Son Dialogue est naturel & rapide.
Les fictions en sont simples & ingénieuses ; les sentimens vifs & naturels, la versification harmonieuse & facile, qualités sans lesquelles il faut renoncer à ces sortes de compositions.
Il a vu que la plupart des hommes étoient méchans : sans réfléchir sur les causes de cette dépravation, il a conclu qu'elle leur étoit naturelle, & a appliqué à l'espece les vices de l'individu.
De plus, il n’est pas naturel que des gens intéressés à l’action, et qui, en attendent l’issue avec impatience, restent toujours sans rien dire.
L’antiquité ne parle pas de la sorte, car elle n’imite que les sentiments naturels : or, les sentiments exprimés dans ces vers de Racine ne sont point purement dans la nature ; ils contredisent au contraire la voix du cœur.
D’ailleurs, il faut toujours se souvenir que la naïade détruisait la poésie descriptive ; qu’un ruisseau, représenté dans son cours naturel, est plus agréable que dans sa peinture allégorique, et que nous gagnons d’un côté ce que nous semblons perdre de l’autre.
Lorsque, avec la grandeur du sujet, la beauté de la poésie, l’élévation naturelle des personnages, on montre une connaissance aussi profonde des passions, il ne faut rien demander de plus au génie.
Il se peut faire tout au plus qu’une jeune personne d’un naturel très-sensible, sera tellement transportée par un plaisir encore nouveau pour elle, que son émotion et sa surprise lui feront faire quelque exclamation ou quelques gestes involontaires, qui montreront qu’elle ne fait point une attention actuelle à la contenance qu’il convient de garder dans une assemblée publique.
Il n’ose le condamner ni l’absoudre, et cette hésitation est déjà un jugement qui révèle la pente naturelle de l’esprit.
Manéthon, grand pontife d’Égypte, avait donné à l’histoire des premiers âges de sa nation, écrite en hiéroglyphes, l’interprétation d’une sublime théologie naturelle ; les philosophes grecs donnèrent une explication philosophique aux fables qui contenaient l’histoire des âges les plus anciens de la Grèce.
Et tout cela avec une telle naïveté, une si grande bonne foi cynique, une si naturelle absence de sens moral, qu’il est impossible de démêler ce qu’il y a de vérité ou de mensonge dans cet amour pour cette fille morte…. Oui, des sentiments si troubles, si complexes, si peu naturels, déconcertent toutes les notions que l’on a sur la famille, le mariage, le cœur humain ; en sorte que cet homme apparaît comme le sphinx des cocus. […] Ce sera peut-être la révolution naturelle de la propriété, de l’héritage et de la famille. […] Une ancienne lorette avait pris un commerce, dans le genre de celui du gros Milan, commerce auquel elle avait annexé la fourniture de tous les appareils artificiels avec lesquels on remplace les outils naturels de l’amour. […] N’est-il pas naturel que parfois, en ses mélancolies, lui reviennent le souvenir et l’ombre de ces couronnes qui ont effleuré son front ?
Soit pour flatter la charmante mère dans son fils, soit par un goût naturel des hommes d’étude et de solitude pour l’enfance, le grand historien passait ses heures de soirée à jouer avec moi. […] Il semblait toujours avoir des planches sous les pieds ; la nature pour lui était un théâtre ; la mort même, comme on le voit dans ses Mémoires, ne fut qu’un rideau tiré sur la pièce ; mais c’était une grande sensibilité littéraire, et le plus grand style qu’un homme puisse avoir en dehors du naturel, le génie des ignorants. […] Sa tête était remarquablement petite ; son front, plus haut que large, le paraissait d’autant plus qu’il rasait ses cheveux vers les tempes, les laissant se jouer sur le sommet de la tête en une profusion de boucles naturelles brillantes, soyeuses, du plus beau châtain foncé ; ses dents étaient d’une parfaite régularité et d’une grande blancheur. […] Ma sauvagerie naturelle répugnait invinciblement à ces ostentations de moi-même dans un monde dont je ne voulais ni les faveurs ni les mépris. […] Il m’accueillit et me rechercha, comme il faisait tout, avec naturel et convenance.
C’est chez lui une indolence et une mollesse naturelles, une paresse voluptueuse, un goût presque sensuel de se laisser aller et de se laisser vivre. […] Taine prend à la lettre cette expression et fait en critique de l’histoire naturelle. […] A la critique fondée sur les analogies qu’elle présente avec l’histoire naturelle de Geoffroy Saint-Hilaire et de Cuvier, M. Brunetière s’est proposé de substituer ou d’ajouter une critique qui se fonderait sur l’histoire naturelle de Darwin et de Hæckel. […] Ou, encore, elle doit être comme le centre autour duquel toutes les vérités partielles viennent prendre peu à peu leur place naturelle.
Le penchant naturel des courtisans pour l’ignorance se trouva beaucoup plus à son aise sous les rois qui suivirent, et qui furent tous protecteurs peu zélés des lettres ; je n’en excepte ni Charles IX, auteur de quelques vers, dont on n’aurait peut-être jamais parlé s’ils n’eussent été d’un souverain ; ni même d’Henri IV, qui faisait, dit-on, assez d’accueil aux savants, mais qui traitait à peu près aussi bien tous ses sujets ; parce qu’après avoir conquis son royaume, il lui restait à s’assurer le cœur de ses peuples, et que des distinctions trop marquées pour un petit nombre d’hommes rares n’eussent peut-être servi qu’à éloigner la multitude. […] On conclurait naturellement de ces réflexions que le désir de la réputation, quelque naturel qu’il soit aux hommes, est assez propre à humilier, quand on l’envisage avec des yeux philosophiques. […] Telle est l’utilité vraie ou prétendue que les gens de lettres croient retirer pour leur réputation du commerce des grands : j’entends par ce mot tous ceux qui sont parvenus, soit par leurs ancêtres, soit par eux-mêmes, à jouir dans la société d’une existence considérable ; car la puissance du prince qui dans un État aussi monarchique que le nôtre est proprement le seul grand seigneur, a confondu bien des états ; l’opulence, ce gage de l’indépendance et du crédit, se place volontiers de sa propre autorité à côté de la haute naissance, et je ne sais si on a tort de le souffrir ; il semble même que les états inférieurs qui sont privés de l’un et de l’autre de ces avantages, cherchent à les mettre sur la même ligne, pour diminuer sans doute le nombre des classes d’hommes qui sont au-dessus de la leur, et rapprocher les différentes conditions de cette égalité si naturelle vers laquelle on tend toujours même sans y penser. […] Tous les hommes, quoi qu’en dise l’imbécillité, la flatterie ou l’orgueil, sont égaux par le droit de la nature : le principe de cette égalité se trouve dans le besoin qu’ils ont les uns des autres, et dans la nécessité ou ils sont de vivre en société ; mais l’égalité naturelle est en quelque manière détruite par une inégalité de convention, qui, en distinguant les rangs, prescrit à chacun un certain ordre de devoirs extérieurs ; je dis extérieurs ; car les devoirs intérieurs et réels sont d’ailleurs parfaitement égaux pour tous, quoique d’une espèce différente. […] Cela ne doit point surprendre ; la naissance étant un avantage que le hasard donne, il est naturel non seulement de vouloir en jouir, mais encore de lui subordonner tous ceux dont l’acquisition est plus pénible.
. — Dans Le Drame de la jeunesse, où il reprit l’idée d’Aimée (l’influence des livres et du théâtre sur la pensée et la moralité modernes, l’altération du naturel par les réminiscences littéraires, la pose, la comédie éternelle jouée entre nous et Dieu, et qui nous empêche d’avoir l’originalité même de nos vices et de nos douleurs), il poussa au comble du suraigu cette ironie15 qui est le caractère de son esprit et le symptôme de sa force, et qui pourrait faire de Paul Féval, s’il la développait dans des sujets de cœur, un romancier d’un comique amer de la plus poignante originalité. […] Paul Féval a moins de naturel que Scott et plus de caricature ; mais la caricature, c’est du naturel dans l’outrance : c’est donc encore du naturel. […] Mais je nommerais, s’il le fallait, tous les hommes issus de la brillante éclosion de 1830 à 1848, et je montrerais qu’il n’en est peut-être pas quatre qui n’aient porté sur leur front le souffle enflammé de Brucker, de cet homme qui eut les deux souffles : qui eut d’abord l’influence naturelle du talent, et, plus tard, l’influence surnaturelle de la foi… Aucun parmi nous ne lui a ressemblé.
La rupture s’opère sans drame, sans larmes, comme une chose naturelle et prévue. […] Quoi de plus naturel ? […] L’équité lui est naturelle, dans les sujets littéraires : c’est une des marques du véritable critique. […] Petites histoires naturelles à la Jules Renard. […] Le problème de l’explication naturelle ou surnaturelle n’est pas du ressort de l’histoire.
Son nez était aquilin, la finesse naturelle du demi-Italien s’y révélait sur la bonhomie indécise du montagnard de Savoie ; ses lèvres étaient un peu pincées, mais un pli d’amertume triste en caractérisait fortement les coins ; son menton, trait principal de l’intelligence, était ferme, long, carré, et dessinait avec ses joues maigres et creuses un angle fermement accentué comme chez un vieillard. […] Ce n’était plus une beauté, mais c’était une personne à citer pour la bonne grâce, pour l’humeur égale, pour le bon naturel. […] Mme Lard ajoutait à sa vivacité naturelle toute celle que sa fille aurait dû avoir. […] XV Le dialogue commence ; il forme le plus sobre et le plus naturel des discours.
Abandonnée par son chef naturel qui devrait être l’Académie, si l’Académie était intelligente et composée d’hommes à la hauteur d’une mission quelconque, tourmentée par les regrets d’un passé illusoire, troublée par les angoisses d’une rénovation qui s’approche, luttant comme une insensée contre les éléments qui l’entourent et par lesquels, loin de se fortifier, elle ne fait que s’affaiblir, la littérature actuelle n’est plus que la science des mots ; elle ne donne naissance à aucune idée, elle n’en féconde aucune, elle n’en défend aucune. […] En acceptant tout entier l’héritage du judaïsme, en prenant pour premier point de départ les livres hébreux et toutes leurs erreurs naturelles, elle creusait sa tombe en même temps qu’elle bâtissait son berceau. […] Un jour, les sciences occultes devinrent forcément les sciences naturelles ; l’alchimie se transforma toute seule et s’appela la chimie, et les fils des hermétiques ont découvert les grandes formules ; ils cherchaient la pierre philosophale et l’élixir de longue vie ; qu’ils soient en paix, ils les ont trouvés. […] Par suite d’un dédain condamnable, mais naturel aux hommes perdus dans les hautes contemplations, les savants semblent avoir fait de grands efforts pour rendre leurs œuvres inabordables ou tout au moins inintelligibles.
Quand ces développements concernent l’art même dont il traite et les sciences dont il est l’organe, ce ne sont point à proprement parler des lieux communs, ce sont des parties intégrantes et naturelles de son sujet. […] Il est évident qu’il y a ici un faux respect humain qui tient en échec et qui arrête l’instinct naturel de Vicq d’Azyr.
Lorsque les Commentaires de Montluc furent imprimés pour la première fois quinze ans après sa mort, en 1592, l’éditeur les fit précéder d’une dédicace « À la noblesse de Gascogne » qui est en des termes dignes de son objet : Messieurs, comme il se voit de certaines contrées qui produisent aucuns fruits en abondance, lesquels viennent rarement ailleurs, il semble aussi que votre Gascogne porte ordinairement un nombre infini de grands et valeureux capitaines, comme un fruit qui lui est propre et naturel ; et que les autres provinces, en comparaison d’elle, en demeurent comme stériles… C’est votre Gascogne, messieurs, qui est un magasin de soldats, la pépinière des armées, la fleur et le choix de la plus belliqueuse noblesse de la terre, et l’essaim de tant de braves guerriers… Sans faire tort aux autres provinces et sans accepter ces injurieuses préférences de l’une à l’autre, il est un caractère constant et qui frappe dans les talents comme dans les courages de cette généreuse contrée, et l’on ne saurait oublier, en lisant Montluc, que cette patrie de Montesquieu et de Montaigne, comme aussi de tant d’orateurs fameux, fut celle encore, en une époque chère à la nôtre, de ces autres miracles de bravoure, Lannes et Murat. […] Il fait en cette occasion un retour sur lui-même et sur cette prétention, qui est la sienne, d’avoir toujours été un des plus heureux et des plus fortunés hommes entre tous ceux qui aient porté les armes, ce qui est bien aussi une manière de vanité : « Et si (et pourtant), dit-il, n’ai-je pas été exempt de grandes blessures et de grandes maladies ; car j’en ai autant eu qu’homme du monde saurait avoir sans mourir, m’ayant Dieu toujours voulu donner une bride pour me faire connaître que le bien et le mal dépend de lui, quand il lui plaît ; mais encore, ce nonobstant, ce méchant naturel, âpre, fâcheux et colère, qui sent un peu et par trop le terroir de Gascogne, m’a toujours fait faire quelque trait des miens, dont je ne suis pas à me repentir.
Croyez que je forçai bien mon naturel… » Il s’attacha à réfuter par sa conduite les préventions qu’on avait formées en France contre son caractère, et il pratiqua le conseil que le roi lui avait donné en le nommant, qui était de laisser sa colère en Gascogne. […] Et, pour énumérer quelques-unes de ses qualités spéciales et naturelles qui venaient en aide à sa bravoure et la distinguaient d’une aveugle témérité, il avait « le coup d’œil topographique », et là où d’autres ne voyaient rien qu’escarpement et difficulté absolue, il discernait l’assiette possible d’une batterie, le côté faible et vulnérable d’une place : aussi excellait-il aux reconnaissances. — Il avait cet autre coup d’œil qui sait nombrer de loin une troupe dans une plaine, et, à un demi-mille de distance, il savait son chiffre, si considérable qu’il fut à cinquante hommes près. — Il s’entendait à merveille, dans une escarmouche, à « tâter » l’ennemi, c’est-à-dire à connaître à sa marche et à son attitude s’il avait peur ou s’il était en force et solide
Cependant Mme de Maintenon ne manquait pas de recommander à son jeune monde le style qui est si proprement le sien, « le style simple, naturel et sans tour », des lettres courtes, un naturel parfait et précis.
On avait eu toutes les gloires ; il en restait une dernière à acquérir qui complète toutes les autres et les surpasse, celle de résister à la mauvaise fortune et d’en triompher ; après quoi on se reposerait dans ses foyers, et on vieillirait tous ensemble dans cette France qui, grâce à ses héroïques soldats, après tant de phases diverses, aurait sauvé sa vraie grandeur, celle des frontières naturelles, et de plus une gloire impérissable. — En disant ces nobles paroles, Napoléon se montrait serein, caressant, rajeuni… Il n’y avait, malheureusement, de vrai dans sa conclusion que la gloire. […] En lisant cette belle histoire qui sans doute a ses défauts, ses redites et ses longueurs, mais où rien n’est oublié ; où toutes les sources contemporaines se sont versées dans un plein et vaste courant ; où se déploie, sous air de facilité, une si grande puissance de travail ; où tout est naturel, — naturellement pensé —, naturellement dit ; si magnifique partout de clarté et d’étendue, et qui offre dans le détail des touches de la plus heureuse finesse ; où le style même, auquel ni l’historien ni le lecteur ne songent, a par endroits des veines rapides et comme des venues d’autant plus charmantes ; — en achevant de lire cette histoire, à laquelle il ne manque plus qu’un ou deux volumes de complément et de surcroît, je dirai encore ce que diront à distance tous ceux qui la liront : c’est que, quelque regret qu’ait droit d’avoir l’historien dans l’ordre de ses convictions politiques, la postérité trouvera qu’il n’eût pu employer les années fécondes de son entière maturité à rien de mieux qu’à édifier un tel monument.
L’homme, il faut le savoir, peut s’élever très haut par la culture, par l’effet continu et sans cesse agissant de la civilisation ; mais, en fait, le point de départ, dans quelque doctrine qu’on se place, et que l’on se reporte au dogme mystérieux de la Chute, ou que l’on se tienne à l’observation naturelle directe, le point de départ a été très bas et infime. […] M. de Tocqueville posait un peu pour l’observation méthodique, profonde et raisonnée… » Il ne posait pas, c’était l’attitude naturelle de son esprit, de toute sa personne ; mais il faisait un peu cet effet aux militaires, à ceux qui ont l’esprit prompt, l’observation facile et nette, et même brusque : ce sont des familles d’esprits différentes et même opposées ; il n’y a rien d’étonnant que quelque antipathie se prononce.
Pour moi je concevrais au point de vue naturel et physiologique, qu’on soutînt la thèse toute contraire : Un grand génie, pour celui qui le possède, est l’instrument d’une grande joie. — Je prends cet exemple et j’en pourrais choisir maint autre chez M. de Laprade. […] Plus, au contraire, on a une idée délicate et fine du bien et du mieux, plus il est naturel qu’on ait l’ironie prompte et vive, parce qu’on est blessé à chaque pas.
Puis bientôt la confiance, la crédulité si naturelle à qui se croit de bonne foi l’instrument divin, la force de la prévention et du fanatisme, l’impossibilité aussi de s’arrêter dans une entreprise poussée si loin et tellement engagée, reprenaient le dessus ; et c’est ainsi qu’on arriva au bout du dessein le plus impolitique et désastreux. […] Sa timidité naturelle, dans une entreprise qu’il jugeait périlleuse, est peut-être cause que l’ouvrage des conversions, qui aurait pu réussir par les conférences, soutenues d’autres moyens doux, a causé la ruine d’un si grand nombre de religionnaires et la perte du commerce et des arts. » Contradiction singulière et bizarrerie de la conscience humaine !
Cervantes n’en eut point d’enfants ; mais il éleva et garda près de lui une fille naturelle qu’il avait eue, en Portugal, d’une dame de Lisbonne. […] Il dut, pour soutenir sa famille composée de sa femme, de ses deux sœurs à sa charge et de sa fille naturelle, s’occuper d’avoir un emploi.
Ceux même qui ne bornent pas leur vue aux horizons terrestres et qui voient par-delà un avenir immortel ne sont nullement insensibles, comme autrefois, aux beautés et aux jouissances naturelles et légitimes : ils ne ferment pas les yeux à ce qui enchante et à ce qui plaît sur cette terre d’exil ; ils ne parlent plus même d’exil, mais seulement de préparation ; ils ne prétendent pas que la pauvreté et la misère soient tellement préférables à leurs contraires qu’il faille hésiter dès ici-bas à les combattre et à les détruire. […] Jullien, celui qu’on appelait Jullien de Paris, qui, jeune, s’était fait tristement connaître par son fanatisme révolutionnaire, et qui, vieux, tâchait de faire oublier ses anciens excès par son zèle honorable de fondateur de la Revue encyclopédique, avait à la bouche, à chaque phrase, le mot de civilisation : c’était devenu un tic chez ce petit vieillard si actif et toujours courant. — Le mot est naturel et habituel dans l’ordre d’idées et dans la langue de Condorcet, de Volney ; il revient nécessairement sous leur plume, comme le mot de Dieu sous celle des dévots, et il tend à le remplacer : il marque leur religion aussi.
Tout certainement n’est pas faux dans ce portrait à demi satirique, et il y a des traits qui doivent avoir été observés au naturel : le contre-sens est dans l’intention générale et dans l’ensemble. […] Cet article et le suivant ont été reproduits dans l’Appendice du tome VI de mon Port-Royal (dernière édition) ; mais, composés primitivement et détachés pour l’usage de tous mes lecteurs du lundi, je crois devoir les insérer ici comme à leur place naturelle.
Il n’y a rien que de naturel dans cette liaison des noms ; il n’est que juste que ceux qui alimentent la chronique scandaleuse soient cousins de ceux qui l’écrivent. […] En regard de ces misérables billets écrits en zigzag après boire, et signés Tourlourirette, mettez donc le portrait de cette Louise-Bénédicte, dont Mlle de Launay, qui ne la flatte pas, disait : « Personne n’a jamais parlé avec plus de justesse, de netteté et de rapidité, ni d’une manière plus noble et plus naturelle… Sa plaisanterie est noble, vive et légère. » — Et sans remonter aux autres petites Cours d’une date antérieure, si l’on compare seulement Berny à ses rivales contemporaines, à la Cour du prince de Conti à l’Isle-Adam, à celle du duc d’Orléans à Villers-Cotterets, quelle différence encore, quelle distance !
On aurait pu croire vraiment, à l’entendre parler de la sorte, que son apprentissage de Sorbonne avait été aussi le début le plus naturel et le mieux approprié à sa future carrière. […] Talleyrand écrivait d’Amérique à Mme de Staël, pour activer sa bienveillance : « Si je reste encore un an ici, j’y meurs. » — Mme de Genlis, dans ses Mémoires (tome V, p. 54), cite en entier une lettre de M. de Talleyrand, à elle adressée et datée de Philadelphie : c’est une lettre agréable, mais probablement retouchée en quelques points par la femme de lettres qui aimait à émousser toute expression vive ou trop naturelle.
Il faut donc que le lecteur veuille bien examiner et vérifier lui-même les théories présentées ici sur les illusions naturelles de la conscience, sur les signes et la substitution, sur les images et leurs réducteurs, sur les sensations totales et élémentaires, sur les formes rudimentaires de la sensation, sur l’échelonnement des centres sensitifs, sur les lobes cérébraux considérés comme répétiteurs et multiplicateurs, sur le mécanisme cérébral de la persistance, de l’association et de la réviviscence des images, sur la sensation et le mouvement moléculaire des cellules considérés comme un seul événement à double aspect, sur les facultés, les forces et les substances considérées comme des illusions métaphysiques2, sur le mécanisme général de la connaissance, sur la perception extérieure envisagée comme une hallucination véridique, sur la mémoire envisagée comme une illusion véridique, sur la conscience envisagée comme le second moment d’une illusion réprimée, sur la manière dont se forme la notion du moi, sur la construction et l’emploi des cadres préalables, sur la nature et la valeur des axiomes, sur les caractères et la position de l’intermédiaire explicatif, sur la valeur et la portée de l’axiome de raison explicative. — En de pareils sujets, une théorie, surtout lorsqu’elle est fort éloignée des doctrines régnantes, ne devient claire que par des exemples ; je les ai donnés nombreux et détaillés ; que le lecteur prenne la peine de les peser un à un ; peut-être alors ce qu’au premier regard il trouvait obscur et paradoxal lui semblera clair ou même prouvé. […] Tout historien perspicace et philosophe travaille à celle d’un individu, d’un groupe, d’un siècle, d’un peuple ou d’une race ; les recherches des linguistes, des mythologues, des ethnographes n’ont pas d’autre but ; il s’agit toujours de décrire une âme humaine ou les traits communs à un groupe naturel d’âmes humaines ; et, ce que les historiens font sur le passé, les grands romanciers et dramatistes le font sur le présent. — J’ai contribué pendant quinze ans à ces psychologies particulières ; j’aborde aujourd’hui la psychologie générale.
Cette réponse était parfaitement naturelle ; mais le respect exagéré dont le vieux pontife était entouré la fit paraître audacieuse ; un des assistants y répliqua, dit-on, par un soufflet. […] Il était naturel que l’historien latin crût que Pilate, en faisant mourir Jésus, avait obéi à des raisons de sûreté publique.
Voici les premières : quand dans une société a dominé longtemps la tendance en une direction donnée, quand l’art, pendant une série d’années, s’est complu à montrer de préférence une face du monde, il est naturel, comme nous le disions plus haut, qu’on soit las de voir toujours la même chose, de marcher toujours du même côté. Il est naturel, en vertu de ce besoin de changement dont nous avons signalé la puissance, qu’on aspire à d’autres conceptions, qu’on souhaite du nouveau.
Ses explications de détail, soit qu’il cherche « l’origine de la connaissance », « l’origine du logique » ou toute autre genèse, font intervenir la sélection naturelle comme un agent dont personne n’oserait nier l’existence ou l’importance. […] Il n’y a pas de style artificiel ; il n’y a guère d’écriture naturelle.
Pour moi qui, en qualité de critique, suis de ce lendemain plus que je ne veux, je me demande, après avoir lu Raphaël non pas s’il y a assez de beautés pour nous toucher çà et là et pour ravir les jeunes cœurs avides et qui dévorent tout ; mais je me demande si les esprits devenus avec l’âge plus délicats et plus difficiles, ceux qui portent en eux le sentiment de la perfection, ou qui seulement ont le besoin du naturel jusque dans l’idéal, ne sont pas arrêtés à tout moment et ne trouvent pas, à cette lecture, plus de souffrance de goût que de jouissance de cœur et d’émotion véritable. […] » Accent vrai, parole naturelle et sentie, comme j’en aurais voulu toujours entendre !
On y trouvait de la distinction et de la familiarité, ou du moins du naturel, une grande facilité dans le choix des sujets, ce qui est très important pour le jeu de l’entretien, une promptitude à entrer dans ce qu’on disait, qui n’était pas seulement de complaisance et de bonne grâce, mais qui témoignait d’un intérêt plus vrai. […] Fox, elle dit un mot à chacun, elle présenta chaque personne à l’autre avec une louange appropriée ; et à l’instant la conversation devint générale, le lien naturel fut trouvé.
On y voit une Marie-Antoinette réelle et naturelle, non exagérée. […] Au reste, lorsqu’il s’agit de ces particularités intimes et secrètes sur lesquelles il est si aisé d’avoir maint propos et si difficile d’acquérir une certitude, je crois qu’il est bon de rappeler le mot si sensé que disait un jour Mme de Lassay (fille naturelle d’un Condé) à son mari qu’elle entendait discuter à fond et trancher sur la vertu de Mme de Maintenon : elle le regarda avec étonnement et lui dit, d’un sang-froid admirable : « Comment faites-vous, monsieur, pour être si sûr de ces choses-là ?
La sélection naturelle et mécanique a pour premier caractère d’agir sur un ensemble d’individus, non dans un seul individu ; elle suppose un certain nombre d’organismes donnés en un milieu donné ; d’où résulte ce problème : lesquels survivront et se propageront ? […] Multiplicité d’individus comme base de la loterie, coups de dé heureux dus au hasard, telles sont donc bien les deux conditions caractéristiques de la sélection naturelle.
De plus, cette réalisation constituant un avantage, un surcroît de force dans la lutte pour l’existence et pour le progrès, les êtres en qui la conscience du moi était le plus développée ont dû remporter, survivre et se propager par sélection naturelle. […] Enfin la sélection naturelle, assurant le triomphe des êtres qui ont réalisé le plus énergiquement le moi et l’ont affirmé par le fait, assure aussi le triomphe de ceux qui ont pensé le plus énergiquement leur moi et l’ont affirmé le plus par l’idée, puisque cette affirmation, cette idée est elle-même une force nouvelle de réalisation.
Il n’y avait aucune transition entre les sciences naturelles et les sciences historiques : d’un côté la permanence et l’immobilité, de l’autre le changement et la diversité. […] On essaya de trouver un certain ordre entre ces empires successifs contemporains des diverses couches géologiques, et l’expression d’histoire naturelle, qui n’avait signifié d’abord que science de la nature, se retrouva justifiée dans son acception nouvelle.
L’habileté de l’écrivain consiste à sauver cette misère de la langue, par le naturel et l’exactitude de la phrase où ces mots sont employés. […] Nul poète n’est plus hardi que La Fontaine ; mais ses hardiesses sont si naturelles, que très-souvent on ne s’en aperçoit pas, ou du moins on ne voit pas à quel point ce sont des hardiesses.
Ces connaissances ont un attrait naturel pour les enfants dont la curiosité est la première qualité. […] Dans la faculté de médecine, les différentes chaires ont pour objet la théorie et la pratique de cette science problématique, l’anatomie, la pharmacie, la chimie, et l’histoire naturelle, qui appartient en partie à la faculté de médecine, en partie à celle de philosophie9.
Au contraire rien n’est plus facile au peintre intelligent que de nous faire connoître l’âge, le temperament, le sexe, la profession, et même la patrie de ses personnages, en se servant des habillemens, de la couleur des chairs, de celle de la barbe et des cheveux, de leur longueur et de leur épaisseur, comme de leur tournure naturelle, de l’habitude du corps, de la contenance, de la figure de la tête, de la physionomie, du feu, du mouvement et de la couleur des yeux, et de plusieurs autres choses qui rendent le caractere d’un personnage reconnoissable par sentiment. […] Saint Jean l’évangeliste répresenté jeune comme il l’étoit, est dépeint avec l’action d’un jeune homme : il applaudit avec le mouvement de franchise si naturel à son âge au digne choix que fait son maître, et qu’on croit appercevoir qu’il eut fait lui-même, tant la vivacité de son approbation est bien marquée par un air de visage et par un mouvement du corps très-empressé.
Mais en obéissant à l’impulsion et au progrès naturel de mes sentiments, j’ai écrit l’année suivante un recueil, bien imparfait encore, mais animé d’une inspiration douce et plus pure, Les Consolations, et grâce à ce simple développement en mieux, on m’a à peu près pardonné.
Je le rencontrai chez l’excellent d’Ortigue qui était resté, bien que catholique, son disciple fidèle ; on me fit diner avec lui ; il m’engagea à le visiter, et je le retrouvai rue Tronchet à son quatrième, tout à fait le même que je l’avais connu autrefois, naturel et affectueux.
Sur un front de quinze ans la chevelure est belle, Elle est de l’arbre en fleur la grâce naturelle, Le luxe du printemps et son premier amour : Le sourire la suit et voltige alentour ; La mère en est heureuse, et dans sa chaste joie Seule en sait les trésors et seule les déploie ; Les cœurs des jeunes gens, en passant remués, Sont pris aux frais bandeaux décemment renoués ; Y poser une fleur est la gloire suprême : Qui la pose une fois la détache lui-même.
De tous les caractères du roman, le plus naturel est celui de VanPöle ; le plus chargé, celui de Morzande.
Plus il avancerait dans le secret de l’art, et plus ses poésies, toujours vraies, paraîtraient naturelles.
Au théâtre, elle devenait volontiers une clameur ; on pouvait en craindre l’éclat faute d’issues naturelles et suffisantes, et l’applaudissement montait assez haut pour sembler une explosion.
Le procédé naturel de l’esprit est alors la comparaison et l’opposition, qui éclairent et déterminent l’objet dont il est occupé.
Bataille ne semblent pas contrarier cette impression : il y demeure le rêveur nerveusement triste, passionnément doux et tendre, ingénieux à se souvenir, à sentir, à souffrir… La Lépreuse est bien le développement naturel d’un chant populaire ; tout ce qui est contenu dans le thème apparaît à son tour, sans illogisme, sans effort.
Gabriel Vicaire s’est-il contenté d’un instrument sec et coupant comme l’effilé vers classique qui rase net les herbes folles fleurissantes, tond en boulingrins les prairies naturelles ?
Les sociétés formées des débris de l’hôtel Rambouillet, les femmes de bonne compagnie, voient sans déplaisir Molière ramener au naturel les affectations de pruderie et de bel esprit ; mais elles continuent à mettre en honneur l’honnêteté, la décence des mœurs, la pureté et l’élégance du langage, et elles parviennent à en assurer le triomphe.
Seroit-il permis d’ajouter, que peu de Littérateurs ont eu le coup-d’œil plus juste pour découvrir les défauts d’un Livre, le tact plus fin pour en sentir les négligences & les beautés, qu’il a été long-temps le seul des Journalistes qui relevoit les fautes de langage aujourd’hui si communes, & qui, en matiere de style, ait su plus finement distinguer le simple du bas, le naturel du recherché, le sublime de l’enflure, le vrai du faux ?
Les dieux ont été ressaisis à leur origine naturelle, suivis à tous ses degrés, dans leur croissance plastique et morale, pénétrés et élucidés dans toutes les phases de leurs transformations et de leurs symboles.
Cet auteur a réussi dans la poësie sublime, comme dans la poësie simple & naturelle.
On oppose toujours Milton, avec ses défauts, à Homère avec ses beautés : mais supposons que le chantre d’Éden fût né en France, sous le siècle de Louis XIV, et qu’à la grandeur naturelle de son génie il eût joint le goût de Racine et de Boileau ; nous demandons quel fût devenu alors le Paradis perdu, et si le merveilleux de ce poème n’eut pas égalé celui de l’Iliade et de l’Odyssée ?
On reprend, en la fortifiant des découvertes des sciences naturelles, la thèse spiritualiste et religieuse du Moyen Âge, qui, en face de la science de Dieu, dressait, avec sa logique catholique, la science du diable, quand la philosophie moderne a nié l’une et l’autre du même coup.
Chapus est un de ces rares esprits distingués par tant de tournure et une aristocratie si naturelle qu’ils doivent longtemps manquer le succès dans une société positive comme la nôtre, enragée d’égalité et d’envie, et chez qui, en fait d’appréciation des choses de goût, tout est devenu gros de ce qui était fin autrefois.
Chose naturelle et logique d’ailleurs, loi d’équilibre qui ne trompe jamais !
Chose naturelle et logique, d’ailleurs, loi d’équilibre qui ne trompe jamais !
Et il y eut aussi cet admirable Régnier, plus ronsardien, au reste, par choix d’école que par naturel. […] on le démêle bientôt, ce qui lui manque : c’est la spontanéité créatrice, le naturel du sublime. […] »), ou bien ceux qui, par impuissance naturelle, sinon par naturelle bassesse, diminuent, ravalent, de peur de comparaison, les hauteurs où ils ne peuvent atteindre que du crachat de l’injure. […] Et il était naturel qu’il en fût ainsi : un bafoueur de dieux devait plaire à des renieurs de serments, à des assassins d’idéal ; c’est logiquement que le drame impérial a eu, pour musique de scène, l’opérette. […] Puis, la rime résulte-t-elle, en effet, d’un effort chez les poètes véritablement doués du don de l’art, don naturel aussi ?
Le jeu des comédiens, si utile au succès des pièces, n’étant plus entravé, prit un développement naturel. […] Il marquait une ardeur guerrière, il poussait, au moment opportun, des hennissements, il trépignait avec un tel naturel, que le public ne se lassait point d’admirer sa haute intelligence. […] On voit par ce dernier vers que le goût n’était pas encore fort épuré, puisque cette tirade n’excita pas les murmures et parut toute naturelle. […] La partie dramatique est traitée avec suite et régularité, les événements sont naturels, bien amenés et vraisemblables. […] Ses deux tragédies sont faibles de versification et de style, quoiqu’on y trouve du naturel et de l’esprit.
Tout est si naturel chez lui ! […] Aussi est-il naturel que l’Église ne les ait jamais approuvées. […] Le philosophe, guidé par la raison naturelle, ne peut monter plus haut. […] Je ne jurerais pas que tout fût naturel chez lui. […] L’exil ne fit que précipiter son évolution naturelle.
Et quand il arriva que, grâce à Bacon et à Locke, cette habitude de travail passa des sciences naturelles dans la philosophie, elle produisit l’étroitesse spécifique des siècles derniers, la méthode métaphysique z. […] Par ce phénomène de détournement, une découverte récente, en l’occurrence celle de Freud, vient au secours de tout ce dont il eût été naturel de penser qu’elle allait le réduire en poudre. […] Et ici, Feuerbach devançant Freud, ajoute : Mais quel sacrifice est plus grand pour l’homme naturel que le sacrifice du penchant du sexe ? […] Ainsi, des êtres spoliés, par leur faute ou non, de ce qui leur eût été naturel, sont en quête de surnaturel et ne craignent pas d’expliquer, de très consolante et compensatoire manière, cette répercussion intime des infinitésimaux dont le monde extérieur ne cesse d’émouvoir leur engourdissement. […] Alors, l’homme sincère n’est qu’un mannequin dont le carton-pâte lui vaut, grâce à de répugnantes peinturlures, de ressembler à l’écorché des cours de sciences naturelles élémentaires.
Goethe, après quelque temps de séjour à Wetzlar, avait fait connaissance avec la famille de monsieur Buff, bailli de l’ordre allemand, et il avait été frappé tout d’abord de la beauté, de la dignité virginale, de l’esprit de sa fille Lotte, âgée de près de vingt ans, qui, sans être l’aînée de la maison, servait de mère depuis près de deux ans à ses frères et sœurs, et n’en était pas moins aimable dans la société, où elle déployait une gaieté, vive et naturelle. […] L’ordre, la précision et la promptitude sont des qualités dont je tâche tous les jours d’acquérir un peu. » Au milieu de cela, des voyages en Suisse, en Italie, l’étude dans toutes les directions, la comparaison étendue dans toutes les branches des beaux-arts et des littératures ; bientôt les sciences naturelles qui vont s’y joindre ; une vie noble, assise, bien distribuée et ordonnée, occupée et non affairée, à la fois pratique et à demi contemplative (« Je demeure hors de la ville, dans une très belle vallée où le printemps crée dans ce moment son chef-d’œuvre ») ; tout ce qui, enfin, devait faire de cette riche organisation de Goethe le modèle et le type vivant de la critique intelligente et universelle. […] [NdA] On se rappelle le bel endroit de René : « Quand le soir était venu, reprenant le chemin de ma retraite, je m’arrêtais sur les ponts pour voir se coucher le soleil… » Dans le tableau naturel que nous trace Goethe, on remarquera, comme différence fondamentale avec Chateaubriand, le sentiment cordial et domestique, la joie d’enfants à cette veillée de Noël.
Ducis, on l’a déjà vu par ses navrantes confidences, était trop à la merci des sentiments naturels. […] Je m’en console : le voyage de ma douloureuse vie est bien avancé. » La mort de sa mère fut un dernier coup et l’étonna comme s’il n’était pas dans l’ordre naturel que les fils survécussent à leur mère. […] Ma fierté naturelle est assez, satisfaite de quelques non bien fermes que j’ai prononcés dans ma vie.
Le symbolisme de Vico et de Herder, le panthéisme naturel de Schelling, le panthéisme historique de Hégel, l’histoire de races et l’histoire d’idées qui ont tant honoré la France, ils ont beau différer en tout ; contre la liberté ils sont d’accord. […] Certes, de tels dialogues, pour peu qu’ils répondent à l’idée qu’on s’en figure, seraient la justification la plus insinuante et la plus naturelle de l’éclat désastreux et de la ruine qui survinrent : nous voudrions que M. […] C’est un mot poli pour dire « le fils naturel. » 93.
Les Caractères ont singulièrement gagné aux additions ; mais on voit mieux quel fut le dessein naturel, l’origine simple du livre et, si j’ose dire, son accident heureux, dans cette première et plus courte forme143. […] Vieille en 1720, date de la note manuscrite, était-elle une de ces personnes dont La Bruyère, au chapitre du Cœur, devait avoir l’idée présente quand il disait : « Il y a quelquefois dans le cours de la vie de si chers plaisirs et de si tendres engagements que l’on nous défend, qu’il est naturel de désirer du moins qu’ils fussent permis : de si grands charmes ne peuvent être surpassés que par celui de savoir y renoncer par vertu. » Était-elle celle-là même qui lui faisait penser ce mot d’une délicatesse qui va à la grandeur ? […] On lit dans les Mémoires de Trévoux (mars et avril 1701), à propos des Sentiments critiques sur les Caractères de M. de La Bruyère (1701) : « Depuis que les Caractères de M. de La Bruyère ont été donnés « au public, outre les traductions en diverses langues et les dix « éditions qu’on en a faites en douze ans, il a paru plus de trente « volumes à peu près dans ce style : Ouvrage dans le goût des Caractères ; « Théophraste moderne, ou nouveaux Caractères des Mœurs ; « Suite des Caractères de Théophraste ut des Mœurs de ce siècle ; les « différents Caractères des Femmes du siècle ; Caractères tirés de l’Écriture « sainte, et appliqués aux Mœurs du siècle ; Caractères naturels « des hommes, en forme de dialogue ; Portraits sérieux et critiques ; « Caractères des Vertus et des Vices.
Pour des gens qui veulent contrôler le pouvoir et abolir les privilèges, quel maître plus sympathique que l’écrivain de génie, le logicien puissant, l’orateur passionné qui établit le droit naturel, qui nie le droit historique, qui proclame l’égalité des hommes, qui revendique la souveraineté du peuple, qui dénonce à chaque page l’usurpation, les vices, l’inutilité, la malfaisance des grands et des rois Et j’omets les traits par lesquels il agrée aux fils d’une bourgeoisie laborieuse et sévère, aux hommes nouveaux qui travaillent et s’élèvent, son sérieux continu, son ton âpre et amer, son éloge des mœurs simples, des vertus domestiques, du mérite personnel, de l’énergie virile ; c’est un plébéien qui parle à des plébéiens Rien d’étonnant s’ils le prennent pour guide, et s’ils acceptent ses doctrines avec cette ferveur de croyance qui est l’enthousiasme et qui toujours accompagne la première idée comme le premier amour. […] L’amertume concentrée qui pénètre les Mémoires de Mme Roland n’a pas d’autre cause. « Elle ne591 pardonnait pas à la société la place inférieure qu’elle y avait longtemps occupée592. » Grâce à Rousseau, la vanité, si naturelle à l’homme, si sensible chez un Français, est devenue plus sensible. […] Désormais, avec ou sans les privilégiés, il sera, sous la même dénomination, appelé le peuple ou la nation. » — N’objectez pas qu’un peuple ainsi mutilé devient une foule, que des chefs ne s’improvisent pas, qu’on se passe difficilement de ses conducteurs naturels, qu’à tout prendre ce clergé et cette noblesse sont encore une élite, que les deux cinquièmes du sol sont dans leurs mains, que la moitié des hommes intelligents et instruits sont dans leurs rangs, que leur bonne volonté est grande, et que ces vieux corps historiques ont toujours fourni aux constitutions libres leurs meilleurs soutiens.
. — La loi de sélection naturelle s’applique aux événements mentaux. — Autre circonstance qui augmente l’aptitude à renaître. — La répétition. — Exemples. — Pourquoi ces deux circonstances augmentent l’aptitude à renaître. […] La renaissance partielle aboutit à la renaissance totale. — Cela est tellement vrai, que si, contrariant la tendance naturelle des images à répéter l’ordre des sensations, je fais effort pour remonter la série à rebours, je puis, après des sensations postérieures, évoquer en moi les sensations antérieures, sitôt que je tombe sur le point de contact où elles touchent celles qui les ont suivies. […] Autres faits analogues dans le Dictionnaire d’histoire naturelle, publié par M.
M. de Marcellus hésite quelques jours entre son dévouement de royaliste, son ambition naturelle, et son jugement très sain sur l’inopportunité du défi de Charles X à la France alors libérale. […] Que de grâce et de naturel ! […] » Puis, se tournant vers moi, dit M. de Marcellus, il ajoute : « Les sentiments sont si naturels, le sens si clair, que celui de nous qui n’a pas appris le grec en naissant n’a nul besoin d’interprète.
La dernière comparaison entre cette prose accomplie et cette poésie imparfaite, mais naturelle, donne un caractère à part à l’égarement de Velléda : « Jamais, seigneurs, je n’ai éprouvé une douleur pareille. […] LXX Quant à la faculté d’écrire les vers, Chateaubriand ne l’avait pas reçue plus que Voltaire ; la poésie, dans sa vraie forme sérieuse (le vers), excepté la poésie badine, ne leur était pas naturelle. […] Les excès en tout sont la nature de la France, les réactions sont sa loi ; Bonaparte, son héros, fut un despote ; Chateaubriand, son écrivain, fut un apôtre peu convaincu du passé ; l’opinion publique, leur pondérateur naturel, au lieu de les contenir l’un et l’autre, les encouragea ; elle poussa l’un à l’empire, l’autre au treizième siècle : la conquête pour diplomatie, le concordat pour liberté religieuse, furent les deux pôles du gouvernement des soldats et du gouvernement des consciences.
D’une prédisposition naturelle, les circonstances, le milieu firent un caractère déterminé, d’où la réflexion dégagea une « pose » solennelle. […] Il va jusqu’à écrire : « Plus on approfondira le christianisme, plus on verra qu’il n’est que le développement des lumières naturelles, et le résultat nécessaire de la vieillesse de la société650 ». […] Les Martyrs aussi nous offrent des élégances épiques qui font regretter le naturel de Télémaque.
Que tout cela, direz-vous, est peu humain, peu naturel ! […] L’arbre naturel n’a pas de beaux fruits. […] Mme Garnier, rayonnante de grâce et de naturel, fut ma première admiration dans un genre de beauté dont la théologie m’avait sevré.
Certes, on pourrait citer tel point d’orgue inutile alanguissant une mordante fin de phrase, tel geste appris dans les conservatoires et venant troubler les développements d’une mimique naturelle ; mais l’ensemble est vivant, chaleureux, infiniment au-dessus de tout ce que nos théâtres nous ont depuis longtemps montré. […] L’expérience constate facilement cette double oscillation : d’abord, l’obscurité nous gêne peu à peu, et ne pouvant supporter de « voir » là où tout se dérobe à notre vue, nous fermons les yeux instinctivement, c’est-à-dire que nous fuyons une cécité imposée, pour nous réfugier dans une cécité voulue, naturelle, connue. […] A Bayreuth, c’est forcément le contraire qui a lieu ; les personnages, souvent nu-pieds, conservent leur taille naturelle, mais ils nous paraissent vus à une distance plus grande que la distance réelle, et, comme nous les voyons dans leurs dimensions vraies, ils nous semblent plus grands qu’ils ne devraient être.
Évidemment, ce tour, ce travers d’esprit, dont je pourrais encore multiplier des preuves51, était chez M. de Latouche une vocation naturelle qu’il cultivait avec un art infini. […] Ô poète, que n’avez-vous continué plus longtemps dans cet ordre d’impressions naturelles ! […] Il nous apprend ce qu’il y a de profitable et de salutaire à être parfaitement simple, à être parfaitement droit, à se contenter de la condition et de la proportion de talent qui nous est échue, à la compléter peu à peu, à la perfectionner tant que nous le pouvons, à l’appliquer, à remercier l’Auteur des dons naturels de ce qu’il nous a accordé de distingué, même quand ce distingué ne serait que secondaire.
On ne peut lui contester la gentillesse polie d’un aimable homme, mais vraiment il surprend, ainsi que pourrait le faire, le naturel d’une préfecture lointaine, par l’étonnement qu’il témoigne à un mot violent, à une comparaison cocasse, à une exagération d’artiste, enfin à tout ce qui fait le fonds de la conversation entre lettrés parisiens3. […] Comme on le questionnait, et qu’on lui demandait, dans quelle langue, se formulaient ses idées, il nous avouait que les choses de droit, les choses artificielles venaient à lui, sous des formules françaises ; les choses naturelles, les choses d’amour et autres, sous des formules japonaises. […] Ce monsieur, à l’arabesque fantastique, possède une barbe rousse d’apôtre, qui lui tombe jusqu’au milieu de l’estomac, et une tonsure naturelle, faite d’un petit rond, dans ses cheveux coupés ras.
Or ce n’est pas au hasard, nous l’avons montré, que la pensée revêt l’une ou l’autre de ces deux formes ; si l’imagination est pour quelque chose dans la vivacité du phénomène, ce qui est le cas le plus fréquent, l’apparence extérieure est naturelle, parce que l’extériorité réelle aurait sa raison d’être. […] Enfin, la parole intérieure calme n’est pas seulement le langage naturel de la froide raison ; elle est aussi la seule expression convenable de la tristesse d’une âme découragée et abattue. […] Et pourtant l’habitude a pour effet de faire évanouir peu à peu jusqu’au néant tous les phénomènes de conscience ; pour arracher ses phénomènes à cette mort naturelle, l’âme n’a qu’une ressource, l’attention, c’est-à-dire la volonté.
Contraste frappant, mais conséquence naturelle ! […] Pour arriver à ce résultat, il n’est pas d’une stricte nécessité de compliquer le cours naturel des choses avec le jeu des passions humaines. […] En assistant au spectacle singulier et pourtant naturel qu’offre l’Angleterre depuis plusieurs années, un observateur profane dirait — et croirait avoir tout dit — qu’il y a des syllogismes au fond de toutes les situations comme au fond de toutes les pensées ; mais où l’homme met la logique des choses d’après celle de son entendement, le prêtre, plus profond, met la grâce : « C’est l’action spontanée de la grâce — dit encore Mgr Wiseman — qui explique les merveilleux résultats dont nous sommes témoins. » Et le saint évêque a raison.
Il y a le naturel, il y a la force, il y a même la brutalité. […] Elle avait les yeux bleu vif d’un chef d’armée, un air de commandement et de décision que tempéraient l’humilité acquise et la finesse naturelle de la femme. […] Pensez donc : visiter les premières maisons de modes et aussi les petites, à Paris et en province ; interroger la patronne, pénétrer dans les ateliers et surprendre les employées au milieu du travail, groupées au naturel, lasses, nerveuses, attentives, bavardant, honteuses d’être vues avec leurs manches de lustrine, douces, moqueuses ou hardies ; se faire présenter à mademoiselle Irma, qui est apprêteuse et cause très volontiers de son métier ; à l’artiste mademoiselle Mathilde, qui invente les plus jolis chapeaux de Paris, et manie les plumes et les rubans comme un poète les rimes riches ; tenir entre ses mains de petits cahiers de jeunes filles disparues, qui n’ont laissé après elles que de pauvres petites idées de luxe qui sont déjà passées de mode et ces quelques feuilles de journal souvent banales, souvent charmantes, avec des blancs, des endroits tout froissés et quelquefois des traces de larmes ; n’est-ce pas de quoi s’émouvoir, et sourire, et prendre pitié ?
Par le jeu naturel de l’association des idées, l’identité, non pas seulement des pensées, mais celle des manières, celle même des physionomies de deux individus nous fait « préjuger » leur égalité. […] Le même Aristote à qui l’esclavage en général paraît chose toute naturelle, semble tenir l’asservissement des Grecs les uns par les autres pour une chose contraire à la nature90. […] Et, de fait, on se souvient qu’à Rome, l’époque où l’idée d’un Droit naturel prend corps est aussi celle où, avec toutes les races, toutes les pratiques et toutes les croyances s’entrecroisent et se mêlent.
Placé dans cette condition singulière, ayant à choisir entre l’incrédulité ou la confiance, le lecteur ne peut se défendre d’une impatience bien naturelle. […] Il me paraît donc naturel qu’elle applaudisse aux efforts de Claude Melnotte, et qu’elle voie dans sa passion pour Pauline un talisman tout-puissant. […] Il n’y a là rien de fortuit, rien de capricieux ; c’est la marche naturelle des choses. […] Quelles sont en effet les conséquences naturelles, les conséquences inévitables d’une telle méthode ? […] Ces deux livres ne sont-ils pas les corollaires naturels, inévitables des précédents ouvrages de l’auteur ?
De saison en saison, sa légende, si intimement liée à l’histoire naturelle du sol, déroule ses épisodes invariables. […] Elle est pour lui l’automne naturel de l’humanité, la récolte bienfaisante qui fera lever de nouvelles moissons. […] Dégainer, tirer son poignard était le plus naturel et le plus fréquent de ses gestes. […] En touchant le sol de la Grèce, elle redevient simple et naturelle comme ses anciens Dieux. […] Il ne se connaît pas plus lui-même que l’oiseau ne sait l’histoire naturelle.
Elle va fort loin, mais elle détaille peu ; car tout lui semble naturel. […] oui, elle est « naturelle », celle-là ! […] Elle était parfaitement naturelle : au premier tournant de vie trop mélancolique, elle se mit à aimer Dieu. […] A vrai dire, c’est à peine sa faute, mais plutôt celle de sa naturelle et incompressible éloquence. […] L’alliance y est naturelle et heureuse du comique et du lyrisme.
Chacun se dit : il y a quelque chose là-dessous, ce n’est pas naturel. […] Il y a en elle un scrupule, un préjugé de simplicité, de naturel et de bon sens qui est un frein ; elle repousse impérieusement les farces. […] Parmi ceux-là le plus admiré est le Revenant, seulement parce qu’il est contraire à tout sentiment naturel et vrai. […] Mais, par exemple, c’est bien froidement, mathématiquement, que se fait cette poésie vague que vous admirez tant dans les livres, qui n’est pas naturelle à l’esprit de l’homme et qui est pour moi comme une symphonie charivarique. […] L’action qui s’effacera perpétuellement devant les exigences du caractère, dont les scènes se dérouleront avec la plus grande simplicité, sera la meilleure, parce qu’elle sera la plus naturelle, la plus vraie, la plus réaliste.
Cela faisait le charme du livre, et en faisait aussi, comme il est naturel, la faiblesse. […] Emporté par sa fougue naturelle, il n’a pas le temps de chercher le mot juste, ou de revenir sur une expression insuffisante. […] Comme il est en nous, le mystère est autour de nous ; et nous y baignons comme dans notre atmosphère naturelle. […] Il est si naturel d’aimer à plaire ! […] Ils ont une tendance naturelle à mépriser et à dédaigner.
Il faut qu’ayant l’idée d’un objet et d’un événement, il trouve d’abord non pas le mot exact, mais le mot naturel, c’est-à-dire l’expression qui jaillirait par elle-même en leur présence et par leur contact.
L’œuvre, a deux parties bien marquées : c’est d’abord une brusque et rythmique allégorie, où les forces naturelles concordent à représenter les moments, les saisons.
Il interprete les Loix, comme l’eût fait le Législateur lui-même ; il expose le Droit naturel & le Droit public, comme s’il étoit l’interprete de la Nature & de toutes les Nations ; il parle de Littérature, comme si les Muses, les Graces & le bon Goût l’eussent rendu dépositaire de leurs oracles.
La force & la fécondité, l'élévation & la souplesse, le naturel & le sublime, un art supérieur d'exciter la surprise & d'entretenir l'admiration, sont, sous sa plume, des ressorts puissans qui élevent l'esprit du Lecteur, & le conduisent sans effort dans les routes sublimes que l'Auteur se fraye à lui-même.
S’il n’y a pas de la finesse dans ses éloges & dans ses critiques, il y a du moins de la simplicité & du naturel dans son style.
Un Amour élevé sur la pointe du pied, placé entre ces deux dernières et tournant le dos au spectateur, conduit de la main une guirlande, qui passe sur les fesses de celle qu’on voit par le dos, et va cacher, en remontant, les parties naturelles de celle qui se présente de face.
Rien n’est plus simple, plus naturel et plus vrai que cette dernière figure.
S’il projette des objets sur le cristal des mers, il sait l’en teindre à la plus grande profondeur, sans lui faire perdre ni sa couleur naturelle, ni sa transparence.
Section 1, de la necessité d’être occupé pour fuir l’ennui, et de l’attrait que les mouvemens des passions ont pour les hommes Les hommes n’ont aucun plaisir naturel qui ne soit le fruit du besoin, et c’est peut-être ce que Platon vouloit donner à concevoir, quand il a dit en son stile allegorique, que l’amour étoit né du mariage du besoin avec l’abondance.
La fiction ne se soutient que par sa vrai-semblance, et la vrai-semblance ne sçauroit subsister dans un ouvrage où l’on n’introduit que des personnages dont le caractere est entierement opposé au naturel que nous avons toujours devant les yeux.
Ni vous ni moi nous ne pouvons savoir ce que vous trouverez, ce qui en résultera, et je n’ai jamais prétendu, corrigées ou non, que vos pensées vaudront celles des grands écrivains ; je suis seulement convaincu qu’il n’y a pas d’autre moyen de perfectionner ses dons naturels et de mettre en œuvre son propre talent.
La vie de Rienzi par un auteur contemporain nous représente au naturel les mœurs héroïques de la Grèce, telles qu’elles sont peintes dans Homère.
Quelquefois c’est une fleur naturelle qui pend vers l’oreille. […] Il la mena voir la grande église d’Avignon, où il y avait un vieux Christ en bois peint, de grandeur naturelle. […] Et ces embellissements modernes ne nuisent point à la beauté naturelle du site, ni à la gravité du trésor artistique légué par les ancêtres. […] Scribe d’un naturel trop sévère et aussi ennuyeuses que le Misanthrope. […] Ce n’est point votre naturel, vous n’en tirerez aucun profit.
Plus tard, Zola intitulera une suite de récits : Histoire naturelle et sociale d’une famille sous le second Empire. […] L’erreur a commencé quand, voulant préciser ce mot : naturels, ils l’ont traduit par cet autre : vivants. […] Est naturel pour lui tout rapport nécessaire à la conservation des Etats. […] La grandeur du génie conservateur et sa marque résident dans ce sentiment du prix infini de toute force naturelle. […] Visiblement, il a considéré d’instinct que la destinée naturelle d’un adolescent de sa caste était de se développer dans ces conditions.
Ballanche ; mais cet effort lui plaît, ce vêtement lui est naturel. […] Il a emprunté davantage à Charles Bonnet, à savoir le nom même et l’idée de la palingénésie, de cette interminable et ascendante échelle des existences progressives ; mais il s’en est approprié la vue en la transportant dans l’histoire, tandis que l’illustre Genevois ne l’avait que pour l’ordre purement naturel. […] Ce dernier, ainsi que l’abbé Gerbet, est devenu son ami, et la contradiction première a cessé bientôt dans une conciliation que le Christianisme qui leur est commun rend solide et naturelle. […] Ses lettres sont un miroir fidèle de sa singulière nature, et, avec celles de Mathieu de Montmorency, elles font la partie la plus originale du livre18 ; mais elles ont surtout de la valeur par l’ensemble, et plutôt comme expression du beau naturel dont elles sont le témoignage que par le détail des anecdotes et des événements.
Platon et la philosophie m’avaient depuis longtemps enseigné que les États sont sujets à certaines révolutions naturelles qui donnent le pouvoir tantôt aux grands, tantôt au peuple, et parfois à un seul. […] « Lorsque, depuis ta naissance, huit fois sept révolutions de soleil se seront accomplies, et que ces deux nombres, tous deux parfaits, mais chacun pour des raisons différentes, auront, par leur cours et leur rencontre naturelle, complété pour toi une somme fatale de jours, la république tout entière se tournera vers toi, et invoquera le nom de Scipion. […] Mais, si tu veux porter tes regards en haut, et les fixer sur ton séjour naturel et ton éternelle patrie, ne donne aucun empire sur toi aux discours du vulgaire. […] On n’est pas plus assuré de la vie à la fleur de l’âge qu’au déclin des ans : seulement la mort du vieillard a quelque chose de plus naturel et de plus doux ; la vie avancée est comme le fruit mûr, qui se détache sans effort.
C’est que ce livre était de la nature des sophismes : il fut prestigieux, il ne fut pas naturel ; la nature seule a dans les livres des effets immortels. […] Note de religion universelle, en effet, religion des sens et de l’âme qui ne froisse aucun dogme national, qui ne retranche aucune vertu humaine, mais qui embrasse et illumine tous les dogmes sincères et toutes les vertus naturelles dans une atmosphère de vie, de chaleur et de piété semblable au rejaillissement d’un même soleil sur la coupole d’Athènes, sur la cathédrale de Sainte-Sophie et sur les mosquées d’Arabie dans cet Orient plein de Dieu ! […] Voltaire lui-même, qui, en qualité d’esprit juste, abhorrait Rousseau, l’esprit faux, s’arrête et s’étonne, dans son dénigrement bien naturel, devant cet éclair sorti des ténèbres, et s’écrie : « Ô Rousseau ! […] Incapable d’activité dans la foule, incapable de repos dans la solitude, recueilli par la famille de Girardin, à Ermenonville, dans un dernier ermitage, il y meurt d’une mort problématique, naturelle selon les uns, volontaire selon les autres : le mystère après la folie. — Le moins raisonnable et le plus grand des écrivains des idées des temps modernes repose, jeté par le hasard, sous des peupliers, dans une petite île d’un jardin anglais, aux portes d’une capitale, lui qui, dans sa mort comme dans sa vie, sembla le plus misanthrope des hommes en société, et le plus incapable de se passer de leur enthousiasme.
Mais votre exil est une conséquence naturelle de la marche que vous suivez constamment depuis plusieurs années. […] La poésie est le langage naturel à tous les cultes. […] « Un homme d’un esprit supérieur disait que la prose était factice, et la poésie naturelle : en effet les nations peu civilisées commencent toujours par la poésie, et dès qu’une passion forte agite l’âme, les hommes les plus vulgaires se servent, à leur insu d’images et de métaphores ; ils appellent à leur secours la nature extérieure pour exprimer ce qui se passe en eux d’inexprimable. […] Il exige des beautés absolues, des beautés qui frappent le lecteur solitaire, lorsque ses sentiments sont plus naturels et son imagination plus hardie.
Il reste un vaste champ, direz-vous, dans les vérités naturelles que Dieu a livrées à la dispute des hommes. […] Pour les hommes primitifs, au contraire, le miracle était parfaitement naturel et surgissait à chaque pas, ou plutôt il n’y avait ni lois ni nature pour ces âmes naïves, voyant partout action immédiate d’agents libres. […] Je n’ai pas et je ne crois pas que la science puisse donner un ensemble de propositions délimitées et arrêtées, constituant une religion naturelle. […] L’homme dans cette hypothèse a tout fait par ses facultés naturelles : ici spontanément et obscurément ; là scientifiquement et avec réflexion ; mais enfin l’homme a tout fait : il se retrouve partout en face de sa propre autorité et de son propre ouvrage.
Ainsi, lorsque Kant, Schopenhauer, Spencer expliquent l’idée de coexistence dans l’espace par une répétition en sens inverse de deux séries temporelles qu’on peut parcourir à rebours, ils remplacent par une analyse dérivée et factice la continuité naturelle et la simultanéité immédiate de sensations ayant un caractère extensif aussi bien qu’intensif. […] Le sens du mouvement, soit de celui qu’on exécute, soit de celui qu’on perçoit au dehors, a été un des premiers et des plus importants résultats de la sélection naturelle dans la lutte pour la vie. […] Le mouvement des jambes en avant est du reste bien plus naturel que le mouvement latéral, dont il se distingue facilement. […] En un mot, notre cerveau réagit naturellement selon les lois géométriques et spatiales ; de ce mécanisme naturel résulte une série d’impressions sui generis et de réactions également spécifiques : il suffit de réfléchir ensuite sur ces actions et réactions pour en tirer ce qu’elles contiennent, des relations spatiales ; enfin, ces relations ne sont jamais si nettes que quand nous les réalisons.
Mais c’est aussi pourquoi, si la pompe quasi liturgique des Mystères a d’abord continué dans la rue les cérémonies que l’on célébrait dans l’intérieur de l’église ; s’ils ont été, comme les processions, une manière d’intéresser les sens du populaire, son avidité naturelle de divertissements et de spectacle à la durée de la religion ; et enfin, s’ils ne sont morts, comme on le montrerait, que de l’anathème que l’Église a jeté sur eux, on peut dire et il faut dire que, comme la poésie, courtoise exprimait l’idéal de la noblesse et les Fabliaux celui du vilain, pareillement les Mystères ont commencé par exprimer l’idéal du clergé. […] Le Roman de Jean de Meung ; — et que le poète n’a vu lui-même dans cette partie de son œuvre qu’une saillie de jeunesse ; — dont la signification n’est ainsi que plus caractéristique. — En respectant la fiction et le cadre de Guillaume de Lorris, Jean de Meung y introduit des intentions marquées de « satire sociale » et de « philosophie naturelle » ; — dont les premières le rapprochent des auteurs des « branches » additionnelles du Roman de Renart ; — avec lesquels il a encore de commun la violence de son langage, — et la licence de ses discours. — Ses intentions de « philosophie naturelle » semblent lui être plus personnelles ; — quoique d’ailleurs on puisse les rapprocher de la philosophie, très inconsciente, à la vérité, des auteurs de nos fabliaux. […] On voit par ces détails sommaires l’importance de la littérature « allégorique » au Moyen Âge ; — il resterait à rapprocher ces « personnifications » des « Entités » ou des « Quiddités » de la scolastique ; — et les unes et les autres de ce que l’on appellera plus tard « la réduction à l’universel » ; — ou, en d’autres termes, les idées générales. — Que, malheureusement, si les intentions étaient bonnes, le moyen était faux ; — car, à mesure qu’on allégorisait davantage, l’idée n’en devenait pas plus claire ; — et on s’éloignait à mesure du naturel et de la vérité. — C’est ce que voulait dire Pétrarque, dans la lettre citée plus haut, quand il reprochait aux auteurs du Roman de la Rose que leur « Muse dormait » ; — et quand il opposait à leur froideur l’ardeur de passion qui respire dans les vers de « ces chantres divins de l’amour : Virgile, Catulle, Properce et Ovide ».
Il les passait à lire ou à ramasser sur le rivage des coquillages et principalement des insectes, car il aimait l’histoire naturelle comme tous ceux qui en ont fini avec les hommes, et il s’était formé une collection entomologique « qu’un Swammerdam aurait enviée ». […] Dans le Scarabée d’or, après avoir commencé par les vertiges de l’incompréhensible, Edgar Poe finit par s’asseoir paisiblement dans les explications naturelles. […] La curiosité de l’incertain qui veut savoir et qui rôde toujours sur la limite de deux mondes, le naturel et le surnaturel, s’éloignant de l’un pour frapper incessamment à la porte de l’autre, qu’elle n’ouvrira jamais, car elle n’en a pas la clef, — et la peur, terreur blême de ce surnaturel qui l’attire et qui l’effraye autant qu’il l’attire ; car depuis Pascal peut-être il n’y eut jamais de génie plus épouvanté, plus livré aux affres de l’effroi et à ses mortelles agonies, que le génie panique d’Edgar Poe ! […] Sans aucun doute, dans ce jeu bizarre où l’auteur devient de bonne foi, et, comme l’acteur, se fascine soi-même, il y a (et la Critique doit l’y voir) un naturel de poète dramatique qui, tiré de toutes ces données, sujets habituels des Contes d’Edgar Poe : le somnambulisme, le magnétisme, la métempsycose, — le déplacement et la transposition de la vie, — aurait pu être formidable.
Charles-Quint, en mourant, avait révélé à l’héritier de sa couronne le secret de ses premières faiblesses, et lui avait recommandé le bonheur de son fils naturel. […] L’élégie pure est la vie naturelle de sa pensée ; rien, dans ses œuvres, n’est au-dessus du poème d’Éloa. […] Elle ne se fût pas exposée de gaîté de cœur aux railleries honteuses, aux familières ironies de ce démon dévoué, qui demande avec un étonnement bien naturel d’où vient ce changement subit. […] Est-il naturel de penser qu’une femme du sang des Borgia se confie à d’autres mains que les siennes pour laver l’injure qu’elle a reçue ? […] Toute la seconde partie de ce singulier paragraphe a l’air d’une gageure contre le sens naturel des mots et la simplicité aujourd’hui populaire des idées médicales.
Fénelon, dans ses effusions de parole publique ou particulière, a des instants d’énergie et de grande force2, mais ce ne sont que des instants ; la familiarité, la grâce, l’insinuation, sont sa plus ordinaire habitude et son allure naturelle. […] L’idée de Dieu, c’est-à-dire d’une cause supérieure et première qui nous domine et nous environne, est une idée toute naturelle et selon la perspective humaine de tous les temps.
Le reproche qu’on peut faire à M. de Meilhan, c’est de n’observer l’homme que dans ce cercle-là et de ne pas voir qu’il s’élevait déjà des classes nouvelles, dépositaires de meilleures mœurs et de qualités plus naturelles. […] Sans faire entrer dans son analyse de l’homme d’autres éléments que les besoins physiques et, au moral, le mobile de l’ambition ou de la vanité, il a pourtant compris que cette bonne compagnie, définie comme on l’entendait alors, et devenue le plus tiède et le plus tempéré des climats, était mortelle au génie, à la grandeur, à la force naturelle en toutes choses : Ne cherchez pas le génie, dit-il, l’esprit, un caractère marqué dans ce qu’on appelle la bonne compagnie.
Il cite un peu plus loin le témoignage de l’abbé Ledieu, qui rapporte « que le regard de Bossuet était doux et perçant ; que sa voix paraissait toujours sortir d’une âme passionnée ; que ses gestes dans l’action oratoire étaient modestes, tranquilles et naturels ». […] On y tentait une disposition naturelle à la sincérité, jamais la rudesse ni le dédain.
Doué des dons naturels de la personne, de la physionomie et de la figure, de la séduction de l’organe et de l’agrément de la parole, il brilla au premier rang comme professeur et comme orateur académique ; à ce dernier titre, il a sa place encore aujourd’hui parmi ceux qui, tout en les louant, ont su peindre les hommes. […] Les sciences accessoires à la médecine, telles que la chimie, l’anatomie, l’histoire naturelle, y étaient surtout très négligées : mais on y savait tout ce que les Grecs, les Latins et les Arabes ont écrit sur ces divers sujets ; et, si l’on y avait connu la nature aussi bien que les livres, M.
Mais cette esquisse de Voltaire, dans sa simplicité élégante et naturelle, ne suffit point aujourd’hui pour réfuter et repousser le magnifique portrait en laid où Saint-Simon a versé toutes ses ardeurs et son amertume : placée à côté, elle en est éteinte et absorbée. […] Villars a le panache comme naturel.
La chaleur était à peine tombée avec le soleil ; les oiseaux, déjà retirés et non encore endormis, annonçaient, par un ramage languissant et voluptueux, le plaisir qu’ils goûtaient à respirer un air plus frais ; une rosée abondante et salutaire ranimait déjà la verdure… Ici une de ces descriptions naturelles dont il a le premier dans notre littérature donné le parfait exemple, mais où il a été depuis surpassé par ses grands disciples, par Bernardin de Saint-Pierre, par Chateaubriand, par George Sand, tous bien autrement particuliers, nuancés et neufs, et qui ne se contentent pas de peindre la nature en traits généraux devenus trop aisément communsy ; — et il continue : À ce concours d’objets agréables, le philosophe, touché comme l’est toujours en pareil cas une âme sensible où règne la tranquille innocence, livre son cœur et ses sens à leurs douces impressions : pour les goûter plus à loisir, il se couche sur l’herbe, et appuyant sa tête sur sa main, il promène délicieusement ses regards sur tout ce qui les flatte. […] Ne cherchez avec lui ni la légèreté du ton ni l’élégance naturelle.
Il écrivait à l’abbé Fleury dès 1695 : « Son naturel le porte ardemment à tout le détail le plus vétilleux sur les arts et l’agriculture même. » Quinze et dix-sept ans plus tard (1712), il pensait et disait encore la même chose, et cette fois au sujet de la religion : « Il a besoin d’acquérir, si je ne me trompe, une certaine application suivie et constante, pour embrasser, toute une matière, pour en accorder toutes les parties, pour approfondir chaque point principal ; autrement cette lumière, qui est grande, ne ferait que flotter au gré du vent. […] » Jusqu’à la fin, il est en crainte que ce naturel d’une dévotion inquiète et timide ne se laisse prendre à l’attrait subtil du Jansénisme ; et c’est même ainsi qu’on peut s’expliquer le redoublement de conseils et de précautions à cet égard.
Il est bon de savoir que l’Impératrice Élisabeth était très-bien en homme ; elle était ce qu’on peut appeler la plus belle jambe de son empire ; elle dansait en perfection, et il était naturel dès lors quelle se plût à donner des bals masqués où tous les hommes étaient en habits de femme, toutes les femmes en habits d’homme. […] Je me souviens qu’un jour, à une de ces mascarades publiques, ayant appris que tout le monde se faisait faire des habits neufs, et les plus beaux du monde, désespérant de pouvoir surpasser les autres femmes, je m’avisai de mettre un corps couvert de gros de Tours blanc (j’avais alors la taille très-fine), une jupe de même sur un très-petit panier ; je fis accommoder mes cheveux de derrière la tète, qui étaient fort longs, très-épais et fort beaux ; je les fis nouer avec un ruban blanc en queue de renard ; je mis sur mes cheveux une seule rose avec son bouton et ses feuilles, qui imitait le naturel à pouvoir s’y tromper, une autre je l’attachai à mont corset ; je mis au cou une fraise de gaze fort blanche, des manchettes et un tablier de la même gaze, et je m’en allai au bal.
Rien n’égale, à cet égard, la sincérité du premier jet : je donnerai donc ici les notes mêmes ; c’est tout un portrait d’Halévy, pris sur le vif, saisi dans l’intérieur et dans la familiarité : « Il avait un don naturel d’écrire, cultivé, perfectionné par l’étude, par un goût de lecture qu’il satisfaisait partout, dans son cabinet, pendant l’intervalle des travaux, des conversations d’affaires, dans les voitures publiques, dans les réunions d’amis, dans le monde même. […] « Il savait beaucoup de choses, même dans les sciences, en histoire naturelle, en médecine.
Lucrèce n’a pas traité des champs en particulier ; mais, dans son tableau de l’origine du monde et des premiers âges des sociétés (au livre Ve), il a cueilli les plus vastes images, il a tracé les plus larges cadres de l’époque rurale primitive, du bonheur naturel et des ébats champêtres auxquels se livraient les innocents agriculteurs au retour des printemps : Sæpe itaque inter se prostrati in gramme molli, Propter aquæ rivum, sub ramis arboris altæ, Non magnis opibus jucunde corpora habebant, Præsertim cum tempestas ridebat, et anni Tempora pingebant viridantes floribus herbas… Quelle ampleur de peinture et de langage ! […] Je n’ai que l’embarras du choix entre les tableaux et les frais paysages, entre les scènes de labourage, de semailles, de fauchaison et de fenaison, de récolte et de vendange, entre les charmants hasards du parc naturel, confinant au bois et à la forêt, et le monde bruyant de la basse-cour ; car tout cela est diversement peint, et presque toujours avec un rare bonheur dû à une extrême vérité.
« Au mois de mai 1789, nous dira t-il en commençant, Étienne, âgé de huit ans, était confié aux soins de Savouré, dont la pension relevait du collège de Lizieux, où le jeune enfant devait achever ses études… Pendant l’année 1793, Étienne, rentré dans sa famille, abandonna presque entièrement les études classiques, pour se livrer au goût naturel qui le dominait (le goût du dessin). » Et ainsi dans tout le cours du récit. […] Delécluze raconter cette scène au naturel : « La première fois, Maurice ne dit rien, seulement sa physionomie devint sévère ; mais lorsque le conteur eut répété de nouveau le nom sacré, alors les yeux du chef de la secte des penseurs s’enflammèrent, et Maurice fit taire le mauvais plaisant en lui imposant impérieusement silence.
Homère a voyagé, a observé de ses yeux tout ce qu’il a décrit, l’a exprimé au naturel, et a rendu toute chose avec une telle vérité, qu’il semble avoir tout vu et presque avoir tout été lui-même. […] Ce qu’on rapporte de l’ancien philosophe Cléanthe, homme de peine la nuit pour être homme d’étude le jour, n’a plus rien que de naturel, et on en a le commentaire vivant sous les yeux.
Quand vous lui écrirez, dites-lui que je ne me lasse pas d’admirer l’adresse avec laquelle il a su profiter d’un temps où, Frédéric et Catherine ayant disparu du théâtre des affaires du monde, il n’y a plus sur tous les trônes de l’Europe que des imbéciles. » Mais la veille ou le lendemain le vent tourne, le langage change, le naturel reparaît ; et vers ce même temps, apprenant le meurtre du duc d’Enghien, elle disait avec la même liberté de propos : « Ce pauvre diable était le seul des princes français qui eût de l’élévation et du courage. […] Dans les dernières années de la Restauration, les attachés du ministère furent invités à traiter chacun dans un mémoire la question des alliances naturelles de la France : ce fut le travail de M.
Despréaux, le cher Despréaux, qui est fort naturel et fort sincère, me disait dimanche dernier à une thèse do son petit-neveu, fils du président Gilbert, que La Chapelle, ayant affecté de ne point parler de Despréaux, avait mis Despréaux en droit de parler de La Chapelle. […] Il était assez naturel, en effet, que Racine sensible, tendre, ouvert aux passions, timide en même temps et peu courageux, s’effrayât en vieillissant des touchantes faiblesses auxquelles il s’était livré, qu’il revînt en idée à l’innocence de ses premiers jours, qu’il se replongeât tant qu’il le pouvait en arrière, se reprochât ses fautes passées en se les exagérant, et noyât tout son amour-propre dans ses larmes.
Les poètes en général, si l’on excepte le grand Lucrèce, ont considéré le spiritualisme et les idées religieuses comme la région naturelle où respire et se meut à l’aise la poésie. […] Ravaisson et Lachelier, comme un mouvement d’affinité naturelle et un redoublement d’estime pour la large et libre source méditative de Maine de Biran, laquelle me paraît supérieure en sincérité et en plénitude à ce qui en est sorti du côté de l’éclectisme.
Les gestes, les inflexions de voix et les sinuosités du discours sont en parfaite harmonie ; les hasards naturels, les particularités journalières d’une conversation qui s’anime, se reproduisent en leur lieu. […] Il se sert des phrases les plus forcées et les moins naturelles.
Tel homme est conduit par ses goûts naturels dans le port, où tel autre ne peut être porté que par les flots de la tempête ; et tandis que tout est calculé d’avance dans le monde physique, les sensations de l’âme varient selon la nature de l’objet et de l’organisation morale de celui qui en reçoit l’impression. […] tantôt la superstition défend de penser, de sentir, déplace toutes les idées, dirige tous les mouvements en sens inverse de leur impulsion naturelle, et sait vous attacher à votre malheur même, dès qu’il est causé par un sacrifice ou peut en devenir l’objet ; tantôt la passion ardente, effrénée, ne sait pas supporter un obstacle, consentir à la moindre privation, dédaigne tout ce qui est avenir, et poursuivant chaque instant comme le seul, ne se réveille qu’au but ou dans l’abîme.
Il ne cesse de répéter que les passions qui sont en nous donnent la mesure de notre énergie morale, et que tout le secret de la vertu est de savoir utiliser, diriger, canaliser ces forces naturelles. […] Il nous fait suivre la genèse naturelle des idées, le développement parallèle des signes, et nous montre dans le langage « un merveilleux instrument d’analyse », qui, par ses termes abstraits où se rassemblent des collections d’idées, par son mécanisme où s’expriment des séries de rapports, facilite de plus en plus la tâche de l’esprit536.
« Cette grossière interprétation du rôle devint la tradition, et Augé, grand, beau, bien fait, très aisé dans son jeu, au dire d’un contemporain, d’une gaieté un peu basse, naturel et inexact dans son débit, estropiant les vers, Augé s’y conforma en l’exagérant encore. […] N’est-il pas tout naturel qu’il commence par user du langage qui lui est habituel et qu’on s’attend à rencontrer dans sa bouche ?
Quelques mots nous donneront tout de suite le ton du recueil ; voici, par exemple, les aphorismes humoristiques qu’on y prodigue : « Une femme mariée, dit Arlequin, est comme une maison dont le propriétaire n’occupe que le plus petit appartement, et où cependant toutes les grosses réparations se font sur son compte. » Mezzetin, reprend : « Comme ainsi soit que le naturel des corneilles est d’abattre des noix et de parler gras, celui des pies d’avoir la queue longue, et des perroquets d’être habillés de vert, de même la nature des femmes est de faire enrager leur mari. » Colombine trouve son maître Persillet triste et soucieux : « Qu’est-ce que c’est, Monsieur ? […] Tuileries, dans la grande allée, les coquettes se livrent à leurs manèges, aux savantes manœuvres de la stratégie galante : « Là, dit Colombine, il faut ne pas hasarder une démarche naturelle.
Il a de la gaieté, du naturel, il aime Molière : ce sont là des garanties. […] Il a le goût sain au fond et naturel, quand il juge des choses du théâtre.
Elle ne répondit d’abord à cette ouverture qu’en parlant du divorce et de la difficulté de l’obtenir ; mais ces hommes peu scrupuleux, par la bouche de Lethington, le plus habile et le plus politique d’entre eux, lui dirent : Madame, ne vous inquiétez de rien ; nous sommes ici les principaux de la noblesse et du Conseil de Votre Grâce, et nous trouverons bien le moyen de vous délivrer de lui sans aucun préjudice pour votre fils ; et quoique milord Murray, ici présent (le frère naturel de Marie Stuart) soit un peu moins scrupuleux pour un protestant que Votre Grâce ne l’est pour une papiste, je suis sûr qu’il regardera à travers ses doigts, nous verra faire et ne dira rien. […] Ce rôle, en effet, de Clytemnestre, ou de Gertrude dans Hamlet, ne lui était pas naturel et ne pouvait que lui être imposé.
Janin, qui intervient à chaque moment en tiers avec ses amoureux, relève ces riens par de jolis traits, par des fraîcheurs de plume comme il en a volontiers : un sang rose à la joue, une goutte de rosée au front, un rire étincelant, l’élan naturel et le découplé de la jeunesse. […] Eugène en prend malaisément son parti ; Louison, qui a en elle ce fonds de coquetterie naturelle, propre à toute fille d’Ève, est bientôt consolée et plutôt orgueilleuse de ce triomphe mêlé de malice et d’insolence.
Tout change, tout meurt ou se renouvelle ; les races les plus antiques et les plus révérées ont leur fin ; les nations elles-mêmes, avant de tomber et de finir, ont leurs manières d’être successives et revêtent des formes diverses de gouvernement dans leurs divers âges ; ce qui était religion et fidélité dans un temps n’est plus que monument et commémoration du passé dans un autre ; mais à travers tout, tant que la dépravation n’est pas venue, il y a quelque chose qui reste : l’humanité et les sentiments naturels qui la distinguent, le respect pour la vertu, pour le malheur, surtout immérité et innocent, la pitié qui elle-même n’est que le nom de la piété envers Dieu en tant qu’elle se retourne vers les infortunes humaines. […] La conversation de son intérieur était fort naturelle.
Toute cette scène cependant, les cris et les prières, l’éloquence naturelle et déchirante du fugitif l’avaient ému ; il se promena quelque temps en silence sur le pont et dit à Marmont : « Rappelez-moi cet homme quand nous serons à Paris et que nous pourrons quelque chose. » Or, on était à Paris ; le 18 et le 19 Brumaire étaient consommés, et Bonaparte, consul provisoire, s’installait au Luxembourg. […] À la bravoure et à l’amour de la gloire, naturels aux Français, ils joignaient un grand respect pour la discipline, et une confiance sans bornes en leur chef, premiers éléments du succès… Les soldats d’aujourd’hui marchent dignement sur les traces de leurs devanciers ; et le courage, la patience, l’énergie qu’ils ne cessent de montrer dans la longue et pénible guerre d’Afrique, prouvent que toujours et partout ils répondront aux besoins et aux exigences de la patrie.
J’aurais grand besoin cette fois qu’un moraliste fin, discret, adroit et prudent, un Addison, me prêtât son pinceau sans mollesse et sans amertume : car c’est d’un mal moral que je voudrais traiter, et d’un mal présent ; j’ai en vue de décrire la maladie d’une partie notable de la société française (de la fleur et non pas du fond de cette société), et, en la décrivant au naturel, de faire sentir à de belles et fines intelligences qu’elles ont tort de loger et d’entretenir si soigneusement en elles un hôte malin qui, à la longue, est de nature à porter atteinte à la santé même de l’esprit. […] Le remède à ce mal immodéré des regrets, quand on ne le trouve point dans une grande égalité d’humeur et dans le tempérament naturel, est dans le travail, dans l’occupation sérieuse et suivie, dans tout ce qui maintient la force et l’équilibre de l’esprit, et qui se communique à l’âme.
Fénelon seul, sans songer à copier ni à inventer, et par une simplicité naturelle de goût, a retrouvé sous sa plume et recommencé facilement la Grèce. […] Si l’abbé Barthélemy avait eu plus de cette originalité naturelle et de cette inspiration vive, on lui pardonnerait dans l’exécution quelques infidélités ; malgré tous ses soins en effet, malgré son application à ne point cheminer sans ses notes érudites, son livre peut se considérer, dans certaines parties, comme une production moderne et personnelle.
Zola écrivait comme le Méridional parle, par besoin naturel et sans se préoccuper de ce qu’il aurait à mettre dans ses écritures pour qu’elles eussent de la solidité et parussent au moins contenir quelque chose. […] Avec un peu de Taine mal compris et peut-être de Claude Bernard mal lu, et peut-être avec le souvenir d’une boutade de Sainte-Beuve : « Je fais l’histoire naturelle des esprits », il se dit que l’homme était le produit de sa race et un peu de son milieu, et il se dit qu’il serait intéressant de faire l’histoire d’une famille de 1840 à 1870.
L’œuvre nouvelle qu’il met au monde procède du mode des germinations et des floraisons naturelles. […] Qu’il s’agisse des directions où tu dois appliquer ton intelligence ou de celles que doit suivre ta sensibilité, apprends à reconnaître parmi ces notions qui brillent dans ta conscience pour fasciner ton énergie, celles qui s’accordent avec l’impulsion naturelle de ton intelligence et de ta sensibilité.
Or, que l’on n’aille pas parler de poésie imitative, cette invention facile et inutile ; puisque, nous l’avons vu, la voix humaine est scientifiquement un instrument à note variable, avec ses harmoniques par quoi sont tirés de naturels et immatériels timbres : timbres naturels dont, au contraire, ceux des matériels instruments ne sont qu’une exagération et un grossissement.
La solitude ne vaut rien à l’homme, parce qu’elle n’est pas son état naturel. […] L’état social, en un mot, ainsi que nous l’avons dit est une des limites naturelles assignées par Dieu même à la liberté de l’homme.
Les lecteurs de romans1 Quel est le public naturel du roman ? […] Ils toléreront que l’historien de la marquise de Pompadour ou de mademoiselle de La Vallière raconte des anecdotes à la fois libres et historiques ; qu’un diplomate signant Trois-Étoiles rapporte un propos léger, — qu’on appellera gaulois pour le faire passer, — d’un personnage russe ou anglais ; qu’un naturaliste s’exprime en termes clairs sur les phénomènes naturels : et d’ailleurs, quinze jours après l’apparition de la livraison, vous êtes sûrs de retrouver intacts, dans plus d’une maison, sans une coupure aux tranches, les articles de cette sorte.
Il en est encore une autre bien naturelle. […] La philologie est un souterrain obscur, étroit, sans fond, où l’on rampe au lieu de marcher, si éloigné de l’air et de la lumière, qu’on y oublie l’air et la lumière, et qu’on finit par trouver belle et naturelle la clarté fumeuse de la triste lampe qu’on traîne accrochée après soi.
Biot a voulu lire lui-même son discours ; il a pensé que la personne même donnait un intérêt de plus aux paroles, qu’elles n’avaient tout leur sens et tout leur accent que sur les lèvres de celui qui les disait comme il les avait trouvées ; et en effet, si la physionomie avec sa finesse, si le geste dans son naturel et sa bonhomie pouvaient suppléer au timbre et à l’organe, on aurait eu un plaisir complet.
Elles sont affligeantes, elles sont profondément immorales, ces sortes d’orgie d’un beau génie en délire ; et quand, dix années plus tard, aux approches d’une mort inévitablement prochaine, on voit éclater de point en point la contrepartie de ces scènes indécentes, quand un prêtre en habit court, introduit dans la chambre du moribond, l’obsède de ses dévotes violences, quand le même Wagnière caché, comme autrefois, derrière une porte, non plus pour rire d’un moine imbécile, mais pour sauver son maître d’un moine hypocrite, écoute tremblant, la main sur son couteau, et s’élance aux cris du vieillard, on tire d’un rapprochement si naturel et si terrible une condamnation plus sévère encore de ces jongleries philosophiques qui provoquent et semblent absoudre les persécutions religieuses.
Il ne jugeait pas néanmoins impossible de ressaisir le sens naturel, physique, astronomique de ces traditions que les Grecs n’avaient pas comprises, et l’on sent qu’il y avait dans cette idée un fond de vérité suffisant pour la construction d’un roman ingénieux et agréable.
J’en demande pardon aux personnes qui ont cru apercevoir dans les idylles d’André Chénier tout le naturel et l’ingénuité de l’ancienne Grèce, mais si elles eussent trouvé dans Delille un vers du genre de celui-ci : Les sons harmonieux que ma flûte respire, elles n’eussent pas manqué de se récrier contre l’affectation d’une telle périphrase.
L’action dramatique ne paraît pas avoir été très naturelle à l’esprit français qui a toujours été fort enclin aux discours.
Sans cesse pressé par cette femme ambitieuse, qui le traitait de lâche parce qu’il souffrait un supérieur dans sa famille, Antipas surmonta son indolence naturelle et se rendit à Rome, afin de solliciter le titre que venait d’obtenir son neveu (39 de notre ère).
En face de cette conception s’est élevée la doctrine moderne de l’évolution et de la sélection naturelle, qui entreprend d’expliquer les diverses formes de la vie par le triage séculaire des combinaisons les plus capables de survivre.
L’esprit, les graces, le naturel, la délicatesse, les images, la douceur & la facilité, le caractérisent particulièrement.
A cette théorie il fallait une réserve nécessaire, et l’auteur n’a pas manqué d’y consentir : le travail ne suffit pas ; les dons naturels sont la condition même d’un travail utile …36 » « Mais le tempérament des écrivains diffère, dit M.
Désir pourtant assez naturel ! […] Ce Stendhal prise au-dessus de tout le naturel et la sincérité ? […] Taine soutient que cela repose sur des paradoxes avérés, le retour à la nature, la bonté naturelle de l’homme, etc. […] Rien de plus naturel que leurs excellents rapports. […] Il note pourtant quelques défauts : l’imprévoyance, la manie du jeu, la bêtise, mais, corrige-t-il, naturelle.
Le peuple, on le sait, n’admet rien de naturel dans les événements qui secondent l’ambition des hommes qu’il n’aime pas. […] Mais à cette idée de défense personnelle directe, d’autant plus ferme qu’elle est privée de ses intermédiaires et de ses auxiliaires naturels, s’en ajoute une autre que M. […] Si j’indique cette date et ces noms, c’est pour faire remarquer le synchronisme naturel, l’affinité clandestine et profonde qui existe entre les extrêmes les plus opposés de la pensée humaine. […] Il n’est pas de sentiment plus pur, plus naturel, plus irréprochable, que celui sur lequel repose le mysticisme que j’appellerai naïf pour le distinguer du mysticisme systématique. […] que le feuilleton, un peu trop passionné pour son patron naturel et légitime, ne sacrifiât le grand évêque au grand comique ; oh !
J’avoue que je préfère infiniment ces lettres écrites au courant de la plume et toutes naturelles aux estimables travaux académiques ou universitaires dans lesquels il a traité plus méthodiquement les mêmes sujets. […] … » Comme si, par une association naturelle avec les touchantes beautés de l’Odyssée, il avait eu à cœur de dater d’Ithaque tous les souvenirs les plus chers de la patrie, Gandar écrivait de là aussi à une personne dont le nom ne m’est pas indiqué, qui pourrait bien être celle à laquelle il était déjà fiancé de cœur et qui devint plus tard, et non sans d’assez longues épreuves, la digne et dévouée compagne de sa vie ; ou si ce n’est elle, il s’adressait à elle par une amie commune, et en parlant à l’une, il pensait certainement à l’autre. […] Ce qui dure sans avoir besoin d’une jeunesse nouvelle et sans craindre la décrépitude comme les œuvres des hommes, c’est la mer et l’horizon des montagnes et cette divine lumière que je retrouve tels que je les ai connus, aussi surpris qu’à mon premier voyage parce que je sors de nos brumes, et plus ému, parce qu’ayant eu déjà le loisir de les aimer, j’avais eu le temps aussi de les regretter plus d’une fois. » Ailleurs, regrettant la perte de quelques illusions, il se félicite d’en garder au moins une : « C’est, dit-il, mon amour pour la Grèce que je ne puis cesser d’admirer, après l’avoir retrouvée plus belle que mes souvenirs. » Je ne crois pas sortir de mon sujet ni abonder dans le trop de familiarité en relevant ce passage naturel d’une lettre à son frère Adolphe Gandar ; nous sommes dans le monde homérique où l’on ose être homme avec tout ce qu’il y a d’humain en nous, et où les pleurs qu’on verse ne sont pas une marque de faiblesse : « (Athènes, 5 mai 1853.) — Beulé m’a quitté dimanche (jour de la Pâque grecque). […] Parfois je me désole d’aborder un tel sujet sans avoir revu l’Italie ; et cependant je me console en pensant que si un séjour à Florence eût été la préparation la plus convenable du cours que j’entreprends, ce cours et ces études telles quelles, dont il est l’occasion, seront la préparation tout aussi naturelle du séjour à Florence que nous ne cessons de rêver… » « (Au même. — Caen, 6 mars 1860.)… Je ne connais que de nom, mon cher Émile, la plupart des ouvrages dont vous me parlez. […] La gravité qu’il mettait à tout pouvait paraître un peu marquée, mais personne n’était plus sincère que lui ; tous ceux qui l’ont vu de près l’ont aimé ; ses sentiments étaient naturels, son âme élevée, son cœur excellent.
Il n’y a pas une noble tendresse du cœur humain qui n’ait sa note sur le clavier d’Homère ; il ne charme pas, il n’émeut pas seulement, il pétrit le cœur humain de vertus naturelles. […] Leur conférence nocturne est peinte en traits aussi pénétrants que naturels. […] « Mais tels, disent-ils, que des abeilles ou des guêpes à corsage de diverses couleurs, qui, ayant construit leurs ruches sur les bords d’un chemin rocailleux, n’abandonnent point leurs creuses demeures, et, résistant à leurs ennemis, défendent leur race avec héroïsme, tels ces deux guerriers, quoique seuls, ne veulent pas déserter les portes, etc., etc. » La victoire est indécise, quand un prodige, où le naturel des animaux est décrit comme par Pline ou par Audubon, attire et suspend l’attention des deux armées. […] » Homère, dans ce passage, pleure comme il chante, aussi incomparable de naturel dans l’élégie que dans la bataille. […] Homère n’a-t-il pas su, comme un peintre divin, rattacher par des épisodes rapides et par des coups d’œil naturels, tantôt en arrière, tantôt à côté, tantôt en avant de son sujet, le monde moral et le monde physique tout entier à ce petit coin de sable de la plage de Troie où s’agite le sort de la Troade et de la Grèce ?
Tu ne saurais pas aujourd’hui que les plus belles philosophies n’ont que des jours d’explosion et des années de fumée, fumée à travers laquelle on ne reconnaît plus rien que des décombres ; que les peuples, comme des banqueroutiers de la vérité, ne tiennent jamais ce qu’ils promettent ; que les princes les meilleurs ne recueillent que l’assassinat, comme Henri IV, ou le martyre, comme Louis XVI ; que les réformateurs les plus bienfaisants ont pour ennemis les utopistes les plus absurdes ; que les gouvernements héréditaires subissent les dérisions de la nature, qui ne sanctionne pas toujours l’hérédité du génie ou des vertus ; que les gouvernements parlementaires subissent la domination de l’intrigue, la fascination du talent, l’aristocratie de l’avocat, qui prête sa voix à toutes les causes pourvu que l’on applaudisse, et qui est aux assemblées ce que la caste militaire est aux despotes, pourvu qu’ils les payent en grades et en gloire ; que les gouvernements absolus font porter à tous la responsabilité des fautes d’une seule tête ; que les gouvernements à trois pouvoirs sont souvent la lutte de trois factions organisées qui consument le temps des peuples en vaines querelles, qui n’ont d’autre mérite que d’empêcher les grands maux, mais d’empêcher aussi les grandes améliorations, et qui finissent par des Gracques ou par des Césars, ces héritiers naturels des anarchies ou des servitudes ; que les républiques sont la convocation du peuple entier au jour d’écroulement de toute chose pour tout soutenir, le tocsin du salut commun dans l’incendie des révolutions qui menace de consumer l’édifice social ; mais que si ces républiques sauvent tout, elles ne fondent rien, à moins d’une lumière qui n’éclaire pas souvent le fond des masses, d’une capacité qui manque encore au peuple, et d’une vertu publique qui manque plus encore aux classes gouvernementales. IX Que vous ayez eu toutes ces nobles illusions du royalisme, des gouvernements à une tête, des gouvernements à trois têtes, des gouvernements de parole, des dictatures ou des républiques dans votre jeunesse, sur la foi des théories toujours séduisantes comme les mirages de l’esprit humain, cela est naturel, honorable même, aux différentes phases d’une vie qui pense. […] Je me reprocherais plutôt de n’avoir pas assez changé, c’est-à-dire de n’avoir pas assez profité du temps que Dieu m’a laissé vivre pour me transformer davantage encore ; d’avoir peut-être trop sacrifié aux convenances, aux situations antécédentes, au respect humain, à toutes ces considérations personnelles qui empêchent de se démentir plus franchement de ce qu’on a dit étourdiment sur la foi d’autrui dans son âge d’ignorance : toutes choses qui sont louables au point de vue du monde, mais qui sont méprisables au point de vue de Dieu ; freins timides qui retardent la marche de la pensée d’un siècle par la difficulté d’avouer que le vieil homme est mort en vous, qu’on est un nouvel homme, et par le désir naturel, mais coupable, de concilier vaniteusement en vous l’homme d’hier et l’homme d’aujourd’hui. […] Si l’histoire recueille un jour les discours de cet orateur, si glorieux par son éloquence, on s’étonnera bien de ne pas trouver un seul discours de gouvernement en quinze ans dans la bouche du chef naturel des conservateurs en France. […] Certes, ce grand parti n’avait pas disparu, mais il avait perdu le terrain naturel sur lequel il pouvait manœuvrer, combattre, et sauver la France.
Quand vous avez trouvé vos pauvres, une seconde difficulté se présente : c’est d’établir entre eux et vous des rapports vraiment affectueux et qui leur semblent, à eux comme à vous, « naturels ». […] Un esprit « bien fait » (je sais d’ailleurs ce que cette épithète sous-entend de postulats et qu’on ne peut écrire une ligne sans affirmer quantité de choses) ne saurait prendre un plaisir complet et sans mélange à une pièce qui, par exemple, n’est pas harmonieuse et mêle deux genres distincts et contraires ; — à une pièce mal composée et qui, après l’exposition, s’en va visiblement au hasard ; — à une pièce sur la vérité et la qualité morale de laquelle l’auteur paraît s’être mépris ; — à une pièce où la prétention vertueuse du dénouement fait un contraste trop fort avec l’excitation sensuelle qu’elle nous a auparavant donnée ; — à une pièce encore où l’action est réduite à un tel minimum que les conditions essentielles et naturelles de l’art dramatique y semblent presque méconnues, etc. […] Ce que je ne puis vous dire, c’est, dans cette histoire un peu éparse et que je suis loin de vous avoir résumée tout entière, l’esprit, l’observation pénétrante, la finesse des remarques sur le train de la société actuelle (exemple : « Il y a aujourd’hui tant de déclassés qu’ils formeront bientôt une classe »), et, partout, l’admirable naturel du dialogue. […] Ce n’est pas dans mon cœur que je suis blessée, mais dans ma fierté la plus légitime, et très profondément, je l’avoue… » Mais que devient-elle, lorsqu’elle apprend que ce n’est pas tout, que Müller a demandé la main de Dorothée, et que M. et Mme Pétermann ont consenti à une substitution si naturelle ! […] Ou du moins, je trouve cela naturel.
À la même époque, il lut le curieux livre du docteur Lucas : l’Hérédité naturelle, Les découvertes des physiologistes venaient à l’appui de ses propres observations ; car, à Aix, où il a été élevé, M. […] Les moineaux qui voltigent dans l’église donnent beaucoup de pittoresque à cette scène, que l’on croit voir ; dans la manière dont tous les personnages remplissent leurs fonctions, leur caractère se dessine, leur naturel se laisse deviner. […] Zola, en grandeur naturelle, peint par Manet, il y a dix ans. […] Le malheureux passe par tous les degrés d’avilissement, entraîné non seulement par un penchant naturel à l’ivrognerie, qu’il a hérité de son père, mais par de mauvais camarades qui le corrompent, par une série de petites circonstances qui agissent sur lui ; enfin, quand il est déjà tombé assez bas, Lantier achève de le traîner dans la boue. […] Il est tellement secoué de cette lubricité littéraire, que les sentiments naturels deviennent avec lui hideux, comme dans Une page d’amour ; qu’il ne peut décrire une poupée, une pauvre petite poupée d’enfant gisant à terre les jambes écartées, sans éveiller, sans chercher a éveiller aussitôt des idées sensuelles…..
Sans arrière-pensée d’utilité ou d’application pratique, elle emmagasinerait le passé par le seul effet d’une nécessité naturelle. […] Encore le passé où nous remontons ainsi est-il glissant, toujours sur le point de nous échapper, comme si cette mémoire régressive était contrariée par l’autre mémoire, plus naturelle, dont le mouvement en avant nous porte à agir et à vivre. […] Et tandis que, pour s’en tenir à l’expérience pure, c’est de l’idée qu’il eût fallu nécessairement partir puisque les souvenirs auditifs lui doivent leur soudure et que les sons bruts à leur tour ne se complètent que par les souvenirs, on ne voit pas d’inconvénient, quand on a arbitrairement complété le son brut et arbitrairement aussi soudé ensemble les souvenirs, à renverser l’ordre naturel des choses, à affirmer que nous allons de la perception aux souvenirs et des souvenirs à l’idée. […] Et c’est en effet à cette solution naturelle que s’arrêtent Bain 78 et Ribot 79. […] En d’autres termes, l’image virtuelle évolue vers la sensation virtuelle, et la sensation virtuelle vers le mouvement réel : ce mouvement, en se réalisant, réalise à la fois la sensation dont il serait le prolongement naturel et l’image qui a voulu faire corps avec la sensation.
Et encore, les neuf premières satires de Boileau, parues de 1660 à 1667, combattent pour le triomphe du naturel et de la vérité ; en sorte que son Art poétique de 1674, « déclaration de foi littéraire d’un grand siècle », dit Nisard, est comme le chant consacré d’une définitive victoire. […] Dans ses Entretiens sur le Fils naturel (1757) et dans sa Poésie dramatique (1758), il critique le théâtre de Racine au nom du naturel. […] encore trop théoriques, quoique profondément senties, servir à d’autres meilleurs, et acheminer l’art vers ses fins les plus hautes et les plus naturelles. […] De là l’influence des objets naturels sur l’esprit.
Les détails visent et arrivent à l’ensemble ; je le répète, le drame sort de l’analyse comme son fruit naturel. […] Ils ont les sciences naturelles pour s’amuser ; de quoi pourraient-ils se plaindre ? […] Et comme, en dehors de l’amour qui est sa fonction naturelle et sa joie première, la femme n’est rien et n’a rien, celle-ci s’ennuie horriblement. […] ———— Plus un écrivain est naturel, et plus il est original. […] Ce qu’on déclare justement aujourd’hui artificiel et convenu fut — presque toujours — le vrai, le naturel à son heure.
Ses lettres, écrites avec soin à la fois et avec naturel, ont certainement été conservées par tous ceux qui en ont reçu ; on en pourra faire un recueil charmant et d’une grande richesse morale, qui sera dans le ton de Franklin.
Fut d’enseigner leur siècle et de le maintenir, De lui marquer du doigt la limite tracée, De lui dire où le goût modérait la pensée, Où s’arrêtait à point l’art dans le naturel, Et la dose de sens, d’agrément et de sel, Ces talents-là, si vrais, pourtant plus que les autres Sont sujets aux rebuts des temps comme les nôtres, Bruyants, émancipés, prompts aux neuves douceurs, Grands écoliers riant de leurs vieux professeurs.
Vinet une occasion naturelle de développer ses propres vues, et d’exposer dans Pascal l’homme et le chrétien.
En présence du vice, elle n’en conçoit ni le goût ni l’indignation ; c’est chose, à ses yeux, toute naturelle en pareil temps, toute légitime en pareil lieu, et, sans s’en étonner, elle le décrit en détail ; bonne femme d’ailleurs, incapable de médisance, et au demeurant fort honnête.
Ce caractère si peu naturel, ce nous semble à nous autres de sang-froid, était pourtant devenu si naïf chez eux, qu’ils ne le démentirent jamais ; tels ils avaient été à la tribune et au club, tels ils furent à la barre et sur la charrette, se drapant et déclamant encore ; gladiateurs du peuple, ils luttèrent dans l’arène jusqu’au bout, et tombèrent avec grâce.
Pourtant, nous l’avons dit, ce latin du xvie siècle est aussi du latin original ; et, quoi de plus naturel à Jean Second que de chanter sa maîtresse dans cette langue de Lesbie, qui avait été, après tout, la langue d’Héloïse ?
Il est des jeunes gens qui écrivent d’un style naturel et simple, quand ils s’abandonnent, et ne songent pas à ce qu’ils font : quand ils croient penser, quand ils veulent écrire, arrivent les grands mots et les belles phrases, le style drapé, guindé, important, à moins que ce ne soit le langage maniéré, alambiqué, quintessencié, qui coupe les idées en quatre, et danse sur les pointes d’aiguilles.
Entre autres dons naturels précieux, M.
Il n’écrit ni vers sonores ou martelés, ni strophes à combinaisons savantes ; il n’est ni naturiste ni symboliste ; son style est un mélange de précision et de gaucherie, l’une naturelle, l’autre voulue.
Le naturel, l’élégance, la facilité, les graces, le caractèrisent.
Il y a un autre mérite que peu d’artistes auroient eu et que beaucoup moins de spectateurs auroient senti ; c’est dans une multitude de figures, toutes debous, toutes vêtues de même, toutes rangées autour d’une table quarrée, toutes les yeux attachés vers le même point de la toile, des positions naturelles, des mouvements de bras, de jambes, de tête, de corps si variés, si simples, si imperceptibles, que tout y contraste, mais de ce contraste, inspiré par l’organisation particulière de chaque individu, par sa place, par son ensemble ; de ce contraste non étudié, non académique, de ce contraste de nature.
Quand on fait attention à la sensibilité naturelle du coeur humain, à sa disposition pour être ému facilement par tous les objets dont les peintres et les poëtes font des imitations ; on n’est pas surpris que les vers et les tableaux mêmes puissent l’agiter.
Il a cru mieux faire et attirer sur son œuvre un intérêt plus grand, en commençant la publication qu’il prépare par l’examen des livres les plus actuels, quitte à se replier plus tard sur les plus anciens, les éditions nouvelles offrant une occasion toute naturelle d’en parler.
« Ces jeunes gens, dit-il, aiment la vie d’une façon extraordinaire et ils vont au sacrifice avec un naturel, une simplicité magnifique.
L’instinct de chanter est aussi naturel à l’âme, et surtout à l’âme émue, que l’instinct de parler. […] Mais une certaine naïveté naturelle, qu’il tenait de sa mère et qu’on prenait mal à propos pour de la niaiserie, et de plus une longue habitude de se regarder comme le dernier de la maison partout, lui donnaient une apparence d’infériorité entre tous ses camarades. […] Le chant n’est pas moins naturel, instinctif et forcé, pour ainsi dire, dans l’homme, quand l’âme est émue jusqu’à la stupeur de ses facultés par une poignante douleur.
Triste résultat de cette philosophie naturelle. […] De grands cours d’eau navigables ouvrent des routes naturelles à travers les bois. […] Par une conséquence naturelle, les insectes qui vivent sur les fleurs sont tout aussi rares.
IV Un de ces jeunes émigrés arriva alors dans la maison de mon père, apportant toutes ces qualités naturelles à ceux qui sortent de leur pays pour une cause politique. […] En dépassant le naturel il arrivait souvent au galimatias. […] Malherbe allait paraître ; mais s’il était plus correct, il n’était ni aussi naturel ni aussi sensible.
Il me semble naturel, puisque les poètes du Midi avaient une langue, qu’ils n’aient pas employé celle de France. […] Chaumié est trop impatient, ou trop égalitaire, ce qui part d’un bon naturel : Il voudrait que le Midi eût son Ronsard, son Malherbe, son Corneille, son Hugo et son Musset. […] Et enfin, dans les pays d’oc, il est naturel que la langue transligérienne ait été celle de ces grands troubadours : en dehors de ceux que cite Dante, — Bertrand de Born, Richard Cœur de Lion — Jasmin — les trois patriarches de la Renaissance — Cros — Boissière. un grand poète méconnu — Navarrot — ou bien de nos jours, Camélat, honneur du Béarn, — et, béarnais aussi, Siminn Palay, plus tribun il est vrai que lyrique.
M. de Goncourt, parce qu’il se croyait gentilhomme et qu’il était célibataire, s’amusait à écrire sur les galanteries de Louis XV et les actrices du xviiie siècle ; mais comme aussi il était d’un naturel grave et chagrin, il écrivait ces histoires galantes avec le sérieux d’un bollandiste racontant la vie des saints. […] La haine de l’ordonnance, le mépris de l’intrigue, de l’aventure, de la vie, du naturel ; la recherche de la singularité ; le dédain des passions fortes ; l’indifférence aux ensembles ; l’étude niaise du moi ; l’aveuglement au monde extérieur, c’est proprement le goncourisme, et toute la littérature française en a été et en est encore malade. […] Je m’imagine que le style n’est qu’une imitation de la parole et qu’il n’a de beauté qu’autant qu’il en garde la liberté, le mouvement, le naturel.
Qu’il y ait dans la mémoire un automatisme capable de fonctionner tout seul, c’est chose évidente ; les maladies mêmes et les illusions dont elle est susceptible prouvent ce qu’il y a de délicat et de fragile dans cette merveille de mécanique naturelle. […] Tout ce qui est organisé, tout ce qui a une structure naturelle, une forme vivante entraînant tel mouvement déterminé, tout cela serait, si l’on veut, une mémoire. […] Au point de vue purement physiologique, organisation et mémoire sont donc une seule et même chose, parce que toute organisation est un système naturel de mouvements ayant pour résultante une forme déterminée qui, dans la conscience, pourra entraîner une idée déterminée.
L’arrangement inné des cellules, qui présente aux mouvements utiles les lignes de moindre résistance toutes tracées, est évidemment un héritage de l’espèce et un produit de la sélection naturelle. […] L’élément primordial du développement volontaire, sans lequel la sélection naturelle n’aurait pas où s’exercer, est donc l’appétition spontanée par laquelle, étant donné un plaisir, l’être réagit pour le retenir, étant donnée une douleur, l’être réagit pour l’écarter, sans avoir besoin ni de concevoir plusieurs partis possibles, ni d’opposer la représentation à la peine présente ou au plaisir présent. […] (Voir Espinas, l’Evolution naturelle chez les animaux.
Il est naturel que l’on demande ici comment un poète chez qui nous avons constaté sous une magnifique élocution des symptômes marqués de débilité intellectuelle, se trouve cependant être un grand artiste. […] Hugo dût s’abandonner à cette tendance anthithétique que les mots eux-mêmes et les mots seuls possèdent, paraîtra naturel à qui aura suivi nos explications. […] Est-il maintenant son habitude de désigner les chapitres de ses livres, ses poèmes et ses recueils par les titres métaphoriques, qui ne donnent pas le contenu de l’œuvre ; son érudition qui comprend toutes les sciences verbales, la métaphysique, la théologie, la jurisprudence, la philologie, les nomenclatures, et aucune des sciences réalistes et naturelles ; sa réforme de la versification, qui a eu pour effet, par l’introduction de l’emjambement, de permettre d’exprimer une idée en plus de mots que n’en contient un vers ; le résultat même du romantisme qui, parti en guerre au nom de Shakespeare contre l’irréalisme classique, n’a abouti qu’à enrichir la langue française de nouveaux mots ; toute la vie du poète, la mission sacerdotale qu’il s’est assignée, son entrée en lice pour la « révolution » contre le « pape », sa haine des « tyrans » et sa philantropie générale ; tous ces traits résultent du verbalisme fondamental de son intelligence.
Ils ont complètement oublié que la scène française n’avait acquis sa réputation que par le choix éclairé des ouvrages qui se recommandaient d’eux-mêmes par la pureté du style, l’énergie de la pensée, le naturel du dialogue et par des effets dramatiques ingénieusement amenés. […] Après le choix du sujet, le premier but que se propose l’auteur est d’en tirer une conséquence morale ; le second d’intéresser au sort de tels ou tels héros, connus ou inconnus, vertueux ou coupables, par des qualités qui les élèvent au-dessus du vulgaire ; le troisième de les environner de figures secondaires propres à faire ressortir leur caractère ou à émouvoir leurs passions ; le quatrième de faire jouer tous ces personnages dans la chaîne d’une intrigue claire et pourtant variée ; le cinquième de les faire parler selon le temps, la circonstance, leur rang dans le monde, leur caractère bien exposé, dans un style simple, naturel, énergique et toujours élégant ; enfin, Monsieur, de les faire arriver à une catastrophe qui n’inspire pas une trop grande horreur, ou à un dénouement qui ne blesse ni la raison, ni la décence. […] Vous vous imaginez à tort que la trivialité est le naturel, et que de vieux mots, qui ne sont plus dans la langue, ajoutent beaucoup à la couleur du style.
Assurément on conçoit Quintilien dans l’antiquité, au sein de ce monde extérieur et sonore où pesait tant la phraséologie romaine, mais dans une société comme la nôtre, où l’âme et la pensée n’ont plus de ressources, d’originalité et de puissance que dans la profondeur de la réflexion ou du naturel, tout Quintilien voulu tombe dans la modiste, et c’est là ce qu’est Villemain, — une modiste de mots ! […] Rien de plus naturel, du reste, que l’admiration de Villemain pour Pindare, un des poètes les mieux faits pour plaire à toutes les Académies de la terre et à leurs secrétaires perpétuels. […] Ce n’est pas l’éloquence des rhéteurs ; c’est l’éloquence vraie, spontanée, naturelle, qui sort à tout propos du cœur comme le sang jaillit de la veine !
Chose naturelle, d’ailleurs ! […] Émile Zola met sur la couverture de son livre : « Physiologiquement, c’est l’histoire de la lente succession des accidents nerveux et sanguins qui se déclarent dans une race, à la suite d’une première lésion organique, et qui déterminent, selon les milieux, chez chacun des individus de cette race, les sentiments, les désirs, les passions, toutes les manifestations naturelles, humaines et instinctives, dont les produits prennent les noms de vertus ou de vices… » Ainsi que vous le voyez par cette lourde et pédantesque affiche, les livres de M. […] Il croit qu’il peut y avoir très bien un Michel-Ange de la crotte… Son livre n’est plus « L’histoire naturelle et sociale de la famille Rougon-Macquart sous le second empire », dans laquelle l’imitateur de Balzac — vigoureux encore — se débattait sous un Réalisme de plus en plus envahissant.
Un chaume de blé qui était une prairie naturelle. […] J’ai vu un chaume qui était une prairie naturelle. […] Et mon Dieu c’est aussi tout naturel. […] Ce n’était peut-être pas leur destination naturelle. […] D’une pesanteur naturelle.
N’est-il pas un des soutiens naturels du régime nouveau ? […] Il est donc naturel que, dans son apologie, il y rattache les principaux incidents de sa vie. […] La vraie est plus simple, plus naturelle, et il n’est pas besoin de la tirer de si loin. […] Tout y est disposé pour rendre ces terreurs vraisemblables et naturelles. […] Sardou a semé deux vents à la fois ; il est naturel qu’il récolte une double tempête.
P. de Grandmaison, venant à la rescousse, a classé au premier rang des états naturels profanes l’inspiration du poète « où l’on peut déchiffrer les grandes lignes, reconnaître l’image et déjà l’ébauche des états mystiques ». […] Les Confessions, le Journal d’Amiel, Adolphe et le Cahier rouge 19, voilà les témoignages souverains de cette introspection naturelle. […] Fabre-Luce, qui n’a pas vingt-cinq ans, qu’il possède une personnalité, c’est bien deux qu’il faut dire, et qu’il a pris plaisir, par goût naturel du mystère, à les mettre en concurrence. […] Mais Giraudoux ne décrit pas, proprement, un paysage, il s’y mêle, il y adapte ses mystères, tous les sourires de la mélancolie, alors que Renard abonde en traits précis et n’apparaît guère dans ses Histoires naturelles. […] L’été dernier, je l’avais juste entrevu à Paris ; mais tout en faisant le vœu qu’il nous revint, comme les conditions économiques tentent de plus en plus de l’y contraindre du reste, je le préfère dans le cadre qui lui est naturel.
Est-il naturel qu’un homme supérieur soit toujours inquiété des mêmes inquiétudes que la foule ? […] Evangélique ou naturelle, il lui offre l’abri de la conscience ; il la veut intérieure et non extérieure à l’homme. […] La Lépreuse est bien le développement naturel d’un chant populaire : tout ce qui est contenu dans le thème apparaît à son tour, sans illogisme, sans effort. […] Tous les grands actes naturels de l’existence humaine sont dirigés ou dominés par l’inconscient. […] On peut cependant, par la volonté et par le travail acquérir un style presque personnel en cultivant, selon sa direction naturelle, la faculté qu’a tout homme intelligent d’exprimer sa pensée au moyen de phrases.
Ils avaient presque peur des images trop vives, des métaphores trop poussées ; les choses n’avaient pas besoin d’être embellies, puisqu’elles étaient parfaitement dignes d’attention dans leur naturel. […] Absolue est la correspondance entre les phénomènes naturels et le travail de son génie créateur ; Keats est lui-même une plante fragile, qui donnera sa fleur, et que le proche hiver tuera. […] Elle a mis pour ainsi dire en évidence cette gradation admirable que quelques-uns avaient aperçue dans les productions naturelles. […] On commence par les cabinets d’histoire naturelle, où l’on recueille de préférence les curiosités et les monstres : et l’on finit par aimer non plus les vitrines, mais les papillons ; non plus les herbiers, mais les fleurs. […] Ami d’Helvétius, il a cru volontiers, avec lui, que celui-là demeurait stupide qui n’était pas passionné ; et son désaccord avec l’auteur du livre De l’Homme n’a porté que sur un point : ce qu’Helvétius attribuait à la puissance de l’éducation, il le revendiquait pour l’individu dont il défendait la spontanéité naturelle.
Cette beauté rustique et sauvage a tout le charme et toute la fraîcheur des objets naturels. […] Le Français ment aussi, beaucoup par politesse, quelquefois par bonté naturelle, le plus souvent par esprit de résistance. […] L’esprit d’un lord Herbert, ce serait en effet le Trilby naturel de cette ancienne résidence des Montmorency. […] Leur loyauté naturelle se dépouille alors de toute rudesse, et leur véracité s’embellit de politesse. […] Il lui était si naturel et si facile, avec une vie aussi agitée, de ne pas trouver de temps pour l’étude et la méditation !
Phanor est né disciple. (1836) XXVIII L’ambition ne m’est pas naturelle ; je me la suis inoculée à propos de ma candidature académique (1844). […] XLI Eugène Sue est bon quand il est gai ; il a là une veine naturelle qui est fort drôle et amusante. […] Thiers ne goûte ni Corneille, ni Jean-Jacques, ni Mme de Staël : un jour il disait en riant : « Enfin j’aime tant le naturel, qu’il n’est pas jusqu’à ce plat de Dupin à qui je ne pardonne toujours toutes les fois que je le vois, parce qu’il est naturel. » CLVII Thiers a dans sa nature un courant de l’esprit léger et rapide de l’antique Massilie. […] Je répondis par cette lettre, qui est l’expression la plus naturelle de ma pensée : Mon cher ami, Troubat me dit que vous désirez mon avis sur Turquety. […] Il ne s’aperçoit pas que cette brutalité et ce bavardage qu’il accorde à son poète sont des sottises ; Homère est naturel et n’est pas brutal, et c’est le critique qui l’est et qui manque à la délicatesse en employant un tel mot.
Elles ont estimé un peu trop leurs acquisitions intellectuelles, négligé leurs dons naturels, leur féminité. […] Darwin, inconsciemment guidé par ses souvenirs bibliques, a fait traditionnellement de l’homme le couronnement de la création, même de la création naturelle, mais le savant de bonne foi et sans préjugés est troublé quand il regarde la main humaine, et ensuite la main batracienne ou la main saurienne. […] Je ne sais plus si van Gennep s’en est occupé dans ses Rites de passage, qui concernent surtout la vie humaine et en marquent les étapes, mais l’inauguration est évidemment un acte rituel et qui, dans l’origine, eut pour but de conjurer les puissances naturelles et de leur imposer le respect d’une nouveauté. […] Elle prohiberait l’absurde « film d’art » et ne tolérerait que le film sans art, celui qui est la représentation toute bête d’un fait ou d’un spectacle naturel. […] Et alors nous serions ramenés, ou à peu près, aux conceptions, au fond très naturelles, qui mettaient sur le même plan l’animal et l’homme.
Ainsi Delille, enfant naturel, élevé par charité, n’en sera pas moins, dès son premier pas dans le monde, et au rebours de l’aigre La Harpe ou de l’âcre Chamfort, le petit abbé le plus espiègle et le bel esprit le plus charmant. […] La grâce paraît être son caractère distinctif, mais c’est la grâce plus ingénieuse que naturelle de Boucher. […] Le caractère gentil et peureux de l’abbé, et sa facilité d’oubli, s’y retrouvent assez au naturel. […] Il faut tout dire : on a pourtant cité de lui un fils naturel ou adultérin, né d’une relation toute bourgeoise.
Mais la nécessité métaphysique ne peut produire aucune diversité ; et la diversité qui règne en tout quant aux temps et quant aux lieux, ne peut venir que de la volonté et de la sagesse d’un être qui existe nécessairement, c’est-à-dire Dieu, dont il appartient à la philosophie naturelle d’examiner les œuvres, sans avoir l’orgueil de les rectifier par de vaines hypothèses. […] XI Si nous avions le talent, l’âge, le loisir et un pourvoyeur comme Alexandre, mettant des milliers d’hommes à notre disposition pour étudier partout les formes et les mœurs de tous les animaux dans l’univers connu, nous oserions entreprendre cette œuvre et chanter ainsi le cantique plus complet de la création, le spiritualisme de l’histoire naturelle. […] Combien de fois ne les avons-nous pas vus délibérer entre leur penchant naturel et leur devoir pour s’attacher à leur devoir, en surmontant péniblement leur penchant ! […] Mais comme l’indulgence est notre pente naturelle, il est bon que la science morale incline plutôt en sens contraire, et elle n’est pas assez sage quand elle n’est pas austère.
La règle absolue des sociétés, la seule logique, la seule naturelle et légitime doit être le privilège. L’inégalité est le droit naturel, l’égalité la plus horrible des injustices. […] Voilà, chez la princesse, de ces aisances naturelles, rondes, familières et charmantes : « Ah ! […] * * * — L’Histoire, à l’heure qu’il est, devient de plus en plus l’histoire naturelle de la monarchie.
Elle quitte notre terre empoisonnée de civilisation, et le temps est peut-être proche, où le décor naturel sera contrefaçonné par l’industrie, et où les capitales modernes, les monstrueuses accumulations d’humanités, n’auront plus pour ombre et pour verdure, que le fer-blanc découpé et peint des palmiers de la Samaritaine. […] L’entente du gouvernement et de l’opinion publique pour l’exil des morts à 30 kilomètres de Paris, pour l’expropriation de la tombe qui croyait à sa perpétuité, pour le dépotage et le rempotage des débris aimés de vos parents, dont le lacet des chemins de fer fera trembler le sommeil des os, sous les tunnels infinis… Que les journalistes sans concession de famille ne s’en émeuvent pas : c’est naturel ; mais que les autres qui ne sont pas journalistes, donnent secrètement la main aux utilitaires qui veulent faire de la dépouille humaine et des entrailles d’un cimetière, une usine de noir animal, ça m’indigne. […] Il nous parle encore de ces superstitions si naturelles dans cette carrière de fatalité, en cette loterie de la vie et de la mort, il nous parle de ces croyances, parmi les officiers, aux chevaux qui portent malheur, et qui sont mortels à ceux qui les montent. […] C’était le petit-fils naturel d’un abbé de Molesme, qui avait pour profession officielle de faire de l’huile de navette et de noix… Cent francs !
Ses vers, jusqu’à l’âge de trente ans et au-delà, n’annonçaient pas le poète souverain qui devait dans l’âge avancé se révéler en lui ; c’étaient des sonnets et des canzone sans nerf, sans naturel et sans grandeur, calqués sur les poésies amoureuses des poètes secondaires de son temps. […] Il était naturel que ce monde surnaturel, qui tenait plus de place dans l’imagination des hommes de son temps que le monde des vivants, lui parût le seul et vrai sujet d’épopée poétique et mystique pour son âge et pour la postérité. […] Puis, après ces douze ou vingt transfigurations accomplies, qui tantôt les rapprochaient de Dieu par leurs vertus, tantôt les en éloignaient par leurs fautes, en même temps que ces vertus ou ces fautes les rapprochaient aussi ou les séparaient davantage l’une de l’autre, je les réunissais enfin dans l’unité de l’amour mutuel et de l’amour divin, à la source de vie, de sainteté et de félicité d’où tout émane et où tout remonte par sa gravitation naturelle vers le souverain bien et le souverain beau, l’Être parfait, l’Être des êtres, Dieu. […] Rien n’était plus célèbre, au dix-huitième siècle, que les songes de sainte Perpétue et de saint Cyprien, le pèlerinage de saint Macaire Romain au paradis terrestre, le ravissement du jeune Albéric, le purgatoire de saint Patrick et les courses miraculeuses de saint Brendan. — Ainsi de nombreux exemples et toutes les habitudes littéraires contemporaines nous montrent les régions éternelles comme la patrie de l’âme, comme le lien naturel de la pensée.
Un enseignement littéraire ainsi gradué sur l’âge, sur le goût, sur les forces, sur la température des années de notre vie auxquelles elle s’adapte rationnellement, donnerait à l’enfance, à l’adolescence, à la jeunesse, à l’âge mûr, un attrait bien plus naturel et bien plus universel pour les belles choses de l’esprit en harmonie avec l’âge et le sexe des disciples. […] Depuis que l’adolescence, en troublant mes sens, avait inquiété, attendri et attristé mon imagination, une mélancolie un peu sauvage avait jeté comme un voile sur ma gaieté naturelle et donné un accent plus grave à mes pensées comme au son de ma voix. […] Je retrouvai insensiblement auprès d’eux la piété naturelle que ma mère m’avait fait sucer avec son lait. […] Je dirai ailleurs, en examinant le mérite de ce grand prestidigitateur de style, ce que René et Atala, les Martyrs donnèrent de délires à mon imagination ; mais je dois dire aussi que, dès ces premières lectures au collège, tout en étant plus ému peut-être qu’aucun autre de mes condisciples de la peinture, de la musique et surtout de la mélancolie de ce style, je fus plus frappé que tout autre aussi du défaut de raisonnement, de naturel et de simplicité qui caractérisait malheureusement ces belles œuvres.
Tout au long de sa moelle court le frisson des certitudes négatives et le comte Hermann Keyserlingy, aussi simplement qu’un livre d’histoire naturelle apprit à notre enfance que l’homme a deux pieds, deux mains, deux bras, deux jambes, un tronc, une tête, un cou, écrit : « Jamais durant toute ma vie je ne me suis senti identique à ma personne. […] Ce qui les frappe, c’est un pouvoir qu’ils ne se connaissent pas, une aisance incomparable, une libération de l’espritbl, une production d’images sans précédent et le ton naturel de leurs écrits. […] Ainsi nous hante le secret d’une création si simple, si naturelle que nous allons droit aux toiles, comme si leur cadre en vérité n’était qu’une simple portecb. […] Il fut botaniste à ses débuts (d’où la comparaison avec les sciences naturelles) ; après son voyage de 1911-1912, il écrivit Journal de voyage d’un philosophe autour du monde, volume publié après la guerre (traduit en 1927).
Or un moment arrive, sans aucun doute, où il m’est impossible de dire si ce que je ressens est une sensation faible que j’éprouve ou une sensation faible que j’imagine (et cela est naturel, puisque le souvenir-image participe déjà de la sensation), mais jamais cet état faible ne m’apparaîtra comme le souvenir d’un état fort. […] Comme elles ne constituent pas deux choses séparées, comme la première n’est, disions-nous, que la pointe mobile insérée par la seconde dans le plan mouvant de l’expérience, il est naturel que ces deux fonctions se prêtent un mutuel appui. […] Le sommeil, naturel ou artificiel, provoque justement un détachement de ce genre. […] L’association n’est donc pas le fait primitif ; c’est par une dissociation que nous débutons, et la tendance de tout souvenir à s’en agréger d’autres s’explique par un retour naturel de l’esprit à l’unité indivisée de la perception.
À cette probité du fond, se reconnaît le naturel positif et raisonnable de notre race. […] Elles se groupent, se distribuent et s’équilibrent suivant des affinités plus naturelles que logiques, plus esthétiques qu’intellectuelles. […] On voit tout de suite combien il importe pour un artiste d’être « bien né » et d’appartenir à l’aristocratie naturelle d’un pays. […] Ceux-là, ils protestent de toute leur énergie contre l’iniquité du dogme égalitaire, parce qu’il est un défi au bon sens comme à l’ordre naturel.
D’un esprit gentil et gracieux, elle avait surtout un naturel parfait, rien de savant ; le seul livre qu’on ait trouvé dans sa bibliothèque était son livre d’Heures71. […] Tout le discours qui, en cette occasion, est mis dans la bouche de Gabrielle, a l’air d’être extrêmement naturel, s’il n’est pas très relevé.
Sa vie, son caractère sont pleins de naturel et d’originalité, et merveilleusement assortis à son œuvre. […] C’est, en effet, ce qu’il semble avoir surtout fait sans trop de peine ; il a versé tout d’abord sur ce canevas un peu sec son mouvement de narration, son abondance aisée et naturelle, et il est à croire que, pour les dernières parties où la comparaison manque, par exemple pour le célèbre siège de Calais, il avait entièrement recouvert et renouvelé par sa propre richesse le texte primitif sur lequel il ne s’appuyait plus que de loin et par le fond.