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1152. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — M. — article » pp. 381-387

Il a beau étaler un enthousiasme apparent, on sent d’abord qu’il le contrefait plus qu’il ne l’éprouve ; il est moins Poëte que Versificateur ingénieux, & moins Versificateur que Moraliste. […] Les graces n’ont pas besoin de fard, la nature est le plus bel ornement. […] Son Discours sur la Poésie en général & sur l’Ode en particulier, ses Réflexions sur la critique, offrent un enchaînement de réflexions judicieuses, instructives, présentées avec grace & d’un ton séduisant dont il faut se défier dans quelques autres de ses Ouvrages, ceux, entre autres, où il veut prouver qu’on peut faire de bonnes Tragédies & de belles Odes en prose, ou détruire la supériorité des Anciens sur les Modernes.

1153. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces des pièces de théâtre — Préface d’« Angelo, tyran de Padoue » (1835) »

Laissez-vous charmer par le drame, mais que caleçon soit dedans, et qu’on puisse toujours l’y retrouver quand on voudra disséquer cette belle chose vivante, si ravissante, si poétique, si passionnée, si magnifiquement vêtue d’or, de soie et de velours. Dans le plus beau drame, il doit toujours y avoir une idée sévère, comme dans la plus belle femme il y a un squelette.

1154. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre second. Poésie dans ses rapports avec les hommes. Caractères. — Chapitre XII. Suite du Guerrier. »

Montrons à présent que ces vertus du chevalier, qui élèvent son caractère jusqu’au beau idéal, sont des vertus véritablement chrétiennes. […] Agamemnon déclare brutalement qu’il aime autant Briséis que son épouse, parce qu’elle fait d’aussi beaux ouvrages. […] Les belles mœurs chrétiennes !

1155. (1763) Salon de 1763 « Peintures — Vien » pp. 202-205

C’est l’élégance des formes, la grâce, l’ingénuité, l’innocence, la délicatesse, la simplicité, et tout cela joint à la pureté du dessin, à la belle couleur, à la mollesse et à la vérité des chairs. […] Ce morceau en tout est d’une très belle exécution. […] Ce vase avec son piédestal est d’une belle forme.

1156. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 39, en quel sens on peut dire que la nature se soit enrichie depuis Raphaël » pp. 387-392

Nos peintres connoissent presentement une nature d’arbres et une nature d’animaux plus belle et plus parfaite que celle qui fut connuë aux devanciers de Raphaël et à Raphaël lui-même. […] L’idée de la belle nature que les anciens s’étoient formée sur certains arbres et sur certains animaux, en prenant pour modeles les arbres et les animaux de la Gréce et de l’Italie, cette idée, dis-je, n’approche pas de ce que la nature produit en ce genre-là dans d’autres contrées. Voilà pourquoi les beaux chevaux antiques, même celui sur lequel Marc-Aurele est monté, et à qui Pierre De Cortonne adressoit la parole toutes les fois qu’il passoit dans la cour du Capitole, en lui disant par un entousiasme pittoresque.

1157. (1857) Cours familier de littérature. IV « XXIIe entretien. Sur le caractère et les œuvres de Béranger » pp. 253-364

À force de peindre le laid ils finissent par ne plus pouvoir peindre le beau. […] Dieu, mes enfants, vous donne un beau trépas ! […]   — Quel beau jour pour vous, grand’mère !        Quel beau jour pour vous ! […] — Belle demande !

1158. (1862) Cours familier de littérature. XIV « LXXXIIIe entretien. Considérations sur un chef-d’œuvre, ou Le danger du génie. Les Misérables, par Victor Hugo (1re partie) » pp. 305-364

Je me souviens comme d’hier du jour ou le beau duc de Rohan, alors mousquetaire, depuis cardinal, me dit, en venant me prendre dans ma caserne du quai d’Orsay : « Venez avec moi voir un phénomène qui promet un grand homme à la France. […] Elle nous ouvrit une salle basse, un peu isolée, au fond de laquelle un adolescent studieux, d’une belle tête lourde et sérieuse, écrivait ou lisait, loin du gai tumulte de la maison : c’était Victor Hugo, celui dont la plume aujourd’hui fait le charme ou l’effroi du monde. […] Ainsi va le monde : les plus beaux jours ont toujours un lendemain, et les choses roulent comme ma roue, tantôt dans l’ornière, tantôt sur le trottoir. […] Ces vers, les voici : qu’on me permette d’ouvrir quelquefois mon écrin, comme un roi fugitif et découronné, et d’y contempler le plus beau joyau de ma couronne quand Hugo m’avait fait roi, maintenant que le sort m’a fait mendiant, mendiant non pour moi, mais pour mes frères ! […] Or, de bonne foi, nous ne voyons guère d’autre conclusion à tirer de ce beau livre des songes où tout est coupable, excepté le coupable lui-même, et où la société est responsable de tout le mal qu’on fait ou qu’on subit contre ses prescriptions ou contre ses institutions.

1159. (1869) Cours familier de littérature. XXVIII « CLXIVe entretien. Chateaubriand, (suite.) »

Lisez-les ; c’est beau de conception, c’est inimitable d’élégance, c’est fécond d’images, c’est étincelant de sentences, mais cela n’est pas un poëme. […] Il s’attacha à la plus belle femme du temps, madame Récamier. […] Graziella, écrit d’après nature, resta le moins imparfait de mes ouvrages ; il était moins beau, mais il était vrai. […] Ce furent les belles années de sa vie publique, son exil victorieux, qui lui permettait d’accorder à ses ennemis des ministères une trêve honorable. […] Il laisse un beau livre, mais point de doctrine ; c’est un Jean-Jacques Rousseau retourné.

1160. (1841) Matinées littéraires pp. 3-32

Nous remplirons auprès de vous l’office des Cicérone qui, voulant faire admirer leur ville ou leur pays aux voyageurs, se hâtent de les conduire aux plus beaux monuments et aux sites les plus pittoresques. […] L’enfant encore inculte, le paysan grossier, éprouvent une sensation de plaisir à la vue d’un beau spectacle, au récit d’une aventure intéressante. […] Recommençons ce travail sur deux, trois, quatre, dix, vingt tableaux différents, et bientôt nous obtiendrons par cette étude comparative le sentiment du vrai beau en peinture ; et ce sentiment, c’est le goût. […] Lorsque nous voyons les hommes de tous les pays et de tous les siècles reconnaître hautement qu’une chose est grande et belle, elle l’est réellement. […] Et jamais la nature seule n’aurait pu obtenir un plus beau triomphe que cette profonde émotion qui ne permettait pas de respirer.

1161. (1902) Le culte des idoles pp. 9-94

Cette recherche de la sensation rare est, si l’on veut bien y prendre garde, une preuve que l’on n’a pas de belles sensations ordinaires ou même que l’on ne sent rien du tout. […] nous sommes loin des génies du xviiie  siècle, de la belle santé spirituelle d’un Goethe ou d’un Diderot. […] Sienkiewicz, dans son roman de Quo Vadis, parle sans cesse de jeunes gens et jeunes filles qui sont beaux comme des marbres. […] Moi, j’aime les marbres qui sont beaux comme des êtres vivants, voilà en quoi je diffère de M.  […] Être artiste, c’est-à-dire faire de belles phrases sonores et creuses, tel était son rêve.

1162. (1904) Prostitués. Études critiques sur les gens de lettres d’aujourd’hui « Chapitre IX. Le trottoir du Boul’ Mich’ »

Jacques Normand, versificateur de la Muse qui trotte, apprécia la belle impartialité qui lui accorde exactement autant de place qu’au poète de la Légende des Siècles. […] Michelet en serait le précurseur comme Montaigne fut le héraut de la belle période psychologique, et demain nous donnera peut-être le Descartes de l’histoire. […] Peut-être même est-ce la brume seule qui est belle. […] L’Orient vierge, comme tous les livres de Mauclair, intéresse d’espérance et conduit, à travers de belles pages pâles, à une déception. […] S’il est beau de concevoir de nobles ambitions, il convient de les réaliser sans hâte.

1163. (1856) Cours familier de littérature. II « IXe entretien. Suite de l’aperçu préliminaire sur la prétendue décadence de la littérature française » pp. 161-216

Il l’inonde pendant trente ans de sentiments vrais, d’idées fausses, de romans systématiques et de systèmes politiques plus romanesques que ses romans ; mais il l’enivre en même temps du plus beau style qu’aucune langue ait jamais parlé depuis les Dialogues de Platon. […] En peut-on douter, surtout quand on voit le grand Frédéric, ce Denys héroïque et pédantesque de la Prusse, rougir de sa belle langue natale, écrire, parler, rimer, causer, correspondre en français avec l’Aristote de la France, et n’employer l’allemand qu’avec ses casernes ? […] Un écrivain grave, dont nous avons signalé un des premiers la pénétration et la puissance d’analyse dans les autopsies des nations, M. de Tocqueville, vient de retomber, ce me semble, dans cette erreur de point de vue, en écrivant hier son beau livre sur l’ancien régime et la révolution. […] C’est la belle destinée des assemblées constituantes. […] Mon beau voyage encore est si loin de sa fin !

1164. (1914) Note conjointe sur M. Descartes et la philosophie cartésienne pp. 59-331

Ils aiment les beaux joueurs. […] Son néant même était beau. […] Un beau combat, et en matière de pensée un beau débat, voilà ce qui importe. […] Et ça fait deux beaux cortèges. […] Rien n’est beau comme une belle route plate de Beauce.

1165. (1854) Nouveaux portraits littéraires. Tome II pp. 1-419

Pourquoi ravir à la terre son plus bel ornement ? […] Son âme en s’échappant de ce beau sein avait purifié le ciel sur son passage. […] On aura beau dire, le rythme et la rime ne sont pas toute la poésie. […] Il prononce des discours très beaux et très utiles. […] Chacun doit déposer son offrande sous la plus belle gerbe.

1166. (1882) Hommes et dieux. Études d’histoire et de littérature

Qu’elle est belle et bienfaisante sous cette noble forme ! […] Dans le désespoir même, l’Élégie grecque reste belle. […] La France lui doit ses plus belles provinces. […] Astorre avait seize ans ; il était beau comme un éphèbe grec. […] Lorsqu’elle est belle, sa beauté est un enchantement.

1167. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Correspondance de Voltaire avec la duchesse de Saxe-Golha et autres lettres de lui inédites, publiées par MM. Évariste, Bavoux et Alphonse François. Œuvres et correspondance inédites de J-J. Rousseau, publiées par M. G. Streckeisen-Moultou. — I » pp. 219-230

je lui ai écrit… À d’autres endroits du volume, et avec d’autres correspondants c’est le Voltaire de la fin, le patriarche de Ferney, qui, toujours mourant, passe et repasse devant nous sur quelques-uns des dadas (très beaux dadas en effet, et le plus souvent très nobles) de ses dernières années. […] Nous vivons dans le climat et dans le siècle de la philosophie et de la raison ; les lumières de toutes les sciences semblent se réunir à la fois pour éclairer nos yeux et nous guider dans cet obscur labyrinthe de la vie humaine ; les plus beaux génies de tous les âges réunissent leurs leçons pour nous instruire ; d’immenses bibliothèques sont ouvertes au public ; des multitudes de collèges et d’universités nous offrent dès l’enfance l’expérience et la méditation de quatre mille ans ; l’immortalité, la gloire, la richesse et souvent les honneurs sont le prix des plus dignes dans l’art d’instruire et d’éclairer les hommes : tout concourt à perfectionner notre entendement et à prodiguer à chacun de nous tout ce qui peut former et cultiver la raison : en sommes-nous devenus meilleurs ou plus sages ? […] est-ce un disciple de Montaigne, et a-t-il pour objet de ravaler l’homme, après nous l’avoir montré d’abord dans son plus beau cadre ? […] Toute cette troisième lettre ne serait guère qu’un résumé sérieux et lumineux des objections de Montaigne, si de doute en doute, de conjecture en conjecture, elle ne se terminait tout d’un coup par la supposition toute spiritualiste d’une infinité d’intelligences de mille ordres différents, répandues à tous les étages de l’univers, espèces d’anges que Cicéron et le plus sage des Scipions ne désavoueraient pas, « éternels admirateurs du jeu de la nature et spectateurs invisibles des actions des hommes. » Non, Rousseau a beau user de la méthode des sceptiques, il n’est pas sceptique lui-même, et la méthode se rompt brusquement entre ses mains, au moment où il la poussait à bout : il en jaillit au contraire l’illumination la plus imprévue, et faite à souhait pour ravir un idéaliste. […] Sa figure, comme celle de tous les puissants mortels qui ont excité enthousiasme et colère, ainsi aperçue de loin à travers un nuage de lumière et de poussière, se transformerait à nos yeux : nous le ferions trop grand, trop beau ou trop laid, trop génie ou trop monstre.

1168. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Waterloo, par M. Thiers (suite) »

Aucun colonel général, aucun commandant en chef de la garde n’était là pour modérer une si belle ardeur. […] matière en fusion, matière toute bouillante du plus beau chant d’une moderne Iliade, s’il y avait encore des Iliades ! […] On a beau calculer profondément à la guerre, il y a toujours et surtout le hasard des combats, et il suffit d’un rien pour faire pencher la balance. […] Serions-nous devenus des rhétoriciensou des byzantins pour disputer ainsi à perte de vue sur ce qui n’est beau et ce qui ne mérite de vivre que par le sentiment qui en est l’âme ? […] C’est à regret et à mon corps défendant que je me suis vu forcé de toucher ce point littéraire et de goût, à la fin d’un récit où toute littérature s’oublie et cesse, où ce serait le triomphe de la peinture elle-même de ne point paraître une peinture, où l’histoire doit à peine laisser apercevoir l’historien, et où la page la plus belle, la plus digne du héros tombé et de la patrie vaincue avec lui, ne peut se payer que d’une larme silencieuse.

1169. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Dübner »

Heureux après tout, heureux homme, pourrions-nous dire, qui a consacré toute sa vie à d’innocents travaux, payés par de si intimes jouissances ; qui a approfondi ces belles choses que d’autres effleurent ; qui n’a pas été comme ceux (et j’en ai connu) qui se sentent privés et sevrés de ce qu’ils aiment et qu’ils admirent le plus : car, ainsi que la dit Pindare, « c’est la plus grande amertume à qui apprécie les belles choses d’avoir le pied dehors par nécessité. » Lui, l’heureux Dübner, il était dedans, il avait les deux pieds dans la double Antiquité ; il y habitait nuit et jour ; il savait le sens et la nuance et l’âge de chaque mot, l’histoire du goût lui-même ; il était comme le secrétaire des plus beaux génies, des plus purs écrivains ; il a comme assisté à la naissance, à l’expression de leurs pensées dans les plus belles des langues ; il a récrit sous leur dictée leurs plus parfaits ouvrages ; il avait la douce et secrète satisfaction de sentir qu’il leur rendait à tout instant, par sa fidélité et sa sagacité à les comprendre, d’humbles et obscurs services, bien essentiels pourtant ; qu’il les engageait sans bruit de bien des injures ; qu’il réparait à leur égard de longs affronts. […] Il poussait jusqu’à l’extrême le culte du beau dans la littérature ancienne, qui était comme son domaine particulier, et il croyait avoir des droits sur la moindre découverte qui y était faite.

1170. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « JULES LEFÈVRE. Confidences, poésies, 1833. » pp. 249-261

Son œuvre, en style de lapidaire, peut assez bien se comparer à un diamant d’une bonne grosseur, d’un fort poids, d’une matière riche, mais non pas d’une belle eau ; sans transparence et sans limpidité ; avec de chauds éclairs intérieurs qui ont peine à jaillir par une surface embrouillée et grenue. […] Lefèvre est, sous ce point de vue du style, un des plus instructifs exemples à consulter ; les défauts, les taches continuelles, qui s’y allient sans remède a une inspiration toujours réelle et sincère, font bien nettement comprendre le mérite du facile et du simple les beaux vers purs, qui se détachent çà et là isolés, entretiennent ce sentiment de regret. […] Il aura beau dire que les épigraphes ne sont choisies qu’après sa pièce composée, et comme un simple enjolivement du titre, je reconnais souvent, dans le cours même du poëme, la traduction des vers et des pensées que m’avait offerts la petite préface anthologique. […] Cet excès de timidité, qui avait sa noblesse, avait aussi ses grands inconvénients, et de là en partie le peu de retentissement qu’ont obtenu son nom et ses livres. » A le voir en ces années avec son beau et large front sillonné de pâleur, sa figure fine, sa réserve silencieuse, et un certain air de malheur répandu sur toute sa personne, on eût pu le croire envieux et malade du succès des autres. […] Il avait toujours son beau et vaste front, mais avec un sourire particulièrement aimable ; homme du meilleur monde, amateur lettré et de la plus gracieuse indulgence.

1171. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « VICTORIN FABRE (Œuvres publiées par M. J. Sabbatier. Tome Ier, 1845. » pp. 154-168

Les circonstances domestiques vraiment intéressantes de la vie de Victorin Fabre, l’admirable courage avec lequel il sauva son frère dans un naufrage sur le Rhône en 1805, et son dévouement méritoire aux siens, de 1815 à 1821, ces beaux traits eussent gagné à ne pas être noyés à l’avance dans des récits qu’il faudrait garder pour le fauteuil des grands parents. […] Virgile, au livre III des Géorgiques, nous a peint admirablement la rivalité et le combat de deux taureaux pour la belle génisse : le vaincu, tout farouche, ne peut supporter sa défaite ; il s’exile et va dans les bois, loin des pâturages connus, nourrir sa sombre blessure. Victorin Fabre, battu dans le concours de 1812, et perdant la belle génisse, c’est-à-dire le prix de l’Académie, ne fit pas autrement que le vaincu de Virgile, et sortit de l’arène avec la rancune superbe du taureau blessé ; mais il ne revint pas avec la même allure, et à le voir reparaître, quelques années après, tout ralenti et tout empesé, on put lui appliquer ce vers assez imitatif d’un moderne : Taurus abit mœrens e regnis : ecce redit bos. […] Lycée, Jeux Floraux, Académie, il brillait partout ; il cumulait, comme cet héroïque lutteur, le laurier de Delphes, le chêne de Pergame et le pin de Corinthe ; il aurait volontiers laissé écrire au-dessous de sa statue : « Ceci est la belle image du beau Milon, qui sept fois vainquit à Pise, sans avoir, une seule fois, touché la terre du genou. » Or, le jour où son genou fléchit en effet, le jour où la palme (style du genre) lui échappa et où il fut évincé par un plus heureux, il ne sut plus se consoler, il resta dépaysé longtemps, l’esprit tendu, avec tout un attirail oratoire qui ne sert que dans ces sortes de joûtes, et qui, en se prolongeant, doit nuire au libre développement des forces naturelles.

1172. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « M. Victor Vousin. Cours de l’histoire de la philosophie moderne, 5 vol. ix-18. »

Messieurs, vous aimez ardemment la patrie : si vous voulez la sauver, embrassez nos belles doctrines. […] Aussi, malgré les premiers étonnements et les hauts cris que soulève toute idée nouvelle, l’éclectisme, servi par la belle parole et l’infatigable activité de son promoteur, a fait fortune avec les années, et son nom est devenu celui même de l’école philosophique moderne. […] Chacun a pu lire d’ailleurs, soit dans la Revue des Deux Mondes, soit dans le Journal des Débats, de grands extraits pleins d’élévation et d’éloquence sur Dieu, sur le mysticisme, sur le beau. […] Il y a quelques écrivains de notre temps, en très-petit nombre qui ont un don bien rare, ou plutôt une heureuse incapacité : ils ont beau écrire en courant et improviser, ils ne sont jamais en danger de rien rencontrer qui soit contre le goût et le génie de la langue. […] Cousin de même, dans l’ordre oratoire ou dans les développements de l’écrivain, n’a qu’à se laisser aller à sa pente et comme à son torrent : s’il ne se préoccupe d’aucune démonstration philosophique trop spéciale, il trouvera d’emblée, il parlera ou écrira avec plénitude et de source cette belle langue du xviie  siècle qui fait l’objet de nos regrets et de nos admirations.

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