Et cela dura ainsi à travers le très dur hiver. […] Le texte mal satisfaisant qui sortit de cette conférence détermina à travers tout l’été de 1915, jusqu’au congrès du 1er janvier 1916, des manifestations peu claires. […] Si notre jeunesse, si notre force servent à assurer leur existence d’homme, nous nous serons battus pour notre idéal qui reste vivant, souriant, à travers les éclairs et le tonnerre.
Mais nous retrouvons ici l’erreur sans cesse renaissante que nous avons poursuivie à travers tout le cours de notre travail. […] Nous partons d’un « état virtuel », que nous conduisons peu à peu, à travers une série de plans de conscience différents, jusqu’au terme où il se matérialise dans une perception actuelle, c’est-à-dire jusqu’au point où il devient un état présent et agissant, c’est. à-dire enfin jusqu’à ce plan extrême de notre conscience où se dessine notre corps. […] Non seulement, par sa mémoire des expériences déjà anciennes, cette conscience retient de mieux en mieux le passé pour l’organiser avec le présent dans une décision plus riche et plus neuve, mais vivant d’une vie plus intense, contractant, par sa mémoire de l’expérience immédiate, un nombre croissant de moments extérieurs dans sa durée présente, elle devient plus capable de créer des actes dont l’indétermination interne, devant se répartir sur une multiplicité aussi grande qu’on voudra des moments de la matière, passera d’autant plus facilement à travers les mailles de la nécessité.
« Vous savez la force meurtrière d’Ajax2, et comment, à une heure avancée de la nuit, se perçant de son propre glaive, il mit un reproche éternel sur tous les enfants des Hellènes venus il Troie ; mais Homère l’a honoré parmi les hommes ; et, en relevant toute la vertu d’Ajax, il a ordonné, de par le rameau de feuillage, au reste du monde, de se plaire toujours à ses chants inspirés ; car, si quelqu’un dit quelque chose en beaux vers, cette parole, une fois proférée, chemine toujours vivante ; et sur la terre et à travers les mers le rayon de la gloire a marché, sans s’éteindre jamais ! […] Par-là, et non pas seulement par de belles formes d’imagination, le poëte de Dircé s’élève ; il est lui-même un prêtre et, selon toute apparence, le prêtre du culte plus épuré que, sous la forme mythologique, la raison commençait à démêler, à travers les traditions confuses et les nombreux symboles du polythéisme. […] Si on oubliait qu’il s’agit d’un des petits rois, entre lesquels se partageait la Sicile, du roi d’Agrigente ou du roi d’Etna, on croirait parfois entendre l’éloge d’un des héritiers de ces maisons souveraines qui, du moyen âge à nos jours, ont régné sur quelque grand peuple, à travers les révolutions et les guerres.
À travers des obscurités que la science moderne n’éclaircit pas toujours, deux contrées de l’Orient, habitées de bonne heure par l’espèce humaine, semblent avoir de temps immémorial conçu et répété de tels accents religieux. […] Étudiés depuis à peine un siècle, de William Jones, à Lassen, à Burnouf, à Regnier, les hymnes des Védas peuvent, à travers la faiblesse des paraphrases, nous frapper encore par l’élévation mystique ; mais la singularité n’en est pas adoucie pour nous tout à la fois par l’habitude et par le respect ; nous y sentons la monotonie plutôt que la grandeur : et, dans l’immobilité même de cette foi antique des peuples de l’Inde, l’enthousiasme semble manquer, à force de croyance. […] Mais, loin dans l’antiquité, avant ces merveilles de la muse attique, contemporaines et toutes voisines des grandeurs du génie dorien dans Thèbes et dans Syracuse, ne peut-on pas reconnaître, à travers les obscurités et les défigurements du langage, une forme de poésie enracinée dans le cœur d’un peuple, et toute inspirée de ses périls et de ses délivrances ?
Je me suis donc borné à parler de maint auteur ancien et moderne à tort et à travers, sans m’attaquer aux critiques mêmes de ma plus étroite connaissance. […] On sourit en commençant à lire ; peu à peu la verve et la sincérité du narrateur nous gagnent, et l’on finit, au milieu de tant de soucis plus pressants, de tant d’intérêts du jour qui nous tirent et nous sollicitent, par se laisser aller de bonne foi, jusqu’à concevoir avec lui des doutes sur la parfaite convenance des deux portraits de Nestor et de Philoctète, placés à travers l’action et venant interrompre ou retarder le combat d’Adraste et de Phalante.
Il y a lieu, en de certains moments décisifs, à cette critique auxiliaire, explicative, apologétique : c’est quand il s’agit, comme cela s’est vu dans les années de lutte de l’école poétique moderne, d’inculquer au public des formes inusitées, et de lui faire agréer, à travers quelques ornements étranges, les beautés nouvelles qu’il ne saluerait pas tout d’abord. […] L’essentiel, le seul point que nous tenions à constater, et que le public peut-être voudra bien reconnaître avec nous, est celui-ci : Somme toute, et à travers les nombreux incidents d’une course déjà longue, la Revue a fait de constants et d’heureux efforts pour se fortifier, pour s’améliorer, et, depuis bien des années déjà, pour réparer par l’importance des travaux en haute politique, en critique philosophique et littéraire, en relations de voyages, en études et informations sérieuses de toutes sortes, ce qu’elle perdait peu à peu en caprice et en fantaisie, ce qu’elle ne perdait pas seule et ce que les premiers talents eux-mêmes, le plus souvent fatigués en même temps que renchéris, ne produisaient plus qu’assez imparfaitement.
Cet adieu de Prevost à son supérieur le peint au naturel et plus au complet qu’on ne l’a vu nulle part encore ; on y sent percer, à travers les termes d’un respect fort dégagé, un accent d’ironie et une pointe de menace qui a son piquant, et qu’on n’est pas accoutumé de trouver sous sa plume. […] PREVOST, A La Haye, 10 novembre 1731. » La naïveté avec laquelle Prévost confesse à son ami ses restrictions intérieures , ménagées à travers ses vœux, et s’en autorise comme d’une précaution toute simple, est bien propre à faire sourire ; l’élève de La Flèche s’y découvre ingénument.
C’est nous donner le change et se payer de mots, que d’identifier le problème de la destinée de l’humanité avec celui de la destinée du moi ; la métaphysique et la psychologie ne détermineront pas l’histoire ; l’individu quelconque, s’observant isolément d’après la méthode expérimentale appliquée aux faits de conscience, n’atteindra que certaines formes constantes de sa nature, certains éléments abstraits de son esprit ; il n’acquerra que des probabilités éloignées sur l’immortalité de son âme, et il ne sera nullement en droit ni en mesure de conclure de là au développement de l’espèce à travers les siècles, à l’explication de sa perfectibilité croissante, de son émancipation progressive, de ses conquêtes au sein de la nature ; à la prédiction de son avenir sur cette terre ; pas plus que le chimiste habile qui aurait décomposé et analysé une portion du lobe gauche ou droit du cerveau humain, qui aurait vu certains gaz se sublimer et certains sels se déposer, ne serait en mesure ni en droit de conclure de cette décomposition morte à la loi physiologique du règne animal et de ses évolutions organiques. […] Vous supposez dès le début que l’homme est condamné à chercher ici-bas la vérité, seul, par lui-même, à la sueur de son front ; et tout cet effort infatigable de l’humanité pendant des siècles, ce sang, ces larmes répandues à travers ses diverses servitudes, ces joies quand elle se repose et se développe harmonieusement, ces religions qui fondent, ces philosophies qui préparent ou détruisent, cette loi de perfectibilité infinie et d’association croissante, tout cela n’aura abouti pour vous qu’à la conception mélancolique et glacée d’un ensemble d’êtres rationnels avant tout, destinés à s’observer, à se connaître, s’ils en ont la capacité et le loisir, à chercher concurremment ce qu’aucun ne sait, ce qu’aucun ne saura ; honnêtes gens tristes et solitaires, sortis d’un christianisme philosophique d’où la foi et la vie ont disparu, ayant besoin d’espérer, s’essayant à croire, oubliant et rapprenant la psychologie tous les ans, pour s’assurer qu’ils ne se sont pas trompés, et pour vérifier sans cesse les résultats probables de leur observation personnelle.
Les siècles en ce genre sont héritiers des siècles ; les générations partent du point où se sont arrêtées les générations précédentes, et les penseurs philosophes forment à travers les temps une chaîne d’idées que n’interrompt point la mort ; il n’en est pas de même de la poésie, elle peut atteindre du premier jet à un certain genre de beautés qui ne seront point surpassées, et tandis que dans les sciences progressives le dernier pas est le plus étonnant de tous, la puissance de l’imagination est d’autant plus vive que l’exercice de cette puissance est plus nouveau. […] Il n’est pas fatigant, parce qu’il ne vous présente jamais d’idées abstraites, et que vous voyagez avec lui à travers une suite d’images plus ou moins agréables, mais qui parlent toujours aux yeux.
Quel talent pouvait s’élever à travers tant de mots absurdes, insignifiants, exagérés ou faux, ampoulés ou grossiers ? […] Les barrières imposées par des convenances respectables servent, comme je l’ai dit, aux succès mêmes de l’éloquence ; mais lorsque, par condescendance pour l’injustice ou l’égoïsme, l’on est obligé de réprimer les mouvements d’une âme élevée, lorsque ce sont non seulement les faits et leur application qu’il faut éviter, mais jusqu’aux considérations générales qui pourraient offrir à la pensée tout l’ensemble des idées vraies, toute l’énergie des sentiments honnêtes, aucun homme soumis à de telles contraintes ne peut être éloquent, et l’orateur encore estimable, qui doit parler dans de telles circonstances, choisira naturellement les phrases usées, celles sur lesquelles l’expérience des passions a été déjà faite, celles qui, reconnues inoffensives, passent à travers toutes les fureurs sans les exciter.
Parfois, ce vent souffle, et parfois cette nuit s’épanche à travers l’œuvre de M. […] Pauvre Samaritain, à travers ton babil d’enfant et tes hoquets de malade, il t’a été donné de prononcer des paroles célestes.
Oreste, Electre, le Chœur ne cessent de converser avec lui, comme on parle du dehors, à travers la porte, à un homme enfermé dans sa maison close. […] Sa Gilissa est la commère lointaine de la nourrice de Juliette : on dirait qu’elles voisinent, à travers les siècles, d’Argos à Vérone.
Et, tout à travers cela, nous le trouvons amoureux de La Fontaine, le suivant dans ses rêveries jour par jour, nous le racontant par le menu, comme aurait pu le faire Pellisson, célèbre aussi par son araignée ; puis, s’occupant d’Horace, et donnant deux gros volumes, un peu gros vraiment, mais pleins de choses sur le charmant poète ; et, de là, revenant à La Bruyère, dont il a publié la meilleure et la plus complète édition ; enfin, s’attachant à Mme de Sévigné, comme s’il ne l’avait jamais quittée un instant et comme si, de toute sa vie, il n’avait rien eu autre chose à faire. […] Ajoutez le parfum d’honnêteté antique qui circule à travers ces pages et qui trouve moyen de se mêler jusqu’au milieu de la chronique scandaleuse à laquelle elles sont souvent consacrées, un profond et naïf amour des lettres et de tout ce qu’elles amènent de délicat avec elles, une bonhomie parfaite qui épouse son sujet tout entier avec tendresse et réussit, après un peu de résistance, à nous le faire aimer et embrasser jusque dans ses replis.
À travers tout, on y sent du naturel et du piquant. […] Que de mystifications, que de folles histoires, que de jolis épisodes à travers cet imbroglio croissant !
Il déprave le roi, il le corrompt, il l’abrutit ; il le pousse à la tyrannie, à l’ignorance, au vice ; il le lâche à travers toutes les familles des gentilshommes, lui montrant sans cesse du doigt la femme a séduire, la sœur à enlever, la fille a déshonorer. […] Certes, si nous daignions descendre encore un instant à accepter pour une minute cette fiction ridicule, que dans cette occasion c’est le soin de la morale publique qui émeut nos maîtres, et que, scandalisés de l’état de licence où certains théâtres sont tombés depuis deux ans, ils ont voulu a la fin, poussés à bout, faire, à travers toutes les lois et tous les droits, un exemple sur un ouvrage et sur un écrivain, certes, le choix de l’ouvrage serait singulier, il faut en convenir, mais le choix de l’écrivain ne le serait pas moins.
Ainsi, après avoir suivi l’évolution de la famille patriarcale à travers l’histoire de Rome, d’Athènes, de Sparte, on classera ces mêmes cités suivant le degré maximum de développement qu’atteint chez chacune d’elles ce type familial et on verra ensuite si, par rapport à l’état du milieu social dont il paraît dépendre d’après la première expérience, elles se classent encore de la même manière. […] Par conséquent, on ne peut expliquer un fait social de quelque complexité qu’à condition d’en suivre le développement intégral à travers toutes les espèces sociales.
elle n’était pas spirituelle, — mais qui était moins et plus que l’esprit, qui était le tact de l’âme à travers la grâce corporelle. […] Ballanche disait d’elle : « C’est une Antigone dont on a voulu faire une Armide, mais à travers l’Armide l’Antigone reparaît toujours !
Les voyages à travers les livres ne produisent que des résultats restreints sans les voyages à travers les peuples.
Tite-Live dit aussi que pendant ce règne de Servius Tullius, où l’intérieur de l’Italie était encore barbare, il eût été impossible que le nom même de Pythagore pénétrât de Crotone à Rome à travers tant de peuples différents de langues et de mœurs. […] La découverte des caractères poétiques, des types idéaux, que nous venons d’exposer, fera luire un jour pur et serein à travers ces nuages sombres dont s’était voilée la chronologie.
Paul Arène a joliment défini ainsi le Chinois : « Un homme calme, assis dans un petit jardin, et qui songe aux aïeux en regardant pousser ses choux. » C’est ce Chinois-là qui apparaît à travers les séduisantes imitations de M.
Il lui fit l’aumône d’un second plan dans sa notoriété ; les maîtres traînent à travers les siècles une suite de comparses qui encombrent la littérature ; rien d’odieux comme le pyladisme envahissant de ces gens, qui nécessitera bientôt une chambre de justice des réputations.