. — On l’a déjà vu, ce qu’il y a au fond de l’idée du moi, c’est l’idée d’un dedans par opposition au dehors, tous nos événements ayant ce caractère commun de nous apparaître comme internes par opposition aux autres qui nous apparaissent comme externes. […] À mesure qu’on tournait l’abat-jour et qu’une nouvelle figure apparaissait, il criait oua-oua d’un air de triomphe : c’était l’enthousiasme de la découverte ; tous les jours, il fallait recommencer. […] Mais le type original se manifeste par des rapports fixes, par des retours subits, par mille traits incontestables, et l’idée de la feuille, dégagée de toutes les impressions sensibles, épurée, portée par l’abstraction énergique bien loin au-dessus de l’expérience vulgaire, n’est plus que l’idée presque géométrique d’un cycle d’éléments végétaux qui, à travers toutes les formes et tous les emplois imaginables, gardent leur ordre primordial. — Pareillement, chez les animaux, à travers toutes les diversités de structure et d’office, on trouve dans toute la classe des mammifères un même plan de squelette, dans toute la classe des crustacés, comme dans toute celle des insectes, un même plan des segments, de la bouche et des membres ; et ce plan est si tenace que, chez plusieurs espèces, on voit subsister ou apparaître, pour témoigner de sa présence, des dispositions ou des pièces inutiles ; une suture, une dentition, un ongle, un bourrelet osseux, des organes passagers ou rudimentaires le rendent visible en présentant son mémorial transitoire ou son reliquat survivant.
Retz vit même une lance énorme traînée plutôt que portée par un petit garçon d’une dizaine d’années… Si nous résumons ce qui se dégage de tout cela, nous pouvons dire que dans la vie politique du temps se détachent deux caractères essentiels, qui sans doute ne sont pas les seuls, mais qui nous apparaissent comme les plus saillants : d’une part, un désir de liberté, vague, confus, frivole, qui n’aboutit qu’à renforcer l’autorité royale ; d’autre part, un rapprochement brusque d’éléments contraires, le populaire et l’aristocratique, le plaisant et le sérieux, le grossier et le raffiné, contraste qui produit le grotesque. […] Discours, pamphlets, brochures, articles de polémique éclosent avec une formidable abondance ; et, après ces ouvrages inspirés par les circonstances, animés par les passions du jour, adressés aux contemporains et peu soucieux de la postérité, il en apparaît bientôt d’autres plus médités, plus apaisés, plus froids en apparence, mais où il n’est pas difficile de retrouver le feu couvant sous la cendre ; j’entends les mémoires et les histoires qui prétendent transmettre à l’avenir et déjà juger les événements de la veille. […] Or, comme une période de transition, de conflit, de désharmonie est peu favorable à l’éclosion d’œuvres sereines, équilibrées, harmonieuses, il se peut que, parmi les premiers effets du grand mouvement démocratique qui entraîne notre siècle, nous en rencontrions plus d’un qui nous apparaîtra comme fâcheux et choquant. […] Il est hors du vraisemblable. » Le Genevois Mallet du Pan s’écriait : « Sa carrière est un poème. » Et en effet, Napoléon n’était pas mort qu’il était légendaire ; il prenait des proportions de géant ; il apparaissait au début du siècle comme un colosse dépassant la stature humaine, comme un volcan couronné de fumée, suivant la comparaison d’un poète.
Le grand poète à l’état fragmentaire qui s’agite confusément dans les Histoires extraordinaires nous apparaîtra-t-il alors dans toute sa pureté, sa force et son originalité, et l’admiration succédera-t-elle à l’étonnement ? […] Ce spleenétique colossal, en comparaison de qui Lord Byron, ce beau lymphatique, ne nous apparaît plus que comme une vaporeuse petite maîtresse ; ce spleenétique colossal, malgré l’infiltration morbide de son regard d’aliéné, aies lucidités flegmatiques et transperçantes du condamné qui se sait sur son échafaud. […] Mais à dater du livre d’Émile Hennequin, Edgar Poe, qui fut moins le bourreau de ses vices que la victime des vices de son pays, apparaît dans une lumière plus juste. […] Mais là, où l’anarchie de ces États, désunis plutôt, se produit de la même manière qu’entre les hommes, et où chaque province se croit la capitale de quelque chose, les renommées qui surgissent sur un point s’émiettent et se perdent vite dans tout cet espace… Edgar Poe, qui éparpilla une vie vagabonde au milieu de tous ces États, apparaissait de temps à autre dans la publicité comme un nageur qui sort de l’Océan, contre lequel il lutte.
Il s’enferme dans un silence entêté, sa figure se couvre d’un nuage méchant et apparaît en lui, comme un être nouveau, inconnu, sournois, ennemi… sa physionomie s’est faite humble, honteuse ; elle fuit les regards, comme des espions de son abaissement, de son humiliation. » Vers le 30 avril : « Ce qui me fait désespérer de lui, c’est quelque chose d’indéfinissable, que je ne puis mieux comparer qu’à l’apparition d’un autre être se glissant en lui. […] Mais tout à coup, il se renversa la tête en arrière, et poussa un cri rauque, guttural, effrayant, qui me fit fermer la fenêtre. » Aussitôt, sur son joli visage, apparurent des convulsions qui le bouleversèrent, déformant toutes les formes, changeant toutes les places, comme si elles voulaient les retourner, pendant que sa bouche tordue crachotait une écume sanguinolente.
Selon que sa représentation viendra du dehors ou du dedans, il apparaîtra toujours comme un dehors ou comme un dedans, sans que jamais nous puissions faire rentrer le dehors dans le dedans, ni le dedans dans le dehors. […] Cet événement moral qu’atteint directement la conscience ne peut être atteint qu’indirectement par les sens ; les sens ne savent de lui que ses effets sur eux ; c’est pour cela qu’ils nous le font concevoir comme un mouvement intestin de cellules grisâtres ; comme il n’agit sur eux que par le dehors, il ne peut leur apparaître que comme extérieur et physique.
L’honnête Université, offrant Plutarque et Tite-Live à l’admiration des jeunes gens destinés à vivre dans une monarchie absolue, a cultivé en toute simplicité de cœur les ferments révolutionnaires dont la puissance apparaîtra après 1789. […] Les lettres apparaissent à Vauvenargues non seulement comme une consolation de son impuissance, mais comme une promesse d’immortalité.
Le butor qui racontait aux gens l’histoire de ses puces, qui rotait à table et s’empiffrait à en crever, nous apparaît maintenant comme un homme de bonne éducation, comme un gentilhomme pauvre, et qui, même au temps de sa détresse, a conservé un valet. […] « C’est trop, me disait-il, c’est trop de la moitié ; Je ne mérite pas de vous faire pitié » ; Et quand je refusais de le vouloir reprendre, Aux pauvres, à mes yeux, il allait le répandre… Mélange de fierté décente et d’humilité chrétienne, Tartuffe a donc pu apparaître à Orgon bien moins comme un mendiant que comme une façon de bon Monsieur de la Société de Saint-Vincent-de-Paul (excusez cet anachronisme), intermédiaire de bonne volonté entre les personnes pieuses et les pauvres.
En face de ces hâbleurs et encombrants individus, qui ne sont même pas assez propres moralement pour leur être fidèles après les avoir traînées dans une existence de saleté et de misère, elles apparaissent aimantes, simples et travailleuses, indulgentes à ces mâles prétentieux qui les assomment de leurs « rêves » et les laissent cuisiner en barbouillant une toile ou en bâillant sur un poème. […] Il n’aurait qu’une attention de quelques instants à soutenir pour s’assimiler à fond cet art superficiel, mais pratique, de la tenue dans la vie, offrir une surface polie et impénétrable aux bêtes curieuses qui guetteraient ses défauts ou ses faiblesses secrètes, murer sa pensée derrière la courtoisie, et apparaître strict, armé, indémontable, aux yeux des « mondains » ébahis de sa vraie aristocratie.
À un jour moins abstrait, les antinomies apparaîtront plus saillantes. […] Le mysticisme étant la méthode d’un esprit curieux de savoir, mais tournant sa curiosité sur soi-même, y cherchant une interne et intuitive lumière, — pour un païen est plutôt plastique, artistique, philosophique, pour un chrétien théologique et religieux ; celui-là apparaît dans les civilisations décadentes, celui-ci aux âges naïfs.
L’image m’en est apparue, casquée d’or, dans un ruissellement de pierreries. […] Le dandysme apparaît, quand sous la menace de la confusion générale, quelques modalités de l’ancien ordre jaillissent plus riches de sens et qu’une ligne de démarcation subsiste encore entre l’aristocratie déclinante et le flot démagogique envahisseur.
Son caractère aimable, et sans doute une de ces ravissantes figures 226 qui apparaissent quelquefois dans la race juive, faisaient autour de lui comme un cercle de fascination auquel presque personne, au milieu de ces populations bienveillantes et naïves, ne savait échapper. […] Des rabbis ayant chacun leur enseignement, Schemaïa, Abtalion, Hillel, Schammaï, Juda le Gaulonite, Gamaliel, tant d’autres dont les maximes ont composé le Talmud 267, apparaissaient de toutes parts.
Mais une idée de vérité le domine, du Symbole : quoique dans les poèmes détachés, les quelques sonnets surtout dernièrement parus et faits spécialement pour l’évidence de cette idée, elle n’apparaisse que comme jeu singulier et un peu puéril et faux (rappelons-nous tels sonnets descriptifs d’une console, d’un lit, etc., où tout l’effort du poète tendit à décrire sans les nommer ces meubles !) […] Et ainsi de ces résultats (pour donner ici un exemple de cette nomenclature,, complète au Traité), apparurent : les î, i, ie, iè, ié, par exemple, dont sont les plus nombreux et hauts les harmoniques, correspondent aux violons, contre-basse, basse, etc., — et c’est vulgaire que ces instruments sont essentiellement pour la représentation des plus aiguës exaltations, montées à la douleur même, dans l’amour, la prière, etc.
Avec la chute de l’ancienne civilisation apparut pour la première fois le génie septentrional, mais tout inculte et grossier, jetant sur le Midi son empreinte barbare, et ternissant d’abord ce qu’il devait rajeunir. […] Entourés de maints barons hardis, ils portent haut leurs fronts parés d’étoiles ; et l’on voit apparaître belles dames, et vieux hommes d’État aux barbes majestueuses.
Et sent-on assez là-dedans l’application d’une loi Mais nous ne sommes frappés que des cas où cette loi semble appliquée : or il y en a des millions où rien de semblable n’apparaît Qu’en savez-vous ?
Brunetière est incapable, ce semble, de considérer une œuvre, quelle qu’elle soit, grande ou petite, sinon dans ses rapports avec un groupe d’autres œuvres, dont la relation avec d’autres groupes, à travers le temps et l’espace, lui apparaît immédiatement ; et ainsi de suite.
Par la suite des siècles, quand tout ce qui a précédé et préparé les créations du génie a disparu dans l’oubli, les œuvres éminentes, les monuments qui restent seuls debout, apparaissent à une hauteur inexplicable, et telle qu’on s’imagine avec peine qu’ils aient été construits par des hommes.
C’est pourquoi le souci des fabricateurs de tant d’inutiles mots gréco-français apparaît infiniment ridicule8.
L’impuissance de sa volonté, qui est la cause et le fond de son infortune, est par lui subtilement analysée ; il distingue le penchant à suppléer aux actes par de vagues rêves, sa dépravation morose qui le porte à se regarder faire dans le peu qu’il fait et à se rendre ainsi déplus en plus incapable de toute action spontanée ; enfin apparaît ce dernier symptôme de la décadence volitionnelle, la lassitude anticipée, le dégoût préventif qui détournent même de tout désir, de tout rêve-d’entreprise et bornent définitivement en son incapacité le malade et le moribond que M.
Aussitôt une gigantesque tourterelle apparut, toute sellée et bridée : « Enfourche ce cheval !
Des sentinelles, à quelques pas des Allemands, le virent apparaître avec émotion.
Mais dans cette nuit sombre dont est couverte à nos yeux l’antiquité la plus reculée, apparaît une lumière qui ne peut nous égarer ; je parle de cette vérité incontestable : le monde social est certainement l’ouvrage des hommes ; d’où il résulte que l’on en peut, que l’on en doit trouver les principes dans les modifications mêmes de l’intelligence humaine.