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606. (1761) Salon de 1761 « Peinture —  Hallé  » pp. 127-130

Je laisse là tous ses petits tableaux, ses deux pastorales où il y a la fausseté de Boucher, sans son imagination, sa facilité et son esprit, la Femme qui amuse son enfant avec un moulin à vent, sa Sainte Famille que je n’ai point aperçue ni moi ni personne, la Femme qui dessine à l’encre de la Chine, et j’en viens à sa grande composition.

607. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre I. Les origines. — Chapitre III. La nouvelle langue. » pp. 165-234

Mais enfin, quand ses yeux regardèrent De côté, alors elle aperçut l’épée Qui était nue ; et de peur se mit à crier. […] » Il va à l’endroit où il l’a vue pour la première fois, puis à un autre où il l’a entendue chanter ; « il n’y a point d’heure du jour ou de la nuit où il ne pense à elle. » Personne n’a depuis trouvé des paroles plus vraies et plus tendres ; voilà les charmantes « branches poétiques » qui avaient poussé à travers l’ignorance grossière et les parades pompeuses ; l’esprit humain au moyen âge avait fleuri du côté où il apercevait le jour. […] Et comme j’étais debout, jetant de côté les yeux, J’aperçus le plus beau néflier Que j’eusse jamais vu dans ma vie, Aussi rempli de fleurs que cela peut être, Et dessus un chardonneret qui sautait joliment De branche en branche, et, à son caprice, mangeait Çà et là les boutons et les douces fleurs. […] La promeneuse s’étonnait, quand tout d’un coup elle aperçut une belle dame qui venait l’instruire. […] Ces jeunes et vaillants esprits avaient cru apercevoir le temple du vrai ; ils s’y ruèrent la tête basse, par légions, avec une vélocité et une énergie de barbares, enfonçant la porte, escaladant les murs, précipités dans l’enceinte, et se trouvèrent au fond d’une fosse.

608. (1863) Cours familier de littérature. XVI « XCIVe entretien. Alfred de Vigny (1re partie) » pp. 225-319

Il voit d’abord Phasga, que des figuiers entourent ; Puis, au-delà des monts que ses regards parcourent, S’étend tout Galaad, Éphraïm, Manassé, Dont le pays fertile à sa droite est placé ; Vers le midi, Juda, grand et stérile, étale Ses sables où s’endort la mer occidentale ; Plus loin, dans un vallon que le soir a pâli, Couronné d’oliviers, se montre Nephtali ; Dans des plaines de fleurs magnifiques et calmes Jéricho s’aperçoit, c’est la ville des palmes ; Et, prolongeant ses bois, des plaines de Phégor Le lentisque touffu s’étend jusqu’à Ségor. […] Ses regards, éblouis par des Soleils sans nombre, N’apercevaient d’abord qu’un abîme et que l’ombre, Mais elle y vit bientôt des feux errants et bleus Tels que des froids marais les éclairs onduleux ; Ils fuyaient, revenaient, puis s’échappaient encore ; Chaque étoile semblait poursuivre un météore ; Et l’Ange, en souriant au spectacle étranger, Suivait des yeux leur vol circulaire et léger. […] « Mais la rive gauche de la Loire se montre plus sérieuse dans ses aspects : ici c’est Chambord que l’on aperçoit de loin, et qui, avec ses dômes bleus et ses petites coupoles, ressemble à une grande ville de l’Orient ; là c’est Chanteloup, suspendant au milieu de l’air son élégante pagode. […] J’aperçus les deux mains tremblantes du vieil abbé Quillet, qui élevait le crucifix. […] Au fond, une grande porte vitrée : à travers les petits carreaux on aperçoit une riche boutique ; un grand escalier tournant conduit à plusieurs portes étroites et sombres, parmi lesquelles se trouve la porte de la petite chambre de Chatterton.

609. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME DE CHARRIÈRE » pp. 411-457

Nous faisons ensemble des découvertes sur le caractère des hommes : par exemple, nous nous sommes finement aperçues qu’il y a dans ce monde beaucoup de vanité, et que la plupart des gens en ont. […] Juliane va être mère : elle se l’avoue avec effroi ; autour d’elle, on peut s’en apercevoir à chaque heure. […] Malgré son bon cheval, son chien fidèle, son excellent et vieux Antoine, il s’aperçoit qu’il est bien seul, les soirées d’hiver commencent à lui paraître longues. […] Je me perds dans ce vaste Tout si étonnant, je ne dirai pas si sage, je suis trop ignorante ; j’ignore les fins, je ne connais ni les moyens, ni le but, je ne sais pas pourquoi tant de moucherons sont donnés à manger à cette vorace araignée ; mais je regarde, et des heures se passent sans que j’aie pensé à moi, ni à mes puérils chagrins. » Depuis que le panthéisme est devenu chez nous un lieu commun, une thèse romanesque et littéraire, je doute qu’il ait produit quelque chose de plus senti que ces simples mots d’aperçu comme échappés à la rêverie d’une jeune femme227. […] Que le pauvre ne s’aperçoive pas de votre tort, de votre souillure survenue envers vous-même ; c’est le moyen, d’ailleurs, qu’elle disparaisse, qu’elle s’efface un peu.

610. (1813) Réflexions sur le suicide

Je me flatte de présenter quelques aperçus nouveaux sur les motifs qui peuvent conduire à cette action, et sur ceux qui doivent en détourner. […] Peut-être dans cet instant le regard de la foi les lui fit-il apercevoir. […] Asham s’aperçut de la direction de mes pensées et tout à coup il prit ma main et la baignant de ses larmes, — Oh vous ! […] L’on ne connaît d’ordinaire que l’extérieur du caractère de l’homme, ce qui se passe en lui-même peut offrir encore des aperçus nouveaux pendant des milliers de siècles. […] Je vous l’avouerai, il me sembla que je n’étais préparée à rien, tant la désignation d’un jour me fit éprouver de terreur, J’essayai de la cacher, mais sans doute Feckenham s’en aperçut, car il se hâta de profiter de mon trouble pour m’offrir la vie si je voulais changer de religion.

611. (1857) Cours familier de littérature. IV « XXIVe entretien. Épopée. Homère. — L’Odyssée » pp. 445-524

Cette terre est située au milieu d’un groupe ou d’un nœud confus de montagnes noires dont j’aperçois et dont je reconnais encore les gorges sombres avec l’émotion des jeunes souvenirs, quand je passe en chemin de fer à la station alors inconnue de Mâlins. […] Le château, caché aux regards par deux mamelons et par des rideaux de grands frênes, n’est aperçu que par les corneilles et par les geais des collines élevées qui l’entourent ; les petits bergers paissent leurs moutons dans les clairières nues des sommets. […] On voyait que cette belle nature rustique, dont nous n’apercevions que la face extérieure, lui apparaissait double à elle, d’abord dans cette nature elle-même, et ensuite dans un miroir écrit de cette nature qui la reflétait à son âme. […] Supposez que vous soyez égarés depuis des années et des années dans l’immensité de ces forêts qui nous entourent ; supposez que du haut d’une montagne vous aperceviez enfin, le soir, une légère vapeur bleue s’élever dans le ciel au-dessus du toit du château : que ne vous dirait pas au cœur cette petite colonne bleuâtre sortant de la cheminée de votre père et de votre mère ? […] « À l’instant les chiens à la voix retentissante aperçoivent Ulysse ; ils s’élancent en aboyant avec fureur contre lui.

612. (1753) Essai sur la société des gens de lettres et des grands

Ce génie philosophique répandu dans tous les livres et dans tous les états, est l’instant de la plus grande lumière d’un peuple ; c’est alors que le corps de la nation commence à avoir de l’esprit, ou plutôt, ce qui revient à peu près au même, commence à s’apercevoir qu’il en manque après deux siècles de peines prises pour lui en donner. […] Lucien avait commencé par être philosophe : la réputation de ses ouvrages le fit rechercher ; elle n’aurait dû servir qu’à rendre sa retraite plus sévère ; car la philosophie est comme la dévotion, c’est reculer que de n’y pas faire des progrès : il se livra à l’empressement qu’on eut pour lui, devint homme du monde sans s’en apercevoir, et finit par être courtisan. […] C’est ce qu’on aperçoit surtout dans les conversations où l’on n’est pas de leur avis. […] Ce doit être néanmoins une consolation pour les talents persécutés, que de voir avec quelle satisfaction le public se plaît à casser les arrêts des prétendus gens de goût ; c’est presque une chute sûre pour un ouvrage que leur estime ; ils croient, en annonçant les talents de leurs protégés, inspirer pour eux une prévention favorable ; la nation au contraire, pour qui toute occasion d’exercer sa liberté est précieuse, et qui s’aperçoit qu’on veut surprendre ou enlever de force son suffrage, se trouve dès là moins disposée à l’accorder. […] L’accueil que vous faites aux gens de lettres ne leur laisse point apercevoir la supériorité de votre rang, parce que vous n’avez point à leur envier la supériorité des lumières.

613. (1906) La rêverie esthétique. Essai sur la psychologie du poète

Au cours de la journée, à quelque moment que je m’observe, j’ai conscience de déranger des images, qui disparaissent aussitôt, dans l’effort que je fais pour les apercevoir. […] Nous nous en apercevons quand nous avons repris notre sang-froid ; nous sommes surpris de voir quel étrange objet nous avait ainsi mis en extase. […] Au moment où nous lisons un vers, nous n’en apercevons que le sens littéral : et puis les images apparaissent, en suggèrent d’autres, qui ouvrent à notre imagination des perspectives illimitées. […] Qu’il s’aperçoive que les hommes existent, qu’il y a d’autres intérêts que les siens, d’autres souffrances que les siennes. […] Si l’on avait eu l’imprudence de les rédiger les premières, quand le moment serait venu de les mettre à leur place, on s’apercevrait qu’elles ne sont plus dans le ton, et il faudrait les recommencer.

614. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « M. RODOLPHE TÖPFFER » pp. 211-255

Une certaine légèreté d’agrément qui est, à proprement parler, l’honneur poétique et littéraire, manqua donc à la culture genevoise ; Senebier le reconnaît lui-même et en recherche les raisons : « La plupart des écrivains genevois, profonds dans l’invention et la déduction de leurs idées, sont faibles pour le coloris et pesants dans le style ; ces défauts ne naîtraient-ils pas de la gravité et de la réflexion que le sentiment de la liberté inspire, que le goût de prononcer sur les objets importants du gouvernement nourrit109… » Cela me paraît venir surtout de ce qu’en écrivant, les auteurs genevois, même ceux qui ont le sentiment du style, ne se sentent pas complétement chez eux dans leur langue ; la vraie mesure, le vrai niveau si mobile de cette langue, n’est pas au bord du Léman, mais au bord de la Seine ; ils le savent bien, ils s’efforcent, ils se contraignent de loin pour y atteindre, et l’on s’en aperçoit. […] Une jeune fille qu’il aperçoit saisie elle-même par la chaîne, et qu’il reconduit ensuite avec une modestie discrète, achève la guérison. […] En s’approchant du mur qui soutient la terrasse de la cure, à quelques pas de la mare, sous un creux de buisson, il aperçoit le chantre en personne, faisant la sieste et tout au long étendu. […] Un peu d’accent peut-être à la longue, à la fin, marquerait la parole, — un peu d’accent tout au plus, et que nul n’apercevrait.

615. (1860) Cours familier de littérature. IX « Le entretien. Les salons littéraires. Souvenirs de madame Récamier (2e partie) » pp. 81-159

Il l’aperçut de loin dans la foule à la fête qui lui fut donnée par le Directoire dans la cour du Luxembourg. […] La reine, plus ferme, quoique peut-être non moins émue, et craignant que le trouble de Joachim ne fût aperçu, alla elle-même lui préparer un verre d’eau et de fleur d’oranger, en le priant de se calmer. […] « Dans le jardin de cette maison, dit M. de Chateaubriand, il y avait un berceau de tilleuls entre les feuilles desquels j’apercevais un rayon de lune lorsque j’y attendais Juliette ; ne me semble-t-il pas que ce rayon est à moi, et que, si j’allais sous les mêmes abris, je le retrouverais ? […] La cime d’un acacia arrivait à la hauteur de l’œil, des clochers pointus coupaient le ciel, et l’on apercevait à l’horizon les collines de Sèvres.

616. (1863) Cours familier de littérature. XV « LXXXVIIe entretien. Considérations sur un chef-d’œuvre, ou le danger du génie. Les Misérables, par Victor Hugo (5e partie) » pp. 145-224

Si les surveillants les eussent aperçus, ils eussent chassé ces haillons. […] C’est à peine si l’on s’aperçoit, une heure après un orage, que cette belle journée blonde a pleuré. […] « Tout à coup, il aperçut les deux petits déguenillés, immobiles derrière la maisonnette verte des cygnes. […] « Ils aperçurent quelque chose qui surnageait, virèrent de bord comme des navires qu’ils sont, et se dirigèrent vers la brioche lentement, avec la majesté béate qui convient à des bêtes blanches.

617. (1869) Cours familier de littérature. XXVII « CLVIIIe Entretien. Montesquieu »

Dès qu’il est entré dans le bateau, Montesquieu croit s’apercevoir, à la manière dont ce jeune homme rame, qu’il n’exerce pas ce métier depuis longtemps. […] On s’aperçoit tout de suite que Montesquieu est un penseur léger, facile avec lui-même, très-superficiel, qui saisit au hasard la première considération venue pour en faire la base aventurée de sa politique et donner des axiomes géométriques pour des vérités politiques. […] La robe sanglante de César remit Rome dans la servitude. » XVII Après ces aperçus très-généraux et très-fautifs sur les lois politiques, Montesquieu passe aux lois qui règlent les rapports des citoyens entre eux. […] Les lettrés les enseignèrent, les magistrats les prêchèrent ; et comme ils enveloppaient toutes les petites actions de la vie, lorsqu’on trouva le moyen de les faire observer exactement, la Chine fut bien gouvernée. » XXII Il est évident que ce premier volume de l’Esprit des Lois, rempli de quelques axiomes sages et vrais, et d’une nuée d’axiomes légers et inconsidérés, n’était point un livre de législation dans la pensée de Montesquieu, mais un recueil de premiers aperçus rassemblés par lui pour faire plus tard un livre.

618. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série « Edmond et Jules de Goncourt »

Mais enfin la moitié de ces tableaux n’ont aucun rapport avec la « fable » et pourraient en être détachés sans qu’elle en reçût le moindre préjudice et sans même qu’on s’en aperçût. […] Le Jardin des plantes ; un atelier de trente élèves ; une ville d’Asie Mineure racontée par un coloriste ; une partie de canotage la nuit ; quelques aperçus sur la cuisine russe ; une vente après décès d’artiste pauvre et malchanceux ; un atelier au crépuscule ; l’ouverture du Salon ; ce qu’on voit en omnibus le soir ; le corps d’un modèle ; une pluie de printemps au Palais-Royal ; une synagogue ; un bal masqué chez un peintre ; les amours d’un bohème et d’un singe ; un petit cochon dans un atelier ; l’auberge de Barbizon ; la forêt de Fontainebleau ; la Bièvre et ses paysages ; la plage de Trouville ; je ne sais quelle rue derrière Saint-Gervais ; une pleine eau, la nuit, dans la Seine, sous les ponts… — le tout mêlé de tirades amusantes et truculentes sur l’École de Rome, sur Ingres et Delacroix, sur les primitifs, sur le bourgeoisisme des artistes..   […] Le rapprochement pourrait être fertile en aperçus. […] Ce goût malsain s’explique si l’on considère que ce qui nous attache à un grand artiste, c’est ce qu’il a de particulier, ce sont ses qualités propres et vraiment originales, c’est-à-dire précisément celles qui, développées à outrance et sans contrepoids, deviendront des défauts aux yeux des critiques non prévenus et des esprits amis de la mesure ; mais les initiés ne s’en apercevront point, ou bien, comme ces défauts ne font qu’accentuer la marque personnelle par où ils ont été séduits, s’ils les sentent, ils les aimeront comme des qualités de plus en plus singulières.

619. (1831) Discours aux artistes. De la poésie de notre époque pp. 60-88

Ils ne s’aperçoivent pas que les artistes peignent continuellement, et comme à plaisir, des objets hideux, repoussants, horribles. […] Et remarquez qu’il y avait eu avant ces Pères de l’Église, et qu’il y avait en même temps qu’eux, des âmes généreuses qui souffraient comme eux du même mal, mais qui, n’ayant pu apercevoir l’étoile nouvelle, mais encore petite et obscure, de l’avenir, cherchaient leur lumière dans le passé éteint, et se réfugiaient dans le stoïcisme, dans les souvenirs de la république, ou dans les mystères. […] L’un s’éleva de plus en plus vers les pensées infinies, à une hauteur qui ne lui permettait plus d’apercevoir la terre. […] L’autre est comme un nuage fantastique voltigeant sur cet abîme : quand on le considère d’un pic élevé de montagne qui le domine, on aperçoit, à travers sa légèreté transparente, l’abîme obscur par-dessous ; et ce nuage même, avec ses formes chimériques et ses teintes lumineuses qui décomposent tous les rayons du ciel, c’est encore l’abîme qui, chauffé par le soleil, lui a donné naissance, et s’en couvre comme d’un voile diaphane, jusqu’à ce que le voile retombe en pluie froide dans le sein qui l’a produit.

620. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome premier — Introduction. Le problème des idées-forces comme fondamental en psychologie. »

Le psychologue, il est vrai, ne peut saisir directement, chez les animaux inférieurs, les plus simples formes de la vie consciente et noter le passage progressif à des formes plus hautes, comme le biologiste analyse les diverses fonctions vitales de l’amibe, aperçoit les segmentations de l’œuf fécondé, etc. […] Selon Münsterberg, toute activité prétendue de la conscience se ramène à des modifications du contenu aperçu. […] Il faut donc que, quelque part, à quelque moment, quelque fonction interne soit évidente par elle-même et s’aperçoive en s’exerçant, pour que la réflexion ultérieure devienne possible. […] J’ai entendu un son, premier fait ; le souvenir de ce son persiste, second fait ; je désire connaître son acuité, troisième fait ; les souvenirs d’autres sons se réveillent, quatrième fait ; j’aperçois des différences et ressemblances, cinquième fait ; les noms des notes de la gamme se présentent, sixième fait ; l’un de ces noms s’associe au souvenir du son, septième fait.

621. (1856) Cours familier de littérature. I « Ier entretien » pp. 5-78

Quand j’y montais jusqu’au sommet avec les autres enfants du hameau pour suivre les chèvres, je n’apercevais que trois ou quatre villages à peu près semblables, qui tachaient de blanc le pied d’autres collines pareilles, ou qui fumaient le soir dans le bleu du firmament. […] On apercevait la maison de cette famille patriarcale, entourée de terrasses et de parterres, au pied de la montagne de Monsard, au bord d’une route poudreuse d’un côté, au bord des prés, des petits bois et d’un ruisseau de l’autre côté. […] On apercevait quelquefois, assis au soleil ou à l’ombre sur cette galerie, un homme à cheveux blancs, dans un costume presque sordide, et deux demoiselles d’un âge moins avancé, mais à qui la négligence de leurs vêtements donnait prématurément les apparences de la vieillesse. […] Je n’avais eu que le temps d’apercevoir son visage ; c’était une tête de Greuze, déjà un peu décolorée et décharnée par le temps, dans un tableau de famille de notre compatriote, le Raphaël de la vieillesse.

622. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Journal de Dangeau. tomes III, IV et V » pp. 316-332

Il lui dit tout haut, dès qu’il l’aperçoit : « Je suis très content de vous et de toute la marine ; nous avons été battus, mais vous avez acquis de la gloire et pour vous et pour la nation. […] Si l’espace me le permettait, j’aurais à noter, dans le tome Ve, les teintes plus sombres qui se laissent apercevoir à travers l’uniformité officielle et l’impassibilité souriante de Dangeau.

623. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Souvenirs et correspondance tirés des papiers de Mme Récamier » pp. 303-319

Mais que surviennent des circonstances délicates et difficiles qui mettent tout l’homme à l’épreuve, comme on s’aperçoit que le caractère de M. de Montmorency gagne à ce point d’appui intérieur ! […] Le genre de mon talent, je le sais, ne présente aucune surface : d’autres bâtissent un palais sur le sol, et ce palais est aperçu de loin ; moi, je creuse un puits à une assez grande profondeur, et l’on ne peut le voir que lorsqu’on est tout auprès.

624. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « M. Biot. Mélanges scientifiques et littéraires, (suite et fin.) »

Qu’est-ce, auprès de ces systèmes profonds, rigoureux, enchaînés, et d’une vérité éternelle, qui occupent la pensée d’un Newton ou d’un Laplace, que nos faibles observations passagères, nos remarques d’esprits fins et légers, sans suite, où le fil casse à chaque instant, nos aperçus rapides et fugitifs, ce que nous appelons traits d’esprit, saillies, reflets, étincelles aussitôt nées, aussitôt évanouies ? […] Les premières fois que j’eus l’honneur de causer avec lui, je crus m’apercevoir que, si on le laissait faire, il aimait assez la méthode de Socrate, c’est-à-dire à vous supposer quelque idée fausse que souvent vous n’aviez pas, et à se donner le plaisir de la réfuter en se faisant naturellement la belle part, — un peu comme Béranger.

625. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Entretiens de Gœthe et d’Eckermann (suite et fin.) »

Gœthe, tout en jouissant des primeurs de la nouvelle littérature française, s’apercevait bien, avons-nous dit, qu’on repassait à quelques égards par les mêmes chemins qu’avait récemment traversés le romantisme allemand. […] Depuis les sables brûlants des déserts de Syrie jusqu’aux plaines de neige de Moscou, quelle infinité de marches, de batailles, de bivouacs nocturnes n’apercevons-nous pas et avec cela que de fatigues, que de privations corporelles n’a-t-il pas dû endurer !

626. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Mémoire de Foucault. Intendant sous Louis XIV »

Lui-même était un de ces persécuteurs et des plus aveuglés, de ceux qui portent témoignage contre eux-mêmes sans s’en apercevoir. […] » — Mais je m’aperçois que je fais l’éloge tout simplement de la médiocrité, de la tranquillité honorable et pure, et c’est bien en effet ce que j’ai voulu.

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