Il marque tout dans le vol du faisan, le frou-frou de son essor, « ses teintes lustrées, changeantes, — sa crête de pourpre, ses yeux cerclés d’écarlate, — le vert si vif que déploie son plumage luisant, — ses ailes peintes, sa poitrine où l’or flamboie1121. » Il a la plus riche provision de mots brillants pour peindre les sylphes qui voltigent autour de son héroïne, « lumineux escadrons dont les chuchotements aériens semblent le bruissement des zéphyrs, — et qui, ouvrant au soleil leurs ailes d’insectes, — voguent sur la brise ou s’enfoncent dans des nuages d’or ; — formes transparentes dont la finesse échappe à la vue des mortels, — corps fluides à demi dissous dans la lumière, — vêtements éthérés qui flottent abandonnés au vent, — légers tissus, voiles étincelants, formés des fils de la rosée, — trempés dans les plus riches teintes du ciel, — où la lumière se joue en nuances qui se mêlent, — où chaque rayon jette des couleurs passagères, — couleurs nouvelles qui changent à chaque mouvement de leurs ailes1122. » Sans doute ce ne sont point là les sylphes de Shakspeare ; mais à côté d’une rose naturelle et vivante, on peut encore voir avec plaisir une fleur en diamants, comme il en sort des mains d’un joaillier, chef-d’œuvre d’art et de patience, dont les facettes font chatoyer la lumière et jettent une pluie d’étincelles sur le feuillage de filigrane qui les soutient.
Les désastres et l’évacuation de l’Espagne ; la campagne de Saxe, dernière étreinte des bras qui veulent retenir en vain le monde tout entier quand chacune de ses conquêtes lui échappe ; les faux retours de gloire à Dresde, à Lützen, à Bautzen ; les négociations de mauvaise foi avec l’Autriche, négociations aussi exigeantes après les revers qu’après les victoires ; le tombeau de la dernière armée française à Leipsick ; la retraite sur le Rhin ; le second retour de Napoléon sans armée à Paris, pour demander le dernier soldat à la terre qui lui a donné en trois ans trois armées de six cent mille soldats à jouer et à perdre, sont les dernières scènes de ce magnifique drame entre un homme et l’univers.
À ces mots des larmes s’échappent de ses yeux ; elle raconte une partie de ses infortunes et le berger attendri mêle ses pleurs avec les siens.
Je pourrais ajouter ici ce qui a échappé à M. de Vigny, c’est que l’armée forte et dictatoriale de la France lui est aussi énergiquement commandée, depuis quelques années, pour les garanties intérieures de la société industrielle au dedans, que par ses ennemis au dehors.
« Étant au palais du cardinal de Ferrare, j’étais parfaitement traité, et j’y recevais beaucoup de visites : tout le monde voulait voir un homme qui avait échappé à tant de dangers.
Mais, trop près d’Athènes pour échapper à la persécution des Athéniens, trop voisin de la Macédoine pour éviter la vengeance des ennemis de son neveu Callisthène, il reçut, selon les uns, la ciguë de Socrate ; selon d’autres, il la devança en la buvant de lui-même, dans la soixante et onzième année de sa vie.
Précepteur du petit-fils du grand Condé, hôte d’une famille de fauves, il y échappe aux familiarités humiliantes et meurtrières (vous savez la fin de Santeuil) à force de réserve et de respect exact et froid.
Pour que le gibier puisse échapper au faucon, il faut qu’il y ait en lui certaines modifications qui correspondent à des modifications hors de lui ; il faut qu’il y ait correspondance entre sa fuite et la poursuite de son ennemi.
Il introduit une discontinuité et une fixité artificielles dans le cours continu et fuyant des représentations ; il découpe la vie mentale en petits morceaux inertes dont le lien interne échappe.
Jeudi 24 juillet Après une longue conversation, la tête penchée sur ses pieds dans leurs bottines de feutre, Daudet laisse échapper : « Dire que toutes les nuits, je rêve que je marche… que je marche sur des plages, où les gens me disent : « Comme vous marchez bien sur les cailloux… » Et le réveil… Ah !
À chacun de ces beaux ou gracieux tableaux des labours, des semailles, des foins, de la moisson, des glaneuses, des chars fleuris, des repas champêtres, des moutons rentrant ou sortant de la bergerie sous la garde des chiens, des taureaux présentant leur cou nerveux aux jougs entrelacés de feuillages pour écarter de leurs yeux les mouches ; à ces épisodes des danses sur l’aire, des noces villageoises, et des cérémonies religieuses qui poétisent tout en rattachant tout au premier anneau qui porte le monde, une allusion inattendue à une de ses lectures, une citation d’un verset des Écritures, d’un vers traduit d’Homère ou de Virgile, d’un passage de Fénelon ou de Bernardin de Saint-Pierre, s’échappait comme involontairement de ses lèvres et gravait dans notre mémoire une empreinte juste et pittoresque du spectacle que nous avions sous les yeux.
Échappé à cette mer orageuse, que je n’ai fait qu’entrevoir, puisse-t-il dire aux gens de lettres avec autant de fruit que de vérité !
L’histoire complète ne nous éclairerait pas, en effet, d’un rayon de plus, la triste action d’un pouvoir qui n’échappera pas éternellement à l’appellation cruelle que son historien lui a épargnée.
L’éclat de ce rose charmant, fait avec du sang, étendu dans des larmes, n’a pas échappé à l’œil de Coleridge, qui a signalé, comme un poète, l’œuvre du poète, ici le plus adorable de tous : « Roméo et Juliette, — dit-il, — ce n’est que printemps et jeunesse !
Pour un homme de l’organisation supérieure de Féval, à la double nature aristocratique et artiste, pour cet homme d’esprit qui échappe à tout par le don précieux de l’ironie et n’est dupe de rien, pas même peut-être de ses propres inventions, ne voilà-t-il pas une belle position et une belle gloire que d’être le Dennery du roman et de trôner comme roi d’un genre dans lequel Ponson du Terrail est évidemment le dauphin !
On eût été bien étonné d’apprendre que l’analyse chimique laissait échapper les « vitamines », dont la présence dans notre nourriture est indispensable à notre santé.
Même, s’il lui échappait quelque chose d’ingénieux, sa mère, femme supérieure cependant, lui disait : « Sans doute, Honoré, tu ne comprends pas ce que tu dis là ? […] Dans sa jeunesse, il possédait au plus haut degré la beauté du juif d’Orient : — nous ignorons s’il était israélite de fait ou de descendance Il avait la tête un peu grande peut-être pour sa taille, mais d’une correction parfaite ; un nez légèrement aquilin, des yeux noirs à paupière souple et large, d’où s’échappaient des flamboiements de lumière ; des cheveux fins, lustrés, brillants, d’un noir de jais et qui, comme ceux des Maltais, se tordaient naturellement en petites spirales, un teint olivâtre, uni, coloré d’un chaud hâle méridional ; il était Phocéen comme Méry, comme Guinot, comme Amédée Achard, comme tant d’autres, qui ont su faire honneur aux lettres et à leur ville natale. […] Il admire comme il convient cette curiosité toujours éveillée, jamais assouvie, qui croit ne rien savoir si le moindre détail lui échappe. […] Pourquoi faut-il que le pinceau se soit échappé si tôt de cette main sans rivale ?
Bon, me répliqua le comte de… à qui j’adressois la parole ; malgré leur déguisement & leur fard, elles n’ont jamais échappé à ma pénétration, & j’ai lu dans leur ame à travers les voiles dont elles se couvrent, toutes les petites ruses de leur esprit & de leur cœur… Ah ! […] Les vins ne pouvoient échapper à notre conversation, & pour rendre notre entretien plus intéressant, nous appellâmes un brave bourguignon qui se joignit à nous, & qui bon connoisseur dans cette partie, nous parla savamment de la maniere de soigner les vignes, & de traiter les vins. […] Elles sont quelquefois jolies ; on n’y tient la raison que par un fil, mais du moins elle n’échappe pas.
Savoir admirer, c’est l’excuse des humbles comme nous, qui peinons, dans les journaux, à d’obscures et inutiles besognes, et c’est ce qui nous distingue des misérables gamins destructeurs inconscients du beau, à qui toute grandeur, toute éloquence, toute vérité échappent. […] Il s’échappe en torrent des librairies encombrées, croule en cascades jaunes, bleues, vertes, rouges, des étalages vertigineux. […] Seuls les hommes politiques et les militaires ont échappé à cette universelle lèpre.
» De tels éclats de désespoir, échappés à de tels hommes, font mieux comprendre quel danger représente toute atteinte portée aux humbles intérêts de ceux qui vivent de leur plume. […] Témoins des arrêts comme celui que rendait, le 30 juin 1913, la dixième chambre du tribunal de la Seine : « Attendu que la vente des alcaloïdes végétaux vénéneux est visée par les ordonnances et décrets relatifs au commerce des substances vénéneuses, — attendu qu’il n’est pas établi que Van B…, N… et la fille P… se soient livrés au trafic commercial de la cocaïne, — par ces motifs les renvoie des fins de poursuite… » Ainsi le fait d’avoir procuré à des toxicomanes la dangereuse drogue, par complaisance, échappait à la loi, laquelle remontait d’ailleurs à 1845. […] Devoir d’autant plus pressant que les terribles ennemis à l’étreinte de qui elle vient d’échapper par miracle, et dont le travail fut toujours la vertu maîtresse, comprennent trop bien qu’à la guerre des soldats va suc céder la guerre des usines.
Venu à Paris, dans le carême de 1853, pour consulter les bibliothèques : « J’ai ce bonheur, disait-il, d’échapper au monde et de trouver quelquefois la société. » Revenu à son Remilly, il avait peine à s’en arracher, même en cette saison de fin d’hiver, même en songeant qu’il repartait pour la Grèce ; il écrivait à son ami Émile Michel, en ce moment à Rome (25 mars 1853) : « Notre Remilly n’a pas encore une seule feuille ; il y tombe chaque jour quelques flocons de neige ; le soleil a des rayons bien pâles ; le ciel est gris ; le vent sommeille ; aujourd’hui (Vendredi saint) les cloches, qui sont allées vous retrouver à Rome, ne troublent même plus ce silence de la nature.