Oui, vous pouvez prendre le roi, — comme dans la tragédie de Racine ; — vous pouvez prendre le médecin, — comme dans la comédie de Molière ; — parce que, de fait, il y a certaines fonctions, certains arts, certains métiers dont l’exercice modifie le fonds humain d’une certaine manière, et d’une certaine manière qu’il est possible, utile, et intéressant de déterminer.
Toutefois, attendez un instant ; je tiens à vous donner d’abord un exemplaire de Hassan, un exemplaire authentique ; car le pudique éditeur m’a rayé un mot que Hassan et Molière ont employé dans leur temps sans y rien voir de mal, mais qui, dans les pensionnats de jeunes filles, semble-t-il, n’est pas d’un usage journalier. […] L’ami du Jardin de Bérénice ne s’intéresse à cette existence insouciante et pervertie de petite femme-fille, ni par amour de la vertu, — il en est peu question dans le livre, — ni par amour du vice, mais simplement pour l’amour de l’humanité suivant l’évangile de Molière et des honnêtes gens.
Voyez Molière et son Avare, son Tartuffe d… Oui, mais Molière n’a pas prétendu représenter la forme particulière qu’a prise l’avarice ou l’hypocrisie à un moment très précis de l’évolution sociale.
Les rivalités de Molière avec la troupe de Montfleury ne font-elles pas partie de l’histoire de l’art dramatique ? […] Heredia nous citait de lui des traits que n’eût pas dédaignés Molière pour son Harpagon ou Balzac pour son père Grandet.
Rien n’a péri de ces peintures, parce que Molière a discerné, par-dessous des phénomènes passagers, des causes éternelles. […] Molière semble avoir deviné ce trait, quand il montre, au quatrième acte du Festin de Pierre, son héros en face d’Elvire : « Sais-tu bien que j’ai encore senti quelque peu d’émotion pour elle ?
Où sont les maris de Molière et de l’ancienne comédie ?
Voyez-les, l’été de cette même année 1853, en visite chez Amiel, qui est à Lancy : « Marc Monnier et Victor Cherbuliez, avec qui nous avons discouru de l’Allemagne, de Molière, de Shakespeare, du style des écrivains français, et joué beaucoup de parties de boules.
Elle fut très haut dans son estime, laquelle n’était pas de ces estimes prostituées dont parle Molière. […] On a dit que le Masque de Fer était un frère de Louis XIV, ou un ministre de Louis XIV, ou un personnage politique très considérable, ou Molière ; plus modestement, on a dit que c’était un tout petit diplomate italien, Mattioli.
Il en est le fondateur et le père… Ce que je ne saurais rendre, c’est cette parole sûre et souple, naturelle et élégante ; c’est cette aisance sans affectation, cette connaissance de son public, cet esprit toujours doublé de bon sens, cette malice voilée de bonhomie ; c’est l’art d’amener des citations heureuses, qui jettent sur le sujet de la lumière et de l’éclat ; c’est une lecture animée et fine, qui conserve aux chefs-d’œuvre la fraîcheur et la vie, qui nous fait voir des intentions et des nuances nouvelles jusque dans Molière ; ce sont enfin toutes ces qualités qui font de M.
Molière est athée ; La Fontaine est païen : l’incrédulité et l’indifférence se partagent les esprits… » Holà ! […] … Bourdaloue et Bossuet, ne les oublions pas, nous allons les considérer comme des « missionnaires », et qui ont fort à faire dans une société à laquelle Pascal et Descartes ont enseigné ou enseignent l’incrédulité morale et métaphysique, Molière l’athéisme, La Fontaine le paganisme et, Racine, la passion jusques au meurtre ; des missionnaires : et ceux qui évangélisent les sauvages, dans les pays étranges, ne sont pas plus occupés.
Pareillement les œuvres vivantes et simples de Molière sont plutôt des romans dialogué ? […] Dois-je dire que ni Corneille, ni Molière, ni la plupart des écrivains en vers de notre siècle, ne furent vraiment des poètes ?
Soit qu’on cite avec orgueil ses illustres sectateurs, Chapelle, Molière, Bernier, l’abbé de Chaulieu, M. le grand prieur de Vendôme, le marquis de la Fare, le Chevalier de Bouillon, le maréchal de Catinat, et plusieurs autres hommes extraordinaires, qui, par un contraste de qualités agréables et sublimes, réunissaient en eux l’héroïsme avec la mollesse, le goût de la vertu avec celui du plaisir, les qualités politiques avec les talents littéraires ; soit qu’on rappelle, après eux, l’école de Sceaux, qui rassembla ce qui restait de ces sectateurs du luxe, de l’élégance, de la politesse, de la philosophie, des vertus, des lettres, et de la volupté, et qui compta parmi ses membres Hamilton, Saint-Aulaire, l’abbé Genest, Malésieu, La Motte, M. de Fontenelle, M. de Voltaire, plusieurs académiciens et quelques femmes illustres45 ; soit qu’au contraire, on juge bon de mettre en garde les chrétiens contre une doctrine soi-disant puisée dans les vraies sources de la nature, contre un philosophe qui a mis le souverain bien dans les sens et dans la volupté : toujours on pense à cette influence prolongée46 ; toujours on constate l’action de la « secte épicurienne », qui prépare la vie à la passion, par le plaisir et par la liberté.
À Monsieur Henry Houssaye de la « Revue des Deux Mondes. » Monsieur, Les étrangers sont comme le grand Molière, ils prennent leur bien où ils le trouvent.
Ame d’un autre temps, noble femme qui, par le contraste de sa supériorité morale avec ce siècle de jouissance, de bien-être et de luxe, a quelque chose de la fière et étrange originalité du Misanthrope de Molière.
Je n’oserais pas dire que « la femme est le potage de l’homme » ; mais Molière l’a dit, et l’on peut le répéter d’après lui. […] Guizot, un autre sur les méthodes de l’histoire naturelle appliquées à la critique ; qu’on note çà et là, en cent endroits, de petites phrases qui semblent tombées presque sans intention de sa plume, et qui sont aussi profondes que les meilleurs mots épars dans les ouvrages légers de Voltaire, on y trouvera en raccourci une morale, une esthétique, une politique, même une théologie, en première ligne une psychologie, tout un corps de pensées secrètement unies et soudées, et qui, avec celles de Montaigne, de Molière, de La Rochefoucaud, de Voltaire, de Hume, de tous les analystes anciens et modernes, composent l’une des deux grandes philosophies toujours vivantes, celle qui, rabattant beaucoup d’espérances, réduit l’homme au souci de son espèce et n’admet que l’expérience pour établir la vérité.
Je prouvai que le sublime de l’esprit était proportionnel à la vertu du cœur dans Sophocle, Corneille, et Molière : nous retrouvons dans le pur et doux Virgile les mêmes dispositions que dans le sensible Racine. […] Je n’ai pu le louer, en traitant après de la comédie, d’avoir trop vaguement parlé de Molière, d’avoir méconnu Plaute, et méprisé jusqu’à l’excès l’extraordinaire Aristophane, tous excellents auteurs dont il resserre l’examen en quelques pages arides et stériles : maintenant je ne puis le louer non plus, en traitant de l’épopée, d’avoir épuisé sa dialectique à défendre la Henriade contre les vaines remarques de Clément, et d’avoir négligé d’approfondir Homère, Virgile, le Dante, l’Arioste, le Tasse, et Milton.
Il y a des auteurs dramatiques soumis aux mêmes nécessités matérielles et aux mêmes devoirs professionnels que Shakespeare, qui n’ont jamais senti la contrainte de ces nécessités et de ces devoirs, tant la forme du drame est adéquate à la nature de leur génie : Molière, par exemple. Il est absolument impossible de comprendre Molière exprimant ses pensées autrement que sous la forme dramatique ; la nature particulière du génie a été en rapport tout à fait exact avec la profession, et les fatalités de la vie n’ont en rien contraint la liberté de l’esprit.
Il en est chez lui deux entre autres, les Hypocrites et le Châtiment de l’avarice, dans lesquelles Molière trouva quelques traits qui ne déparent ni son Avare ni son Tartufe. […] Corneille et Molière lui-même sont mal compris ; les comédiens qui les jouent y font à chaque instant des contresens.
Il y a peu de personnes pour s’indigner de l’immoralité de La Fontaine ou de l’indifférence de La Fontaine à la morale ; mais dès qu’il s’agit de Molière on devient sévère et, d’autre part, quand il s’agit de prouver leur thèse du beau se confondant avec le bien, les Cousin s’écrient : « Voyez Corneille ! […] L’écueil ici, dont a pâti Molière, c’est de laisser échapper quelques traits d’observation vraie, qui, ramenant le spectateur à un demi-sérieux, le ramèneraient infailliblement à des préoccupations de moralité et alors lui feraient prendre avec humeur soit l’absence de moralité, soit quelques atteintes légères à la morale.
Les précieuses — et telles ou telles précieuses dont on peut dire les noms — ont imaginé des mots, qu’ensuite tout le monde employa et qui même devinrent assez habituels et familiers pour que Molière, qui s’était raillé de ces délicates pédantes, se servit plus tard, et sans qu’il s’en aperçût, de bien des mots qu’elles avaient forgés. […] Elle est plutôt celle du dix-septième siècle ; et, en effet, Racine, Molière, Corneille, La Fontaine ont maintes fois annoncé qu’à leur avis l’objet de l’art était de plaire : la littérature est, pour eux, un divertissement.
Peut-être n’est-il pas sans opportunité de remarquer combien le plus sagace peintre de mœurs paru chez nous, depuis Molière, allait à l’encontre des sophismes que professent aujourd’hui, avec un esprit plus sectaire que jamais, les héritiers des Jacobins. […] Quand Mme Arvède Barine dit de Musset qu’il était aussi peu auteur que possible, elle a raison, si elle entend par là que Musset n’avait pas quelques-uns des défauts de vanité si plaisamment soulignés par Molière dans son Trissotin, par Balzac dans son Canalis.