nos besoins, le remède de tous nos maux, l’auteur de nos biens34… Mais cet amour des créatures est suivi des plus cruelles incertitudes : on doute toujours si l’on est aimé comme l’on aime ; on est ingénieux à se rendre malheureux, et à former à soi-même des craintes, des soupçons, des jalousies ; plus on est de bonne foi, plus on souffre ; on est le martyr de ses propres défiances : vous le savez, et ce n’est pas à moi à venir vous parler ici le langage de vos passions insensées35. » Cette maladie de l’âme se déclare avec fureur, aussitôt que paraît l’objet qui doit en développer le germe.
Lui aussi a fait des Caractères comme La Bruyère, et un Tableau de Paris comme Mercier. Mais ce tableau et ces caractères, c’est toute l’époque, vivant, avec quelle intensité !
Chaque époque de l’histoire a ses analogies, ses ressemblances de situation, d’événements, de caractères, et c’est de tout cela que l’imagination, frappée plus que la réflexion encore, fait une espèce de miroir dans lequel l’esprit d’un temps s’observe, se retrouve et s’admire. […] C’est exclusivement à ce socialisme de bonne foi que l’abbé Cadoret a voulu répondre dans son livre du Droit de César 15, et sa réponse, il l’a marquée de ce caractère de supériorité modeste et tranquille qu’aura toujours l’œuvre d’un prêtre quand il s’agira d’histoire, de doctrine et de tradition.
Furetière16 Le reproche que nous avons adressé à Adrien Destailleur au sujet de sa réimpression des Caractères de La Bruyère, nous ne l’adresserons point à Édouard Fournier, l’auteur des notes annexées au Roman bourgeois 17 de Furetière. […] Les sources d’où sont tirées les notes d’Édouard Fournier sont moins connues que les sources dans lesquelles a puisé le nouvel éditeur des Caractères.
X L’éducation de la jeune fille fut conforme à cette opulence et à ce caractère de ses parents. […] Elle avait la magnanimité du caractère autant que la magnanimité de la pensée. […] Cependant, douces et calmes au milieu des outrages, leurs gardiens se virent obligés de changer sans cesse les soldats apostés pour les garder ; on choisissait avec soin, pour cette fonction, les caractères les plus endurcis, de peur qu’individuellement la reine et sa famille ne reconquissent la nation qu’on voulait aliéner d’elles. […] Son livre, sur l’Influence des passions, qu’elle publia alors, ajoute à sa renommée d’écrivain le caractère de moraliste. […] Necker, il portait, dès le lendemain du 18 brumaire, ce défi aux puissances de la pensée : tel fut le caractère du gouvernement militaire sous les Marius, sous les Sylla, sous les Césars de Rome.
L’éloquence : son caractère ecclésiastique. […] Caractères généraux des xive et xve siècles. […] Un ne délaisse pas les ouvrages anciens, mais on ne les goûte que dans des rédactions remaniées, mises à la mode du jour et imprégnées d’actualité, sans respect du caractère original et de la convenance esthétique. […] Quelque chose pourtant relève ce caractère d’une honnêteté un peu vulgaire. […] Mais le caractère le plus saillant de sa langue, et il en est de même chez tous les savants et lettrés du temps, c’est l’abondance des mots que l’écrivain dérive ou décalque du latin.