Il en est dont le progrès est arrêté au milieu de la course.
Mais la supériorité de certains siecles sur les autres siecles est trop connuë pour qu’il soit besoin que nous nous arrêtions à la prouver.
Rousseau est peut-être le seul qui fasse une classe à part : la crainte de choquer les opinions reçues, de révolter par des paradoxes, de passer pour cynique, de se faire des ennemis et des affaires, rien de tout cela ne l’arrête ; il s’est mis à son aise avec le public de tous les rangs et de toutes les espèces ; et cette liberté, qui se trouve heureusement jointe en lui à beaucoup de talent, lui donne un prodigieux avantage.
Ancillon s’est donc arrêté à une cause seconde sans chercher s’il était possible de remonter à une cause première ; mais ce qui a dû se passer dans son entendement lorsqu’il a été retenu ainsi sur les dernières limites du système de l’invention du langage par l’homme, est un exemple de plus ajouté à tous ceux que j’ai cités et aux autres faits que j’ai présentés pour prouver l’émancipation de la pensée.
Il a la petite camisole de force de son habit, il la sent sur lui, et il en est gêné… Lorsque les notices qu’il s’est permises sur ses confrères morts doivent être suivies de notices sur ses confrères vivants, quand il a épuisé la liste des extraits mortuaires, il s’arrête… Il voudrait peut-être aussi, lui, comme Pélisson, pour continuer, des arbres et des fontaines, et peut-être va-t-il les chercher ; car il termine brusquement son histoire, si l’on peut nommer du nom d’histoire ces anecdotes et ces commérages, choses trop petites pour n’avoir pas passé à travers les trous de ce crible qu’on appelle la mémoire des hommes, et qu’il était si peu nécessaire de ramasser !
Elles peuvent durer, et c’est le phénomène ; mais le phénomène s’arrête là.
Ce romanesque manuscrit dont nous parle Debay, sans nous dire quelle en était la teneur, sans déterminer où commencent et où s’arrêtent les notions qu’il y a puisées, ne nous apprend que des faits déjà connus ou insignifiants, à l’aide desquels il est facile de composer une mosaïque de pièces de rapport, jointes ensemble par le procédé d’imagination, à présent vieilli et délaissé, de Barthélemy et de Wieland, mais dont il est impossible de tirer le détail intime qui nous illumine une figure, et nous la fait réellement comprendre en la ressuscitant devant nous.
Mais elle eût été certainement retardée et arrêtée par le bloc des caractères forts et des fières décisions.
Malheureusement, il faut nous arrêter.
Eh bien, la première condition de tout cela, et quelle qu’eut été la solution à laquelle se fût arrêté l’historien, c’était une de ces fermetés d’esprit qui ne se laissent pas entamer, et ce bon sens, le premier degré de la force intellectuelle, comme le grand sens, en est le second !
oui, je ne connais que trop ces natures dangereusement sensibles, qu’une notion morale, qu’une vue d’impartialité et de justice n’arrête jamais sur la pente de leur exécrable sensibilité, et, pour mon compte, je n’y crois pas et je n’en veux plus !
Quoique nous reconnussions que l’accent du livre des Prisons ne fût pas un accent de la terre, cependant cet accent qui nous troublait s’arrêtait à une certaine place de notre âme.
Il s’arrête à la notion vague de liberté qui suffisait à tous les esprits soi-disant politiques du dix-huitième siècle, et qu’il définit aujourd’hui, à la dernière page de son livre « la liberté par les institutions ».
Il avait enfin appartenu à la jeune Italie, à ce parti de terrassés, qui ne se croient jamais vaincus, et ce n’était pas là pour nous des recommandations bien puissantes, Quoique nous reconnussions que l’accent du livre des Prisons ne fût pas un accent de la terre, cependant cet accent qui nous troublait, s’arrêtait à une certaine place de notre âme.
Encore une fois, tel fut alors le mérite de l’Académie, et nous voulons le reconnaître, car il y a un autre mérite que nous lui aurions souhaité et qui lui manqua… Après cet éclair de bon sens, rare à l’époque où il brilla, et qui lui fit mettre au concours une question historique dont elle discernait très bien la portée, elle retomba bientôt sous la paralysie des préjugés ambiants et l’empire de cette philosophie dont elle repoussait les dernières conséquences, il est vrai, mais dont elle acceptait les premières, comme si la roue de l’inflexible logique, une fois en branle, s’arrêtait !
Lorsque presque toutes les industries abaissées frelatent ce qu’elles vendent, voici un petit volume qui mérite d’arrêter le regard qu’il attire, car il a un air que depuis longtemps les livres n’ont plus.
En effet, arrêtons-nous ici.
Elle en sort troublée, ne dédaignant plus les terreurs de son mari, mais l’engageant seulement à ne se pas trop arrêter sur des images, dont on voit qu’elle commence à se sentir elle-même obsédée. […] Cette absence arrêta la passion de Lattanzio, qui changea bientôt d’objet et se porta vers la fille de Lanzetti, la belle Catella. […] On doit peu s’arrêter à la critique de l’unité de lieu, qui n’a jamais été aussi ouvertement violée par le poëte ; mais l’inconséquence du caractère de Protéo est bien plus impardonnable que toutes les fautes contre la géographie et les lois d’Aristote. […] Kent, au contraire, vieillard sage et ferme, a, dès le premier moment, tout su, tout prévu ; dès qu’il entre en action, sa marche est arrêtée, son but fixé. […] Shakspeare est presque le seul poëte dramatique qui n’ait pas craint de s’arrêter sur le tableau du bonheur ; il sentait qu’il avait de quoi le remplir.
Géruzez, dans un article sur Delille, postérieur de date à celui-ci, a bien voulu, au milieu de témoignages indulgents auxquels il nous a accoutumé, s’arrêter à ce début pour le contester avec une sorte d’ironie tout aimable, que pourtant nous n’acceptons pas entièrement, et dans laquelle il n’a peut-être pas assez tenu compte de la nôtre. […] Il m’arrête, et me dit : Non-seulement je ne vous détourne plus de votre projet, mais je vous exhorte à le poursuivre. » Ginguené, parlant de l’Homme des Champs dans la Décade, relève ce qu’a d’intéressant cette visite qui lie ensemble la chaîne des noms et des souvenirs poétiques, et il ajoute avec un beau sentiment de piété littéraire : « On sait que le poëte Le Brun eut avec Louis Racine les liaisons les plus intimes, et qu’il fut, pour ainsi dire, élevé par lui dans l’art des vers avec son fils, jeune homme de la plus belle espérance, le même dont le père pleurait la mort quand Delille eut de lui la permission de l’aller voir dans sa retraite. […] Géruzez, dans un article sur Delille, postérieur de date à celui-ci, a bien voulu, au milieu de témoignages indulgents auxquels il nous a accoutumé, s’arrêter à ce début pour le contester avec une sorte d’ironie tout aimable, que pourtant nous n’acceptons pas entièrement, et dans laquelle il n’a peut-être pas assez tenu compte de la nôtre.
sont celles qui nous attirent le plus et les seules qui nous semblent peut-être à notre portée : c’est par là que nous commencerons, dussions-nous faire comme les anciens scholiastes eux-mêmes et nous arrêter à moitié chemin. […] car, à mon sens, je n’en suis pas encore à vaincre ni le bon Asclépiade de Samos, ni Philétas, avec mes chants, et je me fais plutôt l’effet de la grenouille qui le dispute aux sauterelles. — Ainsi je parlais exprès ; et le chevrier reprit avec un doux sourire… » Arrêtons-nous un moment à ces traits vivants de caractère ; nous savons dès l’enfance ces derniers vers par l’imitation heureuse de Virgile : Me quoque dieunt vatem pastores… ; ils nous frappent davantage ici comme se rapportant à la personne même de Théocrite et nous donnant jour dans ses pensées. […] « Et m’ayant regardée, l’homme sans tendresse fixa ses regards à terre, il s’assit sur le lit et là il dit cette parole… » Arrêtons-nous, reposons-nous un instant ici après de si fortes images : tel apparaît l’antique quand on l’envisage sans aucun fard et dans toute sa vérité : J’ai parlé du tableau de Stratonice ; chez Théocrite c’est la femme, c’est la Stratonice qui se sent atteinte du mal d’Antiochus ; c’est elle qui reste gisante sur ce lit, elle qu’une sueur glacée inonde, et qui fait ce mouvement convulsif lorsqu’elle a vu entrer l’objet pour qui elle se meurt.
Quand on commence, comme les Bénédictins, à Pythéas, le navigateur grec de Marseille, antérieur de 400 ans environ à Jésus-Christ, qui se dirigea au Nord à la recherche de la mystérieuse Thulé, et qui racontait tant de choses et si merveilleuses, qu’il passa en son temps pour menteur, comme Marco Polo dans le sien, et qu’on lui appliquait déjà le proverbe : A beau mentir, qui vient de loin ; quand on s’arrête à montrer les premiers établissements des Romains dans le midi de la Gaule, qu’on énumère les nombreux rhéteurs et grammairiens latins que produisit cette contrée, dès lors si prompte au beau langage : qu’on n’omet ni Marc-Antoine Gniphon, qui tint école à Rome, l’un des maîtres de César, et qui eut Cicéron pour auditeur ; — ni Valère Caton, le grammairien et le poète, que les Romains, novices encore à l’harmonie, avaient surnommé la Sirène latine, pour son talent de lire les poètes et de les former, qui faisait lui-même d’assez beaux vers, assez énergiques et touchants (il avait été dépossédé de son champ par les vétérans, cela l’inspira), et qu’a imité Virgile ; — quand on est heureux de rencontrer sur son chemin le grand comédien honnête homme Roscius, sous prétexte qu’il naquit dans la Narbonnaise ; — quand on embrasse ce cadre et qu’on tient à le remplir en détail, on écrit tout simplement un livre intéressant qui comprend une riche province de la culture latine, une province entièrement romaine depuis César. […] Nodier, par exemple, cet homme de tant de grâce et d’esprit, mais étranger aux vraies méthodes, et qui, « dans tout ce qui tient à l’étude des langues, s’est fait remarquer par de bonnes intentions plutôt que par de bons ouvrages » (la définition est de Génin), s’était écrié dans un accès d’enthousiasme pour le simple, comme en ont les littérateurs des époques blasées : « Les patois ont donc une grammaire aussi régulière, une terminologie aussi homogène, une syntaxe aussi arrêtée que le pur grec d’Isocrate et le pur latin de Cicéron. […] Ces fruits de la littérature dumoyen âge, nous y atteindrons le plus tôt possible ; après avoir passé par les rudiments indispensables et nous être rendu compte, seulement pour la bien comprendre, de la question primordiale et de formation, nous arriverons après deux ou trois journées, nous nous arrêterons devant les premiers monuments, et de ceux-ci nous passerons à d’autres, et ainsi de suite sans plus cesser, en quête par-dessus tout de l’excellent : car, encore une fois, nous sommes ici pour professer la langue, la littérature cultivée, perfectionnée, celle qui ne reste pas à l’état acéphalique, anarchique, mais qui a une tête, qui, maîtresse d’elle-même, se gouverne, réagit en tous sens et s’impose, qui enfin, comme la race et comme l’esprit français qu’elle représente, a et gardera longtemps, nous l’espérons, son unité, sa grandeur et son empire.