Ces souvenirs sont eux-mêmes des images, mais coordonnées et affectées d’un recul qui les situe sur la ligne du temps ; on en verra plus tard le mécanisme. […] Je fus d’abord étonné d’avoir fait cette gaucherie monstrueuse ; en d’autres termes, le souvenir vague de mes actions précédentes surgissait et se trouvait en opposition avec le rêve ; ce souvenir se précisa et en amena d’autres ; la ligne du passé se reformait, et, en même temps, au fur et à mesure, la sottise rêvée, ne trouvant de place pour se loger, disparaissait ; s’évaporait. […] Chaque image est munie d’une force automatique et tend spontanément à un certain état qui est l’hallucination, le souvenir faux, et le reste des illusions de la folie. […] Des images d’un certain genre constituent les souvenirs, c’est-à-dire la connaissance des événements passés. […] Maury a montré le premier, par une série d’expériences bien suivies, la proche parenté de la sensation, du souvenir, de l’image et de l’hallucination.
Quelques personnages considérables de notre temps, toutefois, ont déjà fait parvenir au public leurs souvenirs, presque toujours leurs apologies : ainsi Chateaubriand, Guizot et Tocqueville. […] Souvenirs militaires du baron Seruzier, 1891. […] Souvenirs du baron de Barante, 5 vol. in-8, 1891 et suiv. Souvenirs du baron Hyde de Neuville, 3 vol. in-8, 1892. Souvenirs de Chaptal, 1 vol. 1893.
Le souvenir de la parole, au contraire, bien que moins vif, moins fort que la sensation elle-même lorsque nous l’entendons, n’est pas moins exact, moins précis, moins rigoureusement déterminé : deux articulations, quelque analogues qu’elles soient, ne se confondent pas plus dans le souvenir que dans la sensation. […] Voici la principale : « La parole intérieure n’est que le souvenir de la sensation que produit la parole extérieure. » Donc les lois du souvenir des sensations devraient être ses lois. […] Cardaillac avoue lui-même que, « lorsque nous nous livrons passivement à nos souvenirs », le fait qui justifierait, à l’en croire, la vivacité des souvenirs vocaux, le « frémissement » musculaire, est absent. […] Gratry [§ 6], qui se souvenait de Bossuet en lisant saint Thomas. […] Notons en passant que Cardaillac confond ici la volonté motrice et la volonté mentale : diriger nos souvenirs n’est pas la même chose que vouloir émettre un son.
Enfin pour Wundt, on s’en souvient, si la perception est l’entrée d’une représentation dans le champ visuel de la conscience, l’aperception est la mise au point de vision distincte, œuvre de la volonté, acte essentiel de la volonté. […] « Je suppose, dit-il, le tic-tac d’un métronome se produisant à intervalles réguliers et avec une intensité toujours égale ; en ce cas, tout le monde sait que nous pouvons grouper deux par deux, trois par trois, quatre par quatre, les sensations successives : ce groupement volontaire est dû à l’aperception. » — Selon nous, ce groupement ne diffère pas des effets habituels et nécessaires de l’association : nous associons un souvenir de rythme, avec temps forts et temps faibles, aux battements indifférents du métronome, d’autant plus que tous nos mouvements et toutes nos réactions cérébrales tendent, en vertu même de la constitution des organes, à prendre une forme rythmée comme le balancement de notre jambe. […] Les mêmes remarques s’appliquent à un autre exemple de Wundt : « En chemin de fer, dit-il, nous pouvons transformer en un air quelconque le bruit régulier des roues ; nous modifions donc les sensations par l’aperception. » Non, mais nous enchevêtrons un souvenir d’air, une association de notes par contiguïté avec le dessin rythmique des bruits de roue : un enchevêtrement de plusieurs images ou de plusieurs associations n’exige pas un mode de liaison supérieur à l’association ordinaire, ni un acte vraiment libre. Wundt attribue aussi à l’aperception le fait suivant : dessinez au tableau un dé dont les arêtes seules soient indiquées, « vous pourrez mettre en avant dans votre esprit celle des deux faces que vous voudrez, selon que vous vous représenterez intérieurement le dé vu de dessous ou vu de dessus. » Mais qu’y-a-t-il de plus simple que ce changement de perspective, dû à la manière dont nos souvenirs intérieurs s’associent avec les lignes extérieures ? Il est clair que le dé du tableau est une esquisse grossière qui éveille par association un souvenir plus précis, et ce souvenir, selon les hasards de l’imagination ou selon l’intérêt pris par nous à la chose, peut affecter lui-même deux formes diverses.
Qui ne se souvient de l’émotion heureuse qui en accueillit le premier recueil ? […] Je me souviens d’admirables plants d’iris. […] Georges Servières un souvenir reconnaissant de ces retours nocturnes en sa compagnie. […] Mais qui se souvient encore de Francis Poictevin ? […] C’est de ce Goncourt-là, du Goncourt des mercredis que j’ai gardé le meilleur souvenir.
Le souvenir immédiat des paroles extérieures, au contraire, contient toujours cet élément. […] Le jugement d’extériorité n’est pourtant pas seul de son espèce ; mais celui qui lui fait pendant n’est pas la perception interne ; c’est cet élément du souvenir complet que la plupart des psychologues appellent la reconnaissance et que l’on peut définir ainsi : l’idée du souvenir jointe au fait de se souvenir, ou encore : l’idée que notre état présent reproduit un de nos états passés. […] Un état passé et oublié qui revient à la conscience, s’il est reconnu, est par là même affirmé mien : on ne se souvient que de soi-même. […] Le souvenir devient alors une simple réminiscence, un simple fait d’habitude ; il cesse d’être connu comme souvenir par l’être qui se souvient. […] Les mots ne sont pas des souvenirs, ce sont des instruments de travail, ce sont les outils de l’intelligence.
Poëte lyrique, mais non pontife inspiré, Prudence décrit d’abord la vie chrétienne dans ses devoirs de chaque jour et dans ses plus glorieux souvenirs. […] » S’agit-il des meilleurs sentiments de l’homme, de la fidélité des souvenirs, le poëte n’attend pour l’ami qu’il a perdu qu’un perpétuel sommeil219. […] Paulin (son débat poétique avec Ausone nous l’atteste) était un esprit élégant, nourri des plus gracieux souvenirs de la poésie profane. […] Mais empruntons d’abord quelques souvenirs d’imagination et d’harmonie à cette vertu chrétienne, digne de lutter contre l’invasion barbare. […] « Va, plein de notre souvenir !
. — Le Parcours du rêve au souvenir (1895). — Les Hortensias bleus (1896). — Les Perles rouges, sonnets (1899). […] Gustave Kahn Des Hortensias bleus n’émane point cette franche hilarité qui saisissait le lecteur du Parcours du rêve au souvenir. […] Au Parcours du rêve au souvenir, nous assistions à ce spectacle d’un brave homme qui se croit devenu Ariel, et qui n’est qu’un triste homme-orchestre, empêtré dans sa grosse caisse, ses cymbales et son chapeau-chinois, dans les rues provinciales de quelque Brie-Comte-Robert ; ce n’est pas moi qui invente que ce poète se croit transformé en Ariel, c’est lui qui le dit sans pose. […] Parurent ensuite : Le Chef des odeurs suaves, « poème dont les fleurs et les parfums groupés en symboles forment le sujet varié », Le Parcours du rêve au souvenir, « multiples feuillets recueillis au long des voyages du poète », Les Hortensias bleus, « modulations alternativement fortes et délicates », Les Perles rouges, 93 sonnets sur Versailles, qui font revivre, en lui gardant la grâce de sa vieillesse surannée, le grand siècle aboli.
. — Lorély, souvenirs d’Allemagne, contenant : Lorély ou Loreley ; la Fée du Rhin ; À Jules Janin ; Sensations d’un voyageur enthousiaste ; Souvenirs de Thuringe ; Scènes de la vie allemande ; Léo Burckart ; Rhin et Flandre (1852). — Les Illuminés ou les Précurseurs du socialisme (1852). — Petits châteaux de Bohême, prose et poésies (1853). — Les Filles du feu (1854). — Promenade autour de Paris (1855). — Misanthropie et repentir, drame en 5 actes, en prose, de Kotzebue, traduction (1855). — La Bohême galante (1856). — Le Marquis de Fayolle, avec M. […] Ses amis pouvaient à leur aise réaliser avec l’art secondaire de la peinture ; lui se contentait de presser doucement son cœur pour en faire jaillir de tendres souvenirs. […] Charles Morice Il créa le vers de songe en ce petit nombre de sonnets merveilleux que plusieurs de nos poètes contemporains ne rappellent pas aussi souvent qu’ils s’en souviennent : Je suis le ténébreux, le veuf, l’inconsolé.
Coulmann pourquoi il appelle Réminiscences ce qu’il aurait dû intituler Souvenirs. […] On dirait très bien de quelqu’un dont la tête faiblit et qui ne gouverne plus bien sa mémoire : « Il n’a que des réminiscences, il n’a plus de souvenirs. […] Coulmann ne se souvient pas assez de lui-même ; il mêle trop à ses propres souvenirs ceux des autres et ceux même de ses lectures. […] En regardant Mme Récamier, je me souvenais de ces mots, que Mme Cottin a mis dans la bouche de Malvina : « Il n’a pas versé toutes ses larmes, lui ! […] Il est l’un des hôtes et des visiteurs d’Arenenberg, et il s’en souvient aujourd’hui à ravir ; mais alors, pourquoi ce coup de lance subit en faveur de M.
Qu’avez-vous besoin de mes souvenirs d’un passé que vous n’avez pas connu ? […] J’ai traversé cette belle contrée, remplie de votre souvenir ; il me consolait, sans pourtant m’ôter ma tristesse, de tous les autres souvenirs que je rencontrais à chaque pas. […] Il n’y a plus que vous à Paris qui vous souveniez de moi. […] Il marque par une tendresse de souvenir la borne du temps entre deux années. […] À mesure qu’il vieillit et que la vanité sèche, le cœur refleurit en lui par les souvenirs.
Mon séjour en Syrie m’éloigna encore davantage de mes anciens souvenirs. […] que de souvenirs charmants je devrai arracher de mon cœur ! […] Je me souviens d’un brave homme, pas beaucoup plus fou que les autres, qui s’échappait quand il pouvait, le soir. […] Pas un remerciement, pas une félicitation, pas un souvenir. […] Je ne doutai pas que le bouquet de Système ne se rattachât au même souvenir.
Tout est romain par l’allusion présente, mais tout est grec par le souvenir. […] Cicéron, studieux amateur de l’ancienne poésie de Rome, parle des hymnes, des éloges en vers chantés aux repas funèbres et conservés dans le pieux souvenir des familles, à la suite des obsèques de quelques grands citoyens. […] Chercher la trace de ces hautes qualités dans quelques vers, dans quelques expressions, lorsque nous en avons constaté la puissance par des souvenirs liés à l’histoire, ce serait stérile épreuve. […] La justice envers le passé, la liberté de souvenirs que Pollion avait, à ce qu’il semble, portées dans l’histoire, auraient paru sans doute trop hardies sur la scène. […] Ne soyons donc pas étonnés que, sauf les éloges donnés à la Médée d’Ovide et au Thyeste de Varius, il n’y ait aucun souvenir de la tragédie latine sous les premiers Césars.
Il est intitulé : Souvenirs de voyages et d’études 3, et il justifie parfaitement son titre car il est composé d’articles que l’amour-propre d’auteur, si dur aux sacrifices, n’aura pas voulu sacrifier, et on se souvient de les avoir lus, à peu de choses près et à des époques déjà distantes, soit dans le Journal des Débats, dont l’auteur est, comme on le sait, l’un des rédacteurs ordinaires, soit dans cette Revue des Deux-Mondes, le bazar du talent… autrefois. […] , les Études et Souvenirs de Saint-Marc Girardin ne sont qu’une réimpression de plus, assez insignifiante, parmi les mille réimpressions de toute espèce dont regorgent, pour le moment, les catalogues de librairie… D’un pareil homme on attendait davantage et mieux… Après cela, qu’on voie où nous en sommes et qu’on se donne la peine de conclure ! […] Souvenirs de voyages et d’études (Pays, 16 décembre 1832) 2.
Elle se compose du souvenir de tant de malheurs irréparables, de tant d’efforts inutiles, de tant d’espérances trompées ! […] Quand on peint un héros prêt à perdre l’existence, le souvenir de ce qu’il a fait, la grandeur de son caractère, captivent tout l’intérêt. […] Shakespeare conserve encore des traces de ces souvenirs. […] Il place à côté des tourments de la douleur, l’oubli des hommes et le calme de la nature, ou bien un vieux serviteur, seul être qui se souvienne encore que son maître a été roi. […] Enfin les caractères tragiques seront-ils tirés des souvenirs, ou de l’imagination, de la vie humaine, ou du beau idéal ?
Non seulement nous distinguons sans peine la sensation présente du souvenir des sensations passées ou de la prévision des sensations futures ; mais nous savons parfaitement ce que nous voulons dire quand nous affirmons que, de deux phénomènes conscients dont nous avons conservé le souvenir, l’un a été antérieur à l’autre ; ou bien que, de deux phénomènes conscients prévus, l’un sera antérieur à l’autre. […] Pour qu’un ensemble de sensations soit devenu un souvenir susceptible d’être classé dans le temps, il faut qu’il ait cessé d’être actuel, que nous ayons perdu le sens de son infinie complexité, sans quoi il serait resté actuel. […] Ce n’est que quand ils auront ainsi perdu toute vie que nous pourrons classer nos souvenirs dans le temps, comme un botaniste range dans son herbier les fleurs desséchées. […] Nous classons nos souvenirs dans le temps, mais nous savons qu’il reste des cases vides. […] Cette hypothèse est bien grossière et incomplète ; car cette intelligence suprême ne serait qu’un demi-dieu ; infinie en un sens, elle serait limitée en un autre, puisqu’elle n’aurait du passé qu’un souvenir imparfait ; et elle n’en pourrait avoir d’autre, puisque sans cela tous les souvenirs lui seraient également présents et qu’il n’y aurait pas de temps pour elle.
le moyen pour un artiste, fût-il le plus grand et le plus sorcier des artistes, de lutter victorieusement contre cela, contre cette première impression de la vie qui nous est restée vivante, flambante, idéale, et qui fait pâlir toute impression présente devant cette force du souvenir qui, elle aussi, a pour loi de se multiplier par la distance ! […] Indépendamment des souvenirs involontaires de Martynn, de Schnorr, de notre grand Delacroix, et jusque d’Horace Vernet, qui nous affluent à l’esprit en regardant les dessins de Doré, Doré se fait souvent souvenir à lui-même. […] Eh bien, je me plais à le reconnaître, il y a là un nombre donné de choses ineffaçablement frappantes, qui s’imposent au souvenir quand la vision qu’on en a eue n’est plus !… Ainsi quelques-unes des parties du Samson, la Reconnaissance de Joseph par ses frères, le Jugement de Salomon, — où la vraie mère a une manière si passionnée de se jeter et de se traîner sur les genoux devant l’homme qui va fendre son enfant d’un seul coup de sabre, — mais dont le dessinateur se souviendra trop dans la Mort d’Athalie. […] Elle ne l’a pas été, mais souvenons-nous qu’elle ne pouvait pas l’être, et j’en ai montré les raisons impersonnelles et absolues.
Platon, dont le génie s’essaya dans des dithyrambes avant d’avoir entendu Socrate, gardait évidemment plus d’un souvenir de la poésie dorienne de Pindare ; et, alors même qu’il eut renoncé à cette ambition poétique de sa jeunesse et jeté au feu ses premiers vers, il en retint cette inspiration lyrique dont il a parfois animé les débuts ou les épilogues de ses entretiens philosophiques. […] Quelles merveilles suivirent, quel monde nouveau s’ouvrit à l’imagination des Hellènes, quelle gloire consola leur défaite intérieure et leur asservissement, quel simulacre de liberté leur resta, par l’absence chaque jour plus lointaine de leur puissant vainqueur, qui semblait leur général délégué dans l’Asie, il n’appartient pas à notre sujet de multiplier ici ces grands souvenirs d’une prodigieuse fortune. […] Il semble, cependant, par un souvenir de son règne, que là même, l’ostentation orgueilleuse de la puissance, et ce je ne sais quoi d’asiatique et de barbare qu’Alexandre recevait du contact de ses ennemis vaincus, venaient altérer, dans les arts qui touchent à l’expression matérielle de la grandeur, la sublime pureté du génie grec. […] Un vers isolé dans quelque commentaire nous atteste ‘qu’il avait composé des hymnes aux dieux ; et les siècles, à travers tant de ruines, ont conservé son hymne à la Vertu, souvenir de reconnaissance à la mémoire de son ami, l’eunuque Hermias, gouverneur d’une ville d’Asie. […] Seulement, au souvenir de la bonne déesse, Déméter ou Cérès, elle associe par un jeu de mots puéril l’apothéose du fils d’Antigone, dont elle subit avec joie la protection et les débauches.
Nous avons conscience de nos états, nous nous en souvenons, nous en prévoyons plusieurs. Nous percevons les objets extérieurs, nous nous souvenons de leurs changements, nous en prévoyons beaucoup. […] Quand je me souviens que le soleil s’est levé hier à tel point de l’horizon, et quand je prévois que demain il se lèvera à tel autre endroit du ciel, j’ai intérieurement l’image distincte ou vague de la sensation visuelle que j’ai eue hier et de la sensation visuelle que j’aurai demain. — Pareillement, toutes les perceptions associées que le souvenir et la prévision ajoutent à la sensation brute pour constituer la perception externe ordinaire, tous les jugements, croyances et conjectures qu’une sensation simple provoque sur la distance, la forme, l’espèce et les propriétés d’un objet, contiennent aussi des images. […] Je l’ignorais, n’ayant aucun souvenir d’un pareil nom. […] Très certainement je l’avais su comme elle, mais le souvenir s’en était effacé.
… La sortie de la baie de Patras est un des plus magnifiques passages dont je retrouverai dans les souvenirs de ma vie errante je ne sais quel parfum indécis et quelle image effacée. […] La musique aussi avait ses Durutte et ses Desvignes, et l’on se souvenait qu’Ambroise Thomas était né à Metz. […] Joies et souffrances, chaque souvenir est un lien. […] Avec cela et mes souvenirs, et des lambeaux recueillis çà et là, je vais comme je puis, selon mes forces, moins mal que je ne devais le craindre. […] Le sage Noël des Vergers, qui était présent, en avait gardé souvenir en ce sens, et il eut quelque peine à le pardonner à Gandar.
Ainsi à propos de Jumiéges et des souvenirs galants qui se rattachent à ces abbayes normandes : ………… Oh ! […] Il manque au jour présent de la plus belle vie L’espérance et le souvenir. […] La Terreur est touchée en quelques grands traits : Bonaparte et le Consulat éblouissent en passant ; on voit sous quels rayons, sous quels romanesques prestiges ces souvenirs historiques se sont reflétés et nuancés dans une adolescence si vive où toutes les parties non sévères se hâtaient d’éclore. […] Depuis que j en connaissais l’habitante, ces souvenirs m’avaient repris avec plus de vivacité, et, la veille du fortuné dimanche, ils ne me laissèrent pas un moment de cesse que je n’eusse écrit les vers suivants : Eh quoi ? […] dis, sous la fraîcheur du plus charmant ombrage, Dans tes loisirs sans fin, toujours et sans partage Suis-je en ton souvenir ?
M. de Lamartine, le seul dont nous ayons à nous occuper, par cela même qu’il range humblement sa poésie aux vérités de la tradition, qu’il voit et juge le monde et la vie suivant qu’on nous a appris dès l’enfance à les juger et à les voir, répond merveilleusement à la pensée de tous ceux qui ont gardé ces premières impressions, ou qui, les ayant rejetées plus tard, s’en souviennent encore avec un regret mêlé d’attendrissement. […] Puis, quand il a tout énuméré, quand il a touché une à une toutes ces plaies du cœur, une pensée le saisit, une inquiétude le prend, qu’a ressentie quiconque est resté orphelin ici-bas ; il se demande si tous ces morts qui voient désormais la lumière se souviennent encore de nous. Soudain le rythme change, il devient plus vif, plus pressant ; il palpite de sollicitude ; on dirait qu’à cette crainte d’un oubli le poète tombe à genoux, et qu’il prie à mains jointes, avec sanglots, pour obtenir des morts un souvenir miséricordieux : Ah ! […] Non, non, mon Dieu, si la céleste gloire Leur eût ravi tout souvenir humain, Tu nous aurais enlevé leur mémoire ; Nos pleurs sur eux couleraient-ils en vain ? […] En revanche, les souvenirs de l’enfance et des premières années sont ici plus nombreux, plus abondants que jamais.
Tous ces Souvenirs enchanteurs de Nodier, qui commencent par Séraphine, ont pour muse et pour fée, non pas le Souvenir même, beaucoup trop précis et trop distinct, mais l’adorable Réminiscence. C’est bien important, à propos de Nodier, de poser dès l’abord en quoi la réminiscence diffère du souvenir. […] Voyez-vous cette organisation puissante qui a faibli, comme elle se rehausse aux souvenirs ! […] Le préfet Jean de Bry lui portait intérêt ; le ministre Fouché associait son nom à des souvenirs oratoriens. […] Toutes les fois qu’il reproduit des souvenirs ou des songes de sa jeunesse, Nodier écrivain reprend une sève plus montante et plus colorée.
C’est que ce petit volume est le souvenir écrit, le souvenir qui fixe et qui fait revivre le passé. […] C’est cette pureté inaltérable qui a permis à une femme d’écrire les Souvenirs de cette femme. […] Elle était dans l’ivresse de ses souvenirs en les visitant avec moi ; elle désirait beaucoup entrevoir au moins ces figures d’hommes nouveaux et de femmes célèbres qui portaient des noms chers à son imagination ou à sa piété. […] Nous allons vous le dire, non pas seulement d’après les souvenirs un peu trop sobres et un peu trop voilés d’esprit de famille de sa nièce, madame Lenormant, mais d’après les souvenirs de tout un demi-siècle qui a vu éclore, briller, mûrir, mourir cette éclatante et étrange célébrité du charme immortel sur un visage féminin. […] Mon cœur était à la légitimité, mon esprit à la liberté ; je ne voulais manquer ni à mes souvenirs ni à la liberté complète de député indépendant.
Souvenirs de soixante années, par M. […] Delécluze, tout plein de ces souvenirs, décrit tout et appelle tout par son nom : voilà de la vérité. […] du choc des souvenirs. […] Étienne a ses souvenirs, nous avons aussi les nôtres. […] Louis David, son École et son Temps, Souvenirs par M.
D’ordinaire, les philosophes lui donnent la place principale et une place tout à fait distincte. « J’éprouve des sensations, disent-ils, j’ai des souvenirs, j’assemble des images et des idées, je perçois et conçois des objets extérieurs. Ce je ou moi, unique, persistant, toujours le même, est autre chose que mes sensations, souvenirs, images, idées, perceptions, conceptions, qui sont diverses et passagères. […] Soit une sensation de saveur, puis une douleur dans la jambe, puis le souvenir d’un concert. Je goûte, je souffre, je me souviens. […] Donc le verbe énonce ici que la sensation de saveur, la souffrance, le souvenir du concert sont des éléments, des fragments, des extraits du moi.
Il faut être juste : ce ton des Souvenirs de la marquise de Créqui est tellement réussi, qu’on se demande s’il est joué et si l’auteur n’est pas un délicieux artiste ? […] L’auteur des Souvenirs de Madame de Créqui serait-il plus étonnant que Fleury lui-même ? […] L’auteur des Souvenirs de Madame de Créqui, dont on peut tout croire et tout suspecter, fut un des excentriques les plus curieux de la littérature contemporaine. […] Ses Souvenirs de Madame de Créqui avaient eu le succès de cette chose qui enfonce l’Histoire chez les peuples aussi légers que nous et que l’on appelle l’anecdote. […] En effet, si, comme l’a presque prouvé Sainte-Beuve, les Souvenirs de Madame de Créqui ne sont pas d’elle, ils sont au moins de bien près d’elle.
Jules de Gères43 I Je ne peux pas vous dire : Vous souvenez-vous de Jules de Gères ? car lorsque pour la première fois j’en parlai, c’était en 1859… Mais, moi, je m’en souviens. […] On pourrait faire une anthologie, à l’usage des âmes qui ont souffert et qui se souviennent, avec beaucoup de vers de Jules de Gères, trempés, imbibés et parfumés de mélancolie, ayant la séduction amère et douce de la mélancolie : Cette séduction intime, sœur des larmes, Et qui va droit au cœur de quiconque a pleuré. […] Il est des jours de chant comme il est des regrets, Des souvenirs cruels, des sanglots toujours prêts ; Comme il est des soucis, dont l’aile humide et noire Flotte et tourne en spirale en haut de la mémoire ! […] Que dans un fidèle avenir De l’oubli desséchant les mousses, Toujours jeune, le souvenir Vous reverdisse de ses pousses !
M. de Ségur : Mémoires, souvenirs et anecdotes. […] Nous avons laissé, dans le second volume des Souvenirs, M. de Ségur ambassadeur en Russie auprès de Catherine. […] Celui de tous qui semble lui avoir laissé de plus chers souvenirs est le célèbre prince de Ligne, si étonnant par ses saillies, ses impromptus, et les grâces intarissables de ses lettres et de sa conversation, L’on devine et l’on sent presque revivre sous la plume de M. de Ségur l’attrait de ces causeries brillantes et superficielles dont le seul but était de plaire, où l’on parlait de tout sans prétendre rien prouver, où l’on posait tour à tour, avec une érudition finement moqueuse ou adulatrice, de la France à l’Attique, de l’Angle ferre à Carthage, de l’empire de Cyrus à celui de Catherine. […] Espérons qu’il sera bientôt en état de le poursuivre, et qu’échappé à une maladie qui menaçait de le ravir aux lettres et aux libertés publiques, il trouvera encore de longs jours pour se souvenir et pour raconter, Il est du petit nombre de ces hommes qu’on aime toujours à entendre sur les personnages et sur les choses d’autrefois ; et, pour lui appliquer à lui-même ce qu’il a dit de M. de Malesherbes, quand il cause avec son lecteur, personne n’est tenté de mettre le signet.
Les hypnotisés accomplissent une foule d’actions et prononcent une foule de paroles qui dénotent une intelligence très éveillée : s’ils ne se souviennent pas de ces actions au réveil, ils s’en souviennent dans un sommeil ultérieur. […] Comment alors nous souvenons-nous ? […] De là, on s’en souvient, l’état de catalepsie. […] L’idée du moi est un centre constant de souvenirs et d’impulsions se rattachant à ces souvenirs : l’altération de l’idée du moi s’explique donc par celle de la mémoire. […] Les troubles de la sensibilité exaltent ou, au contraire, dépriment et même suppriment certains groupes d’images, conséquemment de souvenirs.
Ce regard ne fait pas que regarder, il se souvient. […] je m’en souviendrai de la planète Terre ! […] C’est aux souvenirs de ces « galopins » que M. […] Et tout cela est si naturel, si exact qu’il nous semble que nous nous souvenions ! […] Comme je regrette de ne pas l’avoir entendu conter ces lointains souvenirs !
En effet, parmi le peu de vers épars qui nous restent de lui, rien de plus éclatant que ses allusions et ses souvenirs de guerre. […] Et n’est-ce pas le triomphe de la beauté de l’art que si peu de paroles si fortuitement sauvées suffisent pour assurer un immortel souvenir ? […] On ne peut douter qu’il n’y ait eu, dans le plus bel âge de la Grèce, d’autres souvenirs encore de Sapho. […] Que de maux seront soufferts, que de ruines entassées, que de monuments et d’idées s’écrouleront dans le monde, pour que ces souvenirs soient expiés aux mêmes lieux qui les consacrent, que la pénitence épure cette terre de volupté, qu’une église de martyrs s’élève à la place d’un bocage sacré, et que la prière d’une humble vierge au pied de la croix ou le dévouement de quelque religieux dans un lazaret remplace, aux mêmes lieux, les hymnes chantés à Vénus ! […] et la tradition du rocher de Leucade est-elle un souvenir ou une allégorie ?
. — Le Livre d’heures du souvenir (1896). — Sur les chemins au crépuscule (1899). […] Dans l’Automne du cœur et le Livre d’heures du souvenir qui révélaient l’âme tendre du poète, nous avions aimé une mélancolie douce que paraît la délicatesse du verbe. […] Elle se promène en des paysages d’automne et d’hiver, des paysages attendris où nulle joie trop vive n’éclate, où seul le souvenir des tristesses passées éveille quelque souffrance douce.
. — Et là-dessus on s’est mis à désirer de réentendre ces pièces immortelles, éclipsées un long moment, et dans lesquelles tant de personnes de la société recommençaient aussi à aimer les souvenirs de leur propre jeunesse. […] l’Empereur s’est souvenu Des promesses du Prytanée ! […] Il visita ces sites vénérés que la beauté décore, qu’a nommés la Muse, et parmi lesquels Ithaque, la pierreuse Ithaque, l’attirait plus tendrement par le souvenir d’Ulysse, et comme eût fait une patrie. […] les vagues et leur bruit, Les étoiles, le chant prolongé dans la nuit ; Souvenir qui me trouble encore ! […] Je me souviens encore d’un, au milieu de l’été, au point du jour.
Et, d’ailleurs, c’était peut-être un simple « amateur », dont l’histoire littéraire n’a pas gardé le souvenir… Paix à la cendre de ce « mufle ! […] Cet ancien souvenir les rapprocha. […] Oui, Marceline a vécu d’un souvenir. Souvenir « odorant », mais brûlant aussi à d’autres heures, souvenir « rouge », souvenir de sang. […] Chose curieuse, elle demeura jeune fille dans le souvenir de Sainte-Beuve, dans l’image idéalisée qu’il conserva d’elle et qu’il entretint pieusement.
Joie de mes souvenirs ! […] Le souvenir de ces enfantillages-là aujourd’hui nous amuse. […] Eh bien, non, elles ne perdirent pas ce souvenir. […] Quelques-uns de ceux qui m’entendent se souviennent de tout cela et s’en souviendront toujours. […] Les souvenirs sont étrangement liés.
Du Camp, Maxime (1822-1894) [Bibliographie] Souvenirs et paysages d’Orient (1848). — Égypte, Nubie, Palestine et Syrie (1852). — Le Nil ou Lettres sur l’Égypte et la Nubie (1854). — Livre posthume ou Mémoires d’un suicidé (1855). — Chants modernes (1855). — L’Eunuque, mœurs musulmanes (1856). — Le Salon de 1857 (1857). — Convictions, poème (1858). — Le Salon de 1859 (1859). — L’Expédition des Deux-Siciles (1861). — L’Homme aux bracelets d’or (1862). — Le Chevalier du cœur saignant (1862). — Les Buveurs de cendre (1866). — Les Forces perdues (1867). — L’Orient et l’Italie (1868). — Paris, ses organes, ses fonctions et sa vie (1869) […] — Souvenirs de l’an 1848 (1876). — L’Attentat Fieschi (1877). — Les Convulsions de Paris (1878-1879) […] — Souvenirs littéraires (1882-1883). — Une histoire d’amour (1889). — Théophile Gautier (1890).
. — Les Uns et les Autres, souvenirs contemporains (1864). […] [Souvenirs de 1830 à 1842 (1854).] […] [Souvenirs poétiques de l’école romantique (1880).]
Les souvenirs que M. […] Ce sont des souvenirs et des portraits caractéristiques que l’histoire n’a pas démentis. […] Votre enfant n’est pas un de ces élèves dont on puisse perdre le souvenir […] Il y aura bien des heureux par ce moyen, et la chose ne se passera point en simples souvenirs. […] Sainte-Beuve a attaché ce souvenir particulier, en tête du premier volume : « 1820.
» On se souvient qu’Innocent VI le croyait un peu en commerce avec les esprits suspects. […] Le bon Charles VI ne se souvint pas de l’injure et fit ses efforts pour retenir le poète à sa cour ; mais Pétrarque n’aspirait qu’à l’Italie. […] Cependant ce souvenir lui rendit pénible le séjour de sa petite maison de Milan, près de l’abbaye de Saint-Ambroise ; il alla chercher plus de sécurité et de solitude dans un couvent de bénédictins éloigné de la ville. […] combien de fois, en embrassant votre bien-aimée, en jasant avec elle, en écoutant ses petits propos, le souvenir de ce que j’ai perdu m’a fait verser des larmes, que je cachais tant que je pouvais ! […] L’affaiblissement de son corps n’avait nullement atteint son âme ; il vivait du souvenir de Laure ; ce souvenir semblait se rajeunir dans son âme à mesure que sa vieillesse l’éloignait du temps de son grand amour.
Souvenirs et correspondance tirés des papiers de Mme Récamier61 Lundi, 23 novembre 1859. […] Ces volumes renferment pourtant très peu de choses écrites par Mme Récamier elle-même ; elle aimait peu à écrire, ne fût-ce que de simples lettres, et ce qu’elle avait pu rédiger de ses souvenirs, elle a ordonné en mourant qu’on le détruisît. […] À quoi servent les souvenirs, si ce n’est pour perpétuer ce qui est beau et bon ? Mme Récamier laissa à d’autres, et à l’ami même que l’on vient d’entendre, le soin de consacrer son souvenir ; elle ne fit point ce qu’aurait souhaité M. […] Je commence cette lettre le mercredi saint au soir, au sortir de la Chapelle Sixtine, après avoir assisté à Ténèbres et entendu chanter le Miserere, Je me souvenais que vous m’aviez parlé de cette belle cérémonie, et j’en étais, à cause de cela, cent fois plus touché.
Mais un petit poëme en trois chants, qui s’y trouve, et qui a pour titre : Mous Soubenis (Mes Souvenirs), contient particulièrement la série des aventures et des sentiments de Jasmin. […] Sept ans arrivent : il sent, il se souvient, il peut peindre son enfance. […] De ce plaisir, le souvenir encore m’exalte ! […] Le premier chant des Souvenirs finit sur cette idée, qui tempère à dessein les gaies peintures du début. […] Le grand-père mort et la pauvreté bien connue nous introduisent au second chant des Souvenirs.
Je ne sais comment j’appris à lire ; je ne me souviens que de mes premières lectures et de leur effet sur moi… Ma mère avait laissé des romans ; nous nous mîmes à les lire après souper, mon père et moi. […] Nous lisions l’autre jour ensemble Mme de Caylus et ses Souvenirs : mais de quels souvenirs d’enfance nous parle-t-elle ? […] Il a le sentiment de cette réalité en ce qu’il veut que chaque scène dont il se souvient ou qu’il invente, que chaque personnage qu’il introduit, s’encadre et se meuve dans un lieu bien déterminé, dont les moindres détails se puissent graver et retenir. Un des reproches qu’il faisait au grand romancier Richardson, c’était de n’avoir pas rattaché le souvenir de ses personnages à une localité dont on aurait aimé à reconnaître les tableaux. […] Le vrai bonheur de Rousseau, celui que personne, pas même lui, ne sut lui ravir, ce fut de pouvoir évoquer ainsi et se retracer, avec la précision et l’éclat qu’il portait dans le souvenir, de tels tableaux de jeunesse jusqu’au sein de ses années les plus troublées et les plus envahies.
Pour ma part, je le dis hautement, je n’ai jamais compris que la Critique, quelque émoustillée qu’elle puisse être par le souvenir des aimables sottises de ses vingt ans, pût traiter ces pochades de M. […] Il y aura même des pièces, comme Le Requiem d’amour, par exemple, où la hantise du souvenir de de Musset sera tellement tenace, que ce souvenir poursuivra le poète, non seulement dans l’image et dans la pensée, mais dans la pose, la coupe et l’allure de son vers ! […] ………………………………………… Et encore : Notre jeunesse est enterrée Au fond du vieux calendrier, Ce n’est plus qu’en fouillant la cendre Des beaux jours qu’il a contenus Qu’un souvenir pourra noua rendre La clef des paradis perdus. Un souvenir qui fouille la cendre d’un vieux calendrier pour y retrouver la clef des paradis, dans ce vieux calendrier !
I Est-ce de l’invention, ou n’est-ce que du souvenir ? […] Ici, nous n’avons affaire qu’à une bretonne patoisante qui, dans Paris depuis des années, s’est souvenue opiniâtrement — ils sont entêtés, les bretons ! […] Mais si, au lieu d’être des souvenirs, ce sont des inventions que ces histoires qui se suivent, variées de sujet, mais, toutes, dans l’unité de la même inspiration, eh bien, j’ai dit en commençant le mot de génie, et je ne m’en dédirai pas ! […] Il n’y a qu’un mot enthousiaste qui puisse caractériser le genre d’impression qu’elles produisent, et ce mot-là, c’est le conseil de lire un volume qu’on est presque heureux de n’avoir pas lu encore, parce que le souvenir d’un bonheur vaut bien moins que son espérance !
Si elle y pense à ses amis des jours heureux, que mon nom lui revienne et qu’elle se souvienne à son tour de ceux qui l’ont le plus aimée. Le souvenir est la résurrection des jours évanouis. […] si la céleste gloire Leur eût ravi tout souvenir humain, Tu nous aurais enlevé leur mémoire : Nos pleurs sur eux couleraient-ils en vain ? […] non, dit le père ; mais parlons chacun à notre tour, et disons chacun ce dont nous nous souvenons ; ainsi le voyageur saura tout par la bouche même de celui qui aura vu, connu et senti la chose. […] Est-ce que l’eau du Cerchio, qui brille là-bas sous l’arche du pont de marbre de Lucques, se souvient des gouttes d’eau de notre source, où boivent nos chèvres et nos brebis ?
Les magnifiques poésies de Mistral, dignes souvenirs d’Homère, nous en sont une preuve récente. […] À tes beaux jours mesme il n’en souviendra. […] Jugez vous-mêmes : Elle débute par un souvenir de son mari absent et guerroyant pour Charles VI. […] On ne pouvait lire sans pleurer, ni pleurer sans se souvenir. […] Elles ont et elles garderont dans ma bibliothèque le rang qu’un souvenir garde dans ma mémoire et qu’une impression pathétique a dans mon cœur.
C’est malgré une coterie qu’y entrait La Bruyère, lequel s’en est si fort souvenu dans la préface de son discours de réception. […] Et nul doute que c’était le souvenir de ces années de jeune union, qui avait ramené là M. de Chateaubriand, malgré son absence de dix ans à ces sortes de solennités. […] Il n’éprouva pas le besoin d’aller goûter dans la retraite le souvenir de ses sacrifices. […] Molé, qui l’avait sous la main, l’ouvrit, le commenta : plus d’un auditeur en a gardé le souvenir, comme d’une agréable leçon. […] Les Souvenirs entièrement écrits de M.
La perle du recueil, la pièce dont tous se souviennent, comme on se souvenait d’abord du Passereau de Lesbie dans le recueil de Catulle, est la première, la Chute des Feuilles. […] rien qu’un petit roman, qu’un petit poëme, s’écriait-il ; quelque chose d’art, si petit que ce fût de dimension, mais que la perfection ait couronné, et dont à jamais on se souvînt ; voilà ce que je tente, ce à quoi j’aspire, et vainement ! […] Il y a certes dans ces accents comme un écho avant-coureur des premiers chants de Lamartine, qui devait dire à son tour en son Invocation : Après m’avoir aimé quelques jours sur la terre, Souviens-toi de moi dans les cieux. […] Son souvenir est resté intéressant et cher ; ce qui a suivi de brillant ne l’a pas effacé. […] On peut lire à ce propos une histoire de cheval assez agréablement contée par Arnault, Souvenirs d’un Sexagénaire, t.
Je me souviens d’avoir vu Georges III prononcer un discours à l’ouverture du Parlement : mémoire de sensations. Je me souviens d’avoir lu le récit de la séance où Napoléon Ier ouvrit, pour la première fois, les Chambres françaises : mémoire d’idées. […] Ainsi, suivant l’auteur, nous parcourons rapidement par la pensée la série des états de conscience, intermédiaires entre le moment du souvenir et le moment où l’événement s’est produit, et c’est par ce mouvement rapide qu’un fait nous apparaît comme passé, et par suite que la mémoire diffère de l’imagination. Tout se réduit donc à une association d’idées, puisqu’il n’y a que l’idée du moi présentée (moi qui se souvient), l’idée du moi passé (le moi dont on se souvient), et l’idée d’une série d’états de conscience qui remplissent l’intervalle. […] Cette croyance implique le souvenir dont la nature a été examinée sous le titre de la mémoire ; ensuite une extension dans l’avenir des faits passés : on l’étudiera ci-après.
C’est aux plus anciens souvenirs de cet apostolat farouche du Nord sur le Midi que Charlemagne, devenu patrice romain et chef civilisé des barbares, empruntait un nouvel enseignement pour son peuple. […] Nous sentons partout ce que le souvenir de l’Italie jeta de douceur dans les vieux poëtes de la rude Albion, dans les sonnets de Daniel, dans Surrey, dans Spencer, dans Waller, dans le grand Milton lui-même. […] Voilà, sauf ses souvenirs de voyage, tous les incidents de sa vie. […] Elle offre, dans son éclat d’expression, quelques allusions obscures, quelques souvenirs que l’esprit ne saisit pas assez vite ; mais la terreur du ton prophétique n’en est pas affaiblie. […] On dirait même que, sans le vouloir et par instinct de poëte, il ne s’est souvenu des débats de la liberté anglaise et des passions de l’indépendance, qu’en leur donnant l’enfer pour séjour, et les démons pour interprètes.
Un grand homme de l’antiquité disait qu’il aimerait mieux la science d’oublier que celle de se souvenir ; un moyen d’oubli, c’est l’alcool. […] Dans la Lettre à Lamartine, on se souvient du portrait que Musset fait de l’homme et de sa condition. […] Se souvenir, hélas ! […] Vous souvient-il, lecteur, de cette sérénade Que don Juan déguisé chante sous un balcon ? […] Souvenir.
Je me souviens que, dans mes notes sur l’Espagne, j’évoquais le souvenir de cette assemblée de savants tenue à Salamanque, et dans laquelle Christophe Colomb, méconnu et combattu, essaya de communiquer à ses auditeurs sa foi dans l’Amérique future. […] Ne vous fiez pas davantage aux souvenirs d’une villégiature de quelques semaines dans un coin de France ou de Navarre. […] Nous avons tous, dans nos souvenirs de lectures, quelques portraits d’évêques, de vieux curés de campagne tout blancs, de vicaires agités et ambitieux. […] En attendant cette heure, qui peut-être ne sonnera jamais pour eux, ces ombres, ces héros de limbes, sommeillent dans le souvenir ou dans le cahier des notes, qui est rouge, ou gris, ou bleu, suivant l’humeur. […] Elle doit avoir une vue prodigieusement sûre, car elle va chercher, au plus profond du souvenir, des traits presque oubliés qu’elle ramène soudainement au jour.
C’est que, sans avoir à discuter l’opportunité de sa démarche ni les articles de son programme politique, ce programme n’a rien en soi qui me répugne absolument et que je lui crois de l’avenir167 ; c’est aussi, je l’avoue, que si j’ai avec M. d’Alton-Shée sur de certains points un cousinage d’esprit, j’en ai un autre encore par le sang et les souvenirs domestiques ; c’est que sa famille par tout un côté se lie à la mienne ; c’est que ses grands parents, tous ses oncles et tantes, ont été l’habitude, l’entretien et une des douceurs de mon enfance. […] Refoulé en quelque sorte sur lui-même, ce net et vaillant esprit a cherché à tirer parti de ses souvenirs ; mais écrire vrai n’est facile en aucun temps, et dans tout ce qui se rapporte à des confessions, celles qu’on fait de soi touchent de bien près à celles des autres. […] Je ne m’avancerai pas jusqu’à dire que ces Mémoires ne laissent rien à désirer : l’auteur dicte, il ressaisit par portions des groupes de souvenirs, il se relit peu : de là des répétitions, de fréquents retours en arrière, une absence trop fréquente de dates précises là même où il croit les avoir données ; bien des défauts enfin qui tiennent, pour ainsi dire, à la main plus qu’à l’esprit. […] M. d’Alton-Shée venait d’être porté, en 1820, on s’en souvient, en concurrence avec M. […] M. de Fezensac, dans ses Souvenirs militaires, a parlé aussi de lui.
Quelque saillant en effet que fût ce mérite sous le rapport de l’exécution et du drame, il semblait facile à la critique (la critique aujourd’hui s’étant raffinée à proportion du reste) de discerner dans Indiana la portion des souvenirs et celle de l’invention, de conjecturer jusqu’à quelle page l’auteur était allé avec sa part d’émotions propres et de confidences plus ou moins déguisées. […] À vrai dire, toute personne qui, dans sa jeunesse, a vécu d’une vie d’émotions et d’orages, et qui oserait écrire simplement ce qu’elle a éprouvé, est capable d’un roman, d’un bon roman, et d’autant meilleur que la sincérité du souvenir y sera moins altérée par des fantaisies étrangères : il ne s’agirait pour chacun que de raconter, sous une forme presque directe et avec très-peu d’arrangement, deux ou trois années détachées de ses mémoires personnels. […] Non, Indiana n’était pas une œuvre isolée, née d’un concours de circonstances fortuites, et qui ne dût pas avoir de sœur ; non, l’auteur n’était pas seulement doué d’une âme qui eut souffert et d’un souvenir qui sût se peindre. […] Mlle Valentine n’est pas telle qu’il se l’était figurée ; elle n’est ni brune, ni ardente, ni Espagnole : « Elle est blanche, blonde, calme, grande, fraîche, admirablement belle de tous points… Dans la courbure de son profil, dans la finesse de ses cheveux, dans la grâce de son cou, dans la largeur de ses blanches épaules, il y avait mille souvenirs de la cour de Louis XIV. […] Si les jeunes hommes de la génération de Bénédict lisaient et savaient Voltaire, il n’aurait pas manqué de se redire à lui-même, en voyant danser à ce bal de mai Mlle de Raimbault, ces vers noblement voluptueux qui eussent rassemblé pour lui comme de flottants souvenirs : L’étranger admirait dans votre auguste cour Cent filles de héros conduites par l’Amour, Ces belles Montbazons, ces Châtillons brillantes, Ces piquantes Bouillons, ces Nemours si touchantes, Dansant avec Louis sous des berceaux de fleurs.
Quand Mme Le Normand publia les Souvenirs de Madame Récamier, nous nous jetâmes tous, comme des enragés, sur son livre, attirés que nous étions par la touffe de fleurs de ce nom ! […] comme c’est l’usage, du reste, l’auteur de Coppet et Weymar n’a tenu nul compte de la critique, et elle continue son petit commerce de correspondances et de souvenirs. […] Il n’y en a pas cinq, et les voici, ces quatre mots, qui ne sont ici encore qu’un pâle souvenir de sa manière à elle, quand elle n’est plus une femme du monde, mais la femme éloquente que naturellement elle était ! […] Mais le livre de Mme de Staël et de la Princesse Louise nous apprend aujourd’hui, comme les Souvenirs de Mme Récamier nous l’avaient déjà appris, que ce n’est pas uniquement avec cela qu’on fait des portraits ressemblants et vivants et placés dans des jours nouveaux, qu’on annonce, — dans la perspective, définitive et suprême, où jusqu’ici on ne les avait jamais vus ! […] Madame de Staël et la Grande-Duchesse Louise. — Par l’auteur des Souvenirs de Madame Récamier. — Chez Lévy.
Il me souvient de l’avoir vu un jour à l’Institut, ayant oublié son habit de cérémonie et portant un costume d’été, de couleur nankin indécis, et tout, l’habit, le gilet, jusqu’aux gants, et, Dieu me pardonne ! […] Il faut lire la préface qui précède ces études, et l’on aura, par cette seule préface, le diapason d’un livre qu’on pourrait appeler Souvenirs et Regrets, du nom de la fameuse gravure qui fait le bonheur des bourgeois. […] « Le temps vole — dit-il — et les choses changent de face… (Souvenirs et Regrets !) L’auteur de ce volume a souvent éprouvé que ses idées n’allaient pas aussi vite que les événements… On doit donc s’attendre à trouver, dans ce livre, des idées qui ont vieilli… (Souvenirs et Regrets !) […] Ce sujet est passé de mode… (Souvenirs et Regrets !)
Je me souviens de ceci et de cela, et j’avais plaisir à m’arrêter à des riens. […] Et il se souvient que dans ce pauvre village naquit Claude Gelée. […] Aspects, visages : souvenir de panorama. […] J’ai marché, — que de souvenirs ! […] Ce sont les souvenirs modérés qui sont les plus agréables.
Celle, en effet, dont M. de Courchamps a publié en dix volumes les prétendus mémoires et Souvenirs, d’ailleurs spirituels et amusants, n’est pas du tout la marquise de Créqui, laquelle n’a servi que de prête-nom. […] I. — Que les Souvenirs dits de la marquise de Créqui ne sont pas et ne sauraient être d’elle. […] Il demeurera prouvé pour nous, et pour tous ceux qui examineront désormais l’ouvrage, que les prétendus Souvenirs de la marquise de Créqui ne sont d’elle, à aucun degré, ni pour les faits, ni pour les sentiments, ni pour le ton. […] Il avait par devers lui sans doute des correspondances, des journaux manuscrits peut-être, des malles remplies de vieux papiers, mais surtout des, souvenirs de conversations à n’en plus finir. […] Elle avait gardé de lui un bon souvenir.
Fromentin en analyse finement les progrès : « L’absence, dit-il, a des effets singuliers… L’absence unit et désunit, elle rapproche aussi bien qu’elle divise, elle fait se souvenir, elle fait oublier ; elle relâche certains liens très solides, elle les tend et les éprouve au point de les briser ; il y a des liaisons soi-disant indestructibles dans lesquelles elle fait d’irrémédiables avaries ; elle accumule des mondes d’indifférence sur des promesses de souvenirs éternels. […] Tout au plus, de temps en temps, un souvenir, un regret vague, le besoin qu’on pouvait avoir l’un de l’autre, s’était fait sentir confusément et sans qu’on s’en rendît bien compte ; le résultat seul nous en avertit. […] Elle en parlait, dans le premier désordre d’une mémoire encombrée de souvenirs tumultueux, avec la volubilité d’un esprit impatient de répandre en quelques minutes cette multitude d’acquisitions faites en deux mois. […] Un voyage qu’elle fait aux Trembles avec lui, et où il repasse près d’elle tous ses anciens souvenirs ravivés et aiguisés par des impressions toutes nouvelles, ce séjour de deux mois, que la présence de M. de Nièvres n’amortit qu’à peine, n’est guère propre à remettre en paix le cœur du pauvre Dominique. […] Je sais bien que l’auteur lui fait faire un léger mea culpa dans sa confession ; qu’il se blâme volontiers en parlant de lui-même, et qu’il est porté à se déprécier, tout en caressant ses souvenirs.
Après la perte de nos amis, si nous ne succombons à la douleur, le cœur se replie sur lui-même ; il forme le projet de se détacher de tout autre sentiment et de vivre uniquement avec ses souvenirs. […] Tous les deux crurent que ce qu’ils avaient tant aimé ne pouvait être insensible à leur souvenir ; ils ne purent concevoir que ces absents si regrettés, toujours vivants dans leurs pensées, eussent entièrement cessé d’être ; qu’ils ne se réuniraient jamais à cette autre moitié d’eux-mêmes. […] Ma sœur, te souvient-il encore Du château que baignait la Dore Et de cette tant vieille tour Du Maure, Où l’airain sonnait le retour Du jour ? […] Leur souvenir fait tous les jours Ma peine : Mon pays sera mes amours Toujours ! […] Le lieu où je les ai vus sur les bois de Savigny et les lieux où je les revoyais, la mobilité de mes destinées, ce signe qu’une femme m’avait laissé dans le ciel pour me souvenir d’elle, tout cela brisait mon cœur.
Ma douleur n’est qu’une émotion passagère, dont j’ai presque perdu le souvenir à l’aspect du bonheur des deux amants. […] disent-ils, il ne se souvient guère De notre ancienne égalité ; Enflé de sa prospérité, A-t-il donc oublié que les arbres sont frères ? […] Sa vie littéraire, pour moi, finit à ce moment : non qu’il n’ait encore écrit, causé, raillé, ou même risqué des tragédies et comédies62 ; mais, si l’on excepte ses agréables Souvenirs, il n’a plus rien fait qui accroisse réellement cet héritage de choix, le seul dont la postérité se soucie. […] Plus je me suis approché de la source en interrogeant ceux qui l’ont connu et aimé, mieux j’ai pu m’assurer des qualités morales et des vertus de famille dont il a laissé en eux le vivant souvenir. […] [NdA] Je tire ce récit non des Souvenirs d’Arnault, mais de sa Vie politique et militaire de Napoléon, publiée en 2 vol. in-folio en 1822 : c’est une histoire en tableaux et faite pour les planches lithographiées ; mais le texte a de l’intérêt et un mérite de rapidité et de concision.
J’ai un vague souvenir de l’avoir lue dans un de ses livres, mais donnée comme citation, sans doute. […] Certes, Virginie est une grande intelligence ; mais peu d’images et peu de souvenirs lui suffisent, comme au Sage peu de livres. […] Je garderai longtemps le souvenir de la première pantomime anglaise que j’aie vu jouer. […] Peu de gens s’en souviendront sans doute, car bien peu ont paru goûter ce genre de divertissement, et ces pauvres mimes anglais reçurent chez nous un triste accueil. […] Je vais en donner la preuve par quelques échantillons de mes souvenirs.
Mais je suis triste tant que je me souviens de ce village entrevu. […] lui dis-je, et laissez-moi le plaisir de mettre, à mon tour, un nom sur une famille qui se confond par les souvenirs avec la mienne. […] — Entrons-y, dit Marie, et ne faisons pas de bruit pour que personne de la maison ne vienne effaroucher nos souvenirs. […] Nous n’avons plus qu’à vous remercier et à vous quitter en vous laissant tous nos vœux et tous nos souvenirs. […] Puisse la Providence s’en souvenir !
Emmanuel Delbousquet se souvient de René Ghil, de H. de Régnier, de Leconte de Lisle ; l’âme ardente, éclatante et sonore de sa province est en lui. […] Fernand Hauser (La Maison des Souvenirs, Le Château des Rêves) fut un poète délicat et quelque peu précieux, avant de devenir l’infatigable journaliste que l’on connaît. […] Paul Souchon est d’une extrême simplicité, sauf en de rares passages où l’auteur se souvient trop d’avoir traversé les petits cénacles parisiens et où il se consume en de laborieuses et minuscules inventions verbales. […] Tout bruit vient expirer à ses carreaux voilés, Avec le souvenir de ses jours en allés, Il vit là. […] Mme Marie Weyrich se souvient de Baudelaire dans ses Jardins du Soir, Mme Cécile Périn a de la grâce et de la force.
Je voudrais y passer ma vie avec vous. » Le présent existait pour lui à Rome plus qu’il ne le croyait de loin et sur la foi des souvenirs ; mais il savait y mêler ce qui console. […] M. de Circourt, le plus savant et le plus obligeant des hommes, avait bien voulu autrefois et sur ma prière, dans un temps où je songeais déjà à Bonstetten (1844), écrire tout un mémoire où il avait rassemblé ses riches souvenirs. […] ses souvenirs étaient là ; il leur ouvrait la porte et repassait avec eux son bonheur d’autrefois, de manière à chasser le chagrin du moment. […] Quant aux mémoires, Bonstetten, cédant enfin aux importunités de ses amis, consentit à jeter sur le papier quelques-uns de ses souvenirs de jeunesse […] L’édition de ces Souvenirs parut à Genève en 1831, et devint aussitôt fort rare, les amis du vieux sage s’étant partagé respectueusement le petit nombre d’exemplaires dont elle se composait.
Mon cœur seul peut recevoir et garder d’un tel bienfait tout ce qu’il y a de précieux et de consolant, le souvenir du bienfaiteur et la reconnaissance sans le poids de l’or. […] « J’ai aussi tous les souvenirs de ton séjour en Espagne, et de sa terrible conséquence, pauvre frère ! […] N’oublie jamais de la saluer de ma part et de me rappeler au souvenir de ma grand-mère, de notre bon père et de ma chère et gracieuse maman, poussée au loin dans un si grand naufrage82. […] Souvenirs et Correspondance, tirés des papiers de Mme Récamier ; tome II, page 194. […] Elle se reportait ici à un souvenir de son retour d’Italie, en 1838.
Il suffit de mêler à la pensée religieuse quelque souvenir éloigné et comme épuré des plaisirs qui nous viennent par les sens, dans la contemplation ou dans l’usage des choses de la nature. […] Scènes et tableaux tout à la fois ; car le paysage encadre si naturellement les figures, qu’on ne les sépare pas dans le souvenir. […] Bernardin de Saint-Pierre élève l’âme en faisant trouver la chasteté supérieure à l’amour ; il épure à la fois les sentiments du jeune cœur qui aime et les souvenirs de ceux qui ont passé l’âge d’aimer. […] Il transportait les contemporains loin de leur pays, de leur temps, de leurs derniers souvenirs, d’eux-mêmes ; René les y ramena. […] L’homme a besoin de souffrir de son imperfection pour valoir tout son prix, et de se souvenir de sa misère pour être heureux.
Peut-on l’affirmer absolument, lorsqu’à l’origine et dans les premiers souvenirs des cités grecques on rencontre le nom des Phéniciens et l’influence présumée de leurs arts ? […] Un autre ordre d’idées, qui appartient moins à l’instinct de la conscience qu’aux spéculations de l’esprit, pourrait faire supposer davantage une tradition reçue, un souvenir immédiat. […] Ce type, Platon l’aurait recueilli dans son voyage d’Égypte, sur les souvenirs laissés par Moïse et par la fuite du peuple hébreu. […] On sait quelle était la puissance de ce souvenir chez le peuple d’Israël, et comment, après ses premières dispersions, ce chant se retrouvait en Égypte parmi les Thérapeutes et marquait leur filiation hébraïque. […] dans le cours des ans ; rends-la manifeste dans le temps ; et, dans ta colère, souviens-toi de ta miséricorde.
Les Souvenirs d’Enfance n’ont pas la prétention de former un récit complet et suivi. […] La /orme de Souvenirs m’a paru commode pour exprimer certaines nuances de pensée, que mes autres écrits ne rendaient pas. […] En septembre 1862, un an après la mort de cette précieuse amie, j’écrivis, pour le petit nombre des personnes qui l’avaient connue, un opuscule consacré à son souvenir. […] L’ordre naturel de ce livre, qui n’est autre que l’ordre même des périodes diverses de ma vie, amène une sorte de, contraste entre les récits de Bretagne et ceux du séminaire, ces derniers étant tout entiers remplis par une lutte sombre, pleine de raisonnements et d’âpre scolastique, tandis que les souvenirs de mes premières années ne présentent guère que des impressions de sensibilité enfantine, de candeur, d’innocence et d’amour. […] Le jour même où j’allais donner le bon à tirer de cette feuille la mort de mon frère est venue rompre le dernier lien qui m’attachait aux souvenirs du toit paternel.
” On se souvient toujours de ces naïfs dévouements. […] Je me souviens néanmoins qu’il montrait déjà son imagination dans ces jeux de l’enfance que George Sand a si bien décrits dans ses Mémoires. […] « C’est alors que commence cette correspondance conservée par tendresse et qui devint sitôt de chers et de précieux souvenirs. […] De tous ses projets de comédie de ce temps, je me souviens des Deux Philosophes, qu’il eût certainement repris à ses loisirs. […] Je me souviens qu’il vint plusieurs fois ayant la fièvre de son succès chez moi pour me conjurer de l’entendre, de le voir, d’assister aux répétitions.
Son séjour à cette abbaye des plus austères et réformée à l’image de La Trappe laissa dans l’âme de Massillon un souvenir des plus délicieux : il y avait goûté dans toute sa douceur le miel de la solitude. […] Heureux, non celui dont l’histoire va immortaliser le règne et les actions dans le souvenir des hommes, mais celui dont les larmes auront effacé l’histoire de ses péchés du souvenir de Dieu même, etc., etc. […] Il s’applique à montrer qu’il n’y a point de fautes légères, que celui qui méprise les petites choses tombera peu à peu dans les grandes ; il s’adresse alors à son auditeur, il le prend à partie ; il rappelle chacun directement à ses propres souvenirs : « Souvenez-vous d’où vous êtes tombé… » Et ici vient un de ces développements dont j’ai parlé et où se révèle tout l’art de Massillon. « On peut quelquefois, dit Voltaire, entasser des métaphores les unes sur les autres ; mais alors il faut qu’elles soient bien distinguées, et que l’on voie toujours votre objet représenté sous des images différentes. » Et il cite un exemple de Massillon ; il aurait pu aussi bien citer celui qu’on va lire : Souvenez-vous d’où vous êtes tombé ; … remontez à la première origine de vos désordres, vous la trouverez dans les infidélités les plus légères : un sentiment de plaisir négligemment rejeté ; une occasion de péril trop fréquentée ; une liberté douteuse trop souvent prise ; des pratiques de piété omises : la source en est presque imperceptible ; le fleuve, qui en est sorti, a inondé toute la terre de votre cœur : ce fut d’abord ce petit nuage que vit Élie, et qui depuis a couvert tout le ciel de votre âme : ce fut cette pierre légère que Daniel vit descendre de la montagne, et qui, devenue ensuite une masse énorme, a renversé et brisé l’image de Dieu en vous : c’était un petit grain de sénevé, qui depuis a crû comme un grand arbre, et poussé tant de fruits de mort : ce fut un peu de levain, etc. […] Et après qu’il avait ainsi fait frissonner, en la touchant au passage, la plaie cachée de chaque auditeur, après qu’il avait dû sembler en venir presque aux personnalités auprès de chacun, Massillon se relevait dans un résumé plein de richesse et de grandeur ; il se hâtait de recouvrir le tout d’un large flot d’éloquence, et d’y jeter comme un pan déployé du rideau du Temple : Non, mon cher auditeur, disait-il aussitôt en rendant magnifiquement à toutes ces chutes et toutes ces misères présentes des noms bibliques et consacrésa, non, les crimes ne sont jamais les coups d’essai du cœur : David fut indiscret et oiseux avant que d’être adultère : Salomon se laissa amollir par les délices de la royauté, avant que de paraître sur les hauts lieux au milieu des femmes étrangères : Judas aima l’argent avant que de mettre à prix son maître : Pierre présuma avant que de le renoncer : Madeleine, sans doute, voulut plaire avant que d’être la pécheresse de Jérusalem… Le vice a ses progrès comme la vertu ; comme le jour instruit le jour, ainsi, dit le Prophète, la nuit donne de funestes leçons à la nuit… Ici l’écho s’éveille et nous redit ces vers de l’Hippolyte de Racine : Quelques crimes toujours précèdent les grands crimes… Ainsi que la vertu, le crime a ses degrés… On a souvent remarqué que Massillon se souvient de Racine et qu’il se plaît à le paraphraser quelquefois.
Les historiens actuels, et ceux même qui ont par devers eux, aussi bien que nous, leurs souvenirs, s’efforcent presque tous d’être froids et calmes, de faire la part de toute chose et de chacun ; ils prennent sur eux après coup, comme c’est leur devoir, pour tenir exactement la balance ; ils diront, en nous rendant compte des actes et discours de la Chambre de 1815 : « M. […] Tous les actes de leur passé, disait-on, leurs souvenirs, leurs ressentiments comme leur intérêt même, tout semblait devoir les porter dans un autre sens : de là un redoublement de colère contre ces deux dissidents uniques qu’on appelait des misérables. […] Il jugea, nous dit M. de Viel-Castel, « qu’il ne suffisait pas d’accabler des plus cruels outrages la mémoire des généraux Faucher avec qui on assure qu’il avait eu jadis des relations assez intimes, de les présenter comme des scélérats vieillis dans le crime, dont La Réole garderait longtemps l’effrayant souvenir ; il se laissa emporter contre MM. […] On n’a pas assez dit lorsque, parmi ces victimes du fanatisme du Midi, on a énuméré dans un récit d’histoire quelques noms de généraux connus : mais combien d’autres de toute classe, immolés et restés obscurs, et dont il faut aller chercher, réveiller le souvenir aux lieux mêmes où ils ont péri et où l’écho répondra si on l’interroge ! […] se peut-il que cet exemple, en sens inverse, soit devenu bien plutôt attrayant et contagieux pour une partie de la jeunesse nouvelle ; que ce soit précisément au mauvais côté des souvenirs d’une époque qui en offre de si louables, que de jeunes esprits aillent se rattacher de préférence en vertu de je ne sais quel faux idéal rétrospectif ?
Heureusement, dans l’Histoire de la Restauration il a affaire, je ne dirai pas à des souvenirs plus présents, car il se souvient peu et il a la mémoire docile à son imagination, mais il a affaire à de plus honnêtes gens, à des personnages plus dignes en général de ses couleurs. […] Je les parcourrai rapidement, moins en juge qu’en lecteur empressé, à la fois séduit et résistant, et qui, pour contrôler ces pages faciles, n’a guère eu recours qu’à ses propres souvenirs. […] Lainé dans sa maturité le soin d’apprécier ce coin de son caractère ; mais je crains qu’en faisant de lui un républicain in petto, M. de Lamartine ne se souvienne trop qu’il avait pris au début M. […] En paraissant marchander, chicaner avec cette obstination la louange et la sympathie au conquérant redevenu l’héroïque soldat de la patrie, il nous oblige à nous souvenir qu’il était de ceux qui avaient âge d’homme alors, qu’il avait près de vingt-quatre ans en 1814, et qu’il ne fut pas de ces soldats improvisés que le sentiment national souleva, et qu’enfanta la terre natale autour de ce drapeau dont il a depuis préservé les couleurs. […] Ailleurs, M. de Lamartine dit que La Minerve a été la « Satire ménippée de la Restauration » ; mais la Satire ménippée, que l’historien a oubliée sans doute, était écrite en faveur d’Henri IV par d’honnêtes royalistes, et La Minerve n’était pas écrite, s’il m’en souvient, en vue de consolider le trône des Bourbons.
George Sand avait déjà commencé, de son côté, à exploiter la mine des souvenirs. […] Souviens-toi que tu me l’as promis devant Dieu. […] Musset s’était souvenu tout le temps, en écrivant « La Nuit de décembre ». […] Je me souvins d’un certain jour que j’avais regardé avec désespoir le vide immense de ce beau ciel ; ce souvenir me fit tressaillir ; tout était si plein maintenant ! […] — Souvenirs de Mme C.
Mme Favier, retirée à Champbenoist, lui continuait encore ses soins ; surtout il trouvait un accueil affectueux et délicat auprès de Mme Guérard, sa belle-fille, qui le recevait à sa ferme de Saint-Martin : Moreau a consacré le souvenir de cette hospitalité par la charmante romance de La Fermière. […] Là, aux derniers rayons d’automne, repassant ses douloureux souvenirs, ceux de sa maladie, ceux de l’insurrection et des émeutes, et du choléra, rappelant même ses imprécations de colère, il se rétractait d’une manière touchante : Ainsi, je m’égarais à des vœux imprudents, Et j’attisais de pleurs mes ïambes ardents. […] Deux ans après, le souvenir de cette douce hospitalité lui revenait à la mémoire, et il envoyait pour étrennes (janvier 1836) cette délicieuse Romance à celle à qui il avait dû, pour un jour du moins, ses pures et innocentes Charmettes : La fermière. […] et j’y succombe : Mon âme fatiguée est comme la colombe Sur le flot du désert égarant son essor ; Et l’olivier sauveur ne fleurit pas encor… Ces mille souvenirs couraient dans ma mémoire, Et je balbutiai : — « Seigneur, faites-moi croire ! […] Ses premiers vers furent consacrés à célébrer Provins, la Voulzie, les traces d’Hégésippe Moreau ; il y mêlait volontiers les souvenirs du Rhône et de la Saône, des vertes saulées où avait joué son enfance.
« Comme sur la tête du naufragé le flot s’est amassé et pèse, tel sur cette âme l’amas des souvenirs est descendu. […] combien de fois, au silencieux déclin d’une inerte journée, les foudres de ses yeux abaissés vers la terre, les bras croisés sur sa poitrine, il s’est arrêté, assailli du souvenir des jours qui ne sont plus ! […] Au terme de nos courses diverses dans le passé, avant de quitter tant de grands souvenirs, n’avons-nous pas quelques regards à jeter sur le monde actuel et ce qu’il offre encore d’imagination élevée et d’enthousiasme, au-delà du cercle d’or et de fer dont il semble de toutes parts s’environner ? […] ne me condamnez pas à gémir ici, comme dans une serre se flétrit, enfermée entre des verres qui la réchauffent, la plante désormais stérile d’un autre climat. » Cet impérieux souvenir de la patrie, cet amour du soleil rappelait Heredia. […] Ces chants et d’autres encore pouvaient paraître d’heureux échos d’une harmonie connue, des reflets d’enthousiasme dont l’ardeur même atteste plutôt l’émotion du souvenir que la soudaine création du génie.
L’amour n’y est plus que comme un souvenir délicieux, comme une apparition matinale et céleste, qui s’est retirée dans le lointain, après avoir initié l’âme du poète à de plus sublimes mystères ; l’hymne a presque partout remplacé l’élégie. […] Il entend au dedans de lui une voix secrète qui lui dit : « Puisque l’ombre redouble, que le froid de la nuit se fait sentir, et que tu as marché tout te jour, prends courage, c’est que tu n’es pas loin d’arriver. » Dès lors la chaîne des saintes idées se renoue ; le souvenir de Dieu redescend, de ce Dieu fait homme, dont le dernier soupir, la dernière voix fut aussi une plainte à son père, un pourquoi sans réponse. […] La scène change ; un autre souvenir se retrace ; il est moins sublime, mais peut-être il risque moins de s’effacer. […] Ici le souvenir reste inachevé ; on sent qu’il pourrait aller plus loin, qu’il touche à la vie présente du poète, et que c’est là pour lui le plus familier, le plus charmant refuge après l’agonie.
« Votre gloire durera toujours dans les siècles, cher Harmodius et Aristogiton, parce que vous avez tué le tyran et fait Athènes libre sous les lois. » La poésie grecque, et surtout celle qui parlait de myrte, n’avait pas toujours cette humeur farouche et ces souvenirs implacables. […] Pour Sparte, la mort, ce n’est pas de mourir, c’est d’avoir fui. » C’était encore Simonide qui avait consacré au même souvenir cette inscription, la meilleure de toutes, parce qu’elle est la plus simple. […] Nous avons frappé les Perses au cœur, les accablant de maux, souvenir de leur affreuse défaite sur mer. […] Tantôt c’était une méditation sur les chagrins et la brièveté de la vie, tantôt une tradition de la Fable, racontée avec cette douceur émue que le poëte portait dans ses propres souvenirs de regrets et ses consolations d’amitié.
Il s’est surtout souvenu d’Ariane dans les imprécations finales, et de Médée dans la peinture des préambules de la passion. […] Heureusement, chez nous autres Modernes (rendons-nous justice), tout cela a bien changé ; la terminaison se dissimule d’ordinaire, se recouvre d’hommages prolongés, et, chez les natures délicates, s’enveloppe d’un culte d’amitié et de souvenirs. […] Elle se ressouvint de tout ce qu’il y a d’agréable parmi les vivants ; elle se souvint de ses compagnes du même âge qui faisaient sa joie, comme une jeune fille qu’elle était ; et le soleil lui parut plus doux à regarder qu’auparavant, à mesure en effet qu’elle se reprenait en idée à chaque chose. […] Mais toi seulement, lorsque tu seras de retour à Iolcos, souviens-toi de moi, et je me souviendrai de toi à mon tour, en dépit même de mes parents. […] ou plutôt moi-même, puissent d’ici les rapides tempêtes m’enlever par-dessus les mers jusqu’en Iolcos, pour que je t’aille jeter à la face mon reproche et le souvenir que tu n’as échappé que par moi… Oh !
Théophile Gautier C’est un talent fin, discret, un peu timide que celui de Theuriet ; il a la fraîcheur, l’ombre et le silence des bois, et les figures qui animent ses paysages glissent sans faire de bruit comme sur des tapis de mousse, mais elles vous laissent leur souvenir et elles vous apparaissent sur un fond de verdure, dorées par un oblique rayon de soleil. […] André Lemoyne Ce qui ressort surtout des poèmes d’André Theuriet, c’est l’amour de la nature forestière, l’intime souvenir de la vie campagnarde et, en même temps, une pitié profonde pour les souffrants, les déshérités de ce monde qui vont courbes sur la glèbe ou errants sur les routes, à l’heure où le soir tombe et quand s’illumine dans la nuit la fenêtre des heureux. […] Theuriet nous donnait, en recueillant, dans des strophes d’un tour achevé, ses impressions et ses souvenirs de tous genres.
Le souvenir cherché est un souvenir dont on a trouvé le commencement ; le problème posé est un problème dont la solution se prépare. […] Une lois donné naturellement, le lien des sensations et motions laisse une voie de communication ouverte dans le cerveau et persiste dans le souvenir ; il est acquis. […] Le jugement vient de ce que les divers états de conscience persistent sous forme de souvenirs, d’images encore conscientes, et s’agrègent : éclair, tonnerre, peur, fuite, tous ces états de conscience subsistent pendant la fuite de l’animal, et il n’est besoin que de réflexion pour changer ce souvenir, cette association en jugement : le jugement sera une nouvelle association, une association avec la conscience d’un changement d’état et avec le souvenir d’états semblables à l’état présent. […] Quand je reverrai un feu semblable au premier, la vue de ce feu, renforçant le simple souvenir, me fera retirer ma jambe tout comme si j’avais éprouvé la brûlure. […] J’aperçois de loin un livre ; l’image actuelle éveille, par ressemblance, le souvenir du même livre déjà vu ; puis ce souvenir éveille, par contiguïté dans le temps, celui du contenu de ce livre : voilà ce qu’on appelle percevoir et reconnaître.
Nous le quittâmes le soir, pleins de reconnaissance pour son accueil et pleins des souvenirs vivants que nous emportions de ses entretiens. […] « Beaucoup d’habitants du village ont conservé comme moi le souvenir de cette enquête et la certifieraient au besoin. […] Elle fut retrouvée par moi ; elle consentit à déchirer en ma faveur le voile de veuve et le linceul de ses jeunes souvenirs ; elle m’envoya son fils d’un second lit, jeune homme d’un nom sans tache, d’un rang élevé, d’un cœur filial, d’une conversation aussi discrète qu’instructive. […] Voilà dans quel esprit de répulsion instinctive contre votre idole et d’impartialité historique dans l’histoire je viens recueillir vos souvenirs. […] Souberbielle, qui demeurait presque invisible dans le quartier de la place Royale, avec une vieille servante, me recevait au chevet de son lit avec une joie mal déguisée, comme un mourant reçoit un légataire pour lui confier avant la mort ses chers souvenirs.
» Souvenir de l’enfance du mort. […] ” Souvenir qui me vient tout mouillé de larmes. » Le 6 août. […] Te souviens-tu que je me comparais à Monique pleurant sur Augustin, quand nous parlions de mes afflictions pour ton âme, cette chère âme dans l’erreur ? […] quel souvenir de maladie et de guérison ! […] qu’y mettrais-je maintenant, si je n’y mettais mes larmes, mes souvenirs, mes regrets de ce que j’ai le plus aimé ?
Ma jument se souvint de la place et de la halte : elle me laissa un moment regarder en arrière. […] Mais je ne me souviens pas d’avoir jamais entendu la vôtre. […] Je ne sais pas ce qu’il ordonnera de nous ; mais souvenez-vous toujours de mon père, de ma mère, de mes sœurs, de ma femme et de moi ; et quand vous direz vos prières sur votre chapelet, réservez toujours sept ou huit grains en mémoire d’eux. » Je serrai de nouveau la main du coquetier, et je continuai mon chemin. […] Pour un homme qui a longtemps habité en famille un site de prédilection, le jardin est une prolongation de l’habitation, c’est une maison sans toit ; le jardin a les mêmes intimités, les mêmes empreintes, les mêmes souvenirs que la maison ! Les arbres, les pelouses, les allées désertes se souviennent, racontent, retracent, causent ou pleurent comme les murs.
Aussi les souvenirs de sa jeunesse étaient-ils restés vivaces dans sa mémoire. […] Quant à l’homme, son souvenir non plus ne s’effacera pas. […] Son souvenir ne s’effacera jamais de ma mémoire. […] Son souvenir et sa présence font partie de la vie parisienne. […] Mes paysages surtout, autant qu’il m’en souvient, vous avaient plu.
« Oui, en effet, elle se souvient, ainsi vaincue par une force irrésistible, de ses jours tout-puissants de triomphe et de victoire ; elle se souvient de l’enthousiasme universel, elle se souvient de ses créations splendides, quand elle faisait, de rien quelque chose : une comédie d’un vaudeville, un membre de l’Institut de quelque faiseur de mauvais vers ; elle se souvient de la joie, de la bonne humeur, de l’applaudissement du parterre ; elle se rappelle tous les triomphes entassés là, à ses pieds : ce théâtre glorifié, cette scène agrandie, et les vrais Dieux venant au-devant d’elle, les mains chargées de couronnes. […] « Voilà ce que disent nos maîtres, les critiques qui ont vu, qui se souviennent et qui regardent, à la fois, dans le présent et dans le passé.
le journaliste de L’Ère nouvelle que l’on croyait enfin détourné du monde auquel, disait-on, il ne voulait plus même parler de cette voix dont le souvenir devenait plus grand dans le silence, est ressorti de son cloître, une fois de plus, pour devenir un candidat d’Académie, et vient de payer sa bienvenue dans la compagnie où il est entré entre deux philosophes, avec ce livre de Sainte Marie-Madeleine, sacrifice aux idées les plus malsaines d’une époque qui aime tant ses maladies ! […] Renan, si vous vous en souvenez, s’est amusé, dans un de ses derniers écrits, à éteindre autour de la tête de nos Saints le nimbe d’or que la Foi y allume, malice philosophique assez semblable au mauvais sentiment du gamin qui renverserait la lampe d’un sanctuaire ! […] D’ailleurs, il y a l’émotion et la voix transfigurant cette langue qui passe et dont il ne reste dans le souvenir qu’un écho ! […] « Voyageur aux souvenirs de Bethanie (voyageur aux souvenirs est aussi une nouvelle espèce de voyageur !)
Mieux vaut le souvenir, qui seul est à nous et dure avec nous : le bonheur fuit, et le souvenir du bonheur reste ; le malheur passe, et le souvenir du malheur persiste, intimement doux, et plus doux que le souvenir même du bonheur. […] Voyage en Orient, souvenirs, impressions, pensées, paysages, 1835, 4 vol. in-8. […] Souvenirs sur Lamartine, 1884, in-12. […] De ses souvenirs, Musset fait la Confession d’un enfant du siècle, roman (1836). […] Jaubert, Souvenirs, 1881.
Depuis la mort de Jacques, son frère, Jean restait seul héritier des souvenirs intimes dont ces deux apôtres, de l’aveu de tous, étaient dépositaires. […] J’ajoute que, dans mon opinion, cette école savait mieux les circonstances extérieures de la vie du fondateur que le groupe dont les souvenirs ont constitué les évangiles synoptiques. […] Matthieu mérite évidemment une confiance hors ligne pour les discours ; là sont les Logia, les notes mêmes prises sur le souvenir vif et net de l’enseignement de Jésus. […] Supposons qu’il y a dix ou douze ans, trois ou quatre vieux soldats de l’empire se fussent mis chacun de leur côté à écrire la vie de Napoléon avec leurs souvenirs. […] Sans contredit, une part d’idées préconçues dut se mêler à de tels souvenirs.
Mais surtout la tradition a conservé un vif souvenir du triomphe de mademoiselle Gaussin en novembre 1752 : telle fut sa magie d’expression dans le personnage de cette reine attendrissante, que le factionnaire même, placé sur la scène, laissa, dit-on, tomber son arme et pleura30. […] Érudits comme nous le sommes devenus et occupés de la couleur historique, il y a pour nous, dans la représentation actuelle de Bérénice, un intérêt d’étude et de souvenir. […] Ses allusions, à lui, paraissent s’être plutôt reportées au souvenir déjà éloigné de Marie de Mancini, laquelle, dix années auparavant, avait pu dire au jeune roi à la veille de la rupture : Ah ! […] Or qu’on veuille songer à tout ce qu’ajoutait son souvenir à l’œuvre où sa pensée était entrée pour une si grande part. […] J’ai vu deux fois la pièce, et, à ne consulter que mon souvenir, sans recourir au volume, il m’est presque impossible de distinguer nettement un acte de l’autre par quelque scène bien tranchée.
J’en distingue une intitulée Soirée perdue, où il a entrecroisé assez gracieusement un motif d’André Chénier avec une pensée de Molière, une satire Sur la paresse, où le poète s’est excité d’une lecture de Régnier ; un joli conte, Simone, où il s’est souvenu de Boccace et de La Fontaine ; mais surtout un Souvenir plein de charme et de passion encore, où il ne s’est inspiré que de lui-même. […] Ses amis craignaient pour lui ce pèlerinage et le réveil des souvenirs. […] Je demande à citer ici quelques stances de cette pièce, pour reposer l’esprit, à la fin de cette étude un peu disparate, sur quelques tons tout à fait purs : J’espérais bien pleurer, mais je croyais souffrir, En osant te revoir, place à jamais sacrée, Ô la plus chère tombe et la plus ignorée Où dorme un souvenir ! […] Dante, pourquoi dis-tu qu’il n’est pire misère Qu’un souvenir heureux dans les jours de douleur ? […] Un souvenir heureux est peut-être sur terre Plus vrai que le bonheur.
» L’adulateur moderne qui renouvelait ce souvenir pour l’inexorable cardinal, ajoutait : « Aux paroles de ces hommes obscurs, proférées sans contrainte et sans flatterie, César fut si touché que, par comparaison, il comptait pour peu les plus honorifiques décrets du sénat, les noms inscrits des nations subjuguées, les trophées qu’on lui élevait et ses propres triomphes. » On le croira sans peine : le pouvoir d’Octave était fondé sur la réalité de la dictature et l’apparence de la démocratie. […] C’est assez d’avoir pu rallier à ce nom, par un art délicat et charmant, les images de la poésie grecque et jusqu’au souvenir de l’antique vertu romaine. […] Toi, de ton char redouté lu ébranleras l’Olympe ; toi, sur les bois sacrés qu’on profane tu lanceras les foudres vengeurs. » Cette seconde place, que tout à l’heure le poëte n’admettait pas dans le ciel après le dieu suprême, il la réserve pour Auguste ; et il la lui donne sur terre, au nom des glorieux souvenirs de Rome, dont il l’entoure. […] La vraie beauté de cette ode, c’est même, dans la bouche du chantre épicurien de l’empire, le retour aux grands souvenirs de la liberté romaine, à cette vaillante jeunesse née de soldats laboureurs ; c’est, avec une admirable concision, l’abrégé des victoires de la république ; puis la dernière strophe semble aujourd’hui pour nous une prédiction trop vraie arrachée au poëte, comme à ce prophète de l’ancienne loi qui maudit en voulant bénir. […] Pour éblouir et pour émouvoir, pour plaire à l’imagination, parfois même pour élever et fortifier l’âme, il n’a pas besoin des souvenirs de Delphes et d’Olympie, ni de ces fêtes romaines qu’il avait sous les yeux.
Malheureusement, dans les trois phases dont il s’agit, la raison ne demeura pas dans les limites d’une sage réserve ; elle ne se souvint pas qu’elle était bornée. […] Royer-Collard, on s’en souvient, avait vu venir le pouvoir impérial avec défiance ; M. […] Cet enseignement produisit un effet dont les contemporains ont conservé le souvenir. « On vit se réunir au pied de la chaire de M. […] La sombre maison d’arrêt où on le menait, tout petit enfant, visiter son père prisonnier, se dresse au fond de ses plus lointains souvenirs. […] Il a moins de souvenirs et par conséquent plus d’exigences que M.
I Ce n’est pas d’aujourd’hui que madame de Genlis fait les avances envers le public ; il y a longtemps qu’elle se croit comptable d’explications envers lui, et qu’elle lui distribue son histoire, comme une dette, en précis de conduite, en souvenirs, en romans : mais ce n’étaient là que des à-compte trop légers envers les contemporains et la postérité ; voici venir enfin, sous forme de mémoires, la plus considérable, la plus officielle, et probablement aussi la dernière édition de sa vie. […] Hé, madame, écrivez vos mémoires pour vous, dans le recueillement de la solitude et de l’âge ; épanchez-y en silence vos souvenirs, vos joies, vos douleurs, et, si vous voulez, vos péchés et vos repentirs ; confiez à l’amitié ou à la famille cet humble et sacré dépôt qui doit vous survivre ; et croyez bien que le lecteur n’aura jamais plus foi en vos paroles que quand plus tard vous ne serez pas là interposée entre vos révélations et lui. […] D’une part, engagée par les sollicitations de votre mémoire, disons mieux, de votre conscience ; de l’autre retenue par les scrupules de votre amour-propre, ou du moins de votre délicatesse, il vous faudra, et j’adopte ici la supposition la plus douce, il vous faudra tout ménager, tout prévoir, conter avec apprêt et réserve, fausser presque à votre insu vos réminiscences, prendre à propos vos rêves pour des souvenirs, en un mot, par un officieux et perpétuel mensonge d’imagination, reconstruire le passé en croyant le reproduire ; à moins toutefois, ce que je ne redoute guère, qu’il ne vous advienne l’orgueilleux caprice de nous confesser voire vie pleine et entière, à la mode de saint Augustin, sinon de Jean-Jacques.
Il a l’odeur assoupie des chambres paisibles où l’on se souvient d’avoir joué, enfant, pendant les longs après-midis d’été. […] Toutes les petites maisons y sont de vieilles petites maisons de village, où de bonnes lampes brûlent la nuit ; et toutes leurs petites chambres sont des cellules de souvenir que traversent des poupées lasses, souriantes et fanées ; et on y entend le crépitement de la pluie sur le toit ; et au-dessus des croisillons des fenêtres, on voit fuir les canards gris ; et le matin, au cri du coq, on est saisi par l’haleine des roses. […] Bataille ne semblent pas contrarier cette impression : il y demeure le rêveur nerveusement triste, passionnément doux et tendre, ingénieux à se souvenir, à sentir, à souffrir… La Lépreuse est bien le développement naturel d’un chant populaire ; tout ce qui est contenu dans le thème apparaît à son tour, sans illogisme, sans effort.
Quand, par exemple, je songe à un ami que j’ai perdu, l’image de la personne aimée se trouve subir l’action de deux séries de représentations en sens contraire, les unes tendant à la favoriser, comme le souvenir de ses qualités et de ses bienfaits, les autres à la refouler, comme le souvenir de sa mort ; il en résulte un rapport de tension et de lutte, qui est la peine. […] Le souvenir est nécessaire pour l’intelligence proprement dite, qui implique comparaison, mais il n’est pas nécessaire pour l’émotion agréable ou désagréable. […] Richet « qu’une douleur si rapide qu’on n’en conserve pas le souvenir, ne soit rien ». — « Ce qui fait la cruauté de la douleur, dit-il, c’est moins la douleur elle-même, si intense qu’elle soit, que le retentissement pénible qu’elle laisse après elle. » — Ce prétendu retentissement est, pour les douleurs physiques, la prolongation effective du trouble nerveux et par conséquent de la douleur même : c’est mieux qu’un souvenir, c’est une réalité. […] Sans doute la mémoire, en ajoutant l’attente de l’avenir et le souvenir du passé à l’horreur du présent, ajoute la douleur morale à la douleur physique ; mais celle-ci est entière sans celle-là44. […] Aussi, « à parler rigoureusement, la douleur ne se rattache à aucun lieu, et la localisation ne concerne que la perception. » Ajoutons qu’à la perception se mêlent des souvenirs, des idées, des images qui, pour leur part, contribuent à diversifier les émotions.
Mais quel charme parfois, quel accent rapide et vrai dans les moindres souvenirs de son voyage d’Asie ! […] Chez les Romains et dans les vers de Catulle, cette licence s’égare jusqu’aux plus impurs souvenirs ; et cependant le poëte connaît toutes les grâces, même celle de la pudeur. […] Nul doute cependant que, formé par l’étude de plusieurs âges de la poésie grecque, Catulle n’en ait retrouvé et mêlé habilement les couleurs dans une autre œuvre de son art, dans un autre souvenir qu’Hésiode lui-même179 avait chanté, l’épithalame de Thétis et de Pélée. Depuis Hésiode et depuis Homère, l’art grec avait dû bien des fois reprendre ce souvenir voisin des Argonautes et de la guerre de Troie. […] Ce que les souvenirs mythologiques de la Grèce, les héros fondateurs de ses jeux, les origines fabuleuses de ses cités avaient été pour le grand poëte lyrique de Thèbes, quelques noms glorieux et lointains de l’ancienne Rome le seront pour le chantre du siècle d’Auguste.
C’est aussi le plus ancien souvenir que j’ai de ma mère. […] Ce devait être une remise, car je me souviens qu’il n’y avait qu’une grande porte, toujours entr’ouverte, et pas de fenêtre. […] je ne me l’explique pas, mais la souffrance est certaine, et c’est par elle que je me souviens si bien. […] Mais je ne me souviens d’aucune circonstance, ni de ceux qui m’entouraient. […] On me raconta cela à mon réveil, car je ne me souvenais de rien.
Nous nous sommes beaucoup plu et beaucoup aimé quand en 1827 nous nous connûmes ; je connaissais déjà vos premiers vers, et je les avais mis à part dans mon souvenir et dans ma bibliothèque dépareillée de ce pauvre Saint-Point. […] Sur ce boulevard, pendant des heures entières, il cheminait à pas lents, voûté comme un aïeul, perdu en de vagues souvenirs, et s’affaissant de plus en plus dans le sentiment indéfinissable de son existence manquée. […] « Mon ami, ce petit livre est à vous ; votre nom s’y trouve à presque toutes les pages ; votre présence ou votre souvenir s’y mêle à toutes mes pensées. […] Au moment où vous vous lancez pour la première fois dans le bruit et dans les orages du drame, puissent ces souvenirs de vie domestique et d’intérieur vous apporter un frais parfum du rivage que vous quittez ! […] Je le connus personnellement dans l’été de cette année 1829, et, en souvenir d’une promenade et d’un entretien au Luxembourg, je lui adressai la pièce qui est la VIe des Consolations.
Alfred de Vigny, le fond incommutable de son génie, l’âme qui a rayonné — pressentiment ou souvenir — dans tout ce qu’il a écrit et tout ce qu’il écrira jamais, s’il écrit encore ! […] Sans contester un instant le génie de l’auteur de la Nuit de mai et des Stances à Lamartine , j’ai souvent été, malgré moi, révolté de cette longue colère contre un impérissable souvenir, et je reconnaissais mal un poète à cette haine inutile. […] [Mes souvenirs (1883).] […] [Souvenirs personnels (1883).]
Le bas-bleu qu’elle fut et qui est oublié, le bas-bleu qui a écrit Gertrude, Jérôme, Sextus, dont elle se souvient seule aujourd’hui, a voulu jeter encore un livre sur la place pour faire un dernier bruit, et ce livre a été sa vie. […] Voilà pourquoi elle étale sans dignité, dans un livre passionné et plus que passionné, les souvenirs qu’elle devait garder au fond d’elle, puisqu’elle avait le bonheur ou le malheur de les avoir. Si elle était restée femme comme elle était née, ses souvenirs n’auraient jamais quitté son cœur. […] Elle aurait gardé, sans le donner à risée ou à mépris sérieux, le souvenir touchant de ce fou à elle et fait par elle ; mais pour cette Prudence et ses pareilles, la question n’est ni l’honneur de Chateaubriand, ni leur propre honneur de cœur.
Non qu’il ait jamais donné une vie actuelle et puissante aux grands souvenirs qui font la gloire et l’illusion de l’Italie. […] il n’est pas plus beau souvenir historique dans l’Europe du seizième siècle. […] Une première ode toutefois, en célébrant don Juan d’Autriche, est trop savante de mythologie, trop imitée de Pindare, trop chargée du souvenir d’Encelade, de Mars et des Muses. […] » À cette tendresse d’âme, à cette ardeur mystiquement idéale Luis de Léon joignait une sève de souvenirs antiques non moins reconnaissable dans quelques autres poëtes de son temps et de son pays. […] L’admiration même nuisait à la liberté du génie ; et l’instinct poétique, au lieu de s’animer par la passion présente, chancelait confondu sous l’amas des souvenirs.
Pierre Abraham, dont c’est le métier de s’en souvenir — la Rose et Blanche de George Sand et Sandeau. […] » nous avons tous souvenir de ces histoires-là. […] L’observation, les souvenirs, les « on-dit » des gens, forment la trame du récit. […] Ces, souvenirs, ces « on-dit » ! […] Je me trompe, on s’en souvient pour un seul : Charlus.
Quelques toiles que lui inspirèrent plus tard ses souvenirs du Nil sont parmi ses meilleures. […] Si grande et si belle que soit la réalité, tu verras que le souvenir finit encore par la dépasser et réussit à l’embellir. […] Contant chez Brébant ses souvenirs d’Égypte, il émerveille ainsi Edmond de Goncourt. […] Les deux livres de voyage, les Maîtres d’autrefois, sont en partie des livres de souvenir. Et il a fait des deux Dominique, le Dominique reposé et calme de la troisième personne et le Dominique passionné de la première, des hommes qui vivent ordinairement et intensément par le souvenir ou par un oubli actif et volontaire qui n’est qu’une forme aiguë du souvenir.
Et plus nous sommes lucides, plus nos souvenirs ont de tendance à se reconstituer intégralement. […] L’imagination ne s’en tient plus aux souvenirs ; elle s’émancipe ; elle prend le pas sur la mémoire. […] Et plus la rêverie se prolongera, moindre y deviendra la part du souvenir. […] Un certain nombre de souvenirs abstraits, qui d’ailleurs nous suffisent pour la pratique ; ajoutons-y le souvenir même de cette émotion. […] Pour quiconque s’est habitué dès son enfance à les voir, ils ont un charme de souvenir.
Je suis bien sensible au souvenir de M. le général Dubosquet. […] Là nous passerions dans notre souvenir tous les événements qui ont changé la face des nations. […] Tout passe, et il ne reste de solide et de consolant que le souvenir du bien que l’on a fait. […] Il pleure quelquefois au souvenir de sa patrie qu’il appelle Taïti. […] Son souvenir me sera toujours agréable.
Né pauvre, de la plus honnête mais de la plus entière pauvreté, d’une famille où l’on mourait de père en fils à l’hôpital, il a raconté lui-même les impressions de son enfance dans ses Souvenirs, un petit poème plein d’esprit, de finesse, d’allégresse et de sensibilité. […] On est tout surpris, en voyant ce simple tableau, d’être involontairement reporté en souvenir à d’autres tableaux bien expressifs des anciens, et de Théocrite par exemple. […] Mes cinq poèmes : L’Aveugle, Mes souvenirs, Françounette, Marthe la folle, Les Deux Jumeaux, m’ont coûté douze années de travail, et ils ne font pourtant en tout que deux mille quatre cents vers. […] Je me dirai : J’étais nu ; l’Église, je m’en souviens, m’a vêtu bien souvent pendant que j’étais petit. […] Mais, de souvenir en souvenir, Jasmin s’aperçoit, dans son propre clos, de plus d’une haie épaisse qu’enfant il a trouée, de plus d’un pommier qu’il a ébranché, de plus d’une vieille treille où on lui a fait la courte-échelle pour atteindre le fin muscat, et il se promet, à son tour, de ne pas être plus dur aux autres qu’on ne l’a été pour lui : Que voulez-vous ?
Les épisodes, ce sont les souvenirs des aïeux sans cesse rappelés, comme une obligation pour les fils et un titre d’orgueil pour les citoyens. […] Pindare vient, au milieu des concitoyens et des amis, saluer le jeune vainqueur, dans la maison de son père, riche citoyen d’Égine ; et tout aussitôt la pensée du poëte s’élève à la joie du patriotisme commun, comme pour y perdre le souvenir de la faute et du malheur de Thèbes. […] Quelle fierté fidèle, et en même temps quel art délicat dans ce souvenir du poëte, qui, se nommant avec orgueil le nourrisson favori de la ville de Thèbes, alors tant répudiée par les Grecs, revendique en même temps pour elle la parenté de la vaillante Égine, naguère l’ennemie, et aujourd’hui la glorieuse alliée d’Athènes ! Dans le langage elliptique du poëte, ce qui est exprimé fait ressortir avec éclat tant d’autres souvenirs sous-entendus et présents ! […] Eschyle, plus heureux, faisait plus encore : il avait contribué de son bras à la victoire qu’il célébrait ; et plus tard, dans l’épitaphe qu’il s’était faite, il oubliait ses poëmes immortels, pour ne se souvenir que de ses services guerriers : « Ci-gît Eschyle, fils d’Euphorion, Athénien mort dans la fertile contrée de Géla.
En même temps qu’il admet que le souvenir du Déluge se montre partout comme un fait historique conservé par la tradition et dont l’idée funeste ne serait point venue naturellement à l’homme, il reconnaît que le souvenir de l’âge d’or peut être le produit d’une imagination heureuse et complaisante qui jette des reflets sur le passé, et pourtant il répugne à y voir une pure fiction : « J’y vois les embellissements de l’imagination, dit-il, mais j’y crois découvrir un fond réel. […] qui ne chérit pas les tableaux riants qu’elle a laissés dans le souvenir. […] Les yeux se tournaient sans cesse vers cette première patrie ; et lorsque la jeunesse eut produit une génération nouvelle, on en parlait à ses enfants, on leur peignait, on leur exagérait sans doute tout ce qu’ils avaient perdu… Et Bailly arrive à conclure que l’âge d’or, cette fable séduisante, n’est que le « souvenir conservé d’une patrie abandonnée, mais toujours chère » : « Les nations où ce souvenir se retrouve ont été transplantées ; ce sont des colonies d’une nation plus ancienne. » Tout ceci est ingénieux, sinon évident ; et Bailly, pour le dire, a deviné quelques-uns des tons de Bernardin de Saint-Pierre, à une date ou ce dernier n’avait encore publié aucun de ses grands ouvrages. […] M. de Mairan, ainsi défini, ressemble parfaitement à ce que Bailly aurait voulu être, à ce qu’il aurait peut-être été dans le souvenir des hommes, si les événements de la politique n’étaient venus le tirer brusquement de sa maison de Chaillot où il vivait en sage, et de sa fenêtre du Louvre où était aussi son observatoire, pour le porter au fauteuil de notre première assemblée publique, et l’installer bientôt en permanence au balcon populaire.
Je ne me souviens point de lui dans nos plaisirs ; mais, comme il a écrit tous les jours, il est plus aisé que je me trompe que lui. […] Mais en ce qui est du journal, ce qui amusait véritablement Mme de Maintenon (elle le dit et ce devait être, elle flatte peu, même ses amis), ce qui lui rappelait ce qu’elle avait oublié et qui l’obligeait parfois à rectifier quelques-uns de ses souvenirs, n’est-ce donc rien pour nous, et ne devons-nous pas savoir gré à celui qui nous met à même d’avoir comme vécu à notre tour en ce temps-là ? J’ai souvent pensé qu’un homme de notre âge qui a vu le Premier Empire, la Restauration, le règne de Louis-Philippe, qui a beaucoup causé avec les plus vieux des contemporains de ces diverses époques, qui, de plus, a beaucoup lu de livres d’histoire et de mémoires qui traitent des derniers siècles de la monarchie, peut avoir en soi, aux heures où il rêve et où il se reporte vers le passé, des souvenirs presque continus qui remontent à cent cinquante ans et au-delà. […] Pour un genre de souvenirs tout vrais, tels que ceux que je voudrais acquérir, Dangeau m’est utile, il est inappréciable ; il fait cheminer jour par jour et entrer dans le manège d’un pas sûr ; on s’y accoutume bientôt et l’on en est. […] Sur ce fond tout uni et qui s’est dessiné en nous sans qu’on y pense, se viendront ensuite placer les scènes piquantes des divers témoins, les anecdotes et les aventures ; mais le tous-les-jours, ce qui fait qu’on se souvient d’une époque non par saillie et fantaisie, mais par cette imagination positive qu’on appelle la mémoire, c’est à lui plus qu’à tout autre qu’on l’aura dû.
Modelon sur la vie, les malheurs et les pensées dernières d’un homme auquel il a voué un culte, et je crois pouvoir en effet appeler l’attention sur cette personnalité énergique et orageuse de Veyrat qui n’a fait que traverser autrefois notre monde parisien, qui n’y avait laissé qu’un souvenir vague, peut-être même équivoque, et qui ne s’est révélée entièrement, qui ne s’est expliquée ou justifiée au vrai dans ses conversions et ses repentirs qu’après le retour de l’exil et aux yeux de ses compatriotes. […] Les idées de mon enfance, les souvenirs du premier âge se réveillaient en moi, peu à peu, au spectacle des scènes qui les avaient fait naître. […] Mon cœur se serrait, et, me voyant isolé, sans une âme où répandre le débordement de la mienne, sans qu’une espérance m’eût suivi jusque-là, je levais les yeux vers les hauteurs pour y chercher quelques traces chéries, des aspects connus, quelques images enfin à l’aide desquelles je pusse remonter mes souvenirs jusqu’aux heureuses journées de ma vie si tôt écoulées et rappelées en vain dans ma détresse. […] » Enfin un soir, après avoir erré sur les montagnes une grande partie de la journée, il se trouva au seuil d’un monastère, d’une chartreuse, et il frappa, comme on le raconte de Dante dont il évoque le souvenir, en demandant la paix, pace. […] Bien des personnes qui ont connu Veyrat dans sa vie parisienne sont, grâce à Dieu, encore vivantes et peuvent se souvenir.
A la nouvelle de cette publication, je répondais à l’honorable exécuteur testamentaire qui voulait bien faire appel à mes souvenirs et à mon jugement sur le poëte : « Boulay-Paty était un de mes plus anciens et fidèles amis. […] Ce n’est pas pour rien qu’il s’appelait Évariste : il tenait de Parny, son parrain poétique, plus que d’Alfred de Musset. » — Je compléterai aujourd’hui et préciserai un peu plus ces souvenirs, mais sans m’astreindre a la notice : il suffit ici d’un profil et d’un médaillon. […] C’est dommage, vraiment, que de telles strophes n’aient pas été faites il y a deux siècles, au lendemain de Malherbe : on s’en souviendrait peut-être ; mais elles viennent trop tard ; c’est trop de mots pour trop peu de sens : Ô Rose, en toi que l’amour rende Hommage aux fragiles destins ! […] Tu ne retiendras rien des traits de mon visage ; Le souvenir, de même, oubliera mon passage ! […] Les nouveaux Souvenirs de celui-ci faisaient tort aux premiers.
laissez-moi vous dire… Je voudrais aussi, dans ces bizarres Caprices de boudoir, faire lire à tous la Reine de la nuit, un souvenir de bal costumé, une adorable vision. […] Mais le public, le grand public, même celui qui lit, ne s’en inquiète nullement, et les générations passent, se succèdent et s’effeuillent, sans presque qu’on s’en souvienne. […] Abel Jeandet (de Verdun), prend soin de nous expliquer dans une introduction avec le zèle et la sympathie d’un compatriote ; je parcours le recueil : c’est tout un monde bourguignon, des souvenirs du cru, des amitiés d’enfance, des paysages naturels, de riches aspects qu’anime la Saône ; puis le combat, la lutte et la mêlée, la souffrance, bien des amertumes, des injustices même éprouvées ou commises, le fouet de la satire qui siffle, et finalement une sorte de tristesse grave et de découragement austère ; — toute une vie, enfin, de quinze années qui se reflète dans des vers inégaux, rudes parfois, vrais toujours et sincères, et dont quelques-uns attestent une force poétique incontestable. […] En traitant cette question d’Art poétique, il y aurait plaisir et profit à mettre en regard le souvenir des histoires en vers, celles de Crabbe, de Wordsworth, de Coleridge : cela éclairerait la discussion, l’égayerait autant qu’il convient, et l’on se trouverait avoir écrit pour les connaisseurs une dissertation, un essai qui tiendrait à la fois d’Hazlitt et d’Addison. […] Comment ne pas donner un souvenir amical et reconnaissant à un ancien et fidèle amateur, contemporain de nos jeunes années, M.
. — Mes souvenirs (1889). — Contes héroïques (1884). — Dames et demoiselles et Fables choisies, mises en prose (1886). — Le Forgeron, scènes héroïques (1887). — Madame Robert (1887). — Le Baiser, comédie en vers (1888). — Scènes de la vie : Les Belles Poupées (1888). — Les Cariatides ; Roses de Noël (1889). Les Exilés ; Les Princesses (1890) — Petites études ; L’Âme de Paris ; Nouveaux Souvenirs (1890). — Poésies nouvelles ; Sonnailles et clochettes (1890). — Le Sang de la coupe ; Trente-six ballades joyeuses ; Le Baiser (1890) […] Tout ce que je voudrais, à propos de ce souvenir, de cette carte de visite poétique adressée à quelques amis et à un petit nombre de lecteurs d’élite, ce serait de marquer dans la littérature contemporaine la place d’un poète auquel il me semble qu’on n’a pas jusqu’ici rendu pleine justice. […] Vraiment il plane et n’effleure que la surface brillante de l’univers, comme un dieu innocent et ignorant de ce qui est au-dessous, ou plutôt comme un être paradoxal et fantasque, un porte-lauriers pour de bon qui se promène dans la vie comme dans un rêve magnifique et à qui la réalité, même contemporaine n’apparaît qu’à travers des souvenirs de mythologie, des voiles éclatants et transparents qui la colorent et l’agrandissent. […] Voyageur des contrées qui sont par-delà l’histoire, soudain transporté ici et qui, à peine dépaysé, exempt d’étonnements, continue d’apercevoir, à travers les choses présentes, l’enchantement de la patrie primitive, toujours ouverte à son souvenir… Venu comme pour clore une époque, alors qu’on s’imaginait assister à la disparition progressive du romantisme, il en concentra les suprêmes lueurs défaillantes, plus intenses de leur sûre agonie, et nous laissa ce spectacle imprévu d’un trophée d’artifice merveilleux.
En rattacherai-je la forme au souvenir de quelque forme littéraire ? […] [Lettre du 13 juillet 1857, insérée dans Charles Baudelaire, souvenirs, correspondances, bibliographie (1872).] […] [Lettre du 27 janvier 1863, insérée dans Charles Baudelaire, souvenirs, correspondances, bibliographie (1872).] […] [Lettre du 22 février 1860, insérée dans Charles Baudelaire, souvenirs, correspondances, bibliographie (1872).] […] Irai-je sous les plantes Porter avec ton ombre des fleurs merveilleuses Pour le souvenir et le grand cœur de la servante ?
Qu’il nous le pardonne, nous ne nous en souvenions plus. […] — et qui y attache le souvenir ! […] IV Nous avons cité une des pièces qui feront connaître le mieux aux instincts poétiques le genre de talent de M. de Gères quand il est essuyé de tout souvenir. […] Mais, jeune ou non, éprouvé par le travail ou caressé par l’inspiration facile, qu’il se souvienne du conseil que nous lui donnons en toute sympathie et dans l’intérêt de ses œuvres futures ; il y a deux hommes en lui, — l’homme de la veine et l’homme de la culture ; l’homme de la poésie sentie et l’homme de la poésie ressouvenue.
En ouvrant ce volume, il est difficile de se défendre d’un rapprochement et d’un souvenir. […] Il se souvint de Marine, de Mniszeck et de ses dettes. […] il est impossible de rappeler ce nom et ce souvenir sans songer à un inévitable parallèle. […] Je me souviens encore — souvenir charmant de la seizième année ! […] Alexandre Dumas, qui touchent aux mêmes souvenirs et aux mêmes personnages.
Froissée par le spectacle de la réalité, l’imagination de Mme de Staël se reporte avec attendrissement vers des créations meilleures et plus heureuses, vers des peines dont le souvenir du moins et les récits font couler nos plus douces larmes. […] » Marie-Joseph Chénier aurait dû se souvenir de tant de passages inspirés par le libre génie de ces années d’espérance, plutôt que de se prendre, comme il l’a fait (Tableau de la Littérature), à un mot douteux échappé sur Condorcet. […] (Voir page 88 du livre intitulé Notice et Souvenirs biographiques du comte Van Der Duyn, etc., recueillis et publiés par le baron de Grovestins, 1852.) […] Les Souvenirs de M. […] Elle siéra d’autant mieux en ce moment qu’un récent souvenir funèbre se doit mêler à cette figure immortelle de Corinne, et qu’on songe inévitablement, en s’occupant de Mme de Staël, à ce que vient de ravir un tombeau.
» s’écrie-t-elle. « Souvenirs des anciens départs ! […] Souvenirs sur M. […] Les souvenirs de M. […] Certaines pages des souvenirs où M. […] Je cite au hasard de mes propres souvenirs.
Portez vos souvenirs sur les faits historiques. […] Le souvenir des croisades a particulièrement répandu sur lui cet intérêt poétique. […] Je ne puis séparer les recherches techniques des souvenirs qui flatteraient votre imagination. […] C’est le souvenir de Charlemagne qui a créé cette vaste épopée, prolongée pendant plusieurs siècles. […] La maison d’Este s’unit dans notre souvenir à la gloire des grands poëtes de l’Italie.
Et tout d’un coup le souvenir m’est apparu. […] Et quand elle avait à faire un mensonge insignifiant et mondain, par association de sensations et de souvenirs, elle éprouvait le malaise d’un surmenage et le regret d’une méchanceté. […] Maintenant voilà que le souvenir de cette tendresse de Mme Verdurin était venu brusquement rejoindre le souvenir de sa conversation de mauvais goût. […] Il ne se produisait chez lui presque aucun allègement de souvenir et c’est, de toute évidence, ce qui l’handicapait si fort dans la vie pratique, car agir c’est d’abord avoir oublié. […] Nous ne manquons pas de livres d’évocation, de livres de souvenirs.
Le poète prévoit sa mort prochaine, et recommande son souvenir à sa maîtresse. […] À quoi bon se souvenir de la veille, à quoi bon songer au lendemain ? […] Ni la richesse du génie, ni l’abondance des souvenirs ne sauraient les modifier. […] Est-il besoin de les apprendre pour s’en souvenir ? […] Le poète français a librement exprimé ce qu’il sentait, et, s’il s’est souvenu d’Ossian en modelant sa pensée, ce souvenir n’a pas altéré l’originalité de la composition.
Cette portion d’art et de réflexion, appliquée à des souvenirs encore tout brûlants et à des émotions toutes naturelles, est ce qui a fait de ce dernier livre de Parny son chef-d’œuvre, la production qu’il n’a plus jamais surpassée ni égalée. […] Cinquante années n’étaient pas encore écoulées que lorsqu’on prononçait simplement le nom d’Éléonore, on ne se souvenait plus de celle de Parny, on ne songeait qu’à la seule et unique Éléonore, à celle de Ferrare et du Tasse : il n’y a que l’idéal qui vive à jamais et qui demeure. […] Tout le monde lui parlait d’Éléonore, et il sentait que pour lui le souvenir même s’enfuyait, s’effaçait déjà dans le passé. […] Quel glorieux souvenir sans tache il eût laissé alors, et quel libre champ ouvert au rêve ! […] Que de souvenirs !
S’il s’agit même d’un souvenir visuelles mouvements sont renaissants : en tous cas, il y a dans le cerveau des mouvements analogues à ceux qui se produisent dans la perception actuelle. […] Si nous n’étions pas avertis sans intermédiaire de la sensation actuelle, nous ne sentirions pas ; de plus, quand même nous pourrions sentir, nous ne pourrions nous souvenir d’avoir senti. […] Est-ce un acte nouveau et original de l’esprit, comme on le prétend d’ordinaire, ou n’est-ce qu’une combinaison de fonctions plus primitives, notamment de souvenirs et d’appétitions ? […] J’ai entendu un son, premier fait ; le souvenir de ce son persiste, second fait ; je désire connaître son acuité, troisième fait ; les souvenirs d’autres sons se réveillent, quatrième fait ; j’aperçois des différences et ressemblances, cinquième fait ; les noms des notes de la gamme se présentent, sixième fait ; l’un de ces noms s’associe au souvenir du son, septième fait. […] Le psychologue a devant lui un monde, celui que l’imagination peut concevoir par le rappel et la combinaison des souvenirs.
Sacountala réveille tous les souvenirs à demi effacés des temps heureux qu’elle a passés avec le héros dans les délices de l’ermitage. […] ce souvenir est comme une flèche empoisonnée qui me donne la mort. […] Mais comment le souvenir de cette infortunée a-t-il pu renaître dans l’esprit de son époux ? […] Te souvient-il, ô mon amour, de notre humble et fortunée cabane sur le bord du torrent qui brille là aux rayons du soleil à travers les branches ? […] Mes années s’écoulent, et, en dépit du temps, rappelées à toute heure par le souvenir, mes douleurs me survivent à moi-même… Hélas !
Vous ne savez pas encore ce que c’est, mais vous cherchez parmi vos idées, c’est-à-dire ici parmi les souvenirs dont votre mémoire dispose, le souvenir qui s’encadrera le mieux dans ce que vous apercevez. […] Le bon sens consiste à savoir se souvenir, je le veux bien, mais encore et surtout à savoir oublier. […] Ce souvenir veut se matérialiser, et dès lors le premier objet venu, n’eût-il avec la forme d’un géant qu’une ressemblance lointaine, recevra de lui la forme d’un géant. […] Le bon sens veut qu’on laisse tous ses souvenirs dans le rang ; le souvenir approprié répondra alors chaque fois à l’appel de la situation présente et ne servira qu’à l’interpréter. […] Mais le rêveur, au lieu de faire appel à tous ses souvenirs pour interpréter ce que ses sens perçoivent, se sert au contraire de ce qu’il perçoit pour donner un corps au souvenir préféré : le même bruit de vent soufflant dans la cheminée deviendra alors, selon l’état d’âme du rêveur, selon l’idée qui occupe son imagination, hurlement de bêtes fauves ou chant mélodieux.
Mais ces chants, nés trop tard, n’étaient que des souvenirs d’autrefois, décolorés et sans vie, comme des souvenirs. […] On le sent bien à l’entraînement qui y règne, ses pièces étaient jetées sans effort dans les intervalles de la passion, entre le souvenir et le désir.
L’histoire en est trouvée dans le chapitre « Souvenirs sur Schnorr » du livre de M. Camille Benoit (Souvenirs de Richard Wagner). […] Souvenirs sur Spontini ; 5. […] Un souvenir de Rossini ; 8. […] Il publia en 1885 ses souvenirs sur le compositeur (Paris, Charpentier).
Émile Bergerat, son gendre : Théophile Gautier, Souvenirs, Correspondance et Souvenirs d’un enfant de Paris. […] Y a-t-il un sujet rebattu, plus usé que celui des souvenirs d’amour ? […] Elle a grandi, parmi les souvenirs toujours présents de la vie d’autrefois, quand Metz était libre. […] À son oncle maternel, et plus encore au souvenir de son grand-oncle, il demandait des conseils et une règle de vie. […] Pour l’évoquer, le poète n’a eu qu’à se souvenir des récits que lui faisait l’enfant rousse, fille du bourreau.
La Révolution frappa sa famille comme toutes celles qui tenaient à l’ordre ancien par leur naissance et leurs opinions : les plus reculés souvenirs de Lamartine le reportent à la maison d’arrêt où on le menait visiter son père. […] En 1813, sa santé s’étant altérée, il revit l’Italie ; un certain nombre de vers des Méditations et beaucoup de souvenirs dont le poëte a fait usage par la suite datent de ce voyage : le Premier Regretdes Harmonies s’y rapporte probablement. […] Toutes les scènes qui ont pour cadre l’Italie, principalement dans les secondes Méditations, ne se rapportent donc pas originairement à l’idée d’Elvire, à laquelle je les crois antérieures ; ou bien elles auront été combinées, transposées sur son souvenir par une fiction ordinaire aux poëtes. […] C’est à un souvenir de ce moment que se rapporte la pièce de vers suivante, dans laquelle on a tâché de rassembler quelques impressions déjà anciennes, et de reproduire, quoique bien faiblement, quelques mots échappés au poëte, en les entourant de traits qui peuvent le peindre. — À lui, au sein des mers brillantes où ils ne lui parviendront pas, nous les lui envoyons, ces vers, comme un vœu d’ami durant le voyage ! […] Cette voix chante les beautés et les dangers de la nuit, l’ivresse virginale du matin, l’oraison mélancolique des soirs ; elle devient la douce prière de l’enfant au réveil, l’invocation en chœur des orphelins, le gémissement plaintif des souvenirs en automne, quand les feuilles jonchent la terre, et qu’au penchant de la vie soi-même, on suit coup sur coup les convois des morts.
Mais quand la pensée et l’âme y tiennent la place qui convient à ce nom d’amour, quand les souvenirs déjà anciens et en mille façons charmants se sont mêlés et pénétrés, quand les cœurs sont restés fidèles, un accident, une froideur momentanée ne sont pas irréparables. […] Il rougissait à ce seul souvenir, peu calviniste d’ailleurs, aussi bien que légèrement catholique, homme sensible, comme bientôt on allait dire, inclinant à la philosophie, mais dissimulant tout cela sous une discrétion habituelle. […] ce n’eût pas été ainsi dans les premiers temps, » lui dit-elle alors, en respirant tristement la rose et le réséda du matin qu’il lui offrait ; et elle le fit souvenir du sentiment délicieux qu’elle avait eu en dormant chez lui à la campagne, sous son toit, dans ce premier printemps : « Oh ! […] Les lettres de Mme de Pontivy étaient plus rares, plus abattues ; tous les souvenirs attiédissants s’accumulaient en elle de préférence, et lui devenaient son principal aliment. […] Le souvenir de la passion perdue m’est plus beau qu’une tiède jouissance.
On se souvient de ce qu’on a senti peut-être, ou plutôt de ce que des maîtres vénérables ont dit qu’il fallait sentir. […] Et le souvenir d’Homère vient d’autant mieux ici que, par un mélange des plus savoureux, M. […] Ce sont des histoires suivies, mais qui s’enrichissent en traversant un esprit très conscient et muni d’un grand nombre de souvenirs et de connaissances. […] Pauvre âme en peine, pauvre âme errante sur l’antique Océan qui berça les premières amours de la terre, cher fantôme, ô ma marraine et ma fée, sois bénie par le plus fidèle de tes amoureux, par le seul peut-être qui se souvienne encore de toi ! […] Hugues Le Roux le disait dans une élégante Chinoiserie : « Toutes les choses de ce monde sont réverbérées, les ponts de jade dans les ruisseaux des jardins, le grand ciel dans la nappe des fleuves, l’amour dans le souvenir.
Ce livre de Souvenirs sur les derniers jours de Shelley et de Byron, publiés à Londres par M. […] On a cru voir dans ces souvenirs (Recollections) une hostilité contre Byron ; et, de fait, si l’hostilité démontrée n’y est pas, la malveillance y est trop évidente ; pour qu’on puisse la contester. […] L’auteur des Souvenirs a compté sur un grand scandale en publiant son horrible Puff si longtemps après décès. […] L’auteur des Souvenirs a rapetissé jusqu’au vice de Byron, car Byron avait un vice. […] voilà une étendue, une totalité d’orgueil que l’auteur des Souvenirs quel qu’il soit, — M.
Témoin encore de cette faveur dont il fut l’objet, et lecteur charmé de Delille dans mon enfance, j’ai peu d’efforts à faire pour rentrer dans l’esprit qui le faisait goûter, et pour me souvenir, en parlant de lui, qu’il a régné, et en quel sens on le peut dire. […] Les Mémoires du temps, la Correspondance de Grimm, les Souvenirs, récemment publiés, de madame Lebrun, nous le montrent dans toute la vivacité et la naïveté de sa gentillesse. […] Tous ces ouvrages, excepté le dernier, le poème de la Conversation, eurent un succès de vente et de lecture dont il est piquant de se souvenir. […] Dans les Souvenirs de la Terreur, par M. […] Méneval, dans ses Souvenirs (t.
Un des épisodes qui se rattachent le plus à son nom et dont ses lettres ont consacré le souvenir, c’est le voyage qu’il fit, en 1787, jusqu’en Crimée, avec l’impératrice Catherine, son ministre Potemkine et tout le corps diplomatique, dont était M. de Ségur, représentant de la France. […] M. de Narbonne seul, comme pour en honorer le souvenir, en offrait un dernier échantillon dans l’état-major de l’empereur ; le reste était comme sorti de terre, gardant de son origine jusque sous l’or et la pourpre, ayant du lion dans le courage, génération toute faite pour la lutte des géants. […] On sent tout le prix de telles remarques fines de la part d’un homme qui a si bien vu, et qui n’a d’autre prétention que de se souvenir avec justesse. […] Ceux qui le veulent connaître dans les dernières années, peuvent lire ce qu’en ont dit le comte Ouvaroff dans ses Esquisses (1848), et le comte de La Garde au tome premier de ses Souvenirs du congrès de Vienne (1843). […] vous êtes décidément les dernières que j’aie adorées au troisième. » Mais cette apparence légère ne faisait que renfermer plus tristement en soi les regrets et les souvenirs : Les souvenirs !
Le souvenir de mes égarements répandit sur ses derniers jours une grande amertume ; elle chargea, en mourant, une de mes sœurs (Mme de Farcy) de me rappeler à cette religion dans laquelle j’avais été élevé. […] Mais les Mémoires d’outre-tombe, écrits si longtemps après, et sous l’influence de tant de souvenirs contradictoires et entrecroisés, n’ont pas une grande valeur en ce qui est de la vérité réelle et positive. […] Il y a de ces remarques qui concernent Parny, Le Brun, Ginguené, Fontanes ; elles ont cela de précieux de n’être point faites à distance et de souvenir falsifié comme les notes de 1826, ni en vue d’aucun public, mais de peindre les choses et les gens à nu, tels qu’on les voit pour soi et qu’on les note à l’instant sur son carnet. […] Revenant en souvenir sur cette époque de sa vie dans ses Mémoires d’outre-tombe et sur cette disposition intérieure où il était après la publication de l’Essai, il ne s’en rendait plus un compte bien exact quand il disait : Je m’exagérais ma faute ; l’Essai n’était pas un livre impie, mais un livre de doute et de douleur. […] Votre souvenir est un de ceux qui m’attendrit davantage, parce que vous êtes selon les choses de mon cœur et selon l’idée que je m’étais faite de l’homme à grandes espérances.
L’amitié qui unit à l’instant ces deux hommes, l’un déjà si distingué et l’autre tout à l’heure illustre, cette alliance presque sacrée qu’ils se jurèrent et dont une correspondance publiée en allemand a immortalisé le souvenir, avait quelque chose de solennel et de théâtral qui est bien du temps ; mais elle garde, aux yeux même d’une postérité plus froide, de l’élévation, de la grandeur, une vraie beauté morale, je ne sais quoi d’antique, un cachet de Pline le Jeune et de Tacite avec une teinte de l’enthousiasme du Nord. […] Souvenez-vous, mon cousin, de m’en envoyer de grands. […] Dans un spirituel chapitre écrit plus tard et qui a pour titre : « Ce que nous avons été et ce que nous sommes, ou l’an 1789 et 1824 », il se reporte à ses souvenirs d’alors ; il montre la ligne de démarcation précise qui sépare deux mondes, cette grande cordillière placée entre deux siècles, ainsi qu’il appelle la Révolution : « Elle sépare, dit-il, des hommes si différents d’eux-mêmes que ceux qui, comme moi, ont vécu dans les deux époques sont étonnés d’être les mêmes hommes. » Il ne se fâche pas, il ne s’insurge pas contre l’irréparable, comme de Maistre ; il ne monte pas sur la montagne pour prophétiser ; mais il la traverse en voyageur de bonne volonté par les cols et les passages qui sont devant lui, et il se plaît à en comparer ensuite les versants opposés et les pentes. […] Les sentiments de regret de tout ce qu’ils avaient perdu renforçaient tellement leurs souvenirs qu’ils devenaient incapables de voir autre chose que ce qu’ils avaient quitté dans leur patrie. […] On ne leur parlait qu’à genoux : Je me souviens, raconte Bonstetten, qu’une des premières informations que j’eus chez moi comme juge fut celle d’une dame accompagnée de ses deux filles.
Coppet et Weimar, par l’auteur des Souvenirs de Mme Récamier (suite et fin.) […] Si elle ne s’est souvenue après coup que de ce qu’elle avait dit de Napoléon, lui, il s’est plutôt souvenu de ce qu’elle lui avait dit des Bourbons : « Hélas ! […] Et comme il faut qu’il y ait toujours quelque chose d’individuel dans ce qui paraît le plus indépendant, elle ajoutait : “Le retour de l’Empereur est prodigieux et surpasse toute imagination ; je vous recommande mon fils.” » Je ne laisse cette mesquine et malicieuse insinuation de la fin que pour montrer que le souvenir est précis, et qu’une lettre d’elle aura été vue, en effet, par le duc de Rovigo. […] Je n’ai répondu à aucune des lettres de Mme de Staël, et j’ai simplement prié Mme Craufurd de la remercier de son souvenir. » Et à la suite de cette lettre si nettement indicative, dans le recueil de la Correspondance de lord Castlereagh46, on lit l’incluse annoncée, portant pour suscription : « Mme de Staël à M. […] Les souvenirs qui l’avaient accompagnée jusqu’ici cessent et expirent ; les écrits seuls sont là désormais, et ils ont besoin d’être complétés, d’être expliqués : le plus fort de leur charme et de leur puissance est dans l’ensemble, et on ne saurait presque en détacher une page entre toutes.
Au reste, si je n’ai pas été élevé dans votre vieux lycée et si je ne suis qu’un Orléanais intermittent, cela n’empêche point, j’imagine, que je ne sois un très bon Orléanais tout de même ; que, en dépit des exils forcés, il n’y ait un coin de ce pays de Loire où est une part de mon cœur, et qu’ainsi je ne me trouve aisément avec vous en communauté de sentiments, de souvenirs et d’affections. […] Quand on embrasse, de quelque courbe de sa rive, la Loire étalée et bleue comme un lac, avec ses prairies, ses peupliers, ses îlots blonds, son ciel léger, la douceur épandue dans l’air, et, non loin, quelque château ciselé comme un bijou, qui nous rappelle la vieille France, ce qu’elle a été et ce qu’elle a fait dans le monde, l’impression est si charmante, si enveloppante, qu’on se sent tout envahi de tendresse pour cette terre maternelle, si belle sous la lumière et si imprégnée de souvenirs. […] Petite fille d’un petit village de la frontière, elle a souffert de ce que souffraient de pauvres gens à cent lieues, à deux cents lieues de là ; elle a conçu, entre eux et elle, un lien d’intérêts, de souvenirs, de traditions, de fraternité, de dévouement à un même homme, le roi, représentant de tous.
Trianon me reste cher, non seulement par des souvenirs d’histoire et de lectures, mais par des souvenirs d’enfance. […] Nous en savions la leçon par cœur : « Cette table, mesdames et messieurs, est faite d’un seul morceau… Cette coupe de malachite fut offerte à Napoléon Ier par l’empereur Alexandre… Admirez la soie toujours fraîche de ces rideaux… » Je me souviens qu’un jour de visite, deux dames en deuil nous avisèrent près de l’orangerie.
Nous allons retrouver ces trois fécondes années dans ses souvenirs, dans ses traductions et dans ses œuvres. […] Je l’avais entrevue enfant pendant mes courts séjours à Mâcon, dans des fêtes chez ma mère, comme un éblouissement précoce d’aurore qui promet une splendeur de beauté plus tard ; quand la beauté tient ses promesses, elle devient monumentale, et ce fragile monument de la nature devient immortel et classique par le souvenir. […] À chaque île son impression, sa citation, son anecdote, son souvenir touchant ou local, son enchantement, sa mémoire ! […] Le consul lui-même, familiarisé avec de nouvelles mœurs, avait peine à se souvenir en ma faveur des habitudes françaises. […] Agité de souvenirs, je ne pus fermer l’œil du reste de la nuit ; au point du jour, j’appelai mon guide.
Peut-être quelques-uns de ces touchants souvenirs que conservent les âmes les plus fortes, et qui par moments les percent comme un glaive, lui vinrent-ils à ce moment. […] Le souvenir d’horreur que la sottise ou la méchanceté de cet homme laissa dans la tradition chrétienne a dû introduire ici quelque exagération. […] Chaque disciple y rapporta ses plus chers souvenirs, et une foule de traits touchants que chacun gardait du maître furent accumulés sur ce repas, qui devint la pierre angulaire de la piété chrétienne et le point de départ des plus fécondes institutions. […] Par une illusion inévitable, on prête aux entretiens qu’on a eus alors avec elle un sens qu’ils n’ont pris que par la mort ; on rapproche en quelques heures les souvenirs de plusieurs années. […] Un haut sentiment d’amour, de concorde, de charité, de déférence mutuelle animait du reste les souvenirs qu’on croyait garder des dernières heures de Jésus 1084.
Car c’est une des plus originales figures dont nous ayons gardé souvenir. […] comme il vibre toujours, comme il palpite, comme il se souvient de tout ! […] Souviens-toi ! oui, nous nous souvenons ! […] Comme ces doux souvenirs d’enfance s’encadrent bien dans ce frais paysage !
Ce livre est écrit beaucoup avec le rêve, un peu avec le souvenir. Rêver est permis aux vaincus ; se souvenir est permis aux solitaires.
Là-dessus les souvenirs des contemporains ne tarissent pas ; quand une fois le nom de Nodier est prononcé devant le bon Weiss (aujourd’hui inconsolable), devant quelqu’un de ces amis et de ces témoins d’autrefois, tout un passé s’ébranle et se réveille, les histoires, les aventures s’enchaînent et se multiplient, l’Odyssée commence. […] Bien que dans ses Souvenirs de Jeunesse, et dans cette foule d’anecdotes et de nouvelles publiées, il n’ait cessé de puiser à la source secrète et d’y introduire le lecteur, on peut assurer que, si on ne l’a pas entendu causer, on ne le connaît, on ne l’apprécie comme conteur qu’à demi. […] Le souvenir, la réminiscence, le songe, venaient donc à son aide, et lui obéissaient au moindre signe, comme des esprits familiers et consolants. […] La réunion était complète, on s’asseyait : c’est alors qu’il s’animait par degrés, que sa parole facile, élégante, retrouvait ses accents vibrants et doux, que le souvenir évoquait en lui les Ombres de ce passé charmant qu’il redemandait tout à l’heure au sommeil ; le conteur-poète était devant nous ; nous possédions Nodier encore une fois tout entier.
Madame de Staël, dès 1796, avait un sentiment profond et consolant de l’humanité libre, de la société régénérée ; elle était poussée vers l’avenir par une sorte d’aspiration vague et confuse, mais puissante ; elle gardait du passé un souvenir triste et intelligent ; mais elle se sentait la force de s’en détacher et de lui dire adieu pour se confier au courant des choses et au mouvement du progrès, sous l’œil de la Providence. […] M. de Chateaubriand, plus fort, plus grand homme, et sachant mieux à quoi se prendre, frappa bien davantage ; lorsqu’il commença pourtant, il était moins que madame de Staël en harmonie avec l’esprit progressif et les destinées futures de la société, mais il s’adressait à une disposition plus actuelle et plus saisissable ; il s’était fait l’organe éclatant de tout ce parti nombreux que la réaction de 1800 ramenait vivement aux souvenirs et aux regrets du passé, aux magnificences du culte, aux prestiges de la vieille monarchie. […] On a pu plaisanter fort agréablement sur le Cénacle littéraire ; et, certes, il faut le laisser parmi les souvenirs de la Restauration, où il avait bien le droit de figurer à distance respectueuse du canapé politique. […] L’art se souvient du passé qu’il a aimé, qu’il a compris, et dont il s’est détaché avec larmes ; mais c’est vers l’avenir que tendent désormais ses vœux et ses efforts ; sûr de lui-même, intelligent du passé, il est armé et muni au complet pour son lointain pèlerinage.
Elle ressemble à ces escaliers de l’Enfer, qu’on ne monte ni ne remonte jamais… Un écrivain de forte intelligence, qui se moque de tout, excepté des faits, Taine, que j’ai loué et que je suis prêt à louer encore, a écrit l’histoire de la Révolution, mais en la prenant par en bas, — dans la boue sanglante où elle s’est vautrée et où elle doit rester dans la mémoire des hommes, et cela fît, si l’on s’en souvient, un assez glorieux scandale… Les scélératesses et les canailleries révolutionnaires sont entassées dans le livre de Taine, à l’état compact, pour entrer, d’un seul coup, dans l’horreur des cœurs bien placés et des esprits bien faits. […] Eh bien, on ne s’en souvient plus ! […] Mais on se souvient toujours du dévouement par lequel Fersen vécut, dans un court instant de sa jeunesse, et à travers lequel on le verra toujours, dans l’immortalité de Celle à laquelle il s’était si absolument et si inutilement dévoué ! […] … Ne nous répondons pas, ne cherchons pas, ne nous souvenons pas, par pitié et par respect pour elles !
. — Cinglons les souvenirs et cinglons vers les rêves (1900). — Sonnets (1901). […] Stéphane Mallarmé « Une naturelle et élégante badine qui cingle des fleurs et, par instants, rylhme songeur un souvenir… » [Lettre (juin 1897).]
Charles Lomon de fort remarquables scènes qui n’appartiennent qu’à lui-même, et, en outre, lorsqu’il se souvient trop visiblement, il a une façon très personnelle de dramatiser ses souvenirs.
Eugène Crépet Il a, dans ses volumineuses œuvres, laissé d’admirables vers que les plus illustres contemporains signeraient hardiment, et cependant c’est à peine si son nom est sorti de cette pénombre qui confine à l’oubli… Entre toutes ces pièces, une surtout fut remarquée c’est celle qui a pour titre : Hommage aux mânes d’ André Chénier , et qui se termine par ces vers : Adieu donc, jeune ami, que je n’ai pas connu un de ces vers-proverbes qui profitent plus au public qu’à leur auteur, car tout le monde s’en souvient et les cite, sans que personne puisse dire qui les a écrits. […] [Souvenirs poétiques de l’école romantique (1880).]
Félicité passée, Qui ne peux revenir, Tourment de ma pensée, Que n’ai-je en te perdant, perdu le souvenir ! […] il ne me reste De mes contentemens, Qu’un souvenir funeste, Qui me les converit à toute heure en tourmens.
Souvenons-nous seulement que l’historien fut un poète. […] » Les hommes sont oublieux ou se souviennent trop. Sainte-Beuve, lui, se souvint. […] Les souvenirs washingtoniens de toutes sortes y abondent. […] Pontchartrain qui brûle est un souvenir qui s’en va.
Bertin et Parny se souviennent trop peu, dans leurs vers, de l’île et de la nature où ils sont nés ; ils en ont pourtant gardé quelque flamme. […] Ces délicieuses romances Douce chimère, et Vous souvient-il de cette jeune amie ? […] « J’ai aussi tous les souvenirs de ton séjour en Espagne et de sa terrible conséquence, pauvre frère ! […] J’en avais presque honte ; mais je me suis souvenu à propos de ce que vous m’avez dit un jour, qu’il vous serait difficile de faire le portrait physique de ceux que vous aimez. […] … Espérons… » C’est cette sœur aînée Cécile, qui avait appris à lire à la jeune Marceline, tout enfant, et l’on trouve en maint passage des poésies un souvenir esquissé de cette douce figure.
Il serait peu généreux en toute autre circonstance de s’en souvenir et de venir rappeler des ouvrages de lui appartenant par leur nuance à la littérature la plus moderne, et qu’il semble avoir si parfaitement oubliés ; mais tout se tient, et il est des contre-coups bizarres à de longues distances. […] Dès le début, les aboiements des molosses nous ont reporté à l’arrivée d’Ulysse chez Eumée ; tous ces souvenirs s’entrelacent heureusement et se combinent. « Ne devait-on pas s’attendre au moins, s’écrie M. […] Et souvenez-vous de moi dorénavant lorsqu’ici viendra, après bien des traverses, quelqu’un des hôtes mortels, et qu’il vous demandera : « O jeunes filles, quel est pour vous le plus doux des chantres qui fréquentent ce lieu, et auquel de tous prenez-vous le plus de plaisir ? […] Méléagre était un Attique né en Syrie, à peu près contemporain de Cicéron ; il a laissé, entre autres petites pièces, une jolie idylle sur le Printemps, dont Chénier s’est souvenu dans son élégie première. […] C’est Méléagre qui la donne, et c’est pour l’illustre Dioclès qui s’est appliqué à ce souvenir de grâce.
L’Égypte est éclipsée ; l’Égypte ressemble à ces étoiles dont les astronomes du temps de Ptolémée nous parlent, mais qui se sont ou éteintes ou enfoncées dans les distances incommensurables de l’éther : leur lueur, incontestée alors, n’est plus aujourd’hui qu’un souvenir du firmament. […] L’imagination est le second, parce qu’elle colore ces choses dans le souvenir et qu’elle les vivifie. Le sentiment est le troisième, parce que, à la vue ou au souvenir de ces choses survenues et repeintes dans notre âme, cette sensibilité fait ressentir à l’homme des impressions, physiques ou morales, presque aussi intenses et aussi pénétrantes que le seraient les impressions de ces choses mêmes, si elles étaient réelles et présentes devant nos yeux. Le jugement est le quatrième, parce qu’il nous enseigne seul dans quel ordre, dans quelle proportion, dans quels rapports, dans quelle juste harmonie nous devons combiner et coordonner entre eux ces souvenirs, ces fantômes, ces drames, ces sentiments imaginaires ou historiques, pour les rendre le plus conformes possible à la réalité, à la nature, à la vraisemblance, afin qu’ils produisent sur nous-mêmes et sur les autres une impression aussi entière que si l’art était vérité. […] Sa sépulture fut dans tous les souvenirs, son monument dans ses propres vers.
Quand il concourait à l’académie de Lyon en 91, il avait du ton de l’abbé Raynal ; quand il écrivait en 96 des lettres passionnées à Joséphine, il se souvenait encore de La Nouvelle Héloïse. […] Il dut noter cette conversation, de souvenir et peu après l’avoir entendue. […] Napoléon, en dictant, ne pense pas seulement, il agit ; ou, quand il se souvient, il a tant de choses à ressaisir, qu’il les presse dans le moindre espace. […] Aujourd’hui que l’action est plus éloignée, et que la parole reste, celle-ci se montre avec ses qualités propres, et en même temps le souvenir de l’action y projette un reflet et comme un rayon. […] On se souvient des récits du naïf Joinville, si peu semblable aux Monge et aux Berthollet.
Et en général, quand on revient, après quelques années d’intervalle, sur d’anciens articles de critique et de polémique, on est frappé de la disproportion qui paraît entre ces articles mêmes et l’effet qu’ils ont produit ou le souvenir qu’ils ont laissé. […] On le sent tout d’abord chez Hoffman, le journaliste se souvient de l’auteur dramatique ; il introduit dans la critique un peu de comédie, de la mise en scène, des dialogues : ce critique sait manier et faire jouer les personnages. […] C’est en l’approchant de plus près qu’il m’a été donné d’apprécier tout à fait cet esprit resté jeune, nourri d’anecdotes, d’agréables propos, rempli des souvenirs de son temps, nullement fermé aux choses du nôtre. […] Il fallait voir comme il jouissait de tout, de lui-même et des autres, comme son visage aussitôt s’éclairait d’un souvenir, d’un trait heureux, que ce fût lui ou un autre qui l’eût dit. […] Je n’ai voulu ici que rappeler, à son sujet, quelques souvenirs d’une génération désormais disparue.
Mais aujourd’hui, après seize années révolues, lorsque nous relisons l’ouvrage imprimé dans toute sa suite, en nous dégageant de tout souvenir complaisant et en nous interrogeant en toute liberté, que pensons-nous ? […] Pour le prouver, il suffirait d’opposer à M. de Chateaubriand lui-même ses propres souvenirs et ses témoignages, qu’il a consignés dans le livre de l’Essai, publié en 1797. Chamfort, à cette époque, n’était déjà plus ; l’auteur de l’Essai parle de lui avec les souvenirs les plus présents et avec un accent presque affectueux : Je l’ai souvent vu, dit-il, chez M. […] Or, une telle imagination est précisément le don et la gloire de M. de Chateaubriand ; il est curieux de voir combien, à ce miroir brillant, il s’est inexactement souvenu de ses propres impressions antérieures, et comme il leur a substitué, sans trop le vouloir, des impressions de fraîche date et toutes récentes. […] On a peine, dans bien des cas, à saisir le fil très léger qui unit l’idée présente à la réminiscence, au souvenir que l’auteur évoque.
Ainsi, dans son voyage à Venise en 1833, revenant sur les souvenirs que lui rappelle cette mer où il s’était embarqué, vingt-sept ans auparavant, en pèlerin pour la Palestine, il s’écriera : Mais ai-je tout dit dans l’Itinéraire sur ce voyage commencé au port de Desdemona et d’Othello ? […] Aurait-on gardé mon souvenir ainsi que j’avais traversé mes épreuves ? […] Ce n’est guère que dans les souvenirs d’enfance que l’auteur a osé ou voulu dire un peu plus. […] On se demande quelle idée traverse l’esprit du narrateur, en ce moment où il devrait être tout entier à la chaste douleur du souvenir. […] Ce que voulait M. de Chateaubriand dans l’amour, c’était moins l’affection de telle ou telle femme en particulier que l’occasion du trouble et du rêve, c’était moins la personne qu’il cherchait que le regret, le souvenir, le songe éternel, le culte de sa propre jeunesse, l’adoration dont il se sentait l’objet, le renouvellement ou l’illusion d’une situation chérie.
Mais les générations venues depuis sa mort ne savent plus bien ce qu’était ce personnage intrépide et inachevé, si souvent invoqué comme chef dans les luttes politiques, cet écrivain dont il ne reste que peu d’ouvrages et un souvenir si supérieur à ce qu’on lit de lui. […] Mais souvenez-vous que la Révolution est finie. […] Cette aune, reprochée ainsi publiquement, lui resta longtemps sur le cœur ; pourtant la phrase de début du général d’Albignac : « C’est dommage que vous ne soyez pas né vingt-cinq ans plus tôt », réparait un peu l’impression en lui ; l’à-propos de sa propre réponse était fait aussi pour le réconcilier avec ce souvenir, et il aimait plus tard à raconter l’anecdote à ses heures de bonne humeur et de gaieté, en imitant le ton de voix et les gestes du général11. […] Une quantité de Piémontais, de Polonais, anciens militaires de l’Empire, et un moindre nombre de Français, se trouvaient réunis dans cette ville ; ils y furent organisés en légion, sous l’aigle et le drapeau tricolore, par le colonel Pacchiarotti, officier piémontais d’un grand caractère, et dont Carrel ne s’est jamais souvenu depuis qu’avec un sentiment profond : il le citait toujours quand il parlait des hommes créés pour commander aux autres hommes. […] Une fenêtre légèrement entrouverte près de son lit a montré qu’après avoir éteint sa lumière et s’être plongé dans l’obscurité, il avait fait effort pour apercevoir un peu du jour qui naissait et qui ne devait plus éclairer que son cadavre… Enfin, il a senti qu’il était seul, bien seul, abandonné de tout sur la terre ; qu’il n’y avait plus autour de lui que les fantômes créés par ses derniers souvenirs.
Il y continua les mêmes accents sous un ciel plus favorable et dans l’ardeur d’un apostolat plus impérieux : mais en même temps il y fut poëte de la nature et de la vie privée ; il y fut poëte inspiré par les lieux comme par les souvenirs, mêlant ses joies de famille à ses épreuves de missionnaire, son amour humain à ses espérances célestes. […] Les poésies de sa jeunesse nous offrent en vers élégants quelques versions de Pindare, des bardes du Nord ou des poëtes d’Asie ; mais les grands souvenirs de la Bible et les fêtes de l’Église chrétienne sont sa plus touchante inspiration. […] le bourgeon naissant est cueilli par le martyre ; la fleur s’épanouira dans les cieux. » C’est ainsi que presque tous les pieux souvenirs du christianisme, les mystères de la foi, les fêtes du culte, les noms des saints consacrés, furent célébrés par l’évoque-poëte. […] « Ô vous, souffles des vents, portez ce souvenir, et vous, vagues roulantes, entraînez-le dans votre cours, de sorte qu’il s’étende, comme une surface lumineuse, d’un pôle à l’autre, jusqu’au moment où l’Agneau immolé pour les pécheurs, le Rédempteur, le Roi, le Créateur, rétablira sur notre nature sauvée son règne béni ! […] Puisse le pieux souvenir et la vertu chrétienne d’un tel homme, d’accord avec d’autres voix évangéliques, inspirer un peu de honte à ces barbares civilisés, qui fondent la liberté de quelques districts du Septentrion américain sur l’esclavage, et naguère maintenaient l’inviolabilité de l’esclavage par l’oppression et l’assassinat des contradicteurs !
Ils adoptèrent des dieux qui n’étaient point les nôtres, des mœurs qui nous étaient étrangères, et répudièrent tous les souvenirs français pour se transporter dans les souvenirs de l’antiquité. […] Le génie de Corneille s’en fût honoré, et elles font souvenir de quelques dialogues de Platon. […] Tel est le souvenir invariablement attaché au nom de M. de Sèze. […] De là vient qu’au souvenir de Louis XVI se réunit et se confond le souvenir de cette foule de victimes sacrifiées par la Révolution. […] Dès lors, les souvenirs de sa mort jetaient dans toutes les âmes une impression religieuse.
[Souvenirs personnels (1880).] […] [Souvenirs personnels (1883).]
. — La Gloire du souvenir (1872). — Poésies : les Amours, la Vie, l’Amour (1866-1874). — La Chanson des heures (1874-1878). — Dimitri, opéra en 5 actes (1876). — Les Ailes d’or (1878-1880). — Myrrha, saynète romaine (1880). — Monsieur, comédie-bouffe en 3 actes (1880). — Le Pays des roses (1880-1882). — Galante Aventure, opéra-comique en 3 actes (1882). — Le Chemin des étoiles (1882-1885). — Les Malheurs du commandant Laripète (1882). — Les Farces de mon ami Jacques (1882). — Mémoires d’un galopin (1882). — Le Péché d’Ève (1882). — Pour faire rire (1882). — Le Filleul du Docteur Frousse-Cadet (1882) […] — Portraits et souvenirs (1886-1891). — Histoires extravagantes (1892). — Pour les amants (1892). — Le Nu au Salon (1888 à 1892). — Les Drames sacrés (1893). — Amours folâtres (1893). — Contes désopilants (1893). — Facéties galantes (1893). — Histoires abracadabrantes (1893). — Le Nu au Salon (1893). — Sapho, 1 acte, en vers (1893). — Fantaisies galantes (1894). — La Cosake (1894). — Nouvelles gaudrioles (1894). — Le Nu au Salon (1894) […] Les enthousiastes (il n’en manquait pas alors) eussent salué en l’amante du poète une nouvelle Sophia ; les Renaissances et la Gloire du souvenir, venues à cette heure de l’humanité, eussent donné naissance à une doctrine hermétique.
L’empereur se souvient du serment de Madrid violé, et promet. […] De quoi M. de Lamartine s’est-il souvenu ? […] C’est là, si je ne me trompe, le plus clair de ses souvenirs. […] Les applications et les souvenirs abondent. […] Il retrouve l’une dans ses souvenirs, et l’autre dans sa conscience.
Chronique wagnérienne, par Alfred Ernst Notes sur Tristan et Isolde par Houston Stewart Chamberlain La question Seghers, par Léon Leroy Souvenirs sur Lohengrin, par Gérard de Nerval Bibliographie : Richard Wagner en France (Georges Servières) ; Les lithographies de Fantin-Latour, reproduction photographique, etc. […] Nouvelles Chronique wagnérienne, par Alfred Ernst Souvenir, par Villiers de l’Isle-Adam Quelques lettres de Wagner et du roi Louis II de Bavière Lohengrin à Paris (complément) Mois wagnérien Correspondances VI — Juillet-Aout 1887 Considérations sur l’art wagnérien, par Edouard Dujardin VII — Septembre-Octobre 1887 Les fêtes de Bayreuth en 1888 La Walküre de Richard Wagner et la Valkyrie de M.
La vague en a paru rouge et comme enflammée : Ce soir ma robe encore en est tout embaumée… Respire-s-en sur moi l’odorant souvenir. […] Des deux filles qu’elle perdit, l’une, l’aînée, personne d’un rare mérite, d’une sensibilité exquise jointe à une raison parfaite, était poète aussi ; dans des vers d’elle sur le jour des morts, je me souviens de celui-ci qui s’adressait aux êtres chers qui nous ont été ravis : Vous qui ne pleurez plus, vous souvient-il de nous ? […] Elle a été plus qu’une muse, elle n’a jamais cessé d’être la bonne fée de la poésie ; et dans mes nombreux souvenirs du cœur, mon titre le plus doux est d’avoir conservé sa sympathie qui m’a suivi à travers tous mes barreaux.
Le souvenir seul de son soleil vous réchaufferait jusque sur les glaces du pôle ; on l’adore, bonne mère ou marâtre ; on se ferait vingt fois tuer, dût-elle être ingrate, pourvu qu’elle fût plus belle encore ; — on a vu dans l’histoire des idiots et des scélérats la posséder ; nul n’a jamais pu ni l’humilier ni l’asservir. […] Raspail, qui avait continué de vivre en Belgique, à la nouvelle de cette mort, ait écrit cinq jours après au fils de la chère défunte cette lettre pathétique et grave, qui mérite de rester attachée à sa mémoire comme la suprême oraison funèbre : « Monsieur, j’ai lu et relu, les yeux remplis de larmes, votre pieuse lettre ; c’est le dernier adieu que votre illustre mère vous a chargé de me transmettre, vous, le légataire universel de ses souvenirs, de ses affections et de ses grandes qualités. […] Elle a été plus qu’une muse, elle n’a jamais cessé d’être la bonne fée de la poésie, et dans mes nombreux souvenirs de cœur, mon titre le plus doux est d’avoir conservé sa sympathie qui m’a suivi à travers tous mes barreaux. […] Restez, monsieur, le culte vivant de sa mémoire : les lettres ont plus que jamais besoin qu’on leur rappelle souvent de ces beaux souvenirs.
Un cri de souffrance, une plainte sans développement, sans souvenir, sans prévoyance, exprime les impressions du moment, montre quel était l’état de l’âme avant que la réflexion eût placé au dedans de nous-mêmes un témoin de nos mouvements intérieurs. […] Les seuls noms d’Ajax, d’Achille, d’Agamemnon, produisaient d’abord une émotion de souvenir. […] Cet enthousiasme de liberté qui caractérise les Romains, il ne paraît pas que les Grecs l’éprouvassent avec la même énergie : ils avaient eu beaucoup moins d’efforts à faire pour conquérir leur liberté ; ils n’avaient point expulsé du trône, comme les Romains, une race de rois cruels, propre à leur inspirer l’horreur de tout ce qui pouvait en rappeler le souvenir. […] En effet, les souvenirs sont toujours de quelque chose dans l’attendrissement ; et loin qu’il soit nécessaire, dans les sentiments comme dans les pensées, de captiver l’attention par des rapports nouveaux, quand on veut faire couler des larmes c’est le passé qu’il faut rappeler.
Je me souviens même d’avoir lu, il n’y a pas bien longtemps, une pièce de vers qui aurait réconcilié Platon même avec la poésie. […] Je me souviens de la réponse faite à ce grand seigneur qui ayant envie, comme M. […] Il est certain que les ouvrages qui joignent l’instruction à l’agrément, ont la première place auprès de moi ; et ce même Horace, que je ne me lasserai point de vous citer, pensait aussi de même : souvenez-vous de l’ omne tulit punctum qui miscuit utile dulci . […] je pense qu’on ne peut jamais savoir parfaitement qu’une seule langue ; c’est la sienne propre : encore cela est-il rare ; et je me souviens que Despréaux avait fait une espèce de dialogue satirique contre les versificateurs latins modernes, qu’il supprima de son vivant, pour ne point blesser trois ou quatre latinistes de ses amis, et surtout de ses admirateurs, qui avaient pris la peine de mettre en vers latins son ode sur Namur ; ouvrage d’ailleurs si faible et si défectueux, que les traductions même, toutes latines qu’elles sont, ne paraissent pas au-dessous de l’original.
Plus poète, plus vraiment poète quand il est involontairement le catholique du passé que quand il est l’athée de l’heure présente ; plus poète quand il remonte par la pensée dans ce monde qui a dormi (dit-il) que quand il est dans ce monde qui s’éveille, Laurent Pichat, au lieu d’appeler son livre : Les Réveils, aurait mieux fait de l’appeler : Les Regrets ; car ce qui vibre le plus dans ce livre et ce qui y prend irrésistiblement le cœur, c’est la vie vécue, c’est la puissance des souvenirs et leur mélancolie amère. […] Seulement, ce que je veux exclusivement vous faire entendre pour vous prouver que nous avons ici affaire à un poète, ce n’est pas l’expression réussie de la haine qui se croit victorieuse, mais c’est l’accent éternellement cruel et doux de la vie passée, qui, finie, crée immédiatement l’infini du souvenir dans nos cœurs. […] La passion s’allume et l’âme repliée Montre un tel désir d’être à jamais oubliée, Qu’elle veut laisser, dans le pli D’un lac et dans des vers qui serviront de socle, Quelque chose d’étrange et du genre Empédocle, Un souvenir de son oubli. […] C’est par là qu’il rentre dans la plénitude et la pureté de sa nature, trop longtemps faussée, et qu’on oublie les idées qu’on déteste et que souvent il exprime, pour ne se souvenir que des sentiments qu’on adore !
J’ai beaucoup connu et beaucoup aimé Mathieu de Montmorency, je garde pour sa mémoire un souvenir qui tient du culte ; mais ce souvenir ne m’empêche pas de juger l’homme avec la froide sagacité que le temps donne même à la tendresse des souvenirs. […] Récamier de la haute fortune dont il éblouissait Paris et dont il faisait jouir sa femme ; il faut lire ce récit pathétique dans un fragment écrit des souvenirs de la pauvre Juliette. […] Le prince commanda à Gérard un portrait de celle dont il ne pouvait aimer que le souvenir et emporter que l’image en Prusse. […] Je l’ai beaucoup connu et j’ai gardé de lui un souvenir reconnaissant. […] Je ne me souviens pas tant du soleil que j’ai vu briller sur bien des fronts !
» et il allait rappeler quelques souvenirs de leur liaison. « Je ne me souviens pas de ce que j’ai été », lui répondit Tibère. […] Il ne restait donc à la poésie que le champ de l’imitation et des souvenirs. […] Il ne s’est conservé que peu de souvenirs de son jeu théâtral. […] C’est au contraire d’un amas de science et de souvenirs que Milton fait jaillir son originalité.
Celui-ci, au moment de l’expédition, était jeune, dans la fleur de l’espérance et de la confiance première ; et lorsque plus tard, parvenu à l’âge le plus avancé, il retraçait ses souvenirs chéris, il était dans son beau châtel de Joinville, entouré des objets de ses affections et de tout ce qui pouvait lui rendre le sourire. […] Certes l’enthousiasme d’un tel homme, s’attachant à l’heure la plus brillante du souvenir, a tout son prix : Le temps fut beau et clair, dit-il en parlant de ce jour mémorable où l’on appareilla de Corfou, et le vent bon et clément ; aussi laissèrent-ils leurs voiles aller au vent ; et bien l’atteste le maréchal Geoffroi qui dicta cet ouvrage et qui n’y a dit mot, à son escient, qui ne soit de pure vérité, comme celui qui assista à tous les conseils ; bien atteste-t-il que jamais si grande chose navale ne fut vue, et bien semblait que ce fût expédition à devoir conquérir des royaumes ; car, aussi loin qu’on pouvait voir aux yeux, ne paraissaient que voiles de nefs et de vaisseaux, tellement que le cœur de chacun s’en réjouissait très fortement. […] s’écrie tout d’un coup Nicétas en s’interrompant, le Barbare devance mes paroles ; il est emporté plus rapide dans sa course que l’aile de l’Histoire, et aucun obstacle ne l’arrête ; car elle, elle en est encore à le montrer saccageant Thèbes, s’emparant d’Athènes, envahissant l’Eubée : mais lui, il ne marche pas, il vole, il traverse les airs laissant en arrière tout récit ; il marche vers l’Isthme, il renverse l’armée romaine qui lui barre le passage ; il pénètre dans cette ville assise sur l’Isthme même et qui était jadis l’opulente Corinthe ; il se porte à Argos, il enveloppe tout le pays de Lacédémone, il s’élance dans l’Achaïe, court de là à Méthone, et se rue sur Pylos, la patrie de Nestor : puis, arrivé aux bords de l’Alphée, il s’abreuvera, je pense, de ses ondes, et, s’y baignant, il y puisera le souvenir de la tradition antique et gracieuse ; et, dès qu’il aura su que le fleuve s’est fondu d’amour pour Aréthuse, la source de Sicile, qui désaltère les fils de l’Italie, je crains fort que, ne faisant violence au fleuve lui-même, il n’écrive sur ses eaux et ne fasse savoir par lui à ses compatriotes de là-bas les exploits dont ont souffert les Grecs. […] La veine où il puise ses images est celle des livres et des souvenirs classiques ; la source peut sembler déjà bien ancienne et refroidie : il l’a rajeunie et vivifiée cette fois par son émotion88. […] Voltaire, évidemment, s’est souvenu de Virgile (Églogue X) : « Sic tibi cum fluctus subterlabere Sicanos… » Je ne sais pourtant si, à travers l’harmonie, on n’a pas à remarquer dans ces vers une espèce d’inexactitude.
Dans le volume qu’il intitule Chants modernes, il a eu plus d’un dessein : il n’a pas voulu seulement recueillir les vers personnels et lyriques dans lesquels il a célébré ses rêves, ses désirs, ses amours, ses tristesses et ses souvenirs, il a prétendu ouvrir la route à des chants nouveaux, à l’hymne des forces physiques, des machines et de l’industrie. […] Maxime du Camp (il est juste de s’en souvenir en jugeant le poète) est avant tout un voyageur, un voyageur consciencieux, infatigable, qui voit tout des lieux lointains qu’il visite, et qui de cette Haute Égypte, de cette Nubie presque inaccessible, rapporte non seulement des images brillantes, propres à orner des pages de récits, mais les empreintes positives des lieux et des monuments obtenues à l’aide des procédés modernes courageusement appliqués sous le soleil. […] Certes, M. de Lamartine a rendu en 1848 à la société des services dont il serait ingrat de perdre le souvenir ; mais littérairement, depuis des années, soit qu’il écrive l’Histoire de Turquie, soit qu’il emprunte celle de Russie à M. […] Ce sont ses souvenirs des Feuillantines à lui, c’est sa Tristesse d’Olympio. […] On doit choisir, quand on veut les peindre, entre ses souvenirs et même entre ceux d’autrui.
Chaque sensation, on s’en souvient, s’associe et s’agrège avec sa classe, son ordre et sa variété, grâce à l’irradiation des mouvements cérébraux dans les parties similaires qui produisent des impressions similaires. […] Le sentiment de la personnalité est un composé de tous nos souvenirs, qui répond à la masse durable de notre cerveau. […] Lorsque, dans l’état nouveau de la conscience, il reste encore un souvenir de l’ancien état, l’être s’apparaît toujours à lui-même comme un ; s’il y a une scission plus complète, il semble scindé en deux et peut alors attribuer à un autre ce qu’il a fait lui-même. […] De plus, l’image de la jouissance passée continuant d’accompagner la sensation présente, l’être tendra à maintenir cette image, à faire ainsi du passé le perpétuel accompagnement du présent, à multiplier le présent par le passé : il deviendra avide du souvenir, ce moyen de prolonger en arrière son existence, comme il est avide de tout ce qui peut amplifier et étendre sa vie. […] Que l’image de la dent subsiste avec celle de la douleur, le mouvement de fuite se produira et, l’identité se projetant du passé à l’avenir, l’être deviendra capable de prévision par le souvenir même.
Étranger à toutes les carrières et à toutes les coteries ; privé même, pour le moment, de la ressource de mes livres, je suis réduit à ne consulter que mes propres impressions, à ne prendre mon érudition que dans mes souvenirs. […] Ne semble-t-il pas alors que jamais écrivain ne fut placé dans une position plus heureuse, sous le rapport de l’indépendance, puisque je ne tiens mes opinions ni des hommes, ni des choses, ni de ma position dans le monde, ni d’un sentiment personnel et intéressé qui me fasse aimer ou craindre les circonstances actuelles, chérir ou redouter les souvenirs anciens ? […] Puisse notre monarque, qui est venu régner aussi sur le peuple des souvenirs et sur le peuple des destinées nouvelles, consolider son ouvrage, en consommant parmi nous celui de Numa ! […] D’anciens souvenirs ne s’effacent pas de suite ; des traditions antiques laissent des traces ; des préjugés subsistent encore longtemps après qu’ils sont déracinés. […] Pourquoi abjurer les souvenirs antérieurs à la révolution, ou ne les rappeler que pour les flétrir ?
[Souvenirs poétiques de l’école romantique (1880).] Maurice Tourneux La vénalité de l’homme et les défauts inhérents aux facultés mêmes de l’improvisateur ont singulièrement nui à la gloire littéraire de Barthélemy, que protège seul aujourd’hui le souvenir de la première Némésis ; il y a également dans Napoléon en Égypte et dans les Douze journées de la Révolution des pages qui mériteraient de se fixer dans la mémoire des nouvelles générations.
m’écriai-je, comme assailli malgré moi par le souvenir du 24 Février. […] On se souvient de l’exécution ; on a oublié la musique. […] Il s’agissait, s’il m’en souvient, de la question des sucres. […] C’était, s’il m’en souvient, un libraire du nom de Lecointe. […] On ne se vante pas d’un tel souvenir.
Il ne laisse jamais errer son idée toute nue telle qu’elle descendit de son souvenir et ne l’abandonne qu’ornée de scintillants joyaux, de soies aux plis flottants et de métaux orfévris. […] La Fontaine fut près du peuple par bonhomie narquoise, sans doute aussi très naïvement, sans le savoir, en campagnard un peu touché par des souvenirs archaïques. […] Tels de ses vers s’appuient sur des souvenirs de la mythologie antique et, ranimant des sylvains et des hippocentaures qui n’ont rien de commun avec les croyances et les traditions de nos races, dénoncent ainsi la main du littérateur, le souvenir d’études faites, de choses prises dans les livres. […] En France, rien de semblable ; il ne s’est pas trouvé de Pisistrate pour grandir jusqu’à l’œuvre d’art l’épopée magnifique de nos trouvères, et hier encore nul poète investi par l’Harmonie n’avait voulu ordonner en ses vers les chants qui naissent de la terre sous nos pas, les souvenirs qui, au temps de l’enfance, mirent à nos fronts une auréole fée ! […] M. de Régnier vient aussi de Bretagne, me dit-on, — au moins cela est-il vrai pour un lointain passé ; mais voici longtemps que la Champagne du Nord et l’Ardenne française l’ont vu vivre et il a mêlé heureusement les souvenirs anciens aux plus récentes visions.
Il est très possible que ce soit un souvenir que La Fontaine ait gardé dans la mémoire et dont il ait fait ce petit épisode où, du reste, je le reconnais, il n’y a pas d’imagination bien extraordinaire. Ce qu’il y a encore, dans Psyché, ce sont des vers absolument délicieux que l’on n’a peut-être pas assez remarqués, que l’on n’a pas assez cités, en tout cas, qui vous sont probablement, pour la plupart d’entre vous, assez inconnus, obscurs au moins dans vos souvenirs. […] Je tiens absolument à ce que vous connaissiez les autres vers ou que vous vous en rappeliez le souvenir, les voici. […] C’est, j’imagine, un aussi lourd fardeau Que le roitelet de la fable ; Ce grand chagrin qui vous accable Me fait souvenir du roseau. […] Et après avoir parlé quelque temps de lui, de sa paresse, de ses soucis, de ses souvenirs et de ses oublis… Mais revenons à vous, ma charmante marraine.
On a parlé des Souvenirs sur l’Empire de M. de Meneval, ancien secrétaire particulier de l’empereur : il n’y a pas d’habitude de composer un livre, et ceux qui ne lisent que pour avoir un récit agréable et continu peuvent y trouver du mécompte ; mais il y a beaucoup d’anecdotes précieuses, originales, que garantissent la position et la probité de l’auteur. […] La première édition de ces Souvenirs est déjà épuisée.
On n’a pas perdu le souvenir des polémiques exaltées dont George Sand était alors l’occasion ou le prétexte. […] Plus tard elle en retrouvait la trace et l’action naissante dans les souvenirs les plus lointains de sa vie. […] Comme toutes ces attitudes diverses ont été notées dans un souvenir exact ! […] Encore un souvenir dramatisé du Théâtre de Nohant. […] … Je m’en souviens, moi, parce que mon impression était d’une force et d’une certitude complètes.
Comme tous les élégiaques du temps, il est placé au point de vue purement individuel : ce sont des souvenirs d’enfance, des regrets du premier amour, des plaintes sans amertume sur une condition obscure et gênée, des vers harmonieux aux châteaux, aux bois, aux amis qu’il aime ; des vœux de loisir et de rêverie, des confidences de ses goûts qui révèlent une nature aimante et mélancolique. […] Marmier lui-même, qui se souvient encore avec plaisir de ce coup de chapeau donné par la critique au livre de poésie qui marqua son début littéraire au retour d’un voyage (en 1830). une longue amitié, cimentée par les relations du monde, s’en est suivie ; dans les dernières années, quand M.
. — Souvenirs historiques et littéraires du département du Loiret (1847). — Album archéologique de l’église abbatiale de Saint-Benoît-sur-Loire (1851) […] — Souvenirs poétiques de l’école romantique (1880). — Histoire des enseignes de Paris (1884). — Histoire des jouets (1889).
Souvenons-nous que c’est dans un recueil dont la moitié appartient à la corruption et aux divulgations honteuses, que l’épigramme antique a pu dire : Hominem pagina nostra sapit. […] Patin, et des souvenirs. […] Et là où il faut se souvenir, sa mémoire vaste, distincte, actuelle, et qui a un certain tour d’invention, devient un nouvel étonnement. […] J’ai souvenir de quelques promenades d’alors et de bien des discours sensés, fleuris, mélancoliques un peu, car il était triste, par ses yeux souffrants encore, par les désirs contrariés d’un bonheur qu’il a depuis trouvé dans le mariage, par les circonstances publiques enfin. […] Des souvenirs bien assortis, des citations piquantes ornaient le sérieux sans le rompre.
« Une âme plus faible ou plus tendre accueillera peut-être celui que d’autres ont dédaigné ; d’autres discours rempliront mes souvenirs ; une autre image charmera mes tristesses rêveuses, et je ne verrai plus vos lèvres dédaigneuses et vos yeux qui ne regardent pas. […] Quoi qu’il en soit, le tableau que Farcy a tracé de souvenir est un chef-d’œuvre de délicatesse, d’attendrissement gracieux, de naturel choisi, d’art simple et vraiment attique : Platon ou Bernardin de Saint-Pierre n’auraient pas conté autrement. […] promettez-moi que cet instant passé, vous ne vous en souviendrez pas pour me faire expier à force de froideur et de réserve un bonheur si grand. […] Cette convenance, la douceur du lieu, le voisinage des bois, l’amitié de quelques habitants du vallon, peut-être aussi le souvenir des noms célèbres qui ont passé là, les parfums poétiques que les camélias de Chateaubriand ont laissés alentour, tout lui faisait d’Aulnay un séjour de bonne, de simple et délicieuse vie. […] que j’y voudrais vivre, au moins vivre un printemps, Loin de Paris, du bruit des propos inconstants, Vivre sans souvenir !
Les souvenirs de cette première vie d’enfance se reproduiront plus loin sous la plume de la jeune Marceline, née la dernière et la mieux douée. […] Parmi les souvenirs lointains que s’efforçait plus tard de ressaisir Mme Valmore, il en était qui évidemment se confondaient pour elle avec la réminiscence, et qui dans leur vague formaient une sorte de légende. […] Et puis les soirs, au moment où la vie lui laissait un peu de trêve, quand elle revenait à ses souvenirs de théâtre, elle avait toutes sortes d’agréables récits. […] Les correspondances de cette époque font défaut : ce n’est que vers le déclin de la vie et quand est venu l’âge du souvenir, que l’on songe à conserver les lettres. […] Elle ne manquait pas d’esprit, ne médisait jamais, ne cherchait point à nuire à ses camarades ; enfin elle avait un cœur excellent et facile ; — jalouse pourtant… Voilà, bien cher monsieur Sainte-Beuve, tout ce que mon père peut retrouver dans ses souvenirs.
Néanmoins, c’est bien plutôt dans la hauteur des idées et la profondeur des sentiments que dans les souvenirs et les allusions historiques, que l’on doit chercher la dignité tragique. […] La pièce de Fénelon est fondée sur un fait qui est entièrement du genre du drame : cependant il suffît du rôle et du souvenir de ce grand homme pour faire de cette pièce une tragédie. […] Il faut donc tenter, avec la mesure de la raison, avec la sagesse de l’esprit, de se servir plus souvent des moyens dramatiques qui rappellent aux hommes leurs propres souvenirs ; car rien ne les émeut aussi profondément65. […] Tout ce qui environnait les anciens leur rappelant sans cesse les dieux du paganisme, ils devaient en mêler le souvenir et l’image à toutes leurs impressions ; mais quand les modernes imitent à cet égard les anciens, on ne peut ignorer qu’ils puisent dans les livres des ressources pour embellir ce que le sentiment seul suffisait pour animer. […] On ne sépare pas dans son souvenir le bruit des vagues, l’obscurité des nuages, les oiseaux épouvantés, et le récit des sentiments qui remplissaient l’âme de Saint-Preux et de Julie, lorsque sur le lac qu’ils traversaient ensemble, leurs cœurs s’entendirent pour la dernière fois.
Il crée une œuvre symbolique le peintre, non point copiste mais interprète, qui exprime et complète le sentiment épars dans un paysage ; les poèmes de M. de Régnier en font à maintes reprises heureusement souvenir. […] Et encore, du même Poète : J’entrevois d’immobiles chasses, Sous les fouets bleus des souvenirs, Et les chiens secrets des désirs, Passent le long des pistes lasses. […] Je me souviens de quelques vers où je montrais des cavaliers en un furieux galop ; mais j’indiquais bien vite qu’ils représentaient « les désirs » et j’obtenais des chants vraiment peu lyriques, tels que ceux-ci : Désirs, guerriers de fer à l’assaut du Bonheur et, plus loin : Lourds Désirs chevauchant l’Espoir vers la Douleur. […] Pauvre Âme, les vois-tu venir, Espoirs, Désirs et Souvenirs, Ces doux frères que te ramène Une amertume bue à la même fontaine ? […] Regarde, les voici qui viennent Une à une, les anciennes, Et du plus loin qu’il te souvienne, Pauvre Âme, Ombre de la Tour morne aux murs d’obsidiane.
Mais le jeune homme, par un instinct secret vers l’avenir, voulait la guerre et la carrière des armes : « Je me sentais fait pour la guerre, dit-il, pour ce métier qui se compose de sacrifices. » L’amour de la gloire avait, en quelque sorte, passé dans son essence, et au moment où il retrace ces souvenirs (1829), il ajoute : « J’en ressens encore la chaleur et la puissance à cinquante-cinq ans, comme au premier jour. » À soixante-quinze ans, il les ressentait de même. […] Il n’est jamais revenu sans un éclair au front et sans une larme dans le regard au souvenir de ce qu’il appelait ces camps de sa jeunesse, « dont est sortie la plus belle et la meilleure armée qui ait existé dans les temps modernes, et qui, si elle est égalée, ne sera certainement jamais surpassée : je veux dire l’armée qui campa deux ans sur les côtes de la Manche et de la mer du Nord, et qui combattit à Ulm et à Austerlitz ». […] Dès le mois de mars précédent, il avait été élevé à la dignité de duc de Raguse pour récompense de son administration vigilante et créatrice dans cette province inculte de Dalmatie : « Quatre-vingts lieues de belles routes, dit-il, construites dans les localités les plus sauvages, au milieu des plus grandes difficultés naturelles, ont laissé aux habitants des souvenirs honorables et qui ne périront jamais. » Ces travaux étaient exécutés par les troupes, qui, noblement inspirées de la pensée civilisatrice du chef, y mettaient leur orgueil comme à une victoire. […] Mais ce qui, dans le récit de cette campagne, m’a intéressé bien plus que la narration militaire elle-même, si claire toujours et si lumineuse chez Marmont, c’est le souvenir des entretiens fréquents qu’il eut avec Napoléon et dont il nous a transmis les particularités saillantes. […] C’est là qu’il va livrer un des plus glorieux combats dont les annales françaises conservent le souvenir, le dernier combat de 1814.
Enfin, pour ceux qui ont joué là dans leur enfance, un souvenir lointain, triste ou gai, s’y joint, qui est à nous seuls et qu’on ne partage avec personne. […] Au premier vers d’une tragédie : Vous souvient-il, ma sœur, du feu roi notre père ? le plaisant qui répliqua à l’instant : Ma foi, s’il m’en souvient, il ne m’en souvient guère, n’avait pas eu le temps de mesurer l’idée, et le public vit peut-être avant lui ce qu’il y avait d’esprit et de juste critique dans cette application.
J’ai vu naguère la ville éternelle, la ville antique des souvenirs, la ville qu’un pauvre voyageur, venu de la Judée, seul, mais accompagné de la force de Dieu, rendit la ville des destinées nouvelles, la capitale du monde chrétien, comme elle avait été la ville des destinées anciennes, la capitale du monde païen. […] Dans de certaines contrées de l’Asie ou de l’Afrique, des colonnes tronquées s’élèvent au milieu de vastes déserts qui furent jadis des villes florissantes, et attestent encore aujourd’hui la puissance des vastes empires qui, depuis tant de siècles, ont cessé de régner : nous ne souffrirons point que de pareils débris continuent de peser sur la terre de la patrie, pour nous retracer une civilisation qui n’est plus, pour nous rappeler des souvenirs qui semblent nous importuner. […] Mais je sens tout ce que de pareilles idées peuvent réveiller de souvenirs déchirants, et je m’arrête. […] Je sais que des esprits chagrins et jaloux à l’excès supportent peu cette expression de regret, parce qu’ils redoutent encore, par-dessus tout, la superstition des souvenirs anciens.
Mais, femme en tout (les femmes le sont, toujours), elle a été tyrannisée par les souvenirs de son esprit, comme on l’est par les souvenirs de son cœur. […] II Et pour ne parler que de celle-là, à qui l’Opinion, cette femelle, décerne actuellement le titre d’homme de génie, Mme George Sand, qui, dans sa Lélia, ayant voulu montrer des abstractions et des types revêtus d’une humanité agrandie, a glissé bien vite, de cette hauteur de conception et de résolution, dans cette fatalité des portraits, imposés, de par la nature, à la femme, laquelle ne pense guère que quand elle se souvient. […] … Comme on le voit, tous modèles vivants et souvenirs personnels !
Il n’a pas pensé seulement que, depuis ce temps-là, il s’est produit dans le monde une société chrétienne, et il ne s’est pas souvenu de beaucoup de choses que cette société dont il fait partie a dû déposer dans son esprit. […] Voici peut-être ce qui s’est passé… Le dilettante littéraire rassasié, dégoûté de cette vieille histoire romaine racontée par des copistes et des professeurs, et de l’éternelle sensation théâtrale qu’elle nous cause, a voulu se donner un petit quart d’heure de plaisir en la descendant, sans cérémonie, de son socle, et en la racontant comme il la voyait dans les vaporeux souvenirs de ses lectures, dans les raisonnements et quelquefois les rayonnements de son cerveau ; car c’est là surtout qu’il l’a vue. […] … » Car ce qu’on a lu de la théorie historique de l’auteur dans son Introduction vous tinte dans le souvenir, mais c’est égal, on ne lâche rien parce que ce qu’on tient est suspect. […] Sans le souvenir de ce terrible buste, qui dit tout à qui peut lire dans la physionomie humaine, Suétone et Tacite disparaissaient dans l’atmosphère créée par Blaze de Bury, cet incantateur qui produit nos illusions avec les siennes, et l’on était emporté !
Mais, vous aussi, souvenez-vous de moi à jamais. […] J’aurai souvenir de toi, et je m’occuperai d’un autre chant. » La plupart de ces hymnes, bornés à quelques vers, ne semblent que des formules d’invocation, dont il serait difficile d’assigner la date. […] Sur le sommet des mâts un nuage s’est arrêté tout droit, signe de la tempête ; puis vient la terreur qui suit un danger subit. » Quelquefois encore, ces restes brisés de la couronne du poëte grec ne sont que des traits rapides et simples, une parole délicate et passionnée, un coup de pinceau qui ne s’oublie pas52 : La jeune fille triomphait, tenant à la main une branche de myrte et une fleur de rosier ; et ses cheveux épars lui couvraient le visage et le col » ; ou bien encore, avec moins de simplicité, cette autre peinture qui rappelle celle de Sapho : « Semblable passion d’amour, pénétrant au cœur, répandit un nuage épais sur les yeux et déroba l’âme attendrie. » Horace, dans sa vive étude des Grecs, avait sans doute gardé bien d’autres souvenirs d’Archiloque ; et quelques-unes de ses odes, son dithyrambe à Bacchus et d’autres, ne doivent être qu’une étude d’art et de goût substituée au tumulte des anciennes orgies, où le poëte de Paros se mêlait, en chantant : « Le cerveau foudroyé par le vin, je sais combien il est beau d’entonner le dithyrambe, mélodie du roi Bacchus. » Archiloque, s’il faisait des hymnes, devait être, ce semble, le poëte lyrique des Furies et non des Dieux. […] Une seule tradition merveilleuse mêlée à son souvenir témoigne bien de l’idolâtrie des Grecs pour les dons de l’esprit, au préjudice de tout intérêt de justice ou même de vengeance.
Le nom du lieu qui vit la fatale déroute, Roncevaux, en évoque jusqu’à aujourd’hui le funèbre souvenir dans les âmes. […] Des souvenirs plus ou moins sérieux de la bataille ne sont cependant absents ni de la collégiale, ni du pays. […] Mais ce souvenir même ne paraît pas avoir existé. […] Après quoi ils visitèrent le lac voisin et recueillirent quelques souvenirs des anciennes pratiques de magie dont il avait été le théâtre. […] Le bon Laffi s’embrouille dans ses souvenirs : c’est Ganelon, et non Roland, qui était aller réclamer le tribut de Marsile, roi de Saragosse.
Il faut prévoir les objections et les critiques que font naître toujours des publications comme celle-ci : on ne manquera pas de trouver que nous en avons « trop mis », que nous ne nous sommes pas assez souvenu de l’esprit général de cet Avertissement, auquel nous avons pris en commençant une note justificative. […] En tête du tome XIII des Nouveaux Lundis et dans Souvenirs et Indiscrétions […] (En note, Nouveaux Lundis, tome XIII, page 10, et Souvenirs et Indiscrétions, page 40.)
Elle ne produisit que peu de bien ; elle n’empêcha que peu de mal, en raison des préjugés, des passions, des souvenirs flagrants qui s’agitaient dans la société. […] Au 14 juillet, l’orage populaire commençait ; toutes les haines amassées par l’ancien régime et descendues jusque des hauteurs du moyen âge débordaient à la fois, prêtes à entraîner dans leur cours, bastilles, palais, églises et châteaux : avant que ces haines, nourries durant des siècles, fussent taries, que ces passions implacables fussent étanchées, il fallait des monceaux de ruines, des torrents de sang ; il fallait de longs intervalles d’oubli, des révulsions puissantes ; il fallait surtout que rien ne restât debout du passé pour irriter les souvenirs. […] A ces gens-là, tous les souvenirs historiques sont tournés en préjugés ; toute leur expérience s’est pétrifiée en fausses analogies ; les intérêts les ont achevés.
Reconnoît-on la sublime substance Qui se souvient, compare, aime, choisit ? […] « Vous êtes appelés à des places que j’espere que vous mériterez, & qui pourront vous donner quelque autorité sur d’autres hommes : souvenez-vous plus que jamais alors, que vous avez obéi ; souvenez-vous de ce grand précepte émané de la Divinité même : Fais à autrui ce que tu voudrois qu’il te fût fait.
Ses ouvrages auraient pris cette teinte morale, sans laquelle rien n’est parfait ; on y trouverait aussi ces souvenirs du vieux temps, dont l’absence y forme un si grand vide. […] Cependant il est vrai que la majeure partie du génie se compose de cette espèce de souvenirs. […] Et c’est celui-là dont se fût d’abord souvenu un chrétien.
Gœthe en a tiré une partie de ses propres souvenirs. […] Sut-il s’affranchir de ces souvenirs quand il prit la plume pour son propre compte ? […] Il est pressé de souvenirs et il n’a plus le courage de former des espérances. […] Est-ce que le simple souvenir de Dieu ne nous donne pas de la joie ? […] Cette action était facilitée par des souvenirs vivaces de haine contre l’Empire.
Du moins les souvenirs de la petite fille lui retraçaient un palais où elle était élevée, et une foule de gens empressés à la servir. […] En vous voyant, elle se souvient de moi ; et je meurs de peur qu’en me voyant elle ne se souvienne de vous. […] Le tendre souvenir que j’en conserve doit vous être un sûr garant que je vous aimerai, ma chère petite, toute ma vie. […] « On ne peut être plus sensible à l’attention et au souvenir de l’éditeur ; mais on ne peut être moins disposée à récréer son esprit. […] Notre vénérable et agréable confrère, M. de Féletz, nous apprend là-dessus des choses intéressantes qui sont pour lui des souvenirs.
Il n’y a toujours ici qu’une association qui lie des sensations présentes à des sensations absentes, mais possibles, actuelles même sous la forme affaiblie et la pénombre du souvenir. […] Il n’en est pas moins vrai qu’entre le souvenir de la peine passée et le sentiment du plaisir présent il y a une certaine opposition, une contrariété, une résistance bien vite vaincue du souvenir contre la réalité, de la douleur évanouissante contre le plaisir qui déborde. […] — Parce que les trois termes successifs demeurent encore simultanés dans le souvenir, mais avec des intensités inégales, et disposés sur la ligne du temps. […] A la non-différence correspond un état de conscience qui se prolonge, un mouvement qui se poursuit, et l’animal sent cette prolongation d’état ou d’appétition qui contraste avec le souvenir du changement. […] Pourquoi ne conclurait-on pas aussi bien, avec Platon, que nous avons dû contempler l’égalité dans une vie antérieure et que nous apportons dans ce monde le souvenir d’un autre monde ?