Il dut rêver beaucoup, ces trois années-là, le long de l’étang, dans les jardins et dans les bois. […] Évidemment, après ses années de Port-Royal, il était un peu grisé de sa liberté nouvelle. […] Ces douze années, nous ne les connaissons pas ; mais, par ce que nous savons de la province à cette époque, et des préjugés d’alors contre les comédiens, ces douze années durent être rudes et humiliantes. […] Pendant des années, avant d’être la femme du vieil empereur, elle est sa maîtresse patiente et soumise. […] Jourdain : « Que votre cœur soit toute l’année comme un rosier fleuri.
Chamfort, ne sachant que faire pour subsister, se fit adresser d’abord à un vieux procureur en qualité de dernier clerc : le vieux procureur jugea qu’il était propre à mieux, et en fit le précepteur de son fils, qui avait à peine quelques années de moins. […] Son grand succès, ou du moins son grand effort littéraire, l’année suivante, fut sa tragédie de Mustapha et Zéangir. […] Il avoue pourtant avoir eu dans la vie deux années de douceur et six mois de parfaite félicité. […] Deux témoins considérables, et qui ont eu part inégalement à sa familiarité, nous en parlent sur le même ton, et nous le peignent dans les années qui précédèrent 89. […] C’est ce qui doit arriver chez un peuple neuf, qui, pendant trois années, a parlé sans cesse de sa sublime Constitution, mais qui va la détruire, et, dans le vrai, n’a su organiser encore que l’insurrection.
À quoi se passèrent ces quarante premières années de méditation et de réforme solitaire ? […] On possède tous ses manuscrits de cette époque de Saint-Sulpice ou des années qui suivirent, et l’on conçoit aisément que ses supérieurs, en parcourant de telles ébauches hardies, en aient pris quelque ombrage. […] Telle est pour moi l’attitude du méditatif Sieyès durant ces années d’étude solitaire. […] Durant ces années, il assista comme député de ce diocèse aux états de Bretagne, et il en rapporta une horreur profonde contre la classe privilégiée qu’il y avait vue en plein exercice dans cette rude province. […] Robespierre était son cauchemar et son délire dans ses dernières années, et on l’a entendu répéter : « Éloignez de moi cet infâme !
Théodore de Banville Ce poète a un profil digne d’être gravé sur une médaille, car avant qu’il ait atteint sa trentième année, la pensée, qui visiblement habite son front large et bien construit, et la bonne déesse pauvreté, qui fut sa première nourrice, lui ont donné des traits arrêtés à un âge où on n’en a pas encore. […] Les Humbles sont bien à lui, et, dans une histoire du mouvement naturaliste de ces vingt dernières années, il ne faudrait point oublier son nom. […] [L’Année littéraire (1887).] […] En lisant les appréciations de la critique sur son dernier drame, j’étais frappé de ce que beaucoup d’entre elles exprimaient ou supposaient de réserves, disaient ou ne disaient pas, en constatant, du reste, ce grand succès, le plus grand de ses vingt-cinq dernières années.
Ces hommes qui se sont vantés d’avoir mis la liberté dans le monde, ces charlatans et ces menteurs, ces Tartufes de philosophie, agirent hideusement contre l’homme qui les jugea, toute sa vie, avec une indépendance lumineuse… Ils l’insultèrent ; ils le jetèrent au donjon de Vincennes ; ils finirent par faire supprimer son Année littéraire, et ils tuèrent, par là, l’œuvre et l’homme, car il en mourut… Et quand leur révolution triomphante eut passé sur cet assassinat, le xixe siècle, qui n’avait dans ses grandes oreilles d’âne que le bruit des choses de la Révolution, Pavait oublié, et il fallut… quoi ? […] M. de Barthélemy a très bien choisi les passages de Fréron, qu’il a empruntés à tous ses ouvrages, et en particulier à L’Année littéraire, ce colossal recueil. […] Après vingt-trois ans de luttes, on finit par supprimer à Fréron son journal, son Année littéraire, l’illustration de toute sa vie, son mérite devant Dieu ! […] On a dit que ce régicide ne le devint que parce qu’on avait tué son père, en supprimant son Année littéraire au nom du roi, rendant ainsi, coup pour coup, à la royauté, le coup qu’il avait reçu d’elle… Crime plus grand que dans un autre, dans le fils d’un homme comme Fréron, qui dérogea si épouvantablement à sa naissance et aux vertus de son père, et à qui on pourrait appliquer le mot grandiose et terrifiant de Chateaubriand, parlant d’un autre fils coupable : « Si son père l’eût su dans sa tombe, il serait revenu lui casser la tête avec son cercueil !
Aux années où il prêchait devant la Cour, il disait à quelqu’un qui lui parlait de ses sermons : « Quand on approche de cette avenue de Versailles, on sent un air amollissant. » Cet air avait fini par agir sur son éloquence même, et, prélat, il en avait aussi emporté quelque chose. […] Vuillart qui écrit : « Ce jeudi 4 mars 1700. — Dieu fait primer encore hautement, cette année, les pères de l’Oratoire dans le ministère de la parole, le père Hubert à Saint-Jean, le père Massillon à Saint-Gervais, le père Guibert à Saint-Germain de l’Auxerrois, le père de La Boissière à Saint-André, le père de Monteuil à Saint-Leu, le père Maur à Saint-Étienne-du-Mont. […] Ainsi nous en serons frustrés à Saint-Étienne où il avait promis, et ce grand bien sera différé pour nous. » — … Massillon suffira à remplir les quinze années suivantes et couronnera cette brillante carrière par son Petit Carême, son dernier chef-d’œuvre, déjà un peu amolli.
Que de beauté, en effet, dans le vieillard digne de porter le poids et l’honneur des longues années qu’il a plu à la Providence d’accumuler sur ses épaules courbées ? […] Voici ce que nous écrivions l’année dernière sur ce genre si fin et si indéfinissable de littérature, à propos de l’aimable vieillard Xavier de Maistre, l’auteur du Voyage autour de ma chambre. […] J’aurais été heureux de rajeunir d’esprit et de cœur avec un poète qui prenait, comme lui, des années sans vieillir. […] Mais la même note, touchée par tant de mains pendant dix années, avait fatigué la France. […] La tristesse venait avec les années, et avec la tristesse venait la véritable poésie, celle de son second volume, celle surtout de ses Nuits que nous vous ferons admirer tout à l’heure sans réserve.
L’expérience est donc quelque chose, et les années apportent cette expérience aux esprits sincères. Voilà l’explication et la justification du proverbe persan : Agrandissement d’années, élargissement d’intelligence. […] Tu auras accueilli le retour des héritiers de Louis XVI comme une providence, et tu les auras bannis, quelques années après, comme des criminels d’État. […] J’entrerai résolument dans l’action, et je consacrerai les années de ma maturité à la guerre, véritable vocation de ma nature, qui aime à jouer, avec la mort et la gloire, ces grandes parties dont les vaincus sont des victimes, dont les vainqueurs sont des héros. […] Subir en silence pendant de longues années ces fausses popularités et ces fausses dépopularités pour le bien de son pays, c’est un des supplices tes plus méritoires, mais les plus pénibles pour les survivants des révolutions.
On lui conseilla trois ou quatre années de service pratique dans l’un des hôpitaux de la capitale, après quoi on répondait de son avenir. […] Je ne vous admirais pas moins là que dans nos premières années. […] Mais, devenu trop différent avec les années, il ne m’appartient aujourd’hui ni de la juger, cette moitié du moi d’alors, ni même d’essayer de la définir. […] Tout marche à un renversement de l’État, provisoirement tranquille, où nous étions depuis quelques années. […] ce n’est encore qu’une année de votre vie !
De pareils moyens de transport, et tant d’autres qu’il nous reste sans doute à découvrir, ayant agi continuellement et d’année en année, pendant des dizaines et des centaines de mille ans, il serait miraculeux que beaucoup de plantes ne se fussent pas trouvées ainsi transportées et répandues. […] Ce sont de tels faits qui, dès l’année 1747, amenèrent Gmelin à conclure que les mêmes espèces devaient avoir été créées à la fois en plusieurs points distants du globe ; et peut-être qu’il nous eût fallu nous en tenir à cette hypothèse, si M. […] Nous avons aussi d’excellentes raisons pour penser que les phénomènes glaciaires ont duré un temps considérable sur chaque point, si on l’évalue par le nombre des années. […] Maedler, il doit décrire en 19 millions d’années environ, peut traverser successivement des portions de l’espace inégalement froides où la terre perdrait par le rayonnement une portion plus ou moins grande de la chaleur solaire. […] Et il est probable que dans la distribution de la flore alpine il y a l’effet combiné de plusieurs périodes glaciaires ou années géologiques successives, c’est-à-dire de plusieurs retours du refroidissement polaire aux mêmes points.
L’enfant passa ses jeunes années à jouer sous le calvaire et sur les tombes. […] Mme Valmore est morte à Paris le 23 juillet 1859, après deux années d’une maladie cruelle. […] Elle passa plusieurs années comme sous-maîtresse et plutôt encore comme amie dans le pensionnat de Mme Bascans, à Chaillot. […] » Deux années étaient écoulées à peine que cette joie était changée en un deuil amer, inconsolable. […] Je n’ai rien aimé de plus qu’elle et mon pauvre frère Félix, dont l’absence et l’abandon me minaient, et aussi ma pauvre sœur Cécile dont je secours si mal les dernières années.
Garnier était un savant orientaliste et l’homme le plus versé de France dans l’exégèse biblique, telle qu’elle s’enseignait chez les catholiques il y a une centaine d’années. […] Le Hir, depuis quelques années, faisait le cours de grammaire. […] Comme cela nous engage à regarder ce, qui passe comme n’étant pas et à supporter patiemment des peines de quelques jours, dont nous rirons dans quelques années et auxquelles nous ne penserons pas dans l’éternité ! […] On me propose toujours une année d’études libres dans Paris, durant laquelle je pourrais réfléchir sur l’avenir que je devrais embrasser, et aussi prendre mes grades universitaires. […] Ma sœur, dont la haute raison était, depuis des années, comme la colonne lumineuse qui marchait devant moi, m’encourageait, du fond de la Pologne, par ses lettres pleines de droiture et de bon sens.
Il y a quelques années, une revue (La Revue nouvelle, 1846) a publié d’abondants et curieux extraits de Mémoires inédits du prince de Ligne, que des journaux ont reproduits depuis et ont mis en circulation. […] C’est là le défaut de ses premières années ; c’est le premier pli qu’il a cru devoir se donner pour plaire. […] dit-il en se relisant quelques années après. […] La paix faite et après quelques années, il y reparut souvent, il y vécut et fut quelque temps avant d’y être apprécié comme il devait. […] Un tableau sans figures ressemble à la fin du monde. » Pourtant le prince de Ligne, dans les dernières années de sa vie passées à son Refuge sur le Leopoldsberg près de Vienne, paraîtra en être venu à admirer plus véritablement la nature pour elle-même.
Nommé, après juillet 1830, consul à Trieste d’abord, puis, sur le refus de l’exequatur par l’Autriche, consul à Civitavecchia, il était devenu dans les dernières années un habitant de Rome. […] Tous ceux qui sont allés à Rome dans les années où il était consul à Civitavecchia ont pu connaître Beyle, et la plupart ont eu à profiter de ses indications et de ses lumières ; ce narquois et ce railleur armé d’ironie était le plus obligeant des hommes. […] Beyle n’y est plus cependant sur son terrain ; on l’y sent un peu novice sur cette terre gauloise ; quand il se met à parler antiquités ou art gothique, on s’aperçoit qu’il vient, l’année précédente, de faire un tour de France avec M. […] Le Rouge et le noir, intitulé ainsi on ne sait trop pourquoi, et par un emblème qu’il faut deviner, devait paraître en 1830, et ne fut publié que l’année suivante ; c’est du moins un roman qui a de l’action. […] Il devint lourd et apoplectique dans ses dernières années, mais il était fort soigneux de dissimuler, même à ses amis, les indices de décadence.
Souvenirs de soixante années, par M. […] Il y a de plus, dans ces Souvenirs littéraires de soixante années, deux parts fort distinctes à faire : il y a les véritables souvenirs, ceux qui sont de première main, et ce qui n’en est pas, ce que M. […] À plus forte raison dut-il-penser de la sorte à Paris dans les années qui suivirent. […] Delécluze, peu exact dans ses termes, que le talent poétique de son jeune beau-frère s’était produit d’abord « avec éclat. » Dans les dernières années de la Restauration, de 1820 à 1828, la bibliothèque de M. […] Marc Bourgery, mort depuis quelques années.
Né a Paris aux galeries du Louvre, où logeait son père, le 30 juin 1789, dans une bien chaude année, il fut élevé un peu au hasard et ne reçut pas, littérairement du moins, d’instruction première. […] Mais, assistant à des spectacles militaires avec des goûts si prononcés, il s’imbut de l’esprit de ces dernières années de l’Empire ; quand les revers survinrent, et mirent à nu la fibre patriotique, il sentit aussi fortement qu’aucun les douleurs de l’humiliation et de là défaite : garde national zélé, militaire amateur exemplaire, il mérita la croix en 1814 pour les services qu’il avait rendus dans la défense de Paris. […] Je voudrais, en la dégageant de toute vaine fumée et de toute exaltation passagère, bien rétablir la question d’art telle qu’elle se posait en ces années heureuses. […] Et cependant, s’il y ressongeait quelquefois, retrouva-t-il jamais, même dans les triomphes que lui ménageait l’avenir, même dans les années de son ambassade académique à Rome, même dans ses vaillantes campagnes à l’armée d’Afrique, même dans sa haute faveur à la Cour de Russie, retrouva-t-il jamais ce premier entrain, cette fraîcheur et cet enchantement des dix premières années de sa carrière, lorsqu’il semblait que l’âme de la jeune armée expirante en 1814 et 1815 eût passé en lui et sur ses toiles, lorsque tout était jeune autour de lui, que ces brillants officiers des derniers jours de notre gloire n’étaient pas encore devenus de vieux beaux ou des invalides plus ou moins illustres, lorsque l’Art lui-même s’avançait personnifié dans un jeune groupe à physionomies distinctes, mais avec tout l’incertain et l’infini des destinées : Delacroix, Delaroche, Schnetz, Léopold Robert, Sigalon, Schefler, tous figurant au Salon de 1824, et Horace Vernet comme un frère d’armes au milieu d’eux ! […] Tu vas me dire : Voilà de belles paroles J’espère ne pas m’en tenir là ; d’ailleurs quand l’idée vous en vient naturellement, il y a déjà la moitié du chemin de fait. » Horace était alors dans sa trente et unième année.
Il nous expose dans ses Mémoires avec beaucoup de netteté et assez de piquant quel était l’état de la prédication en ces années brillantes (1682-1690), et il trace des principaux prédicateurs, alors en renom, des portraits ou des esquisses assez agréables. […] Un travailleur modeste et patient, un de ces ouvriers utiles de l’Université qui depuis des années rendent chaque jour des services sans faire de bruit, M. […] Un jour, peu d’années avant sa mort, on lui annonce, à l’archevêché de Paris, qu’un vieux prêtre tout brisé par l’âge est à la porte du palais, qu’il demande à le voir, et se dit un de ses anciens amis, venu exprès à Paris pour lui faire un dernier adieu : c’était le curé de Courbépine, du diocèse de Lisieux. […] L’histoire ecclésiastique du règne de Louis XIV est à faire, et M. de Harlay en paraîtrait, pendant des années, le centre principal, le directeur le plus réel et le plus apparent : Bossuet n’était que pour la confirmation, pour le couronnement de la doctrine, et pour un complément d’autorité et de grandeur. […] Jacquinet est depuis des années directeur des études littéraires dans cette même École, dont les traditions vivent en lui.
Le premier Lauzun, si insolent et si dur avec Mademoiselle, avait fini par épouser une femme jeune, parfaite, dont lui-même, à certains moments de sincérité, se reconnaissait indigne : Bonneval de même, le futur pacha, avait une divine jeune femme qui avait fait de lui son idole chevaleresque et qui s’estimait heureuse pour des années quand elle l’avait entrevu au passage. […] Son personnage principal, le duc Pompée-Henri de Joyeuse, un lion à la mode, beau, aimable, doué de tous les talents, un ténor et un virtuose comme on en a connu, — comme un Mario ou un Belgiojoso, — arrivé à l’âge de quarante ans, cette extrême limite de la jeunesse, à bout de ressources et de désordres, tout à fait ruiné, est appelé en Allemagne par un ancien ami de sa famille, un ami de sa mère, le comte Herman qui, en mourant, l’adopte et lui laisse par testament son immense fortune, à la condition de prendre son nom et de séjourner en Allemagne au moins une année. […] J’ai vu, dans mon enfance, une génération convaincue s’avancer intrépidement au-devant des obstacles, et je sais combien de sang et de larmes coûte chaque progrès de l’humanité ; j’ai vu, au lendemain de la Terreur, les restes de cette société égoïste et frivole se dédommager de quelques années d’abstinence en se jetant dans une licence sans limites : j’ai suivi le torrent, et, sans égard aux formes nouvelles, je continue les mœurs de mes contemporains. […] Ici, dans ‘le tableau tracé par Pompéa, nous avons le genre d’ivresse et de fureur cher aux années qui suivirent 1830. […] Ainsi d’époque en époque, de trente en trente années, on saurait les recommencements, les ardeurs premières et les folles cocardes de chaque jeunesse, ce qui faisait que son rêve délirant n’était pas tout à fait le délire d’une jeunesse qui avait précédé.
Nous avons à reprendre les dernières années de la vie de Cervantes là où nous l’avons laissée, c’est-à-dire depuis la publication de la première partie de Don Quichotte (1605). […] Pendant les dix années qu’il vécut encore, il habita dans la capitale ; mais il changea bien des fois de logement, et l’on a noté jusqu’à sept de ses déménagements successifs. […] Cervantes mourut le 23 avril 1616, dans sa soixante-neuvième année. […] Un aimable écrivain qui, sans se laisser oublier ici, a su depuis quelques années se naturaliser en Espagne, M. Antoine de Latour, dans un chapitre sur Cervantes, nous a fait assister à la messe qui se célèbre chaque année pour le repos de son âme.
Clément Brentano, venu là comme curieux, y est resté comme croyant, et a passé des années à recueillir, presque sous la dictée de l’humble fille, les paroles et descriptions en bas allemand, qui ne tarissaient pas sur ses lèvres. […] J’ai marqué la sorte d’estime respectueuse que m’inspirait cette jeune existence si sérieuse et si dévouée à quelques idées générales ; mais je ne me suis jamais dissimulé un défaut, selon moi capital, qui a présidé à toute la formation intellectuelle de ce beau talent, et que les années survenantes et la renommée établie ont plutôt masqué aux yeux qu’effacé en réalité : M. de Montalembert, comme esprit, n’a pas d’originalité ; il est disciple ; il l’a été de M. de Maistre en religion, et de M. de La Monnais plus particulièrement, de Victor Hugo en architecture et en admiration du gothique ; et quand il était disciple en un sens, il allait tout droit devant lui, il ne regardait ni à droite ni à gauche, il renversait tout. […] « Veuillez en agréer ici la bien sensible assurance, ainsi que celle de ma considération très-distinguée, « Mérode de Montalembert. » J’en étais là avec M. de Montalembert, lorsqu’à une séance particulière de l’Académie, quelques années après le 2 décembre, j’eus le regret d’avoir à le contredire directement et avec une certaine énergie. […] les années, les souffrances, les échecs et les humiliations de l’amour-propre, tout ce qui aurait dû rabattre de son habitude agressive n’a fait au contraire qu’irriter en lui ces besoin, cette rage d’insulte et d’invective qu’il semble avoir retenus de son premier maître La Mennais et qui fait tache dans son noble talent. Je me rappelle avoir entendu, il y a bien des années, Alexis de Saint-Priest, un jour que Montalembert développait dans un salon, de cet air d’enfant de chœur qu’il garda longtemps et de sa voix la plus coulante, une de ses théories inflexibles et absolues, lui dire avec gaieté : « Montalembert, vous me rappelez la jeunesse de Torquemada. » Passe pour la jeunesse !
La paix est confirmée depuis plus de deux ans ; l’hiver est doux ; la saison est assez avancée, et on doit avoir plus de légumes que les autres années ; la cherté diminue tous les jours. […] Tout ce qui passait de distingué à Cambrai (et presque toute l’armée y passait à chaque campagne, durant ces guerres des dernières années de Louis XIV) voyait Fénelon, était traité par lui ; et, avec cet attrait particulier qui était le sien, il lui restait, de ces connaissances de passage, plus d’une liaison durable. […] Je finis par un acte de protestation tiré de votre ami Pline le Jeune : Neque enim amore decipior… C’est-à-dire : « L’affection ne m’aveugle point, il est vrai que j’aime avec effusion, mais je juge, et avec d’autant plus de pénétration, que j’aime davantage. » Cette correspondance de Fénelon avec le chevalier Destouches nous montre le prélat jusque dans ces tristes années (1711-1714) se délassant parfois à un innocent badinage et jouant, comme Lélius et Scipion, après avoir dénoué sa ceinture. […] Ce fut une grande année pour Fénelon que cette année 1711. […] On y trouverait quelques détails de plus sur la dernière année de Fénelon (1714).