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854. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Charles-Quint après son abdication, au monastère de Saint-Just »

il viendra, quelques années après, un sage appelé Montaigne qui remettra tout à sa place et à son rang dans l’estime, et qui ayant à développer cette idée, qu’un père sur l’âge, « atterré d’années et de maux, privé par sa faiblesse et faute de santé de la commune société des hommes, se fait tort et aux siens de couver inutilement un grand tas de richesses, et que c’est raison qu’il leur en laisse l’usage puisque la nature l’en prive », ajoutera pour illustrer sa pensée : « La plus belle des actions de l’empereur Charles cinquième fut celle-là, à l’imitation d’aucuns Anciens de son calibre, d’avoir su reconnoître que la raison nous commande assez de nous dépouiller, quand nos robes nous chargent et empêchent, et de nous coucher quand les jambes nous faillent : il résigna ses moyens, grandeur et puissance à son fils, lorsqu’il sentit défaillir en soi la fermeté et la force pour conduire les affaires avec la gloire qu’il y avoit acquise : Solve senescentem… » Mais entrons un peu plus avant dans les raisons qui persuadèrent à une de ces âmes d’ambitieux, si aisément immodérées, d’en agir si sensément et prudemment. […] Il dissimula même très bien aux yeux de tous sa reprise ou son redoublement d’action consultative dans les négociations du dehors ; surtout il ne voulut jamais paraître se mêler en rien des affaires de l’intérieur du royaume ; et le solitaire, quoique très visité des reines, ses sœurs, et des plus hauts personnages, le demi-saint, comme rappelle Brantôme, conserva jusqu’au bout son air de réserve et son attitude d’auguste reclus. […] Toute cette fin de vie de Charles-Quint me fait l’effet d’une oraison funèbre en action.

855. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « Horace Vernet »

La Pièce en action, la Pièce en batterie. […] (un grenadier blessé au genou et assis sous un arbre au commencement d’une action.) — J’te vas descendre ! […] Par suite de je ne sais quel préjugé scolastique, nous sommes toujours tentés de faire plus de cas d’un peintre qui, pour peindre, s’enferme, regarde moins la nature, étudie les vieilles toiles et peut-être même les livres, que d’un peintre vif, avisé, extérieur, tourné à l’action, avide de mouvement, doué de toutes les adresses corporelles, excellent tireur, excellent lutteur, parfait cavalier, habile à tous les exercices qui eussent honoré un Grec du temps de Xénophon.

856. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Histoire de Louvois par M. Camille Rousset. Victor-Amédée, duc de Savoie. (suite et fin.) »

Comme il est dans un âge où il n’a point encore acquis tout le pouvoir sur lui qu’il aura sans doute avec le temps, il lui échappe quelquefois de dire de certaines choses dont Madame Royale est informée, par le soin qu’on a de veiller continuellement sur ses actions et sur ses paroles… Ce qui doit augmenter l’inquiétude de Madame Royale, c’est qu’on voit que M. le duc de Savoie est vif, impatient et sensible, et que, dans les premières années de sa régence, elle l’a traité avec une sévérité dont à peine elle s’est relâchée depuis quelques mois… » Le jeune prince en était dès lors à éprouver pour sa mère un sentiment de répulsion et presque d’aversion. Admis, le soir, à lui baiser la main, selon l’étiquette, et rarement le visage, il lui arrivait, lorsque cette dernière faveur lui avait été accordée par hasard, de se frotter la joue en sortant de la chambre « comme s’il avait approché d’un pestiféré », avouant à son valet de chambre favori qu’il savait et désapprouvait de tout son cœur les actions et déportements de sa mère. […] Il faut voir comme l’orateur, après avoir exalté toutes les vertus de la mère, y célèbre dans le jeune prince — « Le rayon divin qui brille avec tant d’éclat sur son visage et dans toute sa personne ; cet air noble, fin et délicat, cette vivacité ingénieuse qui n’a rien de rude, de léger ni d’emporté ; cette physionomie haute, sérieuse et rassise qu’on lui voit prendre dans les fonctions publiques, et qui donne un nouveau lustre aux grâces naïves de son âge ; enfin l’agrément inexprimable que le Ciel a répandu dans toutes ses actions, qui le rend le centre des cœurs aussi bien que des yeux dans les assemblées et dans les cérémonies, qui le distingue beaucoup plus que le rang qu’il y tient, et dans lequel on entrevoit toujours pour dernier charme un fond de bonté, de droiture, de discernement et de raison qui se découvre tous les jours de plus en plus dans tous ses sentiments et toutes ses inclinations.

857. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Marie-Antoinette (suite.) »

Je ne peux pas dire qu’il me traite en dessous et en enfant, et qu’il ait de la défiance pour moi : au contraire ; il lui échappait l’autre jour un long discours devant moi et comme s’il parlait à lui-même sur les améliorations à introduire dans les finances et dans la justice ; il disait que je devais l’aider, que je devais être la bienfaisance du trône et le faire aimer, qu’il voulait être aimé ; mais il n’a pas énuméré ses moyens d’action, soit qu’il ne les ait pas encore combinés, soit qu’il les garde pour ses ministres ; il leur écrit beaucoup ; c’est au vrai un homme qui est tout en lui, qui a l’air d’être fort inquiet de la tâche qui lui est tombée tout à coup sur la tête, qui veut gouverner en père. […] C’est ainsi qu’on se perd, qu’on s’annule quand on est roi, et qu’avec toute la droiture intérieure on démoralise sa propre action. […] Avec la Révolution s’ouvre un autre champ d’action, une autre époque.

858. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Correspondance de Louis XV et du maréchal de Noailles, publiée par M. Camille Rousset, historiographe du ministère de la guerre »

Voilà ce qu’il serait assez utile d’examiner, et pas très difficile peut-être de décider, aujourd’hui qu’on a sous les yeux le résultat des actions et, de plus, tous les témoignages. […] En lui refusant un de ces grands succès, tel que l’eût été par exemple Dettingen, s’il y eût été vainqueur, une de ces actions d’éclat qui couvrent bien des fautes ou des insuffisances et qui font passer un homme de l’état contesté a l’état consacré, il semble que la Fortune, si prodigue d’ailleurs envers lui, n’ait été que juste et qu’elle ait résisté, au dernier moment, à couronner une gloire trop superficielle. […] De quelque côté qu’on la prenne et qu’on essaye de la retourner, l’action n’est pas belle ; c’est une perfidie, et si l’espèce de fureur dont est saisi Saint-Simon toutes les fois qu’il y revient peut faire sourire, n’oublions pas qu’il est meilleur juge que personne de la noirceur du tour, puisqu’il savait seul à quel semblant de bonne grâce, d’émotion et de tendresse à son égard s’était portée, dans le tête-à-tête, la reconnaissance du duc de Noailles pour les offices généreux qu’il lui avait rendus.

859. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Marie-Thérèse et Marie-Antoinette. Leur correspondance publiée par le chevalier d’Arneth »

Malgré le découragement où me jette parfois le peu de succès que j’ai en sacrifiant depuis deux ans toutes mes pensées et actions à Mme la dauphine, je vois bien de la ressource dans son esprit et son caractère. » Nous sommes ici dans la vraie mesure : ni engouement ni dénigrement. […] Nous devons rappeler toutefois qu’à cette date de 1779 l’abbé de Vermond ne fit qu’une fausse sortie : il y eut un prompt retour ; la reine répara envers lui le passé et se fit un honneur de le mieux traiter au vu de tous95 ; on le retrouve à la Cour de Versailles sur un pied de crédit et même de faveur dans les années suivantes, très-mêlé sous main, dit-on, à l’action et aux influences des Brienne et des Breteuil. […] On a vécu jusqu’ici, en ce qui le concerne, sur le portrait, vraiment odieux, que Mme Campan avait tracé de lui : « Cet abbé de Vermond, dit-elle, dont les historiens parleront peu parce que son pouvoir était resté dans l’ombre, déterminait presque toutes les actions de la reine.

860. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « DISCOURS DE RÉCEPTION A L’ACADÉMIE FRANÇAISE, Prononcé le 27 février 1845, en venant prendre séance à la place de M. Casimir Delavigne. » pp. 169-192

Les caractères se dessinent et contrastent, ils concourent tous par un jeu naturel à l’action. […] Nous autres critiques qui, à défaut d’ouvrages, nous faisons souvent des questions (car c’est notre devoir comme aussi notre plaisir), nous nous demandons, ou, pour parler plus simplement, Messieurs, je me suis demandé quelquefois : Que serait-il arrivé si un poëte dramatique éminent de cette école que vous m’accorderez la permission de ne pas définir, mais que j’appellerai franchement l’école classique, si, au moment du plus grand assaut contraire et jusqu’au plus fort d’un entraînement qu’on jugera comme on le voudra, mais qui certainement a eu lieu, si, dis-je, ce poëte dramatique, en possession jusque-là de la faveur publique, avait résisté plutôt que cédé, s’il n’en avait tiré occasion et motif que pour remonter davantage à ses sources à lui, et redoubler de netteté dans la couleur, de simplicité dans les moyens, d’unité dans l’action, attentif à creuser de plus en plus, pour nous les rendre grandioses, ennoblies et dans l’austère attitude tragique, les passions vraies de la nature humaine ; si ce poëte n’avait usé du changement d’alentour que pour se modifier, lui, en ce sens-là, en ce sens unique, de plus en plus classique (dans la franche acception du mot), je me le suis demandé souvent, que serait-il arrivé ? […] Sa santé, de tout temps délicate, s’altérait déjà et se minait profondément ; il vivait plus exactement que jamais dans la famille : les jours d’action au foyer du théâtre, et le tous les jours au foyer domestique.

861. (1861) Cours familier de littérature. XII « LXVIIIe entretien. Tacite (1re partie) » pp. 57-103

II Les véritables historiens sont très rares au contraire, et, pour tout dire, plus rares peut-être que les grands poètes ; plus rares certainement que les grands hommes d’action. […] « Suspectant l’inimitié de Claude contre lui, il se confina dans le fond de l’Asie, aussi près de l’exil qu’il le fut plus tard de l’empire ; mélange de luxure, d’intrigue, de popularité, d’insolence, de bonnes et de mauvaises habiletés ; excessif de plaisirs dans le loisir, d’activité dans l’action, sa vie publique méritait des éloges, sa vie privée de la honte. […] L’armée la plus redoutable dans l’action est celle qui est la plus soumise avant la guerre.

862. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre IV. Ordre d’idées au sein duquel se développa Jésus. »

Moïse et Mahomet n’ont pas été des spéculatifs : ce furent des hommes d’action. C’est en proposant l’action à leurs compatriotes, à leurs contemporains, qu’ils ont dominé l’humanité. […] Voilà pourquoi les dépositaires de l’esprit de la nation, durant ce long période, semblent écrire sous l’action d’une fièvre intense, qui les met sans cesse au-dessus et au-dessous de la raison, rarement dans sa moyenne voie.

863. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Œuvres de Frédéric le Grand. (Berlin, 1846-1850.) » pp. 144-164

Je dis nous, car c’est en français que Frédéric a écrit, c’est en français qu’il a pensé, c’est aux Français encore qu’il songeait souvent et qu’il s’adressait pour être lu, même quand il écrivait des jugements et des récits d’actions qui étaient si peu faits pour leur être agréables. […] On a cherché à établir une contradiction entre les paroles et les écrits de Frédéric, adepte de la philosophie, et ses actions comme roi et comme conquérant. […] Je ne sais pas d’homme qui, plume en main, soit moins charlatan que lui ; il dit ses raisons et ne les colore en rien : « Un rôle d’emprunt est difficile à soutenir, pensait-il ; on n’est jamais bien que soi-même. » En écrivant l’histoire de sa maison sous le titre de Mémoires de Brandebourg, il nous donne le sens, l’inspiration première et la clef de ses actions.

864. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Madame de Maintenon. » pp. 369-388

Nous n’avons qu’une partie de son esprit dans ses lettres, le goût, le bon ton, la raison parfaite et le tour parfois piquant ; mais ce qui animait la société, cet enjouement qu’elle mêlait discrètement à ses récits, à ses histoires, ce qui pétillait de brillant et de fin sur son visage quand elle parlait d’action, comme dit Choisy, tout cela a disparu et ne s’est point noté. […] Une fois accueillie, en un mot, elle ne l’était pas à demi ; par la parole comme par l’action, elle y devenait l’âme, la ressource, l’agrément du lieu. […] Mme Du Deffand, qui est littérairement de la même école, a très bien rendu l’effet que font les lettres de Mme de Maintenon, et on ne saurait mieux les définir : Ses lettres sont réfléchies, dit-elle ; il y a beaucoup d’esprit, d’un style fort simple ; mais elles ne sont point animées, et il s’en faut beaucoup qu’elles soient aussi agréables que celles de Mme de Sévigné ; tout est passion, tout est en action dans celles de cette dernière : elle prend part à tout, tout l’affecte, tout l’intéresse ; Mme de Maintenon, tout au contraire, raconte les plus grands événements, où elle jouait un rôle, avec le plus parfait sang-froid ; on voit qu’elle n’aimait ni le roi, ni ses amis, ni ses parents, ni même sa place ; sans sentiment, sans imagination, elle ne se fait point d’illusions, elle connaît la valeur intrinsèque de toutes choses ; elle s’ennuie de la vie, et elle dit : « Il n’y a que la mort qui termine nettement les chagrins et les malheurs… » Il me reste de cette lecture beaucoup d’opinion de son esprit, peu d’estime de son cœur, et nul goût pour sa personne ; mais, je le dis, je persiste à ne la pas croire fausse.

865. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « De la poésie et des poètes en 1852. » pp. 380-400

Au-dessous et en dehors des grands poètes du temps, de ceux qui ont exercé action et influence, M.  […] Quelques-uns de ces tableaux, tels que La Foire aux bœufs et la scène des Lutteurs, suffiraient pour assigner à cette production un rang des plus distingués, bien que l’absence d’action et aussi le manque d’un certain charme empêchent, selon moi, le poème d’atteindre tout son objet ; et l’objet de tout poème de ce genre est de faire aimer ce qu’on chante. […] Le jour où il plaira à Dieu et à la nature de produire un talent complet doué de cette puissance d’action et de sympathie, il trouvera pour ses créations un rythme, des images, un style propre aux tons les plus divers, en un mot des éléments tout préparés.

866. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Beaumarchais. — III. (Suite et fin.) » pp. 242-260

Les actions de la société avaient été portées fort haut, et peut-être d’une manière artificielle. Mirabeau, poussé par son ami, le banquier Clavière, combattit l’entreprise pour faire baisser les actions. […] Il adressait aux Comédiens-Français de très judicieuses et très prudentes observations à ce sujet (9 novembre 1789) : La pièce de Charles IX, disait-il, a certainement du mérite ; elle est dans quelques scènes d’un effet terrible et déchirant, quoiqu’elle languisse dans d’autres et n’ait que peu d’action… Mais, en me recherchant sur sa moralité31, je l’ai trouvée plus que douteuse.

867. (1891) Journal des Goncourt. Tome V (1872-1877) « Année 1873 » pp. 74-101

Là, je me suis surpris à avoir presque peur de l’attirement que produit le tournoiement de grandes machines, l’action enveloppante de l’engrainage : — cela a quelque chose de la fascination du vide. […] Cette Italie qu’il croyait, après sa rénovation, reprendre un élan, et redevenir quelque peu l’Italie du xvie  siècle, il constate tristement qu’elle imite maintenant les États-Unis, et est obligé de déclarer que les vrais et désintéressés savants qu’elle possède encore, sont des savants de la vieille génération : « On sait très bien, dit-il, comment se fait une vocation, c’est par l’action sur l’imagination des enfants, des jeunes gens, du rôle que joue dans les conversations autour d’eux, un individu de leur famille ou de leur connaissance. […] Comme on parle de l’action révolutionnaire, exercée dans les élections en province, Calemard de Lafayette dit : « L’agent révolutionnaire le plus redoutable, et qu’on retrouve presque dans tous les cantons, — j’ai pu en faire l’observation moi-même — c’est un huissier véreux, devenu banquier. » Mercredi 17 décembre La toquade de Flaubert d’avoir toujours fait et enduré des choses plus énormes que les autres, a pris, ce soir, les proportions de la dernière bouffonnerie.

868. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 38, que les peintres du temps de Raphaël n’avoient point d’avantage sur ceux d’aujourd’hui. Des peintres de l’antiquité » pp. 351-386

Cet air exterieur les détruit aussitôt qu’elles redeviennent exposées à son action, au lieu qu’il n’endommage les peintures enterrées en des lieux où il avoit conservé un libre accès, que comme il endommage tous les tableaux peints à fresque. […] Quatre ou cinq traits que le sculpteur à sçu placer à propos sur son visage, je ne sçais quoi qu’on remarque dans l’action de ses mains, démentent la naïveté et la sincerité qui paroissent d’ailleurs dans son geste et sur son visage. […] Ses doigts sont bien placez comme ils le doivent être pour peser sur le fer, et pour le presser contre la pierre à aiguiser, mais leur action est suspenduë.

869. (1917) Les diverses familles spirituelles de la France « Chapitre iii »

Il revenait du plus fort de l’action, car il ne peut pas souffrir de rester loin des combattants. […] », et parfois il arrive qu’un grand chef demande aux aumôniers de parler aux hommes à la veille d’une action. […] L’abbé Ligeard, du grand séminaire de Lyon, caporal au 28e bataillon de chasseurs alpins, avant de partir pour l’action, le jour même de sa mort, écrit : « J’offre ma vie pour que se dissipent les malentendus qui existent entre le peuple de France et les prêtres. » (Communiqué par l’A.

870. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre XV. »

Là se remarque bien cette action générale de l’esprit d’un peuple conduit par degré à un point plus élevé de puissance et de culture sociale. […] Au moment où, conduit par une rêverie savante à ce matérialisme épicurien dont César devait abuser en factieux quelques années après, Lucrèce allait expliquer la formation spontanée du monde, l’action exclusive de la matière, l’intelligence passagère qui en résulte et la mortalité absolue de l’être humain, il élève ses regards vers les cieux ; il y voit briller un astre cher à la superstition romaine ; il en retrouve le souvenir et le nom dans les origines de Rome, et il ouvre son poëme antimythologique et antiplatonique par cette invocation incomparable à la déesse de la fécondité dans la nature, à cette déesse de la beauté et de l’amour, qu’il supplie de désarmer le dieu de la force et de la guerre : « Mère des enfants d’Énée, charme des hommes et des dieux, bienfaisante Vénus ! […] C’est la poésie lyrique en action ; et nulle part, à nos yeux, elle n’aura montré plus de grâce noble et naïve.

871. (1927) Les écrivains. Deuxième série (1895-1910)

Aujourd’hui, l’action doit se réfugier dans le livre. […] Nul autre drame, nulle autre action, dans ce livre, que la faim. […] Il manipule avec une plus grande dextérité le mécanisme compliqué des actions et des passions humaines. […] Il agit et pense selon son milieu, avec tous les caractères de pensée et d’action qui lui sont propres. […] Son action se déroule sur un repli de l’histoire… Elle a l’ampleur, la tenue sévère, la solidarité, la clarté des tragédies classiques.

872. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — C — article » pp. 83-84

Il seroit difficile de présenter sous un jour plus frappant le Charlatanisme, les intrigues, les manéges & tous les travers de la Philosophie moderne, qu’ils ne le sont dans ces Mémoires ; Production vraiment originale, où la critique est mise en action de la maniere la plus piquante & la plus capable de faire impression sur les esprits mêmes prévenus.

873. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — J. — article » pp. 515-516

On n’y trouve point, à la vérité, ces traits de force qui étonnent l’Auditeur, ces tableaux énergiques qui le frappent, ces grands mouvemens qui l’entraînent : mais il est aussi très-éloigné de cette affectation de descriptions frivoles, plus propres à amuser qu’à instruire ; de ces portraits où l’on s’occupe plus du coloris, que de la vérité ; de cette recherche d’esprit qui éteint le feu de l’action, & invite à croire qu’on n’est pas plus persuadé soi-même, qu’on ne s’inquiete de persuader les autres ; de ces pensées plus fines que solides ; de ces tours plus brillans que naturels ; de ces expressions plus mondaines qu’oratoires ; ressources indignes de la majesté de la Chaire, & plus ajustées au ton des fauteuils académiques, où le sommeil de celui qui parle, est le précurseur de celui des personnes qui écoutent.

874. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — L — article » pp. 73-74

L’Auteur a eu l’art de disposer les Scènes de maniere que l’action ne languit point, & c’est par cette espece de magie, peu connue des Poëtes tragiques d’à présent, qu’il a su en rendre les défauts moins sensibles.

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