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41. (1867) Cours familier de littérature. XXIII « cxxxve entretien. Histoire d’un conscrit de 1813. Par Erckmann Chatrian »

» J’entrai, boitant le plus que je pouvais, et Werner referma la porte. […] Nous tournâmes le coin du café Hemmerlé, et nous entrâmes chez nous. […] Il était convaincu que j’allais être réformé tout de suite ; aussi quelle ne fut pas sa surprise de nous voir entrer ensemble dans une désolation pareille. […] Je poussai la porte, elle s’ouvrit, et j’entrai dans une allée sombre, où l’on sentait le pain frais, ce qui me réjouit intérieurement. […] Tandis que je songeais à ces choses, la porte s’ouvrit, et un homme grand, fort, la tête déjà grise, entra.

42. (1866) Cours familier de littérature. XXII « CXXVIIe entretien. Fior d’Aliza (suite) » pp. 5-64

CLXVI On me fit entrer avec toutes sortes de bienséances, comme si j’avais été de la famille et de la noce. […] — Bien dit, ma femme, ajouta le bargello ; il y en a beaucoup eu dans cette geôle qui n’y seraient jamais entrés s’ils avaient trouvé une âme compatissante sur leur chemin, un soir de fête dans Lucques. […] Et je pleurai encore, muette, devant la lucarne où il n’entrait plus du dehors que la sombre et silencieuse nuit. […] Au moment où je roulais ces transes de mon cœur dans ma pensée, à genoux devant mon lit, les mains jointes sur la zampogne muette, et le visage, baigné de larmes, enfoui dans les poils de bête du manteau de mon oncle, la porte de la chambre s’ouvrit sans bruit, comme si une main d’ange l’avait poussée, et la femme du bargello entra, croyant que je dormais encore. […] — Est-ce que tu n’aimerais pas mieux, mon pauvre garçon, continua-t-elle, entrer en service chez des braves gens que de courir ainsi les chemins, au risque d’y perdre ton âme à vendre du vent aux oisifs des carrefours ?

43. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Le président Hénault. Ses Mémoires écrits par lui-même, recueillis et mis en ordre par son arrière-neveu M. le baron de Vigan. » pp. 215-235

Hénault avait quinze ans au moment des débuts de Massillon à Paris et de son premier éclat dans les chaires : ce fut son premier enthousiasme ; l’ambition de l’éloquence le saisit, et il voulut entrer à l’oratoire. Il y entra en effet, y prit l’habit, et y resta deux ans. Puis il en sortit avec autant de facilité qu’il y était entré. […] En attendant, il entra dans le monde et se mit à vivre de la vie la plus répandue et la plus diversement amusée : il allait d’abord dans le monde de la finance, où se rencontraient toutes sortes de gens de qualité ; il voyait beaucoup les coryphées de la littérature, La Motte, Rousseau, La Faye et bien d’autres. […] Le président Hénault pourtant allait peu à peu devenir un homme sérieux ; mais là encore, et lorsqu’il se trouvera mêlé aux choses plus importantes, il y entrera du jeu et de la représentation plus que du fond.

44. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Fontenelle, par M. Flourens. (1 vol. in-18. — 1847.) » pp. 314-335

Demandez-lui des lettres de consolation, ou sur une absence, il les entreprendra ; prenez-les toutes faites et entrez dans son magasin, il y a à choisir. […] ses maladies elles-mêmes, ses infirmités avaient quelque chose d’indolent et de tranquille : « Il avait la goutte, mais sans douleur ; seulement son pied devenait de coton ; il le posait sur un fauteuil, et voilà tout. » C’était une âme et un corps où n’entra jamais l’aiguillon. […] Dans ce singulier ouvrage, et qui reste agréable et encore utile malgré tout, il fit entrer les vérités de Copernic dans une enveloppe à la Scudéry ; mais ici le mauvais goût a beau faire, la vérité l’emporte et prend le dessus. […] C’est ainsi que, pour ne pas ressembler à ce fou du Pirée, on est déjà tenté de se détacher de l’explication de Ptolémée et d’entrer dans celle de Copernic. […] Le siècle était déjà pleinement entré dans la seconde et plus orageuse moitié de sa carrière.

45. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « M. Fiévée. Correspondance et relations avec Bonaparte. (3 vol. in-8º. — 1837.) » pp. 217-237

Arrivé à la barre de la Convention, qu’il trouva tout en désordre, puis admis aux honneurs de la séance dont il profita peu, il raconte qu’un gros et joyeux conventionnel lui dit, en le voyant sortir : « Prenez le plus long pour retourner vers vos commettants, et, toutes les fois que vous passerez devant une section, entrez ; parlez de la mission que vous venez de remplir, et de l’accueil que vous avez reçu… Vantez surtout l’assurance que vous avez vue parmi nous. » — « Sans doute, lui répondis-je ; cela me formera si je veux un jour écrire l’histoire. » M.  […] Fiévée n’en sortit que pour entrer en relation personnelle et directe avec le consul. […] Fiévée montre au Premier consul la société telle qu’elle est véritablement au fond, lasse, épuisée, se reprenant à une espérance précaire sitôt que quelques bons symptômes reparaissent : « On peut dire des peuples qui sont entrés dans la carrière des révolutions, qu’après s’être fatigués d’idées et d’espérances, ils retombent lourdement sous le joug de leurs besoins. » Il montre cette situation favorable à tout pouvoir qui s’élève, mais bien difficile à ménager : La Révolution ayant exagéré toutes les espérances populaires et n’ayant produit qu’un plus grand malaise, le peuple, toujours dupe de ceux qui l’exaltent, attendait tant de ses flatteurs qu’on ne peut rien faire pour lui qui approche de ce qu’on lui avait promis. […] Cet écrivain tombera à mesure que les choses sérieuses reprendront de l’ascendant et autant que la société se trouvera bien gouvernée ; mais toutes les fois qu’elle entrera en opposition contre le gouvernement, quel qu’il soit, Voltaire retrouvera tout son crédit, parce qu’il est fort amusant à lire pour ceux qui sont mécontents. […] Sous prétexte de vouloir toujours les mêmes choses fondamentales, telles que l’institution des libertés communales qu’il oppose à la monarchie administrative, il entra dans toutes les ardeurs et les agressions violentes des partis.

46. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre I. Place de Jésus dans l’histoire du monde. »

Cette Thora n’a rien de commun avec les « Lois » grecques ou romaines, lesquelles, ne s’occupant guère que du droit abstrait, entrent peu dans les questions de bonheur et de moralité privés. […] On embrassait le culte de Jéhovah quand on entrait dans la famille juive 87 ; voilà tout. […] Le judaïsme devint la vraie religion d’une manière absolue ; on accorda à qui voulut le droit d’y entrer 88 ; bientôt ce fut une œuvre pie d’y amener le plus de monde possible 89. […] La formation toute récente de l’Empire exaltait les imaginations ; la grande ère de paix où l’on entrait et cette impression de sensibilité mélancolique qu’éprouvent les âmes après les longues périodes de révolution, faisaient naître de toute part des espérances illimitées.

47. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « XVIII. Lacordaire »

Lacordaire vient d’entrer à l’Académie, la Critique littéraire doit se trouver heureuse d’avoir un livre du nouvel académicien à examiner. […] La pureté de son intention, certes, personne n’en est plus sûr que moi ; mais quand il s’agit d’une de ces audaces d’observation qui ressemble presque à de l’irrévérence, la pureté d’intention sauve-t-elle tout, et suffit-elle pour entrer dans ce secret, gardé par l’Évangile, de l’espèce d’amitié qu’avait le Sauveur pour la Madeleine ? […] le journaliste de L’Ère nouvelle que l’on croyait enfin détourné du monde auquel, disait-on, il ne voulait plus même parler de cette voix dont le souvenir devenait plus grand dans le silence, est ressorti de son cloître, une fois de plus, pour devenir un candidat d’Académie, et vient de payer sa bienvenue dans la compagnie où il est entré entre deux philosophes, avec ce livre de Sainte Marie-Madeleine, sacrifice aux idées les plus malsaines d’une époque qui aime tant ses maladies ! […] Seulement qu’on se rappelle bien désormais que, par le temps qui court, les moines peuvent entrer à l’Académie, pourvu qu’ils n’y soient pas trop moines, et comme leur langue est particulièrement le latin, l’Académie, qui est parfaitement bonne et aimable, n’exige pas qu’ils sachent le français.

48. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « L’abbé Gratry »

Or, comme ce système nous ne l’entrevoyons encore qu’à la lumière de ces prodromes, nous ne pouvons dire exactement à quelle hauteur de monument il s’élèvera, et quelle place définitive il assignera au nouveau philosophe de cet Oratoire dont le nom fut illustré déjà par Malebranche ; mais ce que nous savons, c’est que la tendance en est profondément rénovatrice, — historique deux fois, d’abord parce qu’elle nous fait sortir de l’abstraction intellectuelle pour entrer en pleine réalité humaine, et ensuite parce qu’elle reprend la tradition de méthode qui a été la vraie force de la philosophie, depuis Aristote jusqu’à saint Thomas d’Aquin, et depuis saint Thomas d’Aquin jusqu’à Leibnitz. […] Il devait sortir des mortes données de l’abstraction pour entrer dans la vie, et il y est entré dans ce traité de la Connaissance de Dieu, où se cachent sous les plus éclatantes questions d’une théodicée, les arêtes d’une méthode profonde ; il y est entré en observateur qui ne scinde pas l’homme et son esprit pour mieux le connaître, qui ne le mutile pas pour l’étudier : « Je ne puis m’empêcher d’affirmer — dit-il à la page 122 de son second volume : — que l’idée d’être bien déployée, si l’on sait mettre de côté l’habitude que nous avons de tout restreindre, de tout abstraire, de placer, même dans l’être, la négation, qui n’est faite que pour le néant, et de n’oser jamais pleinement soutenir l’universelle affirmation, l’idée d’être est identique à celle de force, d’intelligence, de volonté, de liberté, d’amour.

49. (1906) La rêverie esthétique. Essai sur la psychologie du poète

Nous allons entrer dans le domaine des vagues rêveries, des illusions et des mirages : nous risquerions d’y perdre l’esprit de précision. […] Songer au passé, ce n’est pas s’en souvenir, cela demanderait trop d’effort ; c’est le faire entrer dans un rêve où il se transfigure. […] Il m’est impossible de me rappeler un seul rêve où soit entré un souvenir précis et exact de la vie réelle. […] Il nous faut un certain temps pour entrer dans cet état de rêverie qui caractérise la contemplation poétique. […] Nous n’avons donc à entrer dans aucune querelle d’école.

50. (1772) Bibliothèque d’un homme de goût, ou Avis sur le choix des meilleurs livres écrits en notre langue sur tous les genres de sciences et de littérature. Tome II « Bibliotheque d’un homme de goût — Chapitre XIV. Des Livres sur le Commerce & sur ce qui y a rapport. » pp. 329-332

Son livre renferme le tableau du commerce de toutes les parties du monde ; la définition de toutes les productions de la nature & de l’industrie, qui entrent dans le commerce ; la théorie des opérations de commerce & toutes les connoissances relatives à ce grand art. Si ce livre paroissoit trop volumineux, on a un Dictionnaire de Commerce, imprimé à Bouillon, in-4°. 1770., dans lequel on a fait entrer tous les articles nouveaux qui intéressent les négocians, le Dictionnaire du Citoyen, par M.

51. (1857) Cours familier de littérature. III « XIVe entretien. Racine. — Athalie (suite) » pp. 81-159

Je lui dis mon nom. « Entrez, Monsieur », me dit-elle. […] Je n’y songeais déjà plus ; ma vie avait pris un autre cours : j’aspirais à entrer dans la diplomatie. […] J’entrai dans la salle comme je serais entré dans un siècle illuminé parmi les siècles pour se donner à lui-même en représentation éclatante dans la nuit des temps. […] Vaincu par lui, j’entrai dans une autre carrière, Et mon âme à la cour s’attacha tout entière. […] (Le fond du théâtre s’ouvre : on voit le dedans du temple, et les lévites armés entrent de tous côtés sur la scène.)

52. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « De la dernière séance de l’Académie des sciences morales et politiques, et du discours de M. Mignet. » pp. 291-307

Je suis bien loin d’en faire un reproche aux jeunes gens de 1813, à ceux qui entrèrent alors à l’École normale, que M. Mûtnet a appelé un vrai séminaire laïque ; toutefois il est évident que, s’ils avaient été par tempérament un peu moins Grecs et plus Romains, s’ils s’étaient moins préoccupés du problème de la destinée humaine et un peu plus du salut immédiat de la patrie, au lieu d’entrer en ce séminaire qui les exemptait de porter les armes, ils auraient volé à la frontière et eussent fait la campagne de 1814. […] Il aurait pu marquer avec plus d’énergie le malheur qu’il y eut pour lui à y entrer, les versatilités un peu promptes qu’on lui reprocha, les influences qu’il ne savait pas écarter ; car cet homme qui, au premier abord, avait l’intelligence si haute et la parole si absolue, avait le caractère faible, ou du moins il l’eut tel dans les dernières années. Il y aurait eu, si l’on avait voulu être entièrement vrai, à tirer de là une leçon toute naturelle sur les esprits non aguerris et non trempés qui entrent dans la politique et qui n’en recueillent que l’amertume. […] Il n’entrait pas dans le cadre et dans les convenances de M. 

53. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Journal du marquis de Dangeau — I » pp. 1-17

Saint-Simon, en ces moments, renchérit sur Dangeau même, et, à force de vouloir entrer dans des explications de préséance et d’étiquette, il l’embrouille au lieu de l’éclaircir. […] Pour mon compte, sans être un M. de Saint-Germain, c’est l’illusion que je me fais quelquefois, quand les yeux fermés je rouvre les scènes et les perspectives de ma mémoire : car enfin ce temps qui a précédé notre naissance, ce xviiie  siècle tout entier, nous le savons, avec un peu de bonne volonté et de lecture, tout autant que si nous y avions assisté en personne et réellement vécu : Mme d’Épinay, Marmontel, Duclos, tant d’autres nous y ont introduits ; nous pourrions entrer à toute heure dans un salon quelconque et n’y être pas trop dépaysés ; et même, après quelques instants de silence pour nous mettre au fait de l’entretien, nous pourrions risquer notre mot sans nous trahir et sans être regardés en étrangers. […] Pour un genre de souvenirs tout vrais, tels que ceux que je voudrais acquérir, Dangeau m’est utile, il est inappréciable ; il fait cheminer jour par jour et entrer dans le manège d’un pas sûr ; on s’y accoutume bientôt et l’on en est. […] Il est très vrai que ces notes, prises sur quantité de faits et de points de régularité et d’étiquette, pouvaient lui être utiles, à lui courtisan, pour être prêt à répondre à tout, pour être bien informé sur tout ; mais je crois qu’il entrait aussi dans ce projet, exécuté d’une manière si constante et si suivie, de cette pensée plus longue et plus honorable d’être utile un jour à la postérité par une multitude d’informations qui aideraient à connaître la Cour et le monarque : et en cela il ne s’est point si fort trompé. […] Le roi, malade d’une tumeur et qui s’est fait opérer une première fois, n’est pas entièrement guéri et projette un voyage à Barèges ; il annonce ce voyage, qui d’ailleurs ne se fera pas : Mardi 21 (mai 1686), à Versailles. — Sur les sept heures (du soir), le roi entra dans le cabinet de Mme la Dauphine et lui déclara sa résolution sur le voyage.

54. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « La Divine Comédie de Dante. traduite par M. Mesnard, premier vice-président du Sénat et président à la Cour de cassation. » pp. 198-214

Lire Dante et le lire de près, c’est presque inévitablement désirer de le traduire, c’est entrer dans les replis de son génie, et après y avoir pénétré (ce qui demande tout un effort), c’est concevoir la pensée d’y introduire les autres. […] Ce monde-ci est une pauvre mascarade… Ce pauvre homme (il s’agit d’un abbé Marini, un admirateur de Dante à Paris, et que pour cela Voltaire vient d’appeler un « polisson »), ce pauvre homme a beau dire, le Dante pourra entrer dans les bibliothèques des curieux, mais il ne sera jamais lu. […] et que d’appareils, que de machines il fallut pour le remorquer en quelque sorte, jusqu’à ce qu’il pût entrer librement et voguer, comme il paraît faire aujourd’hui, dans ce lac supérieur ! […] Ayant chanté ses premières amours d’enfant dans des poésies délicates et subtiles, il se dit que ce n’était point assez et qu’il fallait élever à la beauté et à la reine de son cœur un monument dont il fût à jamais parlé : La Divine Comédie naquit dans sa pensée, et il mit des années à la construire, à la creuser, à l’exhausser dans tous les sens, à y faire entrer tout ce qui pouvait la vivifier ou l’orner aux yeux de ses contemporains, afin de faire plus visible et plus brillant le trône d’où il voulait présenter Béatrix au monde. […] Dans une langue qui ne savait guère encore, comme il le dit, que bégayer papa et maman, il trouva moyen d’exprimer le fond de l’univers et la cime des subtilités divines. — Pour nous il a fait plus : il a fait entrer dans le langage du genre humain nombre de ces paroles décisives qui marquent les grands moments de la vie et de la destinée, ou qui fixent la note inimitable de la passion, et qui se répéteront telles qu’il les a dites, tant qu’il y aura des hommes.

55. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Histoire des cabinets de l’Europe pendant le Consulat et l’Empire, par M. Armand Lefebvre. »

Autrefois les Affaires étrangères étaient un domaine réservé, un labyrinthe interdit, tout un monde d’où celui qui y entrait une fois ne sortait plus. […] Sa maison seule, qui est fort belle, ses escaliers ornés de statues d’un goût parfait, la beauté de ses tableaux, la profusion des dessins qu’on trouve jusque dans ses antichambres, et les raretés de toute espèce et de tous les siècles qu’on rencontre à chaque pas, auraient suffi pour m’apprendre que j’entrais chez le prince de la littérature allemande. […] Edouard Lefebvre put étudier de près le mouvement qui souleva et arma contre nous toute l’Allemagne, et dont le foyer s’alluma surtout en Prusse ; il fit plus que l’étudier, il en fut victime : au moment où le roi de Prusse, après bien des tergiversations et des anxiétés, se décida à faire signer à Kalish par son plénipotentiaire le traité qui le liait à la Russie, le même jour (28 février 1813), un piquet de Cosaques entrait à toute bride dans Berlin, cernait l’hôtel de M. de Saint-Marsan, ambassadeur de France, et « sous les yeux des autorités, au mépris du droit des gens et de tous les usages pratiqués entre nations policées, enlevait la personne du premier secrétaire de légation, M.  […] Pasquier qui le fit entrer, à peine âgé de vingt ans, aux Affaires étrangères. […] Ce qu’il faut ajouter aussitôt et ce que m’attestent des confidents de ses plus secrètes pensées, c’est que les déceptions, si vives qu’elles aient dû être, n’ont jamais fait entrer l’amertume dans cette nature aussi élevée que modeste, dans cette âme où la distinction s’unissait à la bonté.

56. (1824) Ébauches d’une poétique dramatique « Observations générales, sur, l’art dramatique. » pp. 39-63

On tâchera surtout de développer l’artifice qui a présidé à la texture de quelques-uns de nos chefs-d’œuvre : on entrera dans quelques détails, parce que les préceptes paraissent peu de chose sans les exemples qui les éclaircissent. […] qui, pour nous défendre, entrera dans la lice ? […] Mais il est inutile d’entrer ici dans de plus grands détails. […] C’est le nom qu’on donne quelquefois au tissu d’événements qui entrent dans l’action. […] Dans les fables à double révolution, il faut éviter de faire entrer deux principaux personnages de même qualité, car si, de ces deux hommes également bons ou mauvais, ou mêlés de vices et de vertus, l’un devient heureux et l’autre malheureux, l’impression de deux événements opposés se contrarie et se détruit.

57. (1866) Cours familier de littérature. XXII « CXXXIIe entretien. Littérature russe. Ivan Tourgueneff (suite) » pp. 317-378

L’endroit de la forêt où nous entrâmes était d’une extrême vieillesse. […] Pourquoi donc se cache-t-elle et ne s’en va-t-elle pas depuis que tu es entré ?  […] Le tarantass entra dans la cour, faisant bruire l’ortie sous ses roues, et s’arrêta devant le perron. […] Mais Fédor Ivanowitch entra dans sa chambre et finit par le persuader. […] Elle se détacha de la porte et entra au jardin.

58. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Saint-Martin, le Philosophe inconnu. — I. » pp. 235-256

Son père voulut le faire entrer dans la magistrature et l’y faire avancer vivement, parce qu’un grand-oncle, M.  […] Je voudrais tout uniment commencer le roman par la queue, et entrer dans cette carrière en m’en exilant. […] Il fut six mois dans la magistrature, en qualité d’avocat du roi au siège présidial de Tours ; il en souffrait cruellement, et il nous a exprimé à nu ses angoisses : Dans le temps qu’il fut question de me faire entrer dans la magistrature, j’étais si affecté de l’opposition que cet état avait avec mon genre d’esprit, que de désespoir je fus deux fois tenté de m’ôter la vie. […] Il décida son père à le faire entrer dans l’armée ; on mit en œuvre M. de Choiseul qui s’y prêta. […] Je sais que je n’entrai pas grandement en matière avec elle, et que même je lui expliquai les lettres F. 

59. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Hégésippe Moreau. (Le Myosotis, nouvelle édition, 1 vol., Masgana.) — Pierre Dupont. (Chants et poésies, 1 vol., Garnier frères.) » pp. 51-75

Vers le temps de sa sortie du collège, il entra en apprentissage dans l’imprimerie de M.  […] Il eut, en 1833, une première maladie qui le força d’entrer à l’hospice. […] C’était le moment du grand succès de Barthélemy, et sa Némésis produisait çà et là des imitations et des contrefaçons où il n’entrait guère que des violences. […] Un jour de tristesse, un soir, il est entré dans l’église de Saint-Étienne-du-Mont. Il n’y entrait que par désœuvrement d’abord, pour regarder et admirer comme d’autres curieux les merveilles d’architecture élégante et fine qu’offre cette jolie église : Et la rougeur au front je l’avouerai moi-même… Dans le temple au hasard j’aventurais mes pas, Et j’effleurais l’autel et je ne priais pas.

60. (1897) La crise littéraire et le naturisme (article de La Plume) pp. 206-208

Ces successives écoles, malgré qu’elles possèdent des traits assez distinctifs, conservent cependant entres elles je ne sais quel air de ressemblance. […] « Il faudrait y entrer comme dans le Paradis. […] « Ce lieu où de telles émotions brûlent et exténuent les amants, je voudrais que personne n’y entrât sans vénération.

61. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Troisième partie — Section 7, nouvelles preuves que la declamation théatrale des anciens étoit composée, et qu’elle s’écrivoit en notes. Preuve tirée de ce que l’acteur qui la recitoit, étoit accompagné par des instrumens » pp. 112-126

Cela veut dire que la déclamation theatrale est si variée, qu’il est si difficile d’entrer avec justesse dans tous ses differens tons, qu’on a besoin lorsqu’on veut déclamer comme on déclame sur la scene, de se faire soutenir par un accompagnement qui aide à bien prendre ces tons, et qui empêche de faire de fausses inflexions de voix. […] Il est au-dessous de l’orateur, dit Ciceron, d’avoir besoin d’un pareil secours pour entrer avec justesse dans tous les tons qu’il doit prendre en déclamant. […] Ainsi je crois que dans l’execution des dialogues la basse continuë ne faisoit que jouer de temps en temps quelques notes longues qui se faisoient entendre aux endroits où l’acteur devoit prendre des tons dans lesquels il étoit difficile d’entrer avec justesse.

62. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — A — article » pp. 179-182

Le choix du sujet, par exemple, la contexture du plan, l’art de préparer les incidens, de nouer & de dénouer l’intrigue, la nécessité de soutenir l’action, la disposition des actes, la coupe & la liaison des scènes, & cent autres particularités sur lesquelles les Anciens ne sont entrés dans presque aucun détail, sont présentés chez lui avec une clarté de principes & une sûreté de goût, qui le mettent bien au dessus de tous ceux qui se sont exercés à écrire sur la Théorie & la Pratique du Théatre. […] Il entra en lice avec Ménage, Richelet, Mlle Scudéry, & quelques autres Gens de Lettres de son temps.

63. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Lettres de la mère Agnès Arnauld, abbesse de Port-Royal, publiées sur les textes authentiques avec une introduction par M. P. Faugère » pp. 148-162

Le bon chevalier aurait bien voulu entrer, au moins une fois, dans ce cloître pour lequel il avait conçu de si grands desseins, et il en exprima le désir à la mère Agnès qui lui répondit par un refus le plus agréablement tourné : Je vous remercie très humblement de votre unique et rare fruit (un de ses petits cadeaux journaliers), vous avez le privilège de donner tout ce que vous voulez et d’accorder tout ce qu’on vous demande ; et nous, au contraire, nous trouvons des impuissances partout. C’est pourquoi notre bâtiment de dedans ne vous apparaîtra point, parce qu’il y a un chérubin à notre porte qui en défend l’entrée avec une épée de feu, c’est-à-dire un anathème de notre mère l’Église… Le chevalier de Sévigné n’entra dans ce cloître, dans cette terre promise, qu’après sa mort37 ; il eut la faveur d’y être enterré. […] Faugère et les inconnus qu’il représente, que ces deux volumes devront s’ajouter désormais à la trentaine de volumes originaux et historiques qu’il suffit à l’homme de goût et au curieux raisonnable d’avoir dans sa bibliothèque, s’il veut connaître son Port-Roval très honnêtement et par le bon côté, par le côté moral, sans entrer dans la polémique et la théologie : c’était à peu près le chiffre auquel M.  […] Nous avons su depuis pourtant qu’il eut quelquefois permission d’y entrer, les jours de Fête-Dieu, en suivant la procession du Saint-Sacrement.

64. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre XIII. Premières tentatives sur Jérusalem. »

On veillait surtout scrupuleusement à ce que personne n’entrât à l’état d’impureté légale dans les portiques intérieurs. […] Quand Omar entra dans Jérusalem, l’emplacement du temple était à dessein pollué en haine des Juifs 613. […] Nicodème ne se fit pas chrétien ; il crut devoir à sa position de ne pas entrer dans un mouvement révolutionnaire, qui ne comptait pas encore de notables adhérents. […] Mais il est bien probable que Jésus n’y entra jamais.

65. (1863) Cours familier de littérature. XVI « XCVIe entretien. Alfieri. Sa vie et ses œuvres (1re partie) » pp. 413-491

Quand j’entrai chez lui, son lit de mort était, pour ainsi dire, encore chaud, et il venait d’être emporté sous son pesant mausolée à Santa-Croce, dans une société de morts très supérieurs à lui : Michel-Ange, Machiavel, et, je crois, Galilée ! […] La chose réussit à ma grande satisfaction, et j’en contractai une vive reconnaissance envers le ministre, qui, de son côté, m’ayant pris en affection, fut le premier qui me mit dans la tête de me livrer désormais à l’étude de la politique, pour entrer dans la carrière diplomatique. […] Quelques mois après, quand je voulus revenir à cette malheureuse esquisse et la relire, elle me glaça tellement le cœur, et j’entrai contre moi dans une telle colère, qu’au lieu d’en poursuivre l’ennuyeuse lecture, je la jetai au feu. […] entré dans la triste saison des désenchantements, de plus en plus je m’enflamme pour elle, à mesure que le temps va détruisant en elle ce qui n’est pas elle, ces frêles avantages d’une beauté qui devait mourir. […] Quelques instants après, Charles-Édouard entrait dans le salon, mais si complètement ivre, qu’il eût été incapable de soutenir la moindre conversation.

66. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Correspondance de Lammenais » pp. 22-43

On a fort discuté pour savoir si Lamennais, à un moment de sa jeunesse, et avant d’entrer dans l’état ecclésiastique, avait cessé entièrement de croire. […] Lamennais entrait là-dessus dans des impatiences, dans de véritables fureurs ; il est curieux d’en noter les accès, les redoublements, presque à toutes les pages de la Correspondance. […] Nous nous en allons vers notre vraie patrie, vers la maison de notre père : mais, à l’entrée, il y a un passage où deux ne sauraient marcher de front, et où l’on cesse un moment de se voir : c’est là tout. » A Mme de Senfft encore, au moment où il agitait de publier les Paroles d’un Croyant (19 février 1834) : « Vous allez entrer dans le printemps, plus hâtif qu’en France dans le pays que vous habitez (Florence) : j’espère qu’il aura sur votre santé une influence heureuse : abandonnez-vous à ce qu’a de si doux cette saison de renaissance ; faites-vous fleur avec les fleurs. […] Il n’entrait pas dans mon esprit que M. de Lamennais, prêtre, et, à cette date, n’ayant nullement rompu encore avec Rome, pût se permettre une telle hardiesse. […] Il fut manifeste dès lors à tous qu’il était entré à pleines voiles dans un océan nouveau.

67. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Des prochaines élections de l’Académie. »

Belmontet vient d’annoncer, de poser, comme on dit, sa candidature par une lettre pleine d’un beau feu, où il parle en vétéran de la poésie, en homme qui est entré dans la carrière par une Fête sous Néron, en compagnie de Soumet, et qui n’a cessé de produire et de mériter depuis : Grand Art, j’ai combattu quarante ans pour ta gloire !  […] Baudelaire gagne à être vu, que là où l’on s’attendait à voir entrer un homme étrange, excentrique, on se trouve en présence d’un candidat poli, respectueux, exemplaire, d’un gentil garçon, fin de langage et tout à fait classique dans les formes. […] L’héritage du Père Lacordaire a dû occuper beaucoup ceux des académiciens qui composent la majorité de la Compagnie, et qui l'y avaient fait entrer. […] Lacordaire est entré à l’Académie non pour sa robe, non pour sa croyance, apparemment, mais pour son talent de parole et son éloquence ; il eût fait partie de la section désignée par ce nom. […] Il est bien peu d’oraisons funèbres, en effet, sans en excepter même quelques-unes des plus belles, où il ne soit entré un peu du procédé-Gicquel.

68. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Ducis épistolaire (suite) »

Quelques questions qui me sont adressées de divers côtés sur ce correspondant et ce malade de Ducis, Deleyre, m’engagent à y revenir un peu et à entrer dans quelques détails plus précis sur une figure des plus intéressantes et l’une de celles qui aident le mieux à comprendre ce monde de Rousseau et des philosophes, sur un personnage qui est lui-même un type parmi les secondaires. […] Il avait été dévot dans sa jeunesse, dévot au point d’entrer à quinze ans dans la Société des Jésuites. A vingt-deux ans, il s’était complètement affranchi des croyances ; mais le principe d’exaltation était dans sa famille, et l’un de ses jeunes frères, entré également chez les Jésuites, et juste au moment de leur suppression en France, avait l’imagination si frappée qu’il n’avait cru trouver de salut et d’abri qu’en s’allant jeter de là à La Trappe. […] la jolie porte, faite comme celle de votre cœur pour de vrais amis, et où l’on ne peut entrer deux à la fois ! […] C’est Shakespeare en personne entré à l’Académie.

69. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Histoire de la littérature anglaise par M. Taine. »

Il entra à l’École normale en 1848, le premier de sa promotion ; M.  […] Pour que rien ne manquât au contraste et à l’antagonisme, il y avait quelques élèves catholiques fervents qui sont entrés depuis à l’Oratoire ; c’était donc une lutte de chaque jour, une dispute acharnée, le pêle-mêle politique, esthétique, philosophique, le plus violent. […] Les avantages d’une telle palestre savante, d’un tel séminaire intellectuel, sont au-delà de ce qu’on peut dire, et c’est ainsi qu’en doivent juger surtout ceux qui ont été privés de cette haute culture privilégiée, de cette gymnastique incomparable, ceux qui, guerriers ordinaires, sont entrés dans la mêlée sans avoir été nourris de la moelle des lions et trempés dans le Styx. […] Lorsqu’il sortit de l’École, en 1851, de grands changements pourtant, et qui étaient devenus nécessaires, s’accomplissaient ; mais on était passé, selon l’usage, d’un excès à l’autre ; on entrait en pleine réaction. […] Cette habitude insensible des comparaisons, des combinaisons conciliantes, des accroissements par rencontre et par relation de société, leur a manqué ; les nuances, les correctifs ne sont pas entrés dans leur première manière : ils sont tranchés et crus.

70. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Monsieur Étienne, ou une émeute littéraire sous l’Empire. » pp. 474-493

Alphonse François a fait entrer des notices exactes et curieuses. […] Étienne, en écorchant ainsi le nom de Conaxa dont il faisait Onaxa, marquait assez qu’il n’avait nulle connaissance de cette ancienne pièce, ou du moins du manuscrit ainsi intitulé, et il en provoquait hardiment la confrontation avec son propre ouvrage : « Si quelque héritier ou quelque ami du jésuite voulait même le faire imprimer, disait-il, je lui indique l’adresse de Le Normant et Barba, chez lesquels va paraître ma quatrième édition. » Dans une préface qu’il se décida à joindre à cette quatrième édition mise en vente à quelques jours de là, il entrait dans quelques explications, et racontait qu’un de ses amis, M.  […] Étienne, il entrait dans le vif et divulguait les secrets du ménage. […] Je n’entrerai pas dans l’examen détaillé de son mérite comme publiciste et écrivain politique : ses lettres écrites dans La Minerve nous le montrent à son avantage, élégant, d’une élégance assez commune et monotone, fin, facile, adroit à trouver les prétextes d’opposition et les thèmes chers au public français ; il n’oubliait de caresser aucun lieu commun national, toutes les fois que cela servait à ses fins ; il savait le joint de chaque préjugé pour y entrer à la rencontre.

71. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Troisième partie. Beaux-arts et littérature. — Livre V. Harmonies de la religion chrétienne avec les scènes de la nature et les passions du cœur humain. — Chapitre III. Des Ruines en général. — Qu’il y en a de deux espèces. »

Nous entrâmes dans le cloître intérieur ; deux pruniers sauvages y croissaient parmi de hautes herbes et des décombres. […] Loin d’accuser mes décrets, imite ces serviteurs fidèles qui bénissent les coups de ma main, jusque sous les débris où je les écrase. » Nous entrâmes dans l’église, au moment où le prêtre donnait la bénédiction.

72. (1889) La bataille littéraire. Première série (1875-1878) pp. -312

Ce fut alors que les flammes jaunes entrèrent par les fenêtres. […] On les avait laissées entrer, quoique l’heure des visites fût passée. […] Zakhare entra et Oblomoff se replongea dans sa rêverie. […] Et ils entrèrent. […] Qui donc a laissé entrer ici ce discoureur ?

73. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Montesquieu. — [Note.] » pp. 83-84

Le domestique nous fit entrer dans la bibliothèque, où le premier objet qui s’offrit à notre curiosité fut un livre ouvert sur une table à laquelle il s’était probablement assis le soir précédent : la lampe éteinte était encore à côté. […] Nous n’étions pas revenus de notre surprise, elle augmenta encore lorsque nous vîmes entrer le président, dont l’aspect et les manières étaient tout à fait opposés à l’idée que nous nous étions faite de lui : au lieu d’un grave et austère philosophe dont la présence aurait pu intimider des enfants comme nous étions, la personne qui s’adressait à nous était un Français gai, poli, plein de vivacité, qui, après mille agréables compliments et mille remerciements pour l’honneur que nous lui faisions, désira savoir si nous ne voudrions pas déjeuner ; et comme nous nous excusions (car nous avions déjà mangé en route) : « Venez donc, nous dit-il, promenons-nous ; il fait une belle journée, et je désire vous montrer comme j’ai tâché de pratiquer ici le goût de votre pays et d’arranger mon habitation à l’anglaise. » Nous le suivîmes, et, du côté de la ferme, nous arrivâmes bientôt à la lisière d’un beau bois coupé en allées, clos de palissades, et dont l’entrée était fermée d’une barrière mobile d’environ trois pieds de haut, attachée avec un cadenas : « Venez, dit-il après avoir cherché dans sa poche ; ce n’est pas la peine d’attendre la clef ; vous pouvez, j’en suis sûr, sauter aussi bien que moi, et ce n’est pas cette barrière qui me gêne. » Ainsi disant, il courut à la barrière et sauta par-dessus le plus lestement du monde.

74. (1856) Mémoires du duc de Saint-Simon pp. 5-63

On est libéral avec les riches : « La nouvelle comtesse de Mailly, disent-ils, avait apporté tout le gauche de sa province, et entra dessus toute la gloire de la toute-puissante faveur de madame de Maintenon. » Cette métaphore inintelligible vous effarouche ; ne vous effarouchez pas. Saint-Simon a mis entra. […] La source est bourgeoise, mais l’argent est toujours bon. — Et comme le roi, en véritable père, entrait dans les affaires privées de ses sujets, on ajoutait : Sire, ma femme me trompe, mettez-la au couvent. […] Pourrai-je entrer avec mon carrosse jusque chez le roi ? […] Quand il entra dans le monde, il trouva le roi demi-dieu.

75. (1883) Souvenirs d’enfance et de jeunesse « Chapitre I. Le broyeur de lin  (1876) »

On entrait dans la cour par une grande porte cintrée, surmontée d’un abri d’ardoises, à côté de laquelle se trouvait une porte plus petite pour l’usage de tous les jours. […] Les autres nobles étaient fâchés de le voir si pauvre, et auraient voulu le relever ; cet esprit simple n’entra pas dans les raisonnements qu’on lui fit. […] La pauvre obsédée s’empara de cette clef pendant la messe de minuit et entra dans la cure. […]  » Il était plongé dans les plus sombres pensées, quand il vit entrer le broyeur de lin, droit en sa haute taille et plus pâle que la mort. […] Le broyeur de lin entra, droit et ferme, la figure résignée.

76. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Mémoires sur la mort de Louis XV »

Ce plat gentilhomme de la chambre, au mépris de son devoir, renonça au droit qu’il avait d’entrer chez le roi, d’en savoir des nouvelles lui-même, de le servir, pour empêcher d’entrer ceux qui avaient le même droit que lui, et pour laisser le roi malade passer honteusement la journée à un quart de lieue de ses enfants, entre sa maîtresse et son valet de chambre. […] Il lui conseillait aussi de s’appliquer à ne faire appeler que tard ceux qui avaient droit d’entrer chez le roi et d’obtenir de lui qu’il les fit sortir de bonne heure. […] M. d’Aumont s’occupait aussi de reculer les entrées, c’est-à-dire de ne laisser entrer les personnes qui avaient droit d’entrer dans une chambre que dans celle qui la précédait ; par ce moyen, il laissait libre et sans bruit la salle du conseil, qui précédait immédiatement la chambre du lit, et cet arrangement était raisonnable. […] Son mal de tête, qui n’avait pas cédé à la première saignée, ne cédait pas plus à la seconde, et il se répandait dans Versailles, à la grande satisfaction des uns et au grand chagrin des autres, que le roi entrait dans une grande maladie.

77. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Alexandre Dumas fils — Chapitre XV »

La vertu, la dignité, le respect d’elle-même n’entrent pour rien dans sa résistance. […] Nous entrons, avec elle, à l’acte suivant, dans l’hôtel de mistress Clarkson. […] Que la princesse de Bagdad daigne y entrer, — Sésame ! […] Cette femme qu’il adore en la maudissant, il la suit, il la voit entrer dans la maison de celui qu’il a toute raison de prendre pour son séducteur, son acheteur, pour mieux dire. […] Entrer de force, provoquer Nourvady, le tuer sur place, il ne le peut pas.

78. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Catinat. »

Il a les intentions tout à fait bonnes pour le service du roi ; mais comme ses manières ne sont pas tout à fait polies, Sa Majesté vous recommande de bien vivre avec lui et de ne pas relever de petites choses dont un homme moins sage que vous aurait peine à s’accommoder. » Catinat devait se concerter avec M. de Quincy pour tout ce qui pourrait incommoder Mons, et pour empêcher qu’il n’y entrât rien ; il dut démolir des moulins à eau qui étaient dans les dehors et qui servaient à alimenter la place de farines. […] Mattioli le croyait seul ; on s’enferma à trois dans une chambre ; on parut traiter sérieusement de l’affaire, et, à un moment, l’abbé d’Estrades étant sorti sans affectation, donna le signal : des dragons qui étaient apostés entrèrent brusquement, se saisirent de Mattioli, le bâillonnèrent, le garrottèrent, et une demi-heure après il était dans la citadelle de Pignerol. […] Il rendait compte assez gaiement de ces circonstances à Louvois, dans une lettre du 6 septembre : « Je suis arrivé ici le 3e du mois, et j’y serais même arrivé le 2e, sans les mesures que j’ai prises avec M. de Saint-Mars pour y entrer secrètement. […] Boufflers suivit exactement ses instructions, et, sans rencontrer d’obstacles, il entra le 30 septembre, jour indiqué, dans la citadelle de Casal. C’était le jour même où Louvois entrait, pour en prendre possession, dans Strasbourg.

79. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Idées et sensations : par MM. Edmond et Jules de Goncourt. »

MM. de Goncourt qui, à huit ans de distance l’un de l’autre, sont jumeaux ; qui pensent et sentent à l’unisson ; qui non-seulement écrivent, mais causent comme un seul homme, l’un seulement avec plus de réflexion et de suite, l’autre avec plus de pétillement et de saillies, sont entrés dans la littérature par la peinture, par les arts : ne l’oublions pas, et eux-mêmes, dans ce qu’ils écrivent, ne permettent jamais de l’oublier. De plus, ils sont entrés dans la littérature et dans l’art par le xviiie  siècle d’abord, par le xviiie  siècle exclusivement : ç’a été là leur première et unique Antiquité, et de cette étude ils ont passé immédiatement à celle des mœurs et des personnages du jour, sur les traces et à l’exemple de Gavarni. […] Comme ils sont entrés dans cette époque par l’art et par les tableaux, les livres ne sont venus pour eux qu’en second, et quand ils ont abordé les livres, ils ont commencé par les plus minces, les plus légers, les plus piquants, les plus analogues aux peintures de genre. […] Voici un petit rêve d’élégie bien française, bien moderne, qui vaut certes toutes les réminiscences des Ovide et des Tibulle : c’est léger, délicat, d’une tendresse de dilettante, d’un regret de xviiie  siècle dans le xixe  ; un idéal rapide de bonheur d’après Fragonard et Denon : « J’ai toujours rêvé ceci, — et ceci ne m’arrivera jamais : Je voudrais, la nuit, entrer par une petite porte que je vois, à serrure rouillée, collée, cachée dans un mur ; je voudrais entrer dans un parc que je ne connaîtrais pas, petit, étroit, mystérieux ; peu ou point de lune ; un petit pavillon ; dedans, une femme que je n’aurais jamais vue et qui ressemblerait à un portrait que j’aurais vu ; un souper froid, point d’embarras, une causerie où l’on ne parlerait d’aucune des choses du moment, ni de l’année présente, un sourire de Belle au bois dormant, point de domestique… Et s’en aller, sans rien savoir, comme d’un bonheur où l’on a été mené les yeux bandés, et ne pas même chercher la femme, la maison, la porte, parce qu’il faut être discret avec un rêve… Mais jamais, jamais cela ne m’arrivera !

80. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Le comte de Clermont et sa cour, par M. Jules Cousin. »

Il eut dispense et entra pour la première fois en campagne à la fin de 1733. […] Louis XV étant tombé malade à Metz pendant cette campagne, le comte de Clermont, sur le conseil de M. de Valfons (celui-ci du moins s’en vante), se rendit auprès du roi, là où était sa place et il n’eut qu’à s’en féliciter ; comme depuis le commencement de la maladie, les deux sœurs (Mme de Châteauroux et de Lauraguais), M. de Richelieu et les domestiques inférieurs étaient les seuls qui entrassent dans la chambre du roi, au grand murmure des princes du sang et des grands officiers exclus, qui attendaient dans une sorte d’antichambre, il prit sur lui d’entrer sans permission dans la chambre du roi et de lui dire « qu’il ne pouvait croire que son intention fût que les princes de son sang, qui étaient dans Metz occupés sans cesse de savoir de ses nouvelles, et ses grands officiers fussent privés de la satisfaction d’en savoir par eux-mêmes ; qu’ils ne voulaient pas que leur présence pût lui être importune, mais seulement avoir la liberté d’entrer des moments, et que pour prouver que pour lui il n’avait d’autre but, il se retirait sur-le-champ. […] Le même Rochambeau nous donne un détail que Valfons, tout occupé de ses affaires personnelles et de ses griefs, a négligé : « M. le comte de Clermont étant entré dans la ville et logé à l’évêché, l’évêque vint lui donner une alarme qui était très bien fondée.

81. (1889) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Quatrième série « Alphonse Daudet, l’Immortel. »

. — L’Académie est, pour ceux qui y entrent, l’éteignoir du talent, la fin des belles et généreuses audaces ? […] Ainsi les esprits, même les plus modérés, refusent d’entrer dans les sentiments de M.  […] Car, enfin, on avait bien vu des hommes de lettres conspuer l’Académie dans leur jeunesse, quand elle ne songeait pas à eux, et y entrer dans leur âge mûr ; mais on n’avait jamais vu, que je sache, un écrivain, n’ayant qu’un signe à faire pour y entrer, déclarer publiquement qu’il ne voulait pas en être, et, l’Académie lui ayant pardonné, renouveler cette impertinente déclaration. […] C’est à cause de cela qu’ils nous entrent si avant dans l’imagination et qu’ils nous restent dans la mémoire.

82. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Rulhière. » pp. 567-586

Rulhière était d’avis que, dans un cercle, il ne fallait jamais se presser de demander quel était l’homme qu’on voyait entrer et qu’on ne connaissait pas : « Avec un peu de patience et d’attention, on n’importune ni le maître ni la maîtresse de la maison, et l’on se ménage le plaisir de deviner. » Il avait là-dessus toutes sortes de préceptes, de menues remarques très fines, très ingénieuses, dont il faisait la démonstration quand on le voulait, et il ne se trompait guère : Il en fit en ma présence l’application chez Mlle Dornais, raconte Diderot : il survint sur le soir un personnage qu’il ne connaissait pas ; mais ce personnage ne parlait pas haut ; il avait de l’aisance dans le maintien, de la pureté dans l’expression, et une politesse froide dans les manières […] Un jour, un matin de 1771, il rentrait du bal (il était neuf heures du matin), il voit entrer son voisin Dusaulx, l’air tout bouleversé. […] Si c’est pour dîner, il est trop tôt ; si c’est pour me voir, il est trop tard. » Puis, se ravisant : — « Entrez, je sais ce que vous cherchez, et n’ai rien de caché… même pour vous. » Et Rousseau alors, s’adressant à sa ménagère, entre à dessein dans mille détails de cuisine et de pot-au-feu ; puis se retournant vers Rulhière : « Vous voilà suffisamment instruit des secrets de ma maison, et je défie toute votre sagacité d’y jamais rien trouver qui puisse servir à la comédie que vous faites. » — Il ne se doutait pas, ajoute Rulhière, qu’il venait de m’en fournir le meilleur trait. […] Mais bientôt, cette direction échappant aux mains des gouvernants, la société tout entière entra dans une de ces agitations profondes dont aucun esprit clairvoyant ne pouvait prévoir le terme ni les crises. […] Homme de lettres, il était entré à l’Académie en 1787 avec un discours supérieur de vues et parfait d’élégance, qui lui avait valu un applaudissement unanime.

83. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « La princesse des Ursins. Lettres de Mme de Maintenon et de la princesse des Ursins — I. » pp. 401-420

À moins d’être historien, on aurait peu l’idée d’entrer dans une appréciation plus particulière de sa renommée, si l’on n’avait d’elle presque toute sa correspondance avec Mme de Maintenon : c’est par là qu’il nous est permis de l’approcher plus familièrement, de pénétrer dans son esprit, et de prononcer sur son compte avec plus d’estime qu’on ne fait d’ordinaire. […] Mme des Ursins, qui y joignait les ambitions du nôtre, entra dans son rôle nouveau avec un zèle, une ardeur, une activité plus que viriles. […] Jamais le roi ne se lèverait si je n’allais tirer son rideau ; et ce serait un sacrilège si une autre que moi entrait dans la chambre de la reine quand ils sont au lit. […] Un jour que Louville entrait avec le duc de Medinaceli dans l’appartement de Mme des Ursins, où celle-ci les introduisait pour causer plus librement, d’Aubigny, qui était installé au fond, ne voyant que la princesse et la croyant seule, se mit à l’apostropher en des termes d’une familiarité brusque, et des plus crus, qui mirent tout le monde dans la confusion. […] Si elle avait eu un fidèle attachement pour vous, elle aurait sacrifié tous ses ressentiments, bien ou mal fondés, contre le cardinal d’Estrées, au lieu de vous y faire entrer.

84. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Le duc d’Antin ou le parfait courtisan. » pp. 479-498

Ne nous refusons pas d’y entrer avec lui. […] Louis-Antoine de Pardaillan de Gondrin, marquis et plus tard duc d’Antin, né vers 1665, était fils de Mme de Montespan, et, ce qui fit longtemps son désespoir, il était fils de son père, c’est-à-dire de M. de Montespan, et non pas de Louis XIV ; il était le fils unique né dans le mariage, et avant que Mme de Montespan entrât au lit de Jupiter pour lui donner des demi-dieux. […] Après avoir fait son temps à l’Académie, c’est-à-dire s’être dressé aux divers exercices de corps, au cheval, aux armes, et à tout ce qui constituait un jeune homme de qualité accompli, d’Antin, à l’âge de dix-huit ans, entra au service ; on lui eut une place de sous-lieutenant dans un corps d’élite, dans le régiment du Roi, et il eut la permission, avant de partir, d’aller saluer le roi lui-même à Fontainebleau : M. le duc de Bellegarde, mon oncle, fut chargé de me présenter. […] C’est ainsi que les disgraciés et ceux que frappait le malheur raisonnaient et réfléchissaient au xviie  siècle : tantôt, comme M. de Bellefonds, comme M. de Tréville, ils entraient dans la retraite et la pénitence pour n’en plus sortir73 ; tantôt, comme d’Antin, ils en essayaient seulement en secret pour retomber bientôt au courant de leurs goûts mondains et de leurs faiblesses : mais c’était déjà quelque chose que d’essayer. […] — Le duc d’Orléans le choisit toutefois pour entrer dans le nouveau gouvernement, et d’Antin, qui ne savait pas dire non à celui qui régnait, se laissa faire.

85. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « Prosper Mérimée »

Il se vante, il est vrai, en ces Lettres qui le changent, non plus en nourrice, mais en tombe, d’avoir été trois ans un damné mauvais sujet ; mais, outre que les passions ne sont pas plus de l’âme que les servantes ne sont leurs maîtresses, quoique les mauvais sujets les leur préfèrent souvent, un homme qui, comme feu Mérimée, passa toute sa vie à avaler des dictionnaires et des grammaires, à visiter des musées, à gratter la terre pour y trouver des antiques, à monter et à descendre des escaliers pour entrer ès Académies, à galoper et à valeter sur toutes les routes, comme un courrier de malle-poste, dans l’intérêt de l’art et des gouvernements, à rapporter au Sénat et à charader pour l’Impératrice, était attelé à trop de besognes pour avoir le temps de regarder du côté de son cœur pour s’attester qu’il en avait un… Eh bien, c’était là une erreur ! […] Il n’est plus jeune ici, il n’est plus mauvais sujet, il ne se porte plus bien, il a, dans son corps de lanterne, deux maladies à casser le corps d’un pauvre homme, et il est obligé d’entrer, à toute minute, dans des pantalons collants, malheur comique dont il ne rit pas ! […] Il valeta comme pas un pour y entrer, et quand, essoufflé et sur les dents, de ses marches, contremarches et démarches pour se pousser dans la Française, il y fut entré à la fin, il repartit, comme une locomotive haletante, pour forcer celle des Inscriptions !!! […] Si donc on ne veut pas montrer la médiocrité ou la pauvreté de son âme, il faut bien se garder d’entrer dans le confessionnal d’une correspondance, où l’on s’accuse sans vouloir s’accuser et quelquefois en se vantant.

86. (1868) Les philosophes classiques du XIXe siècle en France « Chapitre II : M. Royer-Collard »

Lui-même, après une éducation toute religieuse, grave, studieux, muni de convictions fortes, éprouvé par la proscription, formé pour gouverner les hommes sans les contraindre, et préparé à la politique par la morale, il entrait dans les affaires publiques, lorsque l’anarchie du Directoire et le despotisme de l’Empire lui fermèrent la carrière pour laquelle il était né et il était prêt. […] Royer-Collard, pénétrantes et distinctes, entraient dans l’esprit comme les sons perçants d’un battant d’acier. […] Entrez ici ; voici Ænésidème et Hume. […] Le bon général est celui qui les laisse aller d’eux-mêmes, sans contrainte, vers le terme où leur nature les pousse, qui constate ce terme et ne le choisit pas, qui les regarde marcher, qui ne leur prescrit pas leur marche, et qui, au moment d’entrer dans l’examen de la perception extérieure, se parle ainsi : Je fais deux parts de moi-même : l’homme ordinaire, qui boit, qui mange, qui fait ses affaires, qui évite d’être nuisible, et qui tâche d’être utile. […] Je prononce de plus qu’il est étendu et solide ; ces deux dernières idées entrent en moi pour la première fois.

87. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Mélanges de critique religieuse, par M. Edmond Scherer » pp. 53-66

Vous êtes entré dans une voie que vous ne sauriez suivre jusqu’au bout sans mettre en péril une foule d’idées qui vous sont encore chères et sacrées. » Nous sommes avertis, en effet, par l’auteur dans la courte préface qu’il a mise en tête, que ce volume renferme « des manières de dire et de penser qui lui sont devenues à peu près étrangères ». […] L’auteur y est entré tout d’abord et sans peine en traitant de Joseph de Maistre, avec qui l’on n’a pas tant de ménagements à garder puisqu’il n’en a eu pour personne. […] Scherer, ouvrent une série assez nombreuse de pamphlets politiques dans l’examen desquels nous ne croyons pas devoir entrer : aussi bien, nous pensons qu’ils ont mal servi la réputation de Lamennais. […] Malheureusement, cette tendance se développa à mesure que l’auteur entra plus avant dans la carrière politique ; son rôle d’opposition, le vague de ses principes, ses emportements le poussaient à la phrase.

88. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Mémoires de l’impératrice Catherine II. Écrits par elle-même, (suite.) »

La pitié était un sentiment pénible et même insupportable à son âme. » Un autre jour, quatre ans plus tard, la Cour étant à Moscou, Catherine eut à entrer dans les appartements du grand-duc pour remettre la paix et le bon ordre parmi ses gens, avec qui il avait l’habitude de boire, qu’il traitait de pair à compagnon, et qu’ensuite il rossait à coups de bâton ou de plat de sabre sans pouvoir les réduire, tandis qu’elle, d’ordinaire, elle y réussissait avec une parole ; et il se voyait quelquefois obligé de recourir à elle pour se tirer d’aflaire. […] Il célébrait les fêtes de la Cour avec beaucoup de régularité, en faisant faire le feu roulant à ces troupes-là ; outre cela, chaque jour on relevait la garde, c’est-à-dire que de chaque table on prenait les poupées qui étaient censées monter la garde ; il assistait à cette parade en uniforme, bottes, éperons, hausse-col et écharpe ; ceux de ses domestiques qui étaient admis à ce bel exercice étaient obligés d’y assister de même. » Dans l’état d’ivresse qui lui était habituel, il lui arriva plus d’une fois, vers ce temps, d’entrer chez la grande-duchesse et de tirer l’épée dans sa chambre, soit pour la menacer, soit sous prétexte de la défendre contre de chimériques ennemis : sans s’effrayer, elle le renvoyait cuver son vin et dormir. […] Écoutons : « Un jour, voulant entrer dans mon cabinet, je l’y trouvai (Léon Narichkine) impertinemment couché sur un canapé qui s’y trouvait, et chantant une chanson qui n’avait pas le sens commun. […] La belle-sœur y consentit de bon cœur, et tout de suite nous nous fîmes apporter de bonnes verges entourées d’orties ; nous nous fîmes accompagner par une veuve qui était chez moi, parmi mes femmes, nommée Tatiana Jourievna, et nous entrâmes toutes les trois dans mon cabinet, où nous trouvâmes Léon Narichkine à la même place, chantant à gorge déployée sa chanson.

89. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Bossuet. Œuvres complètes publiées d’après les imprimés et les manuscrits originaux, par M. Lachat »

Bossuet n’avait pas besoin d’être tout cela pour devenir et rester le plus grand orateur sacré et même un Père de l’Église, comme l’appelait La Bruyère : il avait plutôt besoin de n’être rien de cela et de n’admettre aucun doute, de ne tolérer aucune inquiétude d’opinion, aucune recherche de vérité nouvelle : il entrait en impatience dès qu’on remuait autour de lui, et tout son raisonnement, aussitôt, toute sa doctrine se levait en masse et en bon ordre comme une armée rangée en bataille. […] Et montrant de plus, au sujet de la controverse avec Leibnitz, que Bossuet n’était entré, à aucun moment, dans l’esprit même de cet essai de conciliation chrétienne supérieure et avait prolongé, sans paraître s’en douter, un malentendu perpétuel, il se risquait à dire que cela donnait quasi raison à certains critiques délicats « qui trouvent à Bossuet l’imagination d’Homère et point d’esprit ». […] Ledieu fait des phrases sur Homère et Démosthène ; pour couper court à ces assertions vagues qui tendraient à faire du lévite et du prêtre par vocation un nourrisson des neuf Muses, on peut recourir à Bossuet lui-même dans une note qu’il a tracée de ses études jusqu’à l’âge de quarante-deux ans environ : à cette première époque, et avant d’entrer dans cette seconde carrière de précepteur du Dauphin qui le ramena heureusement par devoir aux lettres et aux lectures profanes, il était sobre dans ses choix de ce côté, sobre et même exclusif : Virgile, Cicéron, un peu Homère, un peu Démosthène, … mais les choses avant tout, c’est-à-dire les saintes Écritures anciennes et nouvelles, l’Ancien et le Nouveau Testament, médité, remédité sans cesse dans toutes ses parties ; ce fut du premier jour sa principale, sa perpétuelle lecture, celle sur laquelle il aspirera à vieillir et à mourir : Certe in his consenescere, his immori, summa votorum est , disait-il. […] Un jour, à l’une de ces thèses dite la tentative, le prince de Condé, ami et protecteur de sa famille, à qui il l’avait dédiée et qui y assistait, voyant le répondant assailli de toutes parts et faisant face à tous, eut la tentation lui-même de faire comme sur le champ de bataille, de courir à son secours et d’entrer dans la mêlée : instinct de héros, qui ne peut voir un ami, un brave dans le péril, sans s’y jeter et sans prendre sa part à la fête. — Ou bien encore (car ces sortes de légendes sont flottantes) ce fut contre le brillant bachelier en personne qu’il se sentit, dit-on, l’envie de disputer, le voyant si redoutable et si vainqueur : autre instinct de héros et d’Alexandre, jaloux de toutes les palmes, avide et amoureux de toutes les gloires.

90. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « M. Ernest Renan »

Dans tout pays où la science serait apprécie pour elle-même, où le caractère des hommes serait honoré pour ce qu’il vaut, où l’on aimerait mieux entrer en controverse, s’il y avait lieu, avec l’homme de mérite que de l’apostropher et de l’injurier, où l’on ne procéderait point en idées comme en tout par accès et par fougues, par sauts et par bonds, il n’y aurait pas eu tout ce bruit, et nous irions entendre M.  […] Renan entra à Saint-Sulpice, et d’abord à la maison d’Issy pour y faire sa philosophie pendant deux ans. […] Telle est l’humanité : chaque nation, chaque forme intellectuelle, religieuse, morale, laisse après elle une courte expression qui en est comme le type abrégé et expressif, et qui demeure pour représenter les millions d’hommes à jamais oubliés qui ont vécu et qui sont morts groupés autour d’elle. » Cette conscience, cette mémoire du genre humain, c’est donc comme une Arche de Noë perpétuelle dans laquelle il ne peut entrer que les chefs de file de chaque race, de chaque série. […] C’est à la science de relever et de trier en chaque branche ce qui est digne d’y entrer et d’y figurer.

91. (1875) Premiers lundis. Tome III « Sur le sénatus-consulte »

Cette idée de nécessité a aussi cela de bon qu’elle doit couper court à tous les regrets, à tous les gémissements rétrospectifs ; que, quelles qu’aient été à nous tous, amis de l’empire dès la première heure, nos vues d’avenir, nos ambitions pour ce régime d’une dictature éclairée et progressive, nos espérances plus ou moins réalisées, plus ou moins déçues, nous n’avons plus qu’une seule idée à suivre, un seul soin à prendre : — entrer sans arrière-pensée de retour dans la nouvelle voie commandée et imposée. […] tous avez contre vous, ou du moins vous n’avez pas pour vous une Académie sérieuse, l’Académie des sciences morales et politiques, quoique vous y ayez infusé et fait entrer par décret une dizaine de vos amis ; mais tout cela s’est vite fondu et noyé dans l’ensemble, et l’esprit général n’est point pour vous !  […] Nous l’avons fait entrer à sa date, dans la suite de ces Mélanges. […] Cet article est entré depuis dans les Causeries du Lundi, tome XV.

92. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XV » pp. 175-187

Il l’étendit même à toutes les vanités et à tous les plaisirs qui peuvent entrer dans l’existence d’une nation. […] Avant d’entrer dans ce brillant avenir, je crois à propos de dire avec quelque précision quel était en 1660 l’état de la langue et de la littérature française. […] Descartes ne fit point entrer de poésie dans sa méthode ; Corneille point de métaphysique dans son théâtre.

93. (1767) Salon de 1767 « Les deux académies » pp. 340-345

Les plus échauffés des jeunes élèves s’attachent à ses vêtemens, et lui disent : croûte, croûte abominable, infâme croûte, tu n’entreras pas ; nous t’assommerons plutôt ; et puis c’était un redoublement de cris et de huées à ne pas s’entendre. Le Moette tremblant, déconcerté, disait : messieurs, ce n’est pas moi, c’est l’académie ; et on lui répondait : si tu n’es pas un indigne comme ceux qui t’ont nommé, remonte et va leur dire que tu ne veux pas entrer. […] Moette, honteux de son élection, a été un mois entier sans entrer à la pension, et il a bien fait de laisser à la haine de ses camarades le temps de tomber.

94. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Appendice — Une discussion dans les bureaux du Constitutionnel »

Un dimanche donc, après nous être acquittés tous deux de cette besogne hebdomadaire, qui nous prenait ordinairement toute la journée, — nous nous y attelions dès neuf heures du matin, — j’entrai avec lui dans le cabinet du rédacteur en chef qui était alors M.  […] Sainte-Beuve n’était pas encore sénateur, ce qui prouve bien que sa nomination ne tenait pas à un article, comme ont pu le croire certains de ses confrères à l’Académie française, gros bonnets de la littérature, qui payèrent leur tribut au livre de… César par avancement d’hoirie, et n’entrèrent au Sénat que de longues années après.

95. (1870) De l’intelligence. Première partie : Les éléments de la connaissance « Note II. Sur l’hallucination progressive avec intégrité de la raison » pp. 396-399

Lorsqu’il tenait son regard fixé sur elles et que quelqu’un entrait dans la chambre, l’arrivant était momentanément caché par l’image et semblait passer derrière elle lorsqu’il arrivait au point où elle était ; mais, si le regard se portait sur l’arrivant dès son entrée dans la pièce et demeurait attaché sur lui pendant sa marche, celui-ci paraissait passer devant l’image et la dérobait un instant à la vue du malade, lorsqu’il arrivait au point où elle se trouvait. — Jusqu’ici, la vue seule était hallucinée. […] lorsqu’on entra dans sa chambre, apportant un bouillon.

96. (1913) Essai sur la littérature merveilleuse des noirs ; suivi de Contes indigènes de l’Ouest-Africain français « Contes — V. L’avare et l’étranger »

Il se rendit chez celui-ci et entra dans la case au moment même où la femme demandait à son mari : « Maître, faut-il apporter le touho ?  […] cria-t-il à sa femme, enlève le touho et quand l’étranger entrera, annonce-lui que je viens de mourir ».

97. (1908) Les œuvres et les hommes XXIV. Voyageurs et romanciers « Paul Nibelle »

Après Agathon, après Anacharsis, après Télémaque et Alcinoüs, on est tenu d’entrer dans le monde de l’Antiquité comme y est entré Gœthe, ou bien de rester sur le seuil.

98. (1901) L’imagination de l’artiste pp. 1-286

Dans le paysage faisons entrer la figure humaine. […] Est-il nécessaire d’entrer dans le détail des associations ? […] Ce sera l’âme entière qui entrera en vibration. […] Le vers peut entrer en toutes lettres dans le décor. […] Enfin nous entrerons en plein arbitraire.

99. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « LI » pp. 198-202

— Les Revues entrent de plus en plus dans une voie d’opposition, d’une opposition modérée, assez pratique, et qui gravite autour de MM. […] M. le comte Alexis de Saint-Priest est l’auteur d’une Histoire de la royauté depuis Auguste jusqu’à Hugues Capet, où il entrait beaucoup d’érudition et de talent.

100. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « de la littérature de ce temps-ci, a propos du « népenthès » de m. loève-veimars (1833). » pp. 506-509

La ville où l’on séjourne a beau être embrouillée, inégale, tortueuse, sans ordre et sans plan, pleine de carrefours, de tréteaux de charlatans, de passages et de ruelles, de monuments inachevés dont le pierres encombrent les places, d’arcs de triomphe sans chars ni statues de vainqueurs, de clochers et de coupoles sans croix : quand le soleil est couché, quand, du haut des collines prochaines, le voyageur qui n’est pas entré dans cette ville, et qui n’y a pas vécu, l’aperçoit à l’horizon dessinant sa silhouette déjà sombre sur le ciel encore rougi du couchant, il la voit toute différente ; il y distingue des étages naturels, des accidents dominants, des masses imposantes et combinées ; les édifices, que la distance et l’obscurité achèvent et idéalisent à ses yeux, lui apparaissent selon des hauteurs bien diverses. Ce voyageur qui passe, et qui n’a pas le temps de s’approcher ni d’entrer, a-t-il donc tout à fait tort dans l’idée qu’il emporte de cette ville ?

101. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Le père Bouhours, et Barbier d’Aucour. » pp. 290-296

Mais le trait, lancé contre l’auteur des Entretiens, étoit entré trop avant dans son cœur pour l’en arracher. […] Il dit lui-même qu’il n’avoit de talent que celui d’entrer dans la plus fine métaphysique de la Grammaire.

102. (1874) Premiers lundis. Tome II « Poésie — George Sand. Cosima. »

Elle ne le paraissait pas davantage, certainement, aux auteurs dramatiques de toute école et de toute nuance, qui n’aiment jamais à entrer en partage, surtout quand le nouveau venu est suspect de griffe de lion, et, sans mettre le cœur humain au pis, on peut supposer que ces auteurs de tous bords qui surveillent une première représentation, n’auraient pas voté à pensée ouverte pour un succès non marchandé. […] Mais une pensée semblable était difficile à articuler ; acteur, il fallait en marquer l’effort, entrer, pour ainsi dire, dans la crainte de l’exprimer. […] En général, il faut le dire, si l’on excepte madame Dorval, qui est toujours à excepter, et Geffroy, qui souvent a été bien, la pièce nous a paru jouée d’une manière insuffisante, sans ensemble, sans célérité, comme si les acteurs entraient peu dans leur rôle.

103. (1863) Molière et la comédie italienne « Chapitre II. La commedia dell’arte » pp. 10-30

L’esprit devait d’ailleurs se plier, se façonner à ce rôle perpétuel, et l’on finissait par entrer sans doute dans la peau de son personnage. […] Ces canevas furent plus ou moins développés : ils se bornaient parfois à un sommaire très précis, que l’on affichait dans les coulisses et que les acteurs pouvaient consulter avant d’entrer en scène. Parfois aussi, lorsque les pièces devinrent très compliquées, très chargées de personnages et d’incidents, les canevas entraient dans tous les détails de l’action ; la trame était tissue avec soin ; à l’acteur d’y broder les arabesques d’une libre fantaisie, suivant la disposition du moment et celle que montrait le public.

104. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre X. Prédictions du lac. »

Un élément communiste entrait dans toutes ces sectes, également mal vues des Pharisiens et des Sadducéens. […] Ceux qui reculaient devant cette extrémité n’entraient pas dans la communauté 496. […] Enfin, dans un moment où, moins exagéré, Jésus ne présente l’obligation de vendre ses biens et de les donner aux pauvres que comme un conseil de perfection, il fait encore cette déclaration terrible : « Il est plus facile à un chameau de passer par le trou d’une aiguille qu’à un riche d’entrer dans le royaume de Dieu 502. » Un sentiment d’une admirable profondeur domina en tout ceci Jésus, ainsi que la bande de joyeux enfants qui l’accompagnaient, et fit de lui pour l’éternité le vrai créateur de la paix de l’âme, le grand consolateur de la vie.

105. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre quatrième. Du cours que suit l’histoire des nations — Chapitre V. Autres preuves tirées des caractères propres aux aristocraties héroïques. — Garde des limites, des ordres politiques, des lois » pp. 321-333

Ils les mariaient pour leur propre avantage, c’est-à-dire, pour faire entrer dans leurs maisons les femmes qu’ils en jugeaient dignes. […] Les démocraties sont bienveillantes pour les fils, les monarchies veulent que les pères soient occupés par l’amour de leurs enfants ; aussi les progrès de l’humanité ayant aboli le droit barbare des premiers pères de familles sur la personne de leurs fils, les Empereurs voulurent abolir aussi le droit qu’ils conservaient sur leurs acquêts, et introduisirent d’abord le peculium castrense, pour inviter les fils de famille au service militaire ; puis ils en étendirent les avantages au peculium quasi castrense, pour les inviter à entrer dans le service du palais ; enfin pour contenter les fils qui n’étaient ni soldats ni lettrés, ils introduisirent le peculium adventitium. […] Voilà pourquoi nous lisons dans l’histoire romaine que tant que le gouvernement de Rome fut aristocratique, le droit des mariages solennels, le consulat, le sacerdoce ne sortaient point de l’ordre des sénateurs, dans lequel n’entraient que les nobles ; et que la science des lois restait sacrée ou secrète (car c’est la même chose) dans le collège des pontifes, composé des seuls nobles chez toutes les nations héroïques.

106. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « L’abbé de Bernis. » pp. 1-22

Il dit quelques mots sur l’utilité des relations entre les gens du monde et les gens de lettres, sur les avantages qu’en avait recueillis la langue dès le temps des La Rochefoucauld, des Saint-Évremond, des Bussy ; lui, c’était bien sur le pied de leur successeur, d’homme de qualité aimant et cultivant les lettres, qu’il entrait dans la compagnie. […] Sous Mme de Maintenon, on prétendait que les preuves de pauvreté qu’il fallait faire pour entrer à Saint-Cyr en écarteraient la noblesse ; et aujourd’hui la noblesse aisée n’a pas honte de se dire pauvre pour y faire admettre ses filles, qui, sous cet habit de laine brune qui révoltait si fort autrefois, prennent plus de vanité et d’orgueil qu’il n’en faudrait. […] Il se flatte, Sire, que la route où il est entré pourra le mener encore faire sa cour à Votre Majesté. […] Ce sera là sa plainte continuelle pendant sa faveur, et son excuse après la chute ; car, même quand il fut entré au ministère, il se trouva constamment contrarié par ceux ou, pour mieux dire, par celle qui ne voulait de lui que comme instrument : « On m’a fait danser sur un grand théâtre avec des fers aux pieds et aux mains. […] Bernis, entré au Conseil à titre de ministre d’État en janvier 1757, nommé secrétaire d’État aux Affaires étrangères en juin de la même année, promu à la dignité de cardinal en octobre 1758, fut subitement remplacé par Choiseul en novembre, puis presque aussitôt envoyé en exil à son abbaye de Saint-Médard de Soissons.

107. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Lettres inédites de Michel de Montaigne, et de quelques autres personnages du XVIe siècle »

pour quelle part entra-t-elle dans la morale des Essais ? […] Nous avons vu Montaigne en voyage, ajoutant chaque jour par sa curiosité à ses connaissances et à ses plaisirs : et en général, il semble n’avoir voulu prendre de chaque état nouveau, de chaque profession ou fonction accidentelle où il entrait, que ce qu’il en fallait pour compléter son éducation personnelle, pour perfectionner son outil intérieur par une application fréquente et variée. […] Cela même, quand il entrait dans une affaire, circonscrivait sa portée d’action et limitait son succès. […] Envoyé par le roi pour châtier une rébellion et venger le meurtre du gouverneur de Bordeaux, Monneins son propre parent, qui y avait péri odieusement massacré, il arriva devant cette ville, enflammé de colère, n’y voulut entrer que par la brèche et en ennemi, après avoir fait abattre trente toises de murailles, désarma les bourgeois, en envoya cent cinquante au dernier supplice ; et en outre il fit dresser un épouvantable arrêt par le maître des requêtes, Étienne de Nully, le plus violent des hommes, arrêt par lequel il interdit le Parlement, fit enlever toutes les cloches de la ville, supprima les privilèges des bourgeois, les contraignit d’en brûler eux-mêmes les titres et chartes, et de plus, ils durent déterrer le corps du gouverneur Monneins « avec leurs ongles », aller en habits de deuil devant le logis du connétable lui crier miséricorde, et lui payer en fin de compte 200 mille livres pour les dépenses de son armée46. […] Il est à croire (et cela a une certaine importance à cause des derniers actes qui pourraient compromettre l’honneur de la mairie de Montaigne) qu’il entra en fonction dès la fin de l’année 1581, ce qui ferait expirer sa seconde mairie à la fin de l’année 1585.

108. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Dominique par M. Eugène Fromentin »

Il y a de ces épithètes moitié morales, moitié naturelles, essentiellement poétiques, qui font entrer dans le secret des choses et en éveillent le sentiment intime en nous. […] Au moment d’entrer dans le vrai désert, dans le Sahara brûlant, mais n’y ayant pas encore atteint, il se prend à contempler ce pays qui, à cause de son élévation, garde quelque chose encore de la végétation du Nord et offre l’aspect d’une steppe, où des champs d’alfa se dessinent vaguement : « Cette tache lointaine d’alfa s’aperçoit à peine, nous dit-il, dans l’ensemble de ce paysage que je ne sais comment peindre, mais dont il faudrait faire un tableau clair, somnolent, flétri. […] Par exemple, à Aïn-Mahdy, la ville sainte, il s’abstiendra d’entrer dans la mosquée. Il s’arrête au seuil, dans la ruelle qui y conduit ; il lui suffit d’y voir entrer la foule des dévots et dévotes. […] Oui, nous dit-il, et il en donne les raisons : « Peut-être m’eut-il été possible d’entrer dans la mosquée : mais je ne l’essayai point.

109. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Monsieur Bazin. » pp. 464-485

Bazin avait dix-sept ans ; il épousa vivement la Restauration et entra dans les gardes du corps. […] Il en fit là où un homme de son opinion le pouvait avec le plus de liberté et de sincérité, il entra à La Quotidienne sous M.  […] Ce n’est pas une biographie que je fais, mais le peu que j’ai dit était indispensable pour entrer dans l’esprit de l’écrivain et pour prendre la mesure de l’homme. […] En un mot, je crois qu’en abordant l’histoire, il y entra encore avec un dessein d’ironie. […] Je ne puis vous en dire plus long sur ce sujet ni entrer dans des détails tout à fait intimes.

110. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Les Mémoires de Saint-Simon. » pp. 270-292

Il entra jeune au service, et s’en retira assez vite après quelques campagnes, à l’occasion d’un passe-droit qu’on lui fit. […] Après quoi il eut temporairement une ambassade honorifique en Espagne ; puis il entra dans la retraite, où il ne mourut qu’en 1755, à l’âge de quatre-vingts ans. […] Saint-Simon n’a jamais pu entrer avec utilité, a-t-on dit, dans le train des affaires de ce monde et dans le maniement des choses de son temps. […] Si M. le duc de Noailles n’a voulu qu’exercer contre Saint-Simon des représailles sévères pour la manière injurieuse et haineuse dont celui-ci a parlé du maréchal de Noailles son ancêtre et de Mme de Maintenon, il n’y a rien là-dedans que d’excusable et de légitime jusqu’à un certain point : ce sont des querelles de famille où nous n’avons pas à entrer. […] Cela dit, et sa propre confession faite, il arrive délibérément à celle des autres, et il entame en toute conscience cette espèce de dissection universelle, cette ouverture impitoyable des âmes, qui le fait ressembler, au milieu de cette foule éparse, à un loup qui serait entré dans la bergerie, ou encore à un chien de meute qui serait à la curée.

111. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Jasmin. (Troisième volume de ses Poésies.) (1851.) » pp. 309-329

Jasmin, en s’élevant à ce genre de compositions nouvelles, suivait encore son naturel sans doute, mais il s’était mis à le diriger, à le perfectionner ; cet homme, qui avait lu peu de livres, avait médité en lisant à celui du cœur et de la nature, et il entrait dans la voie de l’art véritable, où un travail secret et persévérant préside à ce qui paraîtra le plus éloquemment facile et le plus heureusement trouvé. […] Les vivres seuls entreront. […] Je voudrais bien entrer en lice avec vous pour la déclamation, mais un défaut de langue très prononcé me le défend. […] Je n’ose donc pas entrer en lice avec vous ; le coursier qui traîne son char péniblement, mais qui arrive pourtant, ne peut lutter contre la fougueuse locomotive du chemin de fer. L’art qui produit les vers un à un ne peut entrer en concurrence avec la fabrique… Donc, ma muse se déclare d’avance vaincue, et je vous autorise à faire enregistrer ma déclaration.

112. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Paul-Louis Courier. — II. (Suite et fin.) » pp. 341-361

Comment entra-t-il dans la politique ? […] Là, il eut affaire à son maire, avec qui son garde était mal, et il entra dans les procès et les tracasseries pour n’en plus sortir. […] Dans cette formation du parti libéral où il entrait alors tant d’éléments divers, Courier reste ce qu’il était de tout temps, le plus antibonapartiste possible, ennemi des grands gouvernants, se faisant l’avocat du paysan, l’homme de la commune, prêchant l’économie, parlant contre la manie des places, voulant de gouvernement le moins possible, faisant des sorties contre la Cour et les gens de cour toutes les fois qu’il y a lieu, méconnaissant ce qu’il y a eu de grand, d’utile, de nécessaire dans l’établissement des Louis XIV, des Richelieu, des grands directeurs de nations, disant en propres termes, pour son dernier mot et son idéal : « La nation enfin ferait marcher le gouvernement comme un cocher qu’on paie, et qui doit nous mener, non où il veut, ni comme il veut, mais où nous prétendons aller, et par le chemin qui nous convient » ; disant encore, et cette fois plus sensément : Il y a chez nous une classe moins élevée (que les courtisans), quoique mieux élevée, qui ne meurt pour personne, et qui, sans dévouement, fait tout ce qui se fait ; bâtit, cultive, fabrique autant qu’il est permis ; lit, médite, calcule, invente, perfectionne les arts, sait tout ce qu’on sait à présent, et sait aussi se battre, si se battre est une science. […] Il travaillait à une dernière édition de son Longus, qu’il n’acheva que pendant sa prison, et qui parut avec ce petit post-scriptum et cette apostille épigrammatique à la dernière page : « Paul-Louis Courier est entré en prison à Sainte-Pélagie le 10 octobre, et en est sorti le 9 décembre 1821. » Il gravait sa vengeance, comme d’autres leurs amours, jusque sur l’écorce d’un hêtre. […] N’oublions jamais toutefois que c’est par ce dernier côté qu’il a eu prise sur son temps, qu’il a fait son service public à certain jour, et qu’il est entré dans la pleine possession de lui-même.

113. (1864) William Shakespeare « Première partie — Livre I. Shakespeare — Sa vie »

De temps en temps, par rentre-bâillement de la tapisserie, on voyait passer une face grimée en morisque, épiant si le moment d’entrer en scène était venu, ou le menton glabre d’un comédien jouant les rôles de femme. […] Ce fut par ce théâtre-là que Shakespeare entra dans le drame. […] Enfin il entra. […] Shakespeare mort entra dans l’obscurité. […] Clifford, son favori, qui n’entrait jamais dans la salle du parlement sans cracher, disait : Il vaut mieux pour mon maître être vice-roi sous un grand monarque comme Louis XIV qu’esclave de cinq cents sujets anglais insolents.

114. (1858) Cours familier de littérature. VI « XXXVIe entretien. La littérature des sens. La peinture. Léopold Robert (1re partie) » pp. 397-476

C’est un édifice obscur ou à demi-jour dans lequel l’architecte n’a percé que cinq fenêtres, mais où la lumière entrera à torrents quand les murailles tomberont sous la main divine de la mort. […] Et il a fait les Moissonneurs et les Pêcheurs, deux poèmes naturels par le sujet, surnaturels par l’expression ; deux poèmes qui sont devenus populaires en huit jours et sont entrés dans l’œil de ce siècle avec la puissance de l’évidence et avec le charme du rayon qui entre dans le regard. […] On y entre, sans s’apercevoir qu’on y est entré, par une grande rue, (alors dépavée), bordée çà et là de pauvres maisons grises aux toits aigus, pour laisser glisser l’hiver les lourdes neiges. […] Il entra comme élève dessinateur et graveur chez les Girardet du Locle, voisins et amis de l’horloger de la Chaux-de-Fonds. […] Derrière elles, une autre jeune fille écoute de loin et comme furtivement ; on dirait qu’elle craint d’entrer dans le cercle magique, mais qu’elle est fascinée comme la colombe par le serpent.

115. (1887) Journal des Goncourt. Tome II (1862-1865) « Année 1864 » pp. 173-235

Il parle doucement, lentement, par petites phrases qui font entrer, à petits coups, la chose dite. […] En le voyant entrer tout essoufflé, il lui croyait une maladie de cœur, il ne lui a trouvé qu’un catarrhe. […] À quatre heures, j’ai aperçu dans la cuisine, le marié, habillé de drap, qui se débattait désespérément, sans pouvoir y entrer, avec une paire de gants noisette, d’au moins dix trois quarts. […] Dubois est entré, suivi de tout son état-major. […] tiens, ça c’était plus horrible que tout… j’ai fermé les yeux… on lui a mis les grosses éponges… elles entraient toutes, toutes… On ne les voyait plus !

116. (1856) Cours familier de littérature. II « VIIe entretien » pp. 5-85

Nous n’y entrâmes qu’à la nuit tombée. […] Ils défilèrent avec une gravité antique sous mes yeux pour entrer dans la cour du palais. […] Dans cette cage de rossignols la musique de la langue entrait par tous les pores. […] J’y entrai plutôt pour y chercher l’ombre que pour y visiter des statues ou des tableaux. […] Les volets fermés ne laissaient entrer qu’un demi-jour dans l’appartement.

117. (1855) Préface des Chants modernes pp. 1-39

Alfred de Musset entra à l’Académie. — Ah ! […] Alfred de Musset a-t-il perdu son talent parce qu’il est entré à l’Académie ? Est-il entré à l’Académie parce qu’il avait perdu son talent ? […] Quand le Brenn gaulois entra dans Rome conquise, il jeta son glaive dans la balance en criant : Malheur aux vaincus ! […] Allez dans une de ces usines immenses qui fument aux bords de la Seine, près de Paris, à Asnières, par exemple, entrez et regardez.

118. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Montluc — I » pp. 56-70

Bientôt, la guerre recommençant après la délivrance de François Ier, il reprit les armes, et, sur l’invitation de M. de Lautrec, il leva en Guyenne une compagnie de gens de pied avec une plus forte proportion d’arquebusiers qu’il n’y en entrait d’ordinaire. […] Deux trous furent pratiqués à la muraille, et Montluc aussitôt se jeta dans l’un tête baissée : « Dieu me donna (alors), dit-il, ce que je lui avais toujours demandé, qui était de me trouver à un assaut pour y entrer le premier ou mourir. » Ce dernier vœu faillit se vérifier ; ses soldats, assaillis d’une grêle de pierres, ne purent le suivre, et n’eurent d’autre moyen de le secourir que de le tirer dehors par les jambes, quand, blessé et renversé à terre, il eut à faire sa retraite à reculons ; mais ils ne le tirèrent pas si bien que, roulant de haut en bas jusqu’au fond du fossé, son bras ne se rompît en deux endroits : « Ô mes compagnons ! […] Montluc y entra et fut choisi pour lieutenant par le seigneur de Faudoas, commandant la légion de Languedoc. […] Au fond, il ne s’agit que d’un ou plusieurs moulins à prendre et à brûler, et Montluc, qui a bien de l’esprit, au moment d’entrer dans ce récit tout sérieux, comme s’il avait deviné que don Quichotte faisait quelque chose de pareil vers le même temps, se permet par précaution un petit sourire : « Or, pour déduire cette entreprise, dit-il, encore que ce ne soit pas la conquête de Milan, elle pourra servir à ceux qui en voudront faire leur profit. » Après cette légère précaution, il n’omet plus rien du détail et des circonstances du stratagème, et en fait un parfait modèle et un exemple à suivre.

119. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Fanny. Étude, par M. Ernest Feydeau » pp. 163-178

Feydeau est entré dans l’atelier, s’est posé devant une toile et, palette en main, s’est mis à peindre ses deux personnages et leur intérieur, et à leur donner tout l’éclat, tout le relief imaginable. Ou, si l’on veut, il est entré dans le laboratoire, dans une salle d’anatomie ; il s’est mis à la table de dissection, et sous une lampe à la Rembrandt, armé du scalpel, il a procédé à la préparation de son sujet, étudiant à fond et nous étalant sans pitié, dans son hypertrophie ou avec son polype, le viscère du cœur. […] Puis, quelques jours après, le comte, de retour, rencontre Adolphe et l’invite à souper avec Ellénore : ils vont se revoir pour la première fois : Il était assez tard lorsque j’entrai chez M. de P…, j’aperçus Ellénore assise au fond de la chambre, je n’osais avancer, il me semblait que tout le monde avait les yeux fixés sur moi. […] Les plus délicats, et qui entrent d’ailleurs dans la donnée du livre, se demandent : Est-ce bien une preuve d’amour que cette jalousie tardive et soudaine qui vient un matin à Roger ?

120. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Souvenirs et correspondance tirés des papiers de Mme Récamier » pp. 303-319

Mme Récamier était, en 1823-1824, leur confidente à tous deux ; elle entrait bien pour quelque chose dans leur jalousie, dans leur rivalité déguisée ; elle penchait d’inclination, je le crains, pour le moins sage (les meilleures même des femmes sont ainsi) ; pourtant elle savait tenir la balance assez indécise encore : chacun était écouté, chacun lui parlait de l’autre ; tout le monde était content, personne n’était trahi. […] Génie plus qu’à demi voilé, on n’y entrait qu’en y mettant du sien ; on ne le comprenait qu’en l’achevant. […] Pour celui qui y entrait, ne fût-ce qu’une fois, il n’y avait pas à s’y méprendre : le roi de céans, le Dieu du petit temple, durant toutes les dernières années, c’était M. de Chateaubriand. […] Ce serait pourtant être ingrat, à ceux qui ont eu l’honneur de le rencontrer souvent dans ce cercle de son choix, de ne pas se rappeler et de ne pas dire à tous combien de fois ils l’y virent naturel, aimable, facile, éloquent, bonhomme même ; mais, dès que le public intervenait, dès que les passions du dehors entraient par la moindre fente, et que le plus léger souffle de contrariété se faisait sentir, tout changeait aussitôt ; le visage se pinçait, l’humeur s’altérait : la correspondance accuse trop ces variations et ces susceptibilités excessives.

121. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Campagnes de la Révolution Française. Dans les Pyrénées-Orientales (1793-1795) »

Ricardos, nommé général en chef, avait des qualités de prudence et de sagesse, mais de l’incertitude et de l’inexpérience sur le terrain, comme presque tous ceux qui entraient en scène en ce moment. […] Il entra même en campagne plus vite qu’il n’était convenu. […] C’est de lui que Napoléon, l’historien de guerre par excellence, a dit dans son récit du siège de Toulon, après avoir parlé des choix ineptes de généraux en chef qui avaient précédé : « Le vœu du soldat fut enfin exaucé : le brave Dugommier prit, le 20 novembre (1793), le commandement de l’armée ; il avait quarante ans de service ; c’était un des riches colons de la Martinique9, officier retiré ; au moment de la Révolution, il se mit à la tête des patriotes et défendit la ville de Saint-Pierre ; chassé de l’île, lorsque les Anglais y entrèrent, il perdit tous ses biens. Il était employé comme général de brigade à l’armée d’Italie, lorsque les Piémontais, voulant profiter de la diversion du siège de Toulon, méditèrent de passer le Var et d’entrer en Provence ; il les battit au camp de Gillette, ce qui les décida à reprendre leur ligne.

122. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Don Quichotte. »

Il paraît y être entré avec tout le feu et l’enthousiasme de la jeunesse et il s’est plu à remarquer dans son tout dernier ouvrage, non sans un retour évident sur lui-même, « qu’il n’est pas de meilleurs soldats que ceux qui sont transportés de la culture des lettres sur les champs de bataille, et qu’aucun homme d’étude n’est devenu homme de guerre sans être un brave et un vaillant2. » Pendant quatre années (1571-1575), Cervantes fit un rude apprentissage de la vie militaire ; il eut sa part glorieuse dans la bataille navale de Lépante (7 octobre 1571) ; la galère sur laquelle il servait, Marquesa, fut engagée au plus épais de la mêlée ; chargée d’attaquer la Capitane d’Alexandrie, elle y tua des centaines de Turcs et prit l’étendard royal d’Égypte. […] Il dut visiter à ce titre bien des points du pays et entrer dans la familiarité de bien des classes ; son expérience de la vie s’accroissait ainsi sans qu’il y songeât et de la façon la meilleure, de celle qui ne sent en rien l’étude. […] Viardot est entré à ce sujet dans des détails et des explications qui mettent hors de cause la probité de Cervantes en tant que comptable. […] Des êtres nouveaux, des créatures dont on n’avait pas l’idée et qui n’existaient pas la veille, entraient en possession de la vie et allaient courir le monde pour ne plus jamais mourir.

123. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « La civilisation et la démocratie française. Deux conférences par M. Ch. Duveyrier »

Je n’ai jamais vu entrer M.  […] Il est bientôt entré dans la circulation ; on l’emploie sans cesse, et l’on peut dire même qu’on en ferait un usage voisin de l’abus, si l’on s’en payait trop aisément et si l’on ne prenait le soin d’y regarder de temps en temps pour sortir du vague et se bien définir le sens et le but. […] Il y entrerait beaucoup de savants, mais non pas des savants seuls. […] Un jour, il vit entrer M. 

124. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Saint Anselme, par M. de Rémusat. » pp. 362-377

Tout prouve qu’en entrant au cloître par cette porte, il y entra dans sa voie la plus naturelle de vocation, et qu’il y trouva le champ de culture le plus approprié à ses instincts et à ses talents. […] Guillaume le Conquérant avait soumis l’Angleterre, et il avait besoin, même dans ses prélats, d’auxiliaires politiques qui entrassent dans les vues de son gouvernement. […] Nous le verrons ainsi entrer en lutte avec la royauté qu’il respecte et qu’il aime, et s’exposer en toute humilité à jouer un rôle historique. […] Cela, dira-t-on, m’est bien facile, puisque je n’y fais pas entrer la passion ni les engagements qui les déjouent.

125. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Appendice. — [Jouffroy.] » pp. 532-533

Jouffroy faisait sa seconde au collège de Lons-le-Saulnier, sous la discipline d’un abbé, le seul bon professeur de ce collège, lorsque j’entrais en quatrième sous l’abbé Jouffroy, le parent et l’hôte de notre philosophe. […] Ceci se passait en 1811 ; l’année suivante, Jouffroy nous quitta pour entrer au lycée de Dijon, où il fit sa rhétorique et apprit assez de grec et de philosophie pour se faire admettre en 1813 à l’École normale.

126. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — L — article » pp. 139-145

Après ces observations qui nous ont paru indispensables, sans entrer dans la discussion de certains principes de M. […] Linguet l’a bien senti lui-même par le désaveu glorieux qu’il en a fait, & par les éloges vrais qu’il a donnés depuis à ce grand homme d’Etat, dont la Nation & les Etrangers admirent également la sagesse & la probité ; qui ne doit son élévation qu’à son mérite ; dont tous les pas dans la carriere politique, où il est entré dès l’âge le plus tendre, ont été marqués par des services rendus à la Patrie ; qui, malgré sa grande modestie, jouit de toute sa réputation ; & dont la gloire, appuyée sur l’estime générale de ses contemporains, ne pourra qu’augmenter par la succession des temps.

127. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Racan, et Marie de Jars de Gournai. » pp. 165-171

Elle se préparoit à lui faire un compliment là-dessus, lorsque l’autre entra, & fit le sien. […] Néanmoins on le fit entrer.

128. (1824) Ébauches d’une poétique dramatique « Théâtre français. » pp. 30-34

Sur le bord du théâtre, on avait placé l’enfer : c’était une gueule de dragon par laquelle les diables entraient ou sortaient. […] Un Orphée jouant de sa lyre entra sur le théâtre, suivi d’un chien, d’un chat, d’un chameau, d’un ours, d’un mouton, et de plusieurs animaux sauvages, lesquels avaient délaissé leur nature farouche et cruelle en l’oyant chanter de sa lyre.

129. (1913) La Fontaine « I. sa vie. »

Il entra dans la maison de Fouquet. […] Vous le trouvez dans tous les manuels, mais il n’entra jamais dans la maison de Fouquet, cela est rectifié par M.  […] Il n’entra jamais dans la maison de Fouquet. […] Vous savez que Racine enleva la Duparc à la troupe de Molière pour la faire entrer au théâtre concurrent, à l’Hôtel de Bourgogne. […] Mme la duchesse douairière d’Orléans étant morte en 1672, c’est au commencement de 1673, où peut-être à la fin de 1672, que La Fontaine entra chez Mme de La Sablière, et entra cette fois enfin comme commensal, comme hôte, comme y ayant le vivre et le couvert, et, en vérité, toutes les commodités qu’il pouvait souhaiter.

130. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Vaugelas. Discours de M. Maurel, Premier avocat général, à l’audience solennelle de la Cour impériale de Chambéry. (Suite et fin.) »

Et encore peut-on dire aujourd’hui qu’Insidieux est entré dans la langue littéraire plutôt qu’il n’est passé dans l’usage courant : c’est qu’il est de sa nature un mot savant, dont le sens, dans toute sa force et sa beauté, n’est bien saisi que des latinistes, et qu’il n’a trouvé dans notre langue aucun mot déjà établi, approchant et de sa famille, pour « lui frayer le chemin. » Toutes ces circonstances propres et comme personnelles à chaque mot sont démêlées à merveille par Vaugelas. […] Ainsi, pour le mot Urbanité qui fut introduit définitivement et autorisé par Balzac ; il avait déjà été employé à la fin du xve  siècle, au commencement du xvie , par Jean Le Maire, de Belges en Hainaut61; mais ce mot, risqué alors par un écrivain de frontière, n’avait pas eu cours dans la langue et n’était pas entré dans la circulation. […] Le mot, dans ses diverses acceptions, ne s’est vu accueilli que plus tard ; il n’est entré au cœur de la langue que par voie un peu détournée et sous le couvert de la peinture. […] » Vaugelas avait fort bien remarqué que, dès qu’on adressait à quelqu’un une semblable question, il hésitait à l’instant, se creusait la tête, entrait en doute de son propre sentiment, raisonnait et ne répondait plus avec cette parfaite aisance et naïveté qui est la grâce en même temps que l’âme de l’usage. […] Alors tous les mauvais mots demandaient à sortir : aujourd’hui tous les mots plébéiens, pratiques, techniques, aventuriers même, crient à tue-tête et font violence pour entrer.

131. (1867) Cours familier de littérature. XXIV « CXLIVe entretien. Mélanges »

Je les vis entrer, peu d’instants après, l’un et l’autre dans ma chambre, et de ce jour l’abbé et moi nous fûmes liés. […] Janvier d’entrer seul, et quant à moi elle m’annonça que sa maîtresse ne pouvait pas me recevoir. […] J’entrai chez madame de Genoude peu de jours après la perte qu’elle avait faite. […] Elle ne vint point quand j’entrai me flairer et me caresser gaiement, comme d’ordinaire, mais en regardant pleurer sa maîtresse à côté du berceau vide de son enfant, elle posa la tête sur les genoux de la pauvre mère, et en contemplant le berceau, elle se mit elle-même à verser de grosses larmes qui mouillèrent mes mains étonnées. […] « Auriez-vous de la répugnance, lui demandai-je, à entrer dans la diplomatie secondaire sous le gouvernement de l’empereur ?

132. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre XIX. Progression croissante d’enthousiasme et d’exaltation. »

Quoique plusieurs disciples fussent mariés, on ne se mariait plus, ce semble, dès qu’on entrait dans la secte 871. […] Il était en cela conséquent avec son principe : « Si ta main ou ton pied t’est une occasion de péché, coupe-les, et jette-les loin de toi ; car il vaut mieux que tu entres boiteux ou manchot dans la vie éternelle, que d’être jeté avec tes deux pieds et tes deux mains dans la géhenne. Si ton œil t’est une occasion de péché, arrache-le et jette-le loin de toi ; car il vaut mieux entrer borgne dans la vie éternelle que d’avoir ses deux yeux, et d’être jeté dans la géhenne 874. » La cessation de la génération fut souvent considérée comme le signe et la condition du royaume de Dieu 875.

133. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « Lamartine »

» Après vingt-cinq ans, les Roméos qui sont descendus du balcon de Juliette n’y remontent plus par la même échelle, et s’ils en sont descendus pour entrer, par le hasard de leur génie, dans la gloire, ils donneraient leur gloire pour y remonter… Ces Mémoires inédits et inachevés de Lamartine, et qu’il a peut-être laissés inachevés à dessein, l’Histoire devant se charger du reste, tromperont l’écho de nos petites têtes sonores auxquelles il faut toujours le bruit d’un grelot. […] Il a décrit les premiers spectacles qu’il eut sous les yeux, et qu’on pourrait appeler les Géorgiques de la maison de son père, où son père, adoré comme un roi : Comptait ses gras troupeaux rentrant des pâturages, comme, plus tard, quand il entra aux Gardes du Corps, sous Louis XVIII, il a écrit les choses du temps de cet Empire qui finissait dans le désespoir et de cette monarchie qui recommençait, pour finir avec son espérance. […] Rentré en France, il allait entrer dans la célébrité, qui n’est belle que quand on est jeune, mais il venait de dépasser ces vingt-cinq ans regrettés de Byron et le livre finit tout à coup… Ce n’est que quelques pages où l’auteur n’est jamais, mais où il y a Lamartine et Lamartine tout entier.

134. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre IV. L’âge moderne. — Chapitre I. Les idées et les œuvres. » pp. 234-333

Les digues y sont fortes, ils ont peine à s’y frayer leur voie, ils entrent plus tardivement qu’ailleurs, mais néanmoins ils entrent. […] La pensée, qui chez les autres était figée et roidie, devient ici mobile et fluide ; le vers rectiligne s’assouplit ; le vocabulaire noble élargit sa trame pour laisser entrer les mots vulgaires de la conversation et de la vie. […] Mais la grande vérité, qui consiste à entrer dans les sentiments des personnages, leur échappe : ces sentiments sont trop étranges et immoraux. […] Des lords anglais qui sortent d’une guerre acharnée contre la démocratie française doivent entrer avec zèle dans cette commémoration de leurs aïeux. […] Et comment, par exemple, ces grands rêves catholiques et mystiques, ces audaces gigantesques ou ces impuretés de l’art charnel entreraient-ils dans la tête de ce gentleman bourgeois ?

135. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Le Général Franceschi-Delonne : Souvenirs militaires, par le général baron de Saint-Joseph. »

Il avait vingt-cinq ans en septembre 92 : il s’enrôla à Paris au chant de la Marseillaise, au chant du Départ, et il entra en qualité de sous-lieutenant au 9e bataillon de Paris, compagnie des Arts. » Ses premiers services, aux armées de la Moselle et de Sambre-et-Meuse, le firent remarquer de ses chefs, les généraux Debelle et Kléber, qui le proposèrent à l’avancement dans l’arme de l’artillerie à laquelle il était d’abord attaché. […] Il doit être entré hier à Léon et marcher sur Astorga. » Duroc dit à ce propos au maréchal Soult, en le rencontrant à Astorga le 1er janvier 1809 : « Monsieur le maréchal, vous avez donné de belles étrennes à l’Empereur. » L’Empereur savait à qui il les devait. […] Quand on s’approchait d’un couvent et qu’on se disposait à y entrer, les moines donnaient un avis, et on reprenait sa route. […] Plus loin, à Badajoz. ils entrèrent les yeux bandés comme à Ciudad-Rodrigo. […] Le capitaine de Saint-Joseph, beau-frère du maréchal Suchet, fut plus heureux : « Le 26 du mois de septembre (1809), dans l’après-midi, nous étions à table, nous raconte-t-il, lorsque le gouverneur de l’Alhambra, qui rarement était venu nous voir, suivi de l’adjudant et de l’officier de garde, entra dans noire appartement, et me montrant une lettre : « Vous partez pour être échangé », me dit-il. — « Nous partons ! 

136. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Mémoires de Malouet (suite et fin.) »

Lorsque Malouet entra, la reine dit au jeune dauphin ; « Mon fils, connaissez-vous monsieur ?  […] Nous entrâmes aussitôt en matière. […] Chapelier, qui, à l’exemple de Barnave, ne demandait pas mieux que d’entrer dans cette voie de transaction et qui en avait pris même l’engagement secret à la veille de l’ouverture des débats pour la révision de l’acte constitutionnel, fut le premier à y manquer quand on fut à la tribune ; il y manqua, parce qu’on n’est pas libre de rétrograder quand on marche en colonne, parce que la force des choses en ces moments domine les volontés particulières ; parce qu’il y a courant et torrent irrésistible au dedans des assemblées comme au dehors ; parce que les mêmes hommes ne peuvent pas jouer deux rôles opposés à quelques mois d’intervalle devant les mêmes hommes, devant les mêmes murailles ; parce que l’esprit même y consentant, la langue tourne et s’ refuse ; parce que les murs, à défaut des fronts, ont une pudeur ; parce qu’enfin les uns se lassant, d’autres tout frais et tout ardents succèdent, qui ne permettent pas ces petits compromis particuliers avant le complet déroulement des principes et l’entier épuisement des conséquences. […] La réunion de la Convention et sa façon d’entrer en scène l’avertissent que le temps d’arrêt n’est pas si prochain. […] Il dit à cet endroit de ses Mémoires : « A Boulogne, j’allai descendre hors la ville, dans la maison de campagne d’un de mes collègues, M. du Blaisel, qui me fit entrer la nuit dans sa voiture et me déposa dans une auberge, où il me recommanda. » Il s’agit bien en effet (et je n’en fais la remarque que parce qu’on a élevé une difficulté sur ce point) de M. du Blaisel du Rieu, qui avait été suppléant du duc de Villequier, député du Boulonnais aux États-généraux.

137. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Émile Augier — CHAPITRE VII »

Entrons sans préambule dans son drame ; il est de ceux qu’on discute en les racontant. […] Au lieu de Léa, il voit entrer son père, Michel Forestier. […] Le poète est entré dans le paroxysme ; il y reste et s’y maintient jusqu’au bout. […] C’est le seul personnage vraiment sympathique de la comédie que celui de ce jouvenceau spirituel et franc, généreux et gai, qui s’échappe, par de joyeuses écoles buissonnières, des voies tortueuses où son précepteur veut le faire entrer. […] En vérité, l’impudence de ce d’Estrigaud passe toute mesure, et l’ineptie de ses procédés refuse absolument d’entrer dans l’esprit.

138. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Le maréchal Marmont, duc de Raguse. — II. (Suite.) » pp. 23-46

Pour ceux qui ont examiné, il est certain qu’aucune pensée de calcul étroit ni d’intérêt particulier n’entra dans ses résolutions. Ou du moins, si l’instinct de la conservation y entra pour quelque chose, s’il se dit que c’était assez de sacrifice, s’il eut ce sentiment commun et naturel alors à toutes les grandes existences établies de surnager et de survivre, il l’eut certes moins nettement, moins sciemment que beaucoup d’autres maréchaux, et il ne méritait pas plus de blâme. […] Ce qu’on peut dire après avoir écouté Marmont, et ce que diront tous ceux qui l’entendront un jour, c’est que, dans la résolution qu’il prit, il n’entra rien de cet égoïsme qui songe avant tout à soi et non au bien public, et qui déshonore. […] Aussi, quand, ce soir du 5 avril, Marmont revint et qu’il entra chez M. de Talleyrand, il fut fêté, entouré de tous. […] » Pendant ce colloque, Louis XVIII et la famille royale entraient dans le salon, revenant de la messe.

139. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Beaumarchais. — II. (Suite.) » pp. 220-241

Le lendemain de son blâme par le Parlement et de son triomphe devant l’opinion, Beaumarchais me paraît être entré dans un léger état d’ivresse et d’exaltation dont il ne sortira plus, et qui se conciliera très bien toujours avec beaucoup d’habileté et de présence d’esprit dans le détail. […] Voici un échantillon de la scène : s’étant écarté seul un moment de sa chaise de poste, et, étant entré dans une forêt de sapins assez claire, il si trouva en face d’un homme armé d’un long coutelas, qui lui demanda, en allemand, la bourse ou la vie, Beaumarchais, au lieu de sa bourse, tire de son gousset un pistolet, et, de l’autre main, il tient sa canne pour parer les coups. […] Rien ne manqua à la solennité ni à l’éclat de cette première représentation : Ç’a été sans doute aujourd’hui, disent les Mémoires secrets, pour le sieur de Beaumarchais qui aime si fort le bruit et le scandale, une grande satisfaction de traîner à sa suite, non seulement les amateurs et curieux ordinaires, mais toute la Cour, mais les princes du sang, mais les princes de la famille royale ; de recevoir quarante lettres en une heure de gens de toute espèce qui le sollicitaient pour avoir des billets d’auteur et lui servir de battoirs ; de voir Mme la duchesse de Bourbon envoyer dès onze heures des valets de pied, au guichet, attendre la distribution des billets indiquée pour quatre heures seulement ; de voir des Cordons bleus confondus dans la foule, se coudoyant, se pressant avec les Savoyards, afin d’en avoir ; de voir des femmes de qualité, oubliant toute décence et toute pudeur, s’enfermer dans les loges des actrices dès le matin, y dîner et se mettre sous leur protection, dans l’espoir d’entrer les premières ; de voir enfin la garde dispersée, des portes enfoncées, des grilles de fer même n’y pouvant résister, et brisées sous les efforts des assaillants. […] » Pour peindre ce public français de la première représentation de Figaro et son pêle-mêle d’enthousiasme flottant, deux faits suffisent : lorsque le héros de nos flottes, le bailli de Suffren, entra dans la salle, il fut applaudi avec transport ; lorsqu’un moment après, la charmante actrice Mme Dugazon, relevant d’une maladie dont on savait trop la cause, parut sur le devant de sa loge, on l’applaudit également. […] Il est bien clair que nous entrons dans un monde d’une moralité et d’une industrie nouvelle.

140. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Rollin. » pp. 261-282

La question, dans ces derniers temps, s’est ranimée avec une singulière vivacité, mais je ne suis point tenté d’y entrer le moins du monde. […] Et d’Aguesseau, le félicitant sur son ouvrage, entrait dans sa pensée, quand il lui disait : « Vous parlez le français comme si c’était votre langue naturelle. » C’est que Rollin, en effet, était du Pays latin, et ce mot avait alors toute la signification qu’il a perdue depuis. […] Ce n’est pas ici le lieu d’entrer dans le détail de cet enseignement qui retardait sur le siècle, et des changements qui étaient à y introduire. […] Après ce premier tribut payé à l’ancienne coutume, il parlait français et entrait dans cette voie moyenne qui semble si rebattue aujourd’hui, et qui était nouvelle alors. […] Les générations d’aujourd’hui sont positives, sans rêverie, sans tristesse ; radicalement guéries du mal de René, elles ont en elles l’empressement d’arriver, de saisir le monde, de s’y faire une place, et d’y vivre de la vie qui leur semble due à chacun à son tour : générations scientifiques ou industrielles, peu idéales, avides d’application, estimables pourtant en ce que la plupart font entrer le travail dans leurs moyens et ne reculent point devant les études spéciales qui mènent au but.

141. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 35, de la mécanique de la poësie qui ne regarde les mots que comme de simples sons. Avantages des poetes qui ont composé en latin sur ceux qui composent en françois » pp. 296-339

Il est vrai que les regles de la poësie latine sont en bien plus grand nombre que les regles de la poësie françoise, à cause qu’elles entrent plus dans le détail de la versification que les regles de la poesie françoise ; mais comme ces regles se dessignent, pour ainsi dire, comme on en fait la figure, en se servant des caracteres differents qui marquent la quantité des syllabes, elles sont aisées à comprendre et faciles à retenir. […] Ceux qui seront curieux de voir dans quels détails les anciens étoient entrez sur cette matiere, et jusques à quel point ils avoient porté leurs vûës, peuvent lire le quatriéme chapitre du neuviéme livre de Quintilien, l’orateur de Ciceron et ce que Longin a écrit du choix des mots, du rithme et du métre dans son traité du sublime et dans ses prolégomenes sur l’enchiridion d’éphestion. […] Elles se contentent de déterminer le nombre arithmetique des syllabes qui doivent entrer dans chaque espece de vers et de marquer quelles de ces syllabes doivent être longues, quelles doivent être bréves, et où l’on peut choisir de mettre des longues ou des bréves. […] Les regles de la poësie françoise ne décident que du nombre arithmetique des syllabes qui doivent entrer dans les vers. […] Le nombre arithmétique des syllabes qui doivent entrer dans la composition de chaque espece de vers latins, est déterminé avec égard à la longueur ou à la brieveté de ces syllabes.

142. (1870) De l’intelligence. Première partie : Les éléments de la connaissance « Note III. Sur l’accélération du jeu des cellules corticales » pp. 400-404

Enfin, me sentant la tête lourde (probablement par sympathie de l’estomac, que la flexion du torse sur ce travail de ciselure avait dû comprimer en gênant la digestion), j’entrai dans la chambre voisine, où j’entendais le bruit d’une conversation animée tenue par quelques condisciples. […] J’entrai sans que personne se dérangeât, m’approchai du groupe sans savoir encore de quoi il était question, et me glissai dans l’embrasure de la fenêtre, pour me mettre au courant de la conversation avant d’y prendre part.

143. (1897) Le monde où l’on imprime « Chapitre XIII. Beau trio » pp. 164-169

si Lydie avait pu voir le sourire de Charley, quand ils entrèrent dans l’isba… Mais, toute à le consoler, à l’apaiser, comment le soupçon lui serait-il venu de tant de scélératesse ? La porte grinça ; les feuilles mortes, chassées par le, vent, entrèrent avec eux dans l’ombre, roulèrent jusqu’au large divan du fond, sous un trophée de glaives…Les chiens, n’entendant plus marcher, s’étaient tus. » Ce « n’entendant plus marcher » est une trouvaille pour laquelle je donnerais toutes les lignes de blanc si suggestives de M. de Camors.

144. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Avant-Propos. » pp. -

Il est bon que ceux qui débutent dans la littérature & dans les beaux-arts, en voyant les plus beaux génies, enviés, persécutés, malheureux, apprennent à connoître la carrière où ils entrent, & qu’ils n’oublient pas ces vers de Fontenelle : Dans la lice où tu vas courir, Songe un peu combien tu hasardes. […] Nous nous sommes abstenus, autant qu’il a été possible, d’entrer dans le détail des manœuvres, des tracasseries & des fureurs de tant de subalternes Zoïles, l’un sur l’autre acharnés, insectes rivaux,                      Esprits bas & jaloux Qui se rendent justice, en se méprisant tous.

145. (1855) Louis David, son école et son temps. Souvenirs pp. -447

Le jeune arrivant balança quelques instants avant d’ouvrir la porte qu’il franchit enfin pour entrer dans l’atelier des Horaces. […] Midi sonnait quand il y entra. […] Lorsqu’il entra à l’atelier, il n’était âgé que de dix-huit à vingt ans. […] Le 9 prairial, il entra au Luxembourg où il demeura détenu pendant trois mois. […] L’aîné de ces quatre rivaux, Fabre, entra dans la carrière avec éclat.

146. (1870) De l’intelligence. Deuxième partie : Les diverses sortes de connaissances « Livre quatrième. La connaissance des choses générales — Chapitre premier. Les caractères généraux et les idées générales. » pp. 249-295

De nos expériences nombreuses, il nous reste le lendemain quatre ou cinq souvenirs plus ou moins distincts, qui, oblitérés eux-mêmes, ne laissent en nous à demeure qu’une représentation unique, décolorée et vague, dans laquelle entrent comme composants diverses sensations ressuscitantes, toutes affaiblies, inachevées et avortées. — Mais cette représentation n’est pas l’idée générale et abstraite. […] Sitôt que l’analyse approfondie et prolongée constate dans une espèce d’objets un caractère ignoré et important, cette espèce tend à quitter son compartiment pour entrer dans un autre. […] L’unité de chaque tas n’est que son aptitude à entrer comme facteur dans le total des vingt tas et dans tout autre total analogue plus petit ou plus grand. […] Observons donc une série d’objets ou d’événements, en ayant soin de ne considérer en chacun d’eux que sa capacité d’entrer comme composant dans une collection. […] En effet, ce que j’ai appelé unité, c’est l’aptitude à entrer dans une collection.

147. (1861) La Fontaine et ses fables « Troisième partie — Chapitre I. De l’action »

         C’était un beau sujet de guerre Qu’un logis où lui-même il n’entrait qu’en rampant. […] Vous voyez qu’à force d’attention et d’imagination le poëte, sans le vouloir, fait entrer dans son sujet les questions philosophiques. […] Car je vous apprends, si vous ne le savez, que lorsque vos chars si triomphants entraient dans Rome et que de tous côtés on criait à haute voix : Vive, vive Rome l’invincible ! […] Avez-vous vu comme tout d’un coup, au milieu du vers, l’accent a changé, comme le sérieux, la passion y sont entrés par une irruption subite, comme la dernière image toute corporelle enfonce l’émotion dans le coeur des assistants ? […] Sans leur aide, il ne peut entrer dans les esprits     Que tout mal et toute injustice.

148. (1865) Cours familier de littérature. XX « CXVIIe entretien. Littérature américaine. Une page unique d’histoire naturelle, par Audubon (1re partie) » pp. 81-159

Ils proclamèrent la résolution d’entrer en dominateurs dans les affaires de la vieille Europe, qu’ils déclarèrent caduque avec la forfanterie de leur prétendue jeunesse. […] L’alliage, le mensonge de la société n’entrent pour rien dans son caractère et ses mœurs. […] À peine fus-je entré dans la gorge ou vallée qui sépare la crique du Canot de celle d’Highland, le ciel s’obscurcit ; un brouillard dense simula la nuit la plus obscure. […] J’entrai, je m’assis sans cérémonie sur un vieil escabeau, près du foyer. […] Puis, jetant les yeux tour à tour sur l’Indien blessé et sur le coin où je reposais, ils demandèrent qui j’étais, et pourquoi ce chien de sauvage était entré dans la hutte.

149. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Bossuet. Lettres sur Bossuet à un homme d’État, par M. Poujoulat, 1854. — Portrait de Bossuet, par M. de Lamartine, dans Le Civilisateur, 1854. — I. » pp. 180-197

Poujoulat a échappé assez heureusement à ce danger par une grande bonne foi de développement, par une sincérité de croyance qui lui a permis d’entrer dans la discussion du fond. […] Son père, entré en qualité de doyen des conseillers au parlement de Metz, qui était de création nouvelle, laissa ses enfants aux soins d’un frère qui était conseiller au parlement de Dijon. […] On eût dit qu’il respectait d’avance lui-même l’autorité future de son nom, de son ministère, et qu’il ne voulait pas qu’il y eût une tache humaine à essuyer sur l’homme de Dieu quand il entrerait de plain-pied du siècle dans le tabernacle. […] Entré en philosophie au collège de Navarre, il y brilla dans les thèses et les actes publics ; il fut un prodige et un ange d’école avant d’être cet aigle que nous admirons.

150. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Ramond, le peintre des Pyrénées — I. » pp. 446-462

Pourquoi sommes-nous ainsi faits en France, que lorsqu’un homme distingué et de talent n’est pas entré à un certain jour dans le courant de la vogue et dans le train habituel de l’admiration publique, nous devenions si sujets à le négliger et à le perdre totalement de vue ? […] Les langues, les sciences, le droit public, la médecine, entrèrent pour beaucoup et presque à la fois dans cette éducation que favorisait la plus heureuse intelligence. […] En parlant de la célèbre abbaye de Notre-Dame-des-Ermites ou d’Einsielden, dans le canton de Schwitz, William Coxe, ministre et chapelain anglican, s’était permis bien des ironies sur les pèlerins et leur dévotion qu’il appelait superstitieuse : ici Ramond prend à son tour la liberté d’abréger, dans sa traduction, ces sarcasmes trop faciles, et il exprime pour son compte un tout autre sentiment : Je l’avoue, dit-il, l’aspect de ce monastère m’a ému ; sa situation au milieu d’une vallée sauvage a quelque chose de frappant ; son architecture est belle, et son plan est exécuté sur de grandes proportions ; rien de plus majestueux que les degrés qui s’élèvent à la plate-forme de l’édifice et qui la préparent de loin par une montée insensible… Il est impossible d’entrer dans cette chapelle dont le pavé est jonché de pécheurs prosternés, méditant dans un respectueux silence et pénétrés du bonheur d’être enfin parvenus à ce terme de leurs désirs, à ce but de leur voyage, sans éprouver un sentiment de respect et de terreur. […] Ramond, à Ferney, rendit visite à Voltaire, qui, dès qu’il entra, lui cria de son fauteuil : « Vous voyez, monsieur, un vieillard qui a quatre-vingt-trois ans et quatre-vingt-trois maladies. » Ramond ayant remarqué sur les rayons de la bibliothèque les in-folio des Pères, avec de petits papiers qui en notaient les passagesv : « Ah !

151. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Œuvres inédites de P. de Ronsard, recueillies et publiées par M. Prosper Blanchemain, 1 vol. petit in-8°, Paris, Auguste Aubry, 1856. Étude sur Ronsard, considéré comme imitateur d’Homère et de Pindare, par M. Eugène Gandar, ancien membre de l’École française d’Athènes, 1 vol. in-8°, Metz, 1854. — II » pp. 76-92

alors la consigne tomberait à l’instant ; mais, hormis pour elle, il est invisible à l’univers : Au reste, si un dieu vouloit pour moi descendre Du ciel, ferme la porte et ne le laisse entrer. […] Par malheur, aucun de nos grands prosateurs d’alors, ni Montesquieu, ni Voltaire, ni Buffon, ni Jean-Jacques, n’ont lu directement Homère : il n’est entré pour rien dans la composition ni dans la trempe de leur talent ; on s’en aperçoit à leur cachet. — Ce n’est pas la bonne volonté pour Homère qui a manqué à Diderot, et, sans guère le lire, il a dû plus d’une fois en causer de près et par bouffées avec son ami l’Allemand Grimm, l’ancien élève d’Ernesti. — Celui qui l’a lu (j’entends toujours lu à la source), dans tout ce monde du xviiie  siècle, ce n’est ni d’Alembert, ni Duclos, ni Marmontel, ni même le critique La Harpe, dont ce serait pourtant le devoir et le métier ; ce n’est pas même Fontanes, d’un goût si pur, mais paresseux. […] Et au lieu de : « Frugibus alternis, non consule, computat annum », sans entrer dans une antithèse difficile, il dira nonchalamment : Il tient par les moissons registre des années… Mais surtout il y met à chaque instant ses impressions vraies, et les associe aux tons primitifs sans qu’on puisse les démêler. […] Prosper Blanchemain n’est point entré dans ces débats.

152. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Souvenirs de soixante années, par M. Etienne-Jean Delécluze »

Il aspirait cependant à avoir un maître, et le nom de David étant alors le plus grand, le plus radieux entre ceux des artistes, celui du dictateur suprême, il ambitionnait d’entrer dans son École, de travailler dans son atelier. […] Delécluze ; qui va entrer dans l’École de David et y travailler longtemps aura en peinture des principes et des connaissances bien plus arrêtées et plus dogmatiques qu’en littérature. […] Il commence par nous décrire, avec un soin dont je lui sais gré, la situation des ateliers où entra, le jeune Étienne ; il nous donne l’état des lieux : c’est dans le Louvre, dans la partie qui répond à la moitié nord de la grande colonnade et à la moitié de la façade en retour du côté de la rue de Rivoli, qu’étaient les ateliers et logements accordés aux artistes. […] Avant d’entrer dans l’atelier même de David, le jeune Étienne fut admis, par manière de stage, dans celui de Moreau, élève de David, et à qui ce dernier avait prêté pour un temps l’atelier où était son tableau des Horaces.

153. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre deuxième. Les mœurs et les caractères. — Chapitre III. Inconvénients de la vie de salon. »

Aussi l’exaltation qui commence ne sera guère qu’une ébullition de la cervelle, et l’idylle presque entière se jouera dans les salons  Voici donc la littérature, le théâtre, la peinture et tous les arts qui entrent dans la voie sentimentale pour fournir à l’imagination échauffée une pâture factice303. […] À la mort du premier Dauphin313, pendant que les gens de la chambre se jettent au-devant du roi pour l’empêcher d’entrer, la reine se précipite à genoux contre ses genoux, et lui crie en pleurant : « Ah ! […] Ils ne comprennent rien au vaste monde qui enveloppe leur petit monde ; ils sont incapables d’entrer dans les sentiments d’un bourgeois, d’un villageois ; ils se figurent le paysan, non pas tel qu’il est, mais tel qu’ils voudraient le voir. […] Ils ne savaient pas même ouvrir ou fermer une porte ; ils n’avaient pas la force de soulever une bûche pour la mettre dans le feu : il leur fallait des domestiques pour leur avancer un fauteuil ; ils ne pouvaient pas entrer et sortir tout seuls.

154. (1914) Enquête : L’Académie française (Les Marges)

Flaubert, ni Baudelaire n’entreraient pas plus aujourd’hui qu’autrefois à l’Académie. […] C’est pourquoi un Flaubert, un Baudelaire, ou tout autre auteur dont les œuvres scandalisent les salons, ne peuvent entrer à l’Académie que par un coup heureux du hasard comme il ne s’en produit guère. […] Je vois très bien Henri de Régnier « Entrer dans le passé comme en un grand salon !  […] À noter aussi que par un échange de bons procédés, l’Académie a, de plus en plus, droit d’entrer dans la politique.

155. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Lettres de Mme de Graffigny, ou Voltaire à Cirey. » pp. 208-225

Celle qui racontait pleurait elle-même et tâchait de ne pas trop entrer dans les circonstances, de peur d’éclater. […] Il faut faire entrer dans notre être tous les mondes imaginables, ouvrir toutes les portes de son âme à toutes les sciences et à tous les sentiments ; pourvu que tout cela n’entre pas pêle-mêle, il y a place pour tout le monde. […] La nature nous a donné si peu de portes par où le plaisir et l’instruction peuvent entrer dans nos âmes ! […] Le souper terminé, au moment où Mme de Graffigny, retirée dans sa chambre, se croyait en parfaite sécurité et solitude, elle est bien surprise de voir entrer Voltaire, qui lui dit brusquement « qu’il est perdu et que sa vie est entre ses mains ».

156. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Madame la duchesse d’Angoulême. » pp. 85-102

Elle a raconté l’histoire de sa captivité et des événements arrivés au Temple depuis le jour où elle y entra jusqu’au jour où y mourut son frère, et elle l’a fait d’un style simple, correct, précis, sans un mot de trop, sans une phrase, comme il sied à un cœur profond et à un esprit juste parlant en toute sincérité des douleurs vraies, de ces douleurs véritablement ineffables et qui surpassent tout ce qu’on en peut dire. […] Elle ne craint pas d’y indiquer quelques-uns des officiers municipaux qui, étant de garde à leur tour, entraient dans les chagrins de la famille royale et les adoucissaient par leurs égards et leur sensibilité : Nous connaissions de suite à qui nous avions affaire, dit-elle, ma mère surtout, qui nous a préservés plusieurs fois de nous livrer à de faux témoignages d’intérêt… Je connais tous ceux qui s’intéressèrent à nous ; je ne les nomme pas, de peur de les compromettre dans l’état où sont les choses, mais leur souvenir est gravé dans mon cœur ; si je ne puis leur en marquer ma reconnaissance, Dieu les récompensera ; mais si un jour je puis les nommer, ils seront aimés et estimés de toutes les personnes vertueuses. […] Sa famille, qui avait espéré le revoir une dernière fois, et l’embrasser le matin même de sa mort, est dans la désolation qu’on peut concevoir : Mais rien, écrit Madame, n’était capable de calmer les angoisses de ma mère ; on ne pouvait faire entrer aucune espérance dans son cœur : il lui était devenu indifférent de vivre ou de mourir. […] Mais au moins je me tenais propre ; j’avais du savon et de l’eau ; je balayais la chambre tous les jours ; j’avais fini à neuf heures que les gardes entraient pour m’apporter à déjeuner.

157. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Le maréchal Marmont, duc de Raguse. — III. (Suite et fin.) » pp. 47-63

Marmont, ramené lui-même à ces temps de splendeur et d’enivrante espérance, lui en exprimait avec feu l’esprit ; il lui parlait de son père, comme il l’avait vu, comme il l’avait aimé alors ; il ne craignit pas d’entrer dans les détails de nature et de caractère : il lui disait que son père avait été bon, avait été sensible, avant que cette sensibilité se fût émoussée dans les combinaisons de la politique ; il lui disait, comme il l’a dit depuis à d’autres, et avec une larme : « Pour Napoléon, c’était le meilleur et le plus aimable de tous les hommes, le plus séduisant, le plus sûr en amitié ; mais l’homme privé était tellement chez lui l’instrument de l’homme politique, que tout ce que l’on a dit de lui, tout ce que j’ai souffert moi-même de l’homme politique, tout cela se concilie avec le sentiment que j’exprime. » Et il avait deux traits singuliers qu’il aimait à citer comme indice et preuve de cette sensibilité première, et si bien recouverte ensuite, de Napoléon. […] Mais les esprits ne s’y payèrent pas de ces explications politiques ; ils furent saisis d’une soudaine exaspération dans laquelle entra Dandolo lui-même. […] qu’ils aillent dans la Terre sainte, s’écrie-t-il encore, qu’ils entrent à Jérusalem, même avec une foi douteuse, ceux-là qui sont avides de nouvelles émotions ; pour peu que leur imagination soit vive, et leur cœur droit et sincère, elles arriveront en foule à leur âme. […] De même un Arabe, dont la vie se compose de marches dans le désert, sait que, pour le traverser, il lui faut beaucoup de temps, qu’il doit ménager ses moyens et ses forces ; dès lors les jours s’écoulent à ses yeux sans précipitation ni lenteur, parce que d’avance il les a comptés ; il est entré dans un mouvement dont il a calculé les effets, auquel il s’abandonne avec confiance et tranquillité.

158. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « L’abbé Barthélemy. — II. (Fin.) » pp. 206-223

et la discussion politique s’enflammait de toutes parts ; mais, au milieu de ce souffle croissant et de ce vent impétueux qui s’élevait, et qui n’était pas encore une tempête, on recevait à l’Académie le chevalier de Boufflers, l’abbé Delille récitait dans les séances publiques des fragments applaudis du poème de L’Imagination, et le jeune Anacharsis surtout entrait à toutes voiles dans le port d’Athènes. […] Barthélemy, dans sa vue de la Grèce, n’a rien d’un Montesquieu : « Il faut que chaque auteur suive son plan, a-t-il dit ; il n’entrait pas dans le mien d’envoyer un voyageur chez les Grecs pour leur porter mes pensées, mais pour m’apporter les leurs autant qu’il lui serait possible. » Il reste à savoir pourtant si les pensées des Grecs, exprimées par eux et traduites sous nos yeux sans explication préalable, sont suffisamment à notre usage. […] L’abbé Barthélemy, en introduisant et en faisant parler constamment un personnage du passé, se retranchait la ressource des considérations modernes et vraiment politiques ; mais, eût-il parlé en son propre nom, il se les fût également interdites : elles n’entraient pas dans la nature de son esprit. […] Quant à Chateaubriand, le vrai voyageur, arrivé dans les mêmes lieux, il nous dit : Au coucher du soleil, nous entrâmes au port de Sunium : c’est une crique abritée par le rocher qui soutient les ruines du temple.

159. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 24, des actions allegoriques et des personnages allegoriques par rapport à la peinture » pp. 183-212

Ils n’y doivent même entrer dans les occasions où l’on peut les introduire, que comme l’écu des armes ou les attributs des personnages principaux qui sont des personnages historiques. […] Je suis encore persuadé que le magnifique tableau qui répresente l’accouchement de Marie De Medicis plairoit davantage, si Rubens au lieu du genie et des autres figures allegoriques, qui entrent dans l’action du tableau, y avoit fait paroître celles des femmes de ce tems-là qui pouvoient assister aux couches de la reine. […] Or nous avons déja vû que les personnages allegoriques ne doivent entrer dans les compositions historiques, que comme des personnages simboliques qui dénotent les attributs des personnages historiques. […] Il ne sçauroit entrer dans cette composition qu’un petit nombre de figures, et les figures ne sçauroient être trop faciles à reconnoître.

160. (1860) Ceci n’est pas un livre « Une croisade universitaire » pp. 107-146

Et vous entrez gaillardement dans la place, la plume derrière l’oreille ! […] Malheureusement, mon cher Valentin, j’ai vu les choses par moi-même… Je suis entré dans l’atelier avec l’intention (je t’en fais mes excuses) d’y travailler honnêtement. […] Si Henry… Schaunard ne sort point de l’École normale, il n’est jamais entré au bagne. […] — tant que M. de Suttières ne sera pas entré dans un couvent.

161. (1919) L’énergie spirituelle. Essais et conférences « Chapitre VII. Le cerveau et la pensée : une illusion philosophique »

Pour d’autres, elle vient de ce que l’état cérébral et l’état psychologique entrent respectivement dans deux séries de phénomènes qui se correspondent point à point, sans qu’il soit nécessaire d’attribuer à la première la création de la seconde. […] Ils ne seront soumis qu’à une seule condition commune, celle d’entrer dans le même cadre moteur : en cela consistera leur « ressemblance », terme vague dans les théories courantes de l’association, et qui acquiert un sens précis quand on le définit par l’identité des articulations motrices. […] En faisant correspondre à chaque partie de la représentation une partie de la réalité, il articule le réel comme la représentation, il déploie la réalité dans l’espace, et il abandonne son réalisme pour entrer dans l’idéalisme, où la relation du cerveau au reste de la représentation est évidemment celle de la partie au tout. […] Nous voilà dans le réalisme ; et, pas plus dans ce réalisme que dans l’idéalisme de tout à l’heure, les états cérébraux ne sont l’équivalent de la représentation : c’est, nous le répétons, le tout des objets perçus qui entrera encore (cette fois dissimulé) dans le tout de notre perception.

162. (1880) Goethe et Diderot « Introduction »

, Gœthe, son Bonaparte intellectuel, était entré, littérairement, en France, comme notre Bonaparte, à nous, était entré militairement chez elle. […] Il a, en effet, patiné pendant quatre-vingts ans sur cette glace fragile de l’admiration des hommes, qui, pour lui, ne s’est jamais rompue, et, sans accident et sans arrêt, il a glissé et est entré, d’un seul trait continu, dans sa tranquille immortalité.

163. (1902) Les œuvres et les hommes. Le roman contemporain. XVIII « Jean Richepin »

Dans cette société, pourrie d’or et de luxe, sa Chanson des gueux fit l’effet d’explosion d’un gueux superbe, qui serait entré dans un salon. […] Plume appuyée, mordante, solidement éclatante, même quand elle appuie sur les choses vulgaires, procédant d’habitude par comparaisons plus pratiques que poétiques, mais qui font entrer l’objet comparé dans l’esprit du lecteur comme un coup de cette bûche emmanchée — le marteau des fendeurs de bois — qui enfonce le coin de fer dans le tronc noueux de l’arbre abattu… Vous voyez qu’ici, dans l’homme aux opinions et aux créations antiviriles de ce roman à petite morale, puisqu’elle est vide de Dieu, se retrouve le mâle que nous connaissions. […] Mais s’il l’est, il n’a pas fait encore le livre qu’il faut pour sortir des petits bruits et pour entrer dans le grand bruit, sans tapage, qui s’appelle la gloire.

164. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre premier. » pp. 5-11

Au milieu du siècle, quand la marquise eut marié sa fille Julie au duc de Montausier, qui était gouverneur de l’Angoumois, sa société se dispersa ; les habituées principales se firent leur cercle particulier ; elles eurent leur réduit, leur cabinet, leur alcôve ; et là, libres et dégagées de l’autorité des bons exemples, elles donnèrent l’essor à leurs prétentions et entrèrent dans tout leur ridicule. […] La 5me de 1643, époque de la minorité de Louis XIV, de la régence d’Anne d’Autriche, et du gouvernement du cardinal Mazarin, à 1652, époque où finit la Fronde et où Louis XIV entra dans sa majorité.

165. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome second — Livre cinquième. Principales idées-forces, leur genèse et leur influence — Introduction »

Chacun de nous résume et exprime en soi les différents règnes de la nature, avant d’entrer dans le règne humain. […] Selon cette hypothèse le monde réel, tout achevé à l’avance, n’a plus, comme dit encore Schopenhauer, « qu’à entrer tout bonnement dans la tête à travers les sens et les ouvertures de leurs organes ».

166. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 25, des personnages et des actions allegoriques, par rapport à la poësie » pp. 213-220

On remarquera que ce poëte fait entrer dans son ouvrage un petit nombre de personnages de cette espece, et je n’ai jamais entendu loüer Lucain d’en avoir fait un usage plus fréquent. […] Notre coeur exige de la verité dans la fiction même, et quand on lui présente une action allegorique, il ne peut se résoudre, pour parler ainsi, à entrer dans les sentimens de ces personnages chimeriques.

167. (1913) Essai sur la littérature merveilleuse des noirs ; suivi de Contes indigènes de l’Ouest-Africain français « Contes — IV. Les ailes dérobées »

« — En ce cas j’y vais entrer et me cacher dans quelque grenier en attendant la nuit. […] Tu serais cause de ma perte car les yébem, à leur retour, me tueraient sans pitié sitôt qu’ils auraient senti l’odeur de chair humaine dans leur case. » Sakaye qui savait que le guinné-aux-yeux-de-soleil ne pouvait rien contre lui, puisque le grigri l’empêchait de se mettre debout, entra précipitamment dans la case.

168. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « M. de Rémusat (passé et présent, mélanges) »

Mais tout d’un coup, étant en seconde, il entra un jour par curiosité dans la classe de philosophie. […] Il sortait donc du collège et il entrait décidément dans le monde, l’année même de la Restauration ; il avait tout juste dix-sept ans. […] Nous avons affaire à un esprit de nature très-complexe, et dans laquelle est entré déjà plus d’un élément. […] On ne saurait entrer d’un pied plus léger dans la rapidité romantique. […] Mais, quoi qu’il publie ou de tout nouveau ou de composé déjà, il ne fera certainement par ses écrits qu’entrer en possession de la place qui lui est dès longtemps reconnue dans l’opinion.

169. (1874) Premiers lundis. Tome I « Mémoires de madame du Hausset, femme de chambre de madame de Pompadour. »

Fille d’un pauvre gentilhomme de province, au lieu, suivant l’usage, d’entrer au couvent, elle entra au service de la maîtresse favorite, et, femme de chambre à la cour, elle y resta simple et j’oserai dire naïve.

170. (1882) Essais de critique et d’histoire (4e éd.)

Une femme entra dans la chapelle de White-Hall complètement nue, le lord protecteur présent. […] En même temps ils entrèrent avec elles dans le village et s’y établirent sans faire de mal aux habitants. […] Tout le monde fut frappé et troublé lorsqu’il entra. […] Pourrai-je entrer avec mon carrosse jusque chez le roi ? […] Quand il entra dans le monde, il trouva le roi demi-dieu.

171. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « M. Charles Magnin ou un érudit écrivain. »

Magnin, lorsqu’il entra au Globe et qu’il s’enrôla sous cette bannière dans ce groupe d’écrivains tous plus ou moins novateurs, quel était-il ? […] Magnin, soit à le voir y entrer et s’y asseoir à ses côtés, ce qui semblait alors fort peu probable, à titre de collègue. […] Cependant il partageait les vivacités de ce temps, les opinions nettes et tranchées de l’Opposition libérale incomplètement satisfaite, et, sa plume se trouvant libre et disponible depuis la dissolution du Globe, il ne se tint pas dans la neutralité : il entra au National sous Carrel. […] Je n’ai point à entrer dans le récit de sa fin, dans les particularités de son testament, par lequel il demandait à être transporté à Salins après sa mort, léguant de plus à cette ville une partie de son bien, moyennant des conditions ou intentions à long terme qui paraissent difficiles à remplir. […] Magnin ; celui-ci, je le sais pour en avoir causé avec lui, ne se serait fait aucun scrupule et, bien au contraire, eût été très-flatté d’entrer à l’Académie française comme son ami Ampère, qui était aussi de l’Académie des inscriptions.

172. (1862) Cours familier de littérature. XIV « LXXXIIIe entretien. Considérations sur un chef-d’œuvre, ou Le danger du génie. Les Misérables, par Victor Hugo (1re partie) » pp. 305-364

J’entrai sur les pas du duc de Rohan dans une maison obscure de la rue du Pot-de-Fer, au fond d’une cour, au rez-de-chaussée ; un bourdonnement d’enfants qui répètent leurs leçons sortait des fenêtres basses, comme un bourdonnement de ruches qui font le miel au printemps. […] « Ouvrez-leur les portes toutes larges, et laissez-les entrer, eux et leurs songes », criai-je du haut du balcon. […] Je parvins à peu près au milieu sans avoir le malheur d’être reconnu, et j’allais entrer dans les rues à droite pour m’évader par les rues vides parallèles aux boulevards, lorsqu’un froissement de la foule fît glisser mon manteau de mes épaules ; je me baissais pour le ramasser dans la boue, quand je fus reconnu par un artiste alors très célèbre, Cellarius, le musicien de la danse, suivi de quelques-uns de ses élèves et de ses amis. […] » Il entrouvrit enfin, juste assez pour me laisser entrer avec deux ou trois personnes, puis referma, aidé de nos épaules contre la pression croissante de la foule à laquelle nous venions d’échapper. […] « À quoi pensez-vous donc, vous qui dans vos demeures « Voulez voir en riant entrer toutes les heures !

173. (1886) Revue wagnérienne. Tome I « Paris, 8 février 1885. »

Les choses allaient, de l’autre côté du Rhin, non moins mal que de celui-ci, quand Richard Wagner, héritier de Bach et de Beethoven, de Gluck et de Weber, entra vaillamment en lice armé de sa personnalité et de sa persévérance. […] — Sire chevalier, lui dit-elle, puisque les hommes n’entrent pas dans la tour, où gémit la reine pour l’amour de vous, faites-vous damoiselle et vous entrerez. […] Il s’en alla avec Brangien et, lorsqu’ils entrèrent dans la tour, un garde demanda : — Quelle est celle-ci ? […] Ils entrèrent donc et coururent vers Iseult, dont la joie fut telle qu’elle en pleurait. […] Ils poussaient leurs chevaux qui entraient jusqu’au poitrail dans la boue, ce qui était pitoyable à voir.

174. (1861) La Fontaine et ses fables « Première partie — Chapitre IV. L’écrivain (suite) »

Les drames de Victor Hugo et les romans de Balzac n’entreront pas plus dans les chaumières que les tragédies de Racine ou les portraits de La Bruyère. […] Trois ou quatre hommes tout au plus ont su se développer en restant gaulois ; ce sont ceux qui, en prenant un genre gaulois, la chanson, le pamphlet, la farce, la comédie, l’ont élargi et relevé jusqu’à le faire entrer dans la grande littérature : Rabelais, Molière, La Fontaine, Voltaire et peut-être quelquefois Béranger. […] C’est ce don qu’on attribuait à Shakspeare quand on disait qu’il avait « dix mille âmes. »25 Les êtres entrent dans cette âme tels qu’ils sont dans la nature, et y retrouvent une seconde vie semblable à l’autre.

175. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Deuxième partie. Invention — Chapitre II. Définition. — Énumération. — Description »

Il faut donc que Bourdaloue détermine exactement son objet ; il ne manque pas de le faire, et voici comme il s’y prend : N’entrons point, je le veux, chrétiens, dans la discussion de vos états ; supposons-les tels que vous les imaginez, tels que votre présomption vous les fait envisager ; voyons seulement ce qu’il y a dans ces états ou de nécessaire pour vous ou de superflu. […] Il avait suffi de se demander qui étaient ces prophètes, sans entrer autrement en frais d’imagination. […] J’ai vu la matière d’un devoir où l’on supposait qu’un voyageur entrait dans une caverne pour échapper à l’orage, et s’y endormait : à son réveil, il voyait la voûte toute tapissée de serpents à sonnettes.

176. (1887) Journal des Goncourt. Tome I (1851-1861) « Année 1854 » pp. 59-74

Chez lui des tapis où l’on entrait jusqu’au ventre, car il proclamait que le tapis était le luxe des gens tout à fait distingués, et avec les tapis une merveilleuse collection de pipes turques qu’il fumait indolemment, orientalement. […] Un jour, je voulus faire entrer Curmer et il me cria : C’est impossible ! […] J’étais dans la salle à manger, le soir d’un de mes mercredis, causant et buvant avec deux ou trois amis… La nuit finissait, l’aurore se leva à travers les petits rideaux, mais une aurore d’un sinistre jour boréal… Alors tout à coup beaucoup de gens se mirent à courir en rond dans la salle à manger, saisissant les objets d’art, et les portant au-dessus de leurs têtes, cassés en deux morceaux, entre autres, je me souviens, mon petit Chinois de Saxe… Il y avait aux murs, dans mon rêve, des claymores, des claymores immenses ; furieux j’en détachai une et portai un grand coup à un vieillard de la ronde… Sur ce coup, il vint à ce vieillard une autre tête, et derrière lui deux jeunes gens qui le suivaient, changèrent aussi de têtes, et apparurent tous les trois avec ces grosses têtes ridicules en carton, que mettent les pitres dans les cirques… Et je sentis que j’étais dans une maison de fous et j’avais de grandes angoisses… Devant moi se dressait une espèce de box où étaient entassés un tas de gens qui avaient des morceaux de la figure tout verts… Et un individu, qui était avec moi, me poussait pour me faire entrer de force avec eux… Soudain je me trouvai dans un grand salon, tout peint et tout chatoyant de couleurs étranges, où se trouvaient quelques hommes en habit de drap d’or, avec sur la tête des bonnets pointus comme des princes du Caucase… De là je pénétrai dans un salon Louis XV, d’une grandeur énorme, décoré de gigantesques glaces dans des cadres rocaille, avec une rangée tout autour de statues de marbre plus grandes que nature et d’une blancheur extraordinaire… Alors, dans ce salon vide, sans avoir eu à mon entrée la vision de personne, je mettais ma bouche sur la bouche d’une femme, mariai ma langue à sa langue… Alors de ce seul contact, il me venait une jouissance infinie, une jouissance comme si toute mon âme me montait aux lèvres et était aspirée et bue par cette femme… une femme effacée et vague comme serait la vapeur d’une femme de Prud’hon.

177. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre XXV. Mme Clarisse Bader »

Ils seront comme les Anges dans le ciel 32 » Mais à part ces féminités, à part ces révérences qui entrent trop dans le parquet, devant certaines personnes, le christianisme de Mlle Bader reste au-dessus du parquet et ne s’abaisse ni ne se cache. […] Ils croiraient laisser passer un bout de jupe compromettant à travers les déchirures du vêtement masculin qu’ils veulent porter et qu’ils crèvent, en y faisant entrer de vive force, des beautés faites pour un vêtement tout à la fois plus voluptueux et plus chaste. […] Même les femmes qui, d’origine, étaient des esprits aimables, en entrant dans la science, entrent dans une gaine… La femme y disparaît pour ne plus montrer que sa tête.

178. (1914) Note conjointe sur M. Descartes et la philosophie cartésienne pp. 59-331

C’est une question d’entrée ou de ne pas entrer. […] Je ne veux point y entrer de biais. […] Un hasard en est cause : l’héroïsme est entré en elle. […] Il ne pouvait pas entrer en ligne de vénalité. […] Et alors nous entrerons dans le mystère physique.

179. (1858) Cours familier de littérature. V « XXXe entretien. La musique de Mozart (2e partie) » pp. 361-440

II N’importe, j’entrai ; et, grâce aux bontés du directeur inconnu, je trouvai place à l’avant-scène dans une loge réservée, en face de la scène et derrière une colonne qui jetait son ombre entre la foule et moi. […] On lui offre tous les honneurs et tous les bénéfices de l’Église, s’il veut entrer dans l’état ecclésiastique ; sa nature légère et libre se refuse à la gravité de cette profession. […] En ce temps-là, poursuit-il, une jeune et belle personne de seize ans, que je n’aurais voulu aimer que comme un père, habitait avec sa mère dans ma maison ; elle entrait dans ma chambre de travail pour les petits services de l’intérieur chaque fois que je sonnais pour demander quelque chose ; j’abusais un peu de la sonnette, surtout quand je sentais ma verve tarir ou se refroidir. […] fais-les entrer, répond Don Juan d’un air dégagé et courtois. — Approchez donc, signore Maschere, réplique le majordome ; mon maître serait heureux si vous daigniez prendre part à la fête.” […] cris qui, m’ayant attiré à la fenêtre, je vis, à la clarté de la lune, une foule de personnes demandant à entrer ; la porte leur fut ouverte, et voilà tout à coup la chambre remplie de mes bons et chers amis de la ville, qui, à la nouvelle de mon retour, étaient accourus pour me voir.

180. (1859) Cours familier de littérature. VII « XXXVIIIe entretien. Littérature dramatique de l’Allemagne. Le drame de Faust par Goethe » pp. 81-160

C’est ainsi qu’elle entrait plus tard dans la mienne, par les fenêtres au couchant de ma chambre dans la maison de mon père, ouvrant sur des toits éclaboussés d’une morne lumière et attristés encore par le roucoulement de pigeons blancs qui bordaient les tuiles de la rue voisine. […] Les dix premiers chants du poème épique de la Messiade, par Klopstock, venaient de paraître ; l’Allemagne s’étonnait et frémissait d’enthousiasme à cette poésie sérieuse comme une religion, où le drame du Calvaire se déroule entre le ciel et l’enfer et où l’enfer lui-même laisse entrer le rayon de la miséricorde. […] Tout m’est révélé clair et facile. » Ici un hymne magnifique, semblable sans doute à celui qui fit explosion des lèvres de la première créature intelligente, quand le monde entra avec son premier regard dans sa prunelle ! […] Les esprits sérieux se détournent de ces débauches d’imagination, qui ne servent qu’à détruire la belle illusion du drame pathétique dans lequel nous allons enfin entrer. […] Et si tout à coup elle venait à entrer, comme tu expierais vite l’audace d’avoir profané son asile !

181. (1862) Cours familier de littérature. XIV « LXXXe entretien. Œuvres diverses de M. de Marcellus (3e partie) et Adolphe Dumas » pp. 65-144

Je montai un petit escalier de bois qui ouvrait sur une antichambre propre, bien éclairée d’un beau rayon ; j’appelai, le silence me répondit ; j’entrai dans un petit salon très rangé aussi, mais presque sans meubles ; j’appelai encore, silence aussi profond ; enfin, une voix creuse, sépulcrale, venant de loin, me cria de la chambre voisine : « Entrez, je ne puis ouvrir ! » J’entrai en effet ; il était sur son lit, au fond de la chambre. La pleine clarté d’un beau jour entrait dans sa chambre par la fenêtre ouverte avec les bouffées de vent du printemps, qui jouait avec les rideaux, se concentrant sur sa mâle et athlétique figure ! […] Je m’en chargeai ; mais je n’eus pas le temps d’accomplir ma commission : son frère entra avec le visage joyeux, affectueux et tendre d’un homme qui se réjouit d’emmener bientôt un frère aimé et glorieux sous son toit, à sa femme et à ses petits enfants qui l’attendent. […] Il entra en boitant, le visage gai, le front ruisselant de sueur, et retomba essoufflé sur le canapé.

182. (1888) Journal des Goncourt. Tome III (1866-1870) « Année 1868 » pp. 185-249

Nous entrons dans un café, avalons un grog au rhum et reprenons le chemin du théâtre. […] Venons au blasphème du petit parvenu politique, entré à quarante ans dans cette Académie, où Balzac n’a pas eu sa place. […] oui, nous entrons dans cet hôtel, pauvres de dix mille livres de rentes, et en ce temps-ci. […] Nous entrons, nous nous promenons sous le quinconce de marronniers sous lequel nous nous sommes promenés si souvent ensemble avec l’ancien propriétaire, quand un homme vient à nous, nous tendant la main, un revenant, un spectre, lui, Gavarni ! […] Une toux profonde lui ébranle, de temps en temps, la poitrine, et alors la plaisanterie cruelle circule dans le salon, qu’il tousse pour entrer à l’Académie.

183. (1857) Cours familier de littérature. IV « XXIIIe entretien. I. — Une page de mémoires. Comment je suis devenu poète » pp. 365-444

Là, ce n’est plus la mémoire seulement, c’est l’intelligence, l’imagination et le goût qui entrent en jeu. […] Rousseau, entrait à petite dose choisie et épurée dans ces études. […] Les lieux nous entrent dans l’âme par les yeux et s’incorporent à nos sensations, et ces sensations deviennent des caractères. […] Il était entré tard, et après une vie répandue, dans l’ordre ; il avait voulu recueillir la maturité de sa vie et utiliser à l’instruction littéraire de la jeunesse ses talents et ses goûts, goûts et talents d’un lettré accompli. […] Le poète, récompensé par le consul, ne fut nullement retenu alors par le royalisme qu’il manifesta depuis pour les Bourbons ; il entra hardiment par un emploi diplomatique à Rome, et ensuite dans le Valais, dans la fortune de Bonaparte.

184. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Ramond, le peintre des Pyrénées — III. (Fin.) » pp. 479-496

Dix ans plus tard, dans un autre voyage entrepris au Mont-Perdu, voisin du Marboré, abordant par une autre vallée ces hautes enceintes, il en admirera la forme, qui, jointe à la lumière, se traduira sous sa plume comme sous un pinceau : Cependant nous entrions dans la vallée d’Estaubé, et nous contemplions en silence ses tranquilles solitudes. […] Ramond entra avec vivacité et franchise dans le mouvement de 89. […] On ne saisit pas bien l’instant précis où il s’arrêta dans sa confiance en la Révolution, car il ne faisait point partie de l’Assemblée constituante : lorsqu’il entra dans la seconde législature et qu’il devint membre de l’Assemblée législative, il était déjà dans la résistance, dans la ligne constitutionnelle, voulant y rester et s’y tenir. […] À la date où il entra dans le tourbillon des assemblées, il y avait longtemps déjà qu’il était trop tard pour tout individu prétendant à modérer ce que les événements seuls et les partis en masse décidaient et précipitaient.

185. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Montluc — II » pp. 71-89

Montluc, au moment d’être congédié et renvoyé à M. d’Enghien, eut ordre, sur le midi, d’aller trouver le roi, qui était déjà entré en son conseil. […] Il semble qu’il veuille épargner ses secrétaires : c’est dommage qu’il n’est greffier du parlement de Paris, car il gagnerait plus que Du Tillet ni tous les autres. » Ayant à entrer quelquefois dans les parlements de Toulouse et de Bordeaux, quand il était lieutenant pour le roi en Guyenne, il n’en revenait pas de voir que tant de jeunes hommes s’amusassent ainsi dans un palais, vu qu’ordinairement le sang bout à la jeunesse : « Je crois, ajoutait-il, que ce n’est que quelque accoutumance ; et le roi ne saurait mieux faire que de chasser ces gens de là, et les accoutumer aux armes. » Mais toutes ces sorties contre ce qui n’est pas gloire des armes et d’homme de guerre n’empêchent pas Montluc de sentir l’importance de ce chétif instrument, la plume : il s’en sert,-sachant bien que ce n’est que par là et moyennant cet auxiliaire qu’il est donné à une mémoire de s’immortaliser, qu’il n’en sera de votre nom dans l’avenir que selon qu’il restera marqué en blanc ou en noir par les historiens ; et son ambition dernière, à lui qui a tant agi, c’est d’être lu : « Plût à Dieu, dit-il, que nous qui portons les armes prissions cette coutume d’écrire ce que nous voyons et faisons ! […] Le maréchal de Biez qui y commandait et qui, ne pouvant reprendre Boulogne, était chargé de le bloquer par ce côté, se trouvait dans l’embarras par la fuite des pionniers : il lui restait un pan de courtine ou de mur à élever pour sa ligne de fortification, et pour empêcher les secours d’entrer dans la ville. […] La veille de Noël, il envoie par un sien trompette à Montluc « la moitié d’un cerf, six chapons, six perdrix, six flacons de vin excellent et six pains blancs, pour faire le lendemain la fête. » Montluc ne trouve point cette courtoisie étrange, d’autant que dans sa grande maladie trois ou quatre mois auparavant, le même marquis lui avait envoyé pareillement quelque gibier et avait laissé entrer un mulet chargé de petits flacons de vin grec.

186. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Henri IV écrivain. par M. Eugène Jung, ancien élève de l’École normale, docteur es lettres. — II » pp. 369-387

Et par exemple il représentait son héros comme laissant entrer par compassion des vivres dans Paris assiégé, tandis que c’était tout le contraire, et que Henri IV se plaignait de ses serviteurs (tels que Givry, et particulièrement M. d’O), qui en divers temps y avaient laissé entrer des vivres par connivence. […] Tantôt c’est dans le jardin des Tuileries (en décembre 1605) qu’il reçoit l’archevêque de Vienne, Pierre de Villars, qui vient lui apporter les doléances du Clergé, et il lui répond avec nerf et à propos sur un sujet dont il est plein : tantôt c’est au moment où il est à jouer avec ses enfants dans la grande salle du château de Saint-Germain (3 novembre 1599) qu’il voit entrer les députés du parlement de Bordeaux, et il va à eux en leur disant : « Ne trouvez point étrange de me voir ici folâtrer avec ces petits enfants ; je sais faire les enfants et défaire les hommes. […] Dans la modération et la clémence de Henri IV il entrait donc, sur un fonds premier de générosité et de bon naturel, une profonde connaissance de ce que peuvent les choses, de ce que valent les hommes, bien de la prudence et un peu de mépris.

187. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Le duc de Rohan — III » pp. 337-355

L’ère de guerre et de rivalité à main armée, entre les deux communions, avait cessé ; on entrait dans un régime nouveau, qui aurait dû être un régime de police civile, de légalité, de raison ferme, d’action douce et de conquête par la seule parole. […] La manière dont il sut traverser la Suisse à l’improviste sans prévenir les cantons qu’au moment même, étant déjà entré avant qu’on s’aperçût qu’il y dût passer ; la rapidité, la précision de sa marche, la justesse de ses ordres et de ses calculs, tout répondit à sa réputation d’habileté. […] Qu’on l’aide un peu du côté de France, qu’on le renforce d’infanterie et de cavalerie pour garder les passages, qu’on le secoure surtout d’argent, ce nerf de la guerre, et plus nécessaire encore au pays des Grisons ; que le duc de Savoie aussi veuille bien l’épauler, et Rohan, à la tête de 4000 hommes de pied et de 500 chevaux, son idéal de petite armée, répond d’entrer dans le Milanais avec des desseins tout mûris, de s’emparer de Lecco et de Côme, et maître de tout le lac, ruinant le fort de Fuentes qui en est la porte du côté de la Valteline, de condamner les Allemands à n’avoir plus que le passage du Saint-Gothard pour entrer dans le nord de l’Italie.

188. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Théophile Gautier (Suite.) »

Il entra au Figaro avec Alphonse Karr ; il y mit des articles de fantaisie, entre autres le Paradis des Chats. […] Mais dès 1837, Théophile Gautier était entré au journal la Presse, où il élut domicile pour bien des années, et qui lui fut comme une patrie. […] Il n’y resta pas moins de dix-huit ans, jusqu’en 1855, et c’est alors seulement qu’il entra, pour s’y caser, au Moniteur. […] » Je n’oserais assurer pourtant qu’il alla dans son regret jusqu’au repentir ; mais je tiens à bien marquer cette disposition particulière qu’il a à entrer pour ainsi dire dans chaque climat, à s’y incorporer et à s’y soumettre.

189. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Chapitre dixième »

Son premier homme, chez qui toutes les idées entrent successivement par la porte des sens, n’est pas le fils de Descartes. […] Un coin du voile est levé, l’œuvre de Dieu est mieux connue ; de nouvelles idées d’ordre, de beauté, d’harmonie, entrent dans nos esprits charmés, à la suite de ces vérités qui guident désormais les naturalistes, en brillant pour tout le monde. […] Il voulait que le naturaliste entrât dans la science sans guide, et qu’il examinât les objets à mesure que les lui présenterait la nature ou l’occasion, dans leurs rapports avec l’homme, et par l’utilité qu’il en tire. […] L’idée du noble est de celles où il peut entrer de la mode et du préjugé.

190. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Alexandre Dumas fils — Chapitre XIII »

Ni préambule, ni vestibule : nous entrons, tout de suite, dans l’amphithéâtre. […] Nous sortons de la règle pour entrer dans l’exception dépravée. […] Il y aurait du sang sur le parquet du salon, si les médisances entraient dans la chair. […] Il faut la voir entrer, la tête haute, dans ce salon bruyamment hostile, et le fendre d’un long sillage, et démêler, en passant, d’un mot furtif, d’un geste imperceptible, les deux ou trois intrigues dont elle tient les fils.

191. (1887) Journal des Goncourt. Tome I (1851-1861) « Année 1853 » pp. 31-55

Et quand nous entrions, nous avions l’air de si mauvaise humeur que, se méprenant sur notre démarche, il croyait que nous venions le provoquer en duel. […] À la porte de l’audience, l’huissier ne voulant pas le laisser entrer : « Mais, criait Villedeuil, je suis bien plus coupable qu’eux, je suis le propriétaire du journal !  […] À quelques années de là, mené chez un maître de dessin à Cherbourg par son père qui lui montrait les crayonnages de son fils, le maître de dessin disait : Alors la ville de Cherbourg lui faisait une petite pension qui lui permettait d’entrer à l’atelier de Paul Delaroche. […] La rivière allait en pente très douce, elle y entrait pas à pas, et quand elle avait de l’eau jusqu’aux genoux, elle était entraînée par le courant… mais, à demi noyée, elle ne perdait pas toute connaissance ; à un moment, elle avait parfaitement le sentiment que sa tête cognait contre un câble tendu et que ses cheveux dénoués se répandaient autour d’elle, et, quand elle entendit un chien sauter à l’eau, de la Verberie, elle éprouvait l’appréhension anxieuse qu’il ne l’empoignât par un endroit ridicule.

192. (1868) Les philosophes classiques du XIXe siècle en France « Chapitre IX : M. Jouffroy écrivain »

Lorsqu’il était entré dans son sujet, nulle phrase incisive et subite ; des répétitions infinies : ses élèves, en relisant leurs notes, trouvaient qu’ils avaient écrit la même idée trois et quatre fois. […] Il était entré dans la philosophie, et désormais il y resta. […] Je n’ai rien su que ce que j’ai trouvé, et quand il m’est entré dans la tête des opinions qui étaient aussi celles des autres, c’est que mes recherches comme les leurs y avaient abouti. » Un peu plus tard, traitant des signes, il ne voulut ouvrir aucun des ouvrages de ses prédécesseurs, et expliqua son étrange refus comme Descartes : « Notre première raison, c’est que les idées qu’ils nous suggéreraient gêneraient la liberté de notre esprit qui aime à se conduire à sa façon, et dépouilleraient pour lui cette recherche de son plus grand charme, qui est dans la recherche même plutôt que dans le résultat qu’elle peut donner à la science ; la seconde, c’est que les idées d’autrui, quand nous n’avons pas d’abord exploré nous-même la matière à laquelle elles se rapportent, n’ont pour nous qu’un sens vague, et nous troublent plutôt qu’elles ne nous éclairent54. » Cette habitude et ce goût sont le signe du véritable philosophe. […] Il n’était jamais entré dans ces froides galeries ; il n’avait jamais porté la main sur ces reliques illustres ; c’est parce qu’il les a laissées intactes qu’il mérite une place à leurs côtés.

193. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Œuvres inédites de F. de la Mennais (suite et fin.)  »

Et puis une nouvelle culbute me paraît tellement inévitable, qu’il me paraît plus prudent de faire son paquet que de faire des livres. » Il était retourné à La Chesnaie au moment où il parlait ainsi, et il ne faisait pas plus grâce aux gens du pays qu’à ceux de Paris : « Je n’ai encore vu, Dieu merci, personne, si ce n’est un lièvre pour qui j’ai conservé beaucoup d’estime, car il s’en alla dès qu’il m’aperçut, sans chercher à entrer en conversation. […] Mon sort désormais est lié au sien ; je ne l’abandonnerai jamais, à moins que lui-même ne me montre loin de lui le lieu où Dieu m’appelle… » Dès ce moment la pensée d’entrer plus avant dans les ordres et d’être prêtre, cette pensée qui, depuis 1809, le tenait en échec et en effroi, lui est revenue et s’est fortifiée en lui. […] … » En même temps qu’il est décidé à entrer dans le sacerdoce, il ne tient à rien qu’il ne fasse un pas de plus et qu’il n’entre aussi dans la Compagnie de Jésus. […] Nous entrons dans la série des aveux pénibles dont le public n’avait eu jusqu’ici que l’indice et le soupçon, et qui, dans tous les cas, n’émanaient point de l’intéressé lui-même. […] André, qui fit l’ordination… » On le presse fort d’entrer dans la Compagnie de Jésus : il ne fit aucune objection.

194. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Madame Desbordes-Valmore. »

Si elle entrait dans les églises pour prier (ce qu’elle faisait souvent), c’était entre les offices et quand les nefs étaient désertes. […] Quand elle n’eut plus à exhorter les autres, à les réchauffer et les réconforter de ses espérances, quand elle ne fut plus qu’en face d’elle-même, toutes illusions dépouillées, toutes réalités éprouvées et épuisées jusqu’à la lie, dans les longs mois qui précédèrent sa mort, elle entra dans un grand silence. — Enfin n’oublions pas, en la lisant, qu’un poète n’est pas nécessairement un physicien ni un philosophe ( fortunatus et ille deos qui novit agrestes ), et qu’aussi, derrière toutes les charmantes visions auxquelles s’attachaient son imagination et son cœur, — ce cœur resté enfant à tant d’égards, — il y avait chez la femme bien de la fermeté et un grand courage. […] … » Nous voilà tout d’abord entrés aussi avant que possible au cœur de cette poignante destinée. […] Il y était entré en 1847, comme surnuméraire, attaché au cabinet du ministre, M. de Salvandy. […] Sainte-Beuve, le 13 avril 1869 : « … Il ne peut rien y avoir de plus attachant et de plus sérieux que ces lettres qui nous font entrer dans l’intimité d’une existence toute simple, d’une vie qui par là même ressemble à la vie de la plupart.

195. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Chateaubriand — Chateaubriand, Vie de Rancé »

Un esprit merveilleux, brillant, en train de toute science et de toute diversion, cherchant jusqu’au miel des poëtes ; une parole éloquente et suave, un cœur généreux et magnifique, une âme ardente, impatiente, immodérée, épuisant la fatigue sans jamais trouver le repos, que rien ne pouvait combler, ressaisie d’une mélancolie infinie au sein des succès et des plaisirs ; que revenait obséder par accès l’idée de la mort, l’image de l’éternité, et qui, à un certain moment, rejetant ce qui n’était plus qu’incomplet pour elle, l’immolant au pied de la Croix, entra, comme dit son biographe, dans la haine passionnée de la vie. […] Dans l’ordre humain, ce qui fait pour nous la puissance singulière et le charme du frère d’Amélie, de l’Eudore de Velléda, c’est au contraire la composition et le mélange ; lui aussi, il essaye d’entrer dans la haine passionnée de la vie, mais il s’y reprend au même instant ; il la hait et il la ressaisit à la fois ; il a les dégoûts du chrétien et les enchantements du poëte ; il applique sa lèvre à l’éponge trempée d’absinthe, et il nous rend tout à côté les saveurs d’Hybla. […] On raconta donc qu’étant à la campagne lorsque arriva cette mort imprévue de la plus belle personne de la Cour, et qui le préférait à tous les autres, il revint sans en être informé, et que, montant tout droit dans l’appartement dont il savait les secrets accès, il trouva l’idole non-seulement morte, mais encore décapitée ; car les chirurgiens avaient, dit-on, détaché cette belle tête pour la faire entrer dans le cercueil trop court. […] Il avait trente et un ans (1657) ; jusqu’au jour où il prit l’habit religieux et entra au noviciat (juin 1633), six années s’écoulèrent, durant lesquelles son dessein grandit, se fortifia, et atteignit à la maturité. […] M. de Pomponne entrait aux affaires, et allait prêter à ce noble bon sens du monarque l’élégance de plume d’un Arnauld.

196. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Madame de Pompadour. Mémoires de Mme Du Hausset, sa femme de chambre. (Collection Didot.) » pp. 486-511

On surprend ici, ce me semble, la veine bourgeoise pervertie, mais persistante, dans ce vœu de Mme de Pompadour ; elle fait encore entrer des idées d’affection et des arrangements de famille jusque dans ses combinaisons adultères. […] Quand le docteur Quesnay le voyait passer, il entrait en fureur sur cet infâme ministère comme il l’appelait, à tel point que l’« écume lui venait à la bouche » : « Je ne dînerais pas plus volontiers, disait-il, avec l’intendant des Postes qu’avec le bourreau. » Ces propos se tenaient dans l’appartement de la maîtresse du roi, et sans danger, et cela a duré vingt ans. M. de Marigny, frère de Mme de Pompadour, homme de mérite et digne de sa sœur par plus d’un bon côté, se contentait de dire : « C’est la probité qui s’exhale, et non la malveillance. » Un jour, ce même M. de Marigny se trouvait dans l’appartement de Quesnay ; on parlait de M. de Choiseul : « Ce n’est qu’un petit-maître, dit le docteur, et, s’il était plus joli, fait pour être un favori d’Henri III. » — Le marquis de Mirabeau entra (le père du grand tribun) et M. de La Rivière. — « Ce royaume, dit Mirabeau, est bien mal ; il n’y a ni sentiments énergiques, ni argent pour les suppléer. » — « Il ne peut être régénéré dit La Rivière, que par une conquête comme à la Chine, ou par quelque grand bouleversement intérieur ; mais malheur à ceux qui s’y trouveront ! […] Est-ce bien le roi qui vient et qui va entrer ? […] » Elle envisagea la mort d’un œil ferme, et, comme le curé de la Madeleine était venu la visiter à Versailles et s’en retournait : « Attendez un moment, monsieur le curé, lui dit-elle, nous nous en irons ensemble. » Mme de Pompadour peut être considérée comme la dernière en date des maîtresses de roi, dignes de ce nom : après elle, il serait impossible de descendre et d’entrer décemment dans l’histoire de la Du Barry.

197. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Chateaubriand homme d’État et politique. » pp. 539-564

Dès le premier jour, il fut dans l’arène, et on peut dire, en lui empruntant une de ses images, qu’il entra dans la Restauration en rugissant. […] Dès lors une velléité d’ambition politique le saisit ; il entra dans les affaires, il alla à Rome sous le cardinal Fesch. […] Il entra dans cette carrière nouvelle l’épée à la main comme un vainqueur forcené, et du premier jour il embrassa la Restauration, de toute sa haine contre le régime qui tombait. […] Par exemple, dans ses Mémoires, il a l’air de dire qu’il ne comptait pas en 1814 sur l’étranger ; qu’il espérait toujours en un mouvement national qui eût dispensé les Alliés d’entrer à Paris et qui eût délivré les Français par leurs propres mains. […] Un homme politique véritable aurait pu entrer dans la carrière par une brochure violente et incendiaire ; mais il l’eût laissée de côté en avançant, et se serait bien gardé de chercher à réveiller et à raccommoder ce qui n’est pas conciliable ni compatible.

198. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre IV. L’âge moderne. — Conclusion. Le passé et le présent. » pp. 424-475

Entrez à Londres par le fleuve, et vous verrez une accumulation de travail et d’œuvres qui n’a pas d’égale sur la planète. […] Si vous entrez dans un de ces docks, l’impression sera plus accablante encore ; chacun d’eux semble une ville ; toujours des navires, et encore des navires, alignés, montrant leur tête, leurs flancs évasés, leur poitrine de cuivre, comme de monstrueux poissons sous leur cuirasse d’écaille. […] À Liverpool, il y a cinq mille navires rangés le long de la Mersey et qui s’étouffent ; d’autres attendent pour entrer ; les docks ont six milles d’étendue, et les entrepôts de coton qui les bordent allongent à perte de vue leur énorme rempart rougeâtre. […] Entrez dans un meeting, considérez ces gens de toute condition, ces dames qui viennent pour la trentième fois entendre la même dissertation, ornée de chiffres, sur l’éducation, sur le coton, sur les salaires. […] Poëmes sérieux et grandioses qui, ouvrant une échappée sur l’infini, laissent entrer un rayon de lumière dans l’obscurité sans limites et contentent les profonds instincts poétiques, le vague besoin de sublimité et de mélancolie que cette race a manifestés dès l’origine et qu’elle a conservés jusqu’au bout.

199. (1860) Cours familier de littérature. IX « Le entretien. Les salons littéraires. Souvenirs de madame Récamier (2e partie) » pp. 81-159

Un de mes amis, M. de Genoude, protégé alors par la femme célèbre, et très assidu dès l’aurore aux devoirs de l’amitié, l’accompagnait tous les jours à l’église ; il m’a raconté souvent, avant l’époque où lui-même entra dans les ordres sacrés, que M. de Chateaubriand ne manquait jamais de se rencontrer dans l’église à l’heure où madame Récamier s’y rendait, qu’il s’agenouillait pour entendre la messe derrière la chaise de son amie, et qu’il oubliait quelquefois l’ardeur de ses prières pour s’extasier à demi-voix sur tant de charmes. […] Quand, tout essoufflé, après avoir grimpé trois étages, j’entrais dans la cellule aux approches du soir, j’étais ravi : la plongée des fenêtres était sur le jardin de l’Abbaye, dans la corbeille verdoyante duquel tournoyaient des religieuses et couraient des pensionnaires. […] Le soleil couchant dorait le tableau et entrait par les fenêtres ouvertes. […] À une certaine heure du milieu du jour, réservée pour M. de Chateaubriand seul, pour les mystères de son talent, de son ambition, de son intimité, on fermait les portes au public ; on les rouvrait vers quatre heures, et la foule des privilégiés entrait ; et l’y retrouvait encore. […] « Vous savez bien, écrivait-il de cette ville, vous savez bien que vous êtes mon étoile et que ma destinée dépend de la vôtre ; si vous veniez à entrer dans votre tombeau de marbre blanc, il faudrait bien vite me creuser une fosse où je ne tarderais pas d’entrer à mon tour ; que ferais-je sur la terre ?

200. (1900) Le rire. Essai sur la signification du comique « Chapitre III. Le comique de caractère »

Au contraire, dans l’émotion qui nous laisse indifférents et qui deviendra comique, il y a une raideur qui l’empêche d’entrer en relation avec le reste de l’âme où elle siège. […] Il est si bien entré dans son rôle d’hypocrite qu’il le joue, pour ainsi dire, sincèrement. […] Il la fera entrer peu à peu dans notre perception d’abord déconcertée. […] Nous n’entrerons pas dans le détail de ces variétés. […] La sympathie qui peut entrer dans l’impression du comique est une sympathie bien fuyante.

201. (1772) Bibliothèque d’un homme de goût, ou Avis sur le choix des meilleurs livres écrits en notre langue sur tous les genres de sciences et de littérature. Tome II « Bibliotheque d’un homme de goût — Chapitre IV. Des Livres nécessaires pour l’étude de l’Histoire. » pp. 87-211

Bossuet a eu des continuateurs qui ne sont malheureusement pas entrés dans ses vues, mais qui ont écrit avec un agrément infini. […] Mais la Chaise a fait entrer ce que Joinville raconte de plus curieux dans son histoire de St. […] Il y avoit fait entrer les Mémoires de la Comtesse de Barres, qu’on a imprimés séparément. […] Les Révolutions d’Angleterre du P. d’Orléans ne sauroient entrer en comparaison avec l’histoire de Rapin, ni avec celle de M. […] Les Princes, les Ministres & les Généraux qui entrent sur la scène, sont représentés avec des couleurs simples & naturelles ; l’auteur ne peint pas d’imagination.

202. (1853) Propos de ville et propos de théâtre

M… quitte le bras de son collaborateur et se dispose à entrer dans une boutique. […] L’autre soir, un monsieur, en compagnie d’une dame, entrait dans l’un des cabinets de la Maison d’Or. […] R… le fit entrer dans son cabinet, pour lui signer la réception de ce chef-d’œuvre de bouffonnerie qui s’appelle la Vendetta. […] Pareil aux oisifs qui, pour occuper leur paresse, entrent dans le premier endroit dont ils trouvent la porte ouverte, il sera entré, un beau jour, dans la littérature par désœuvrement. […] Je dois au reste déclarer qu’on me proposa immédiatement d’entrer dans l’arrière-boutique, — où on me le rendrait, — moyennant dix pences.

203. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre VIII » pp. 70-76

Il manque au moins de cette familiarité que l’usage a fait entrer à la suite dans la conversation et qu’on y exige plus que jamais. […] La pureté du goût est une qualité de l’esprit ; c’est un tact qui peut, bien que difficilement, s’acquérir par l’affinage de l’intelligence : au lieu que la pureté des mœurs est le résultat d’habitudes sages, dans lesquelles tous les intérêts de l’âme sont entrés et se sont mis d’accord avec les progrès de l’intelligence, C’est pourquoi l’accord du bon goût et des bonnes mœurs est plus ordinaire que l’existence du goût sans mœurs, ou des mœurs sans goût.

204. (1899) Esthétique de la langue française « Esthétique de la langue française — Chapitre Premier »

Pareillement, et avec moins d’hésitation encore, il faut respecter la plupart des mots latins qui sont entrés dans la langue sans passer par le gosier populaire, ce terrible laminoir . […] Sur près de deux mille mots purement latins en sion et tion, il n’y en a pas vingt qui puissent entrer dans une belle page de prose littéraire ; il y en a moins encore qu’un poète osât insérer dans un vers.

205. (1824) Notes sur les fables de La Fontaine « Livre cinquième. »

Dans la plupart des éditions, il y a une faute qui défigure le sens, toutes entraient en jeu : il faut lire, vers 7, tourets entraient au jeu.

206. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « I. Historiographes et historiens » pp. 1-8

Dieu sait, et nous savons aussi, comme ils sont entrés dans ce champ, ouvert à tout venant, qui devrait avoir ses sentinelles aux frontières comme la Patrie, car c’est la Patrie aussi que l’Histoire. […] Elle n’est plus l’ondoyante et mobile interprétation individuelle, faite, avec plus ou moins de talent ou de prestige, par un écrivain quelconque, entré dans nos archives, comme dans un bois.

207. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre I. Les origines. — Chapitre I. Les Saxons. » pp. 3-71

Vient alors un passereau qui traverse la salle à tire-d’aile ; il est entré par une porte, il sort par une autre ; ce petit moment, pendant lequel il est dedans, lui est doux ; il ne sent point la pluie ni le mauvais temps de l’hiver ; mais cet instant est court, l’oiseau s’enfuit en un clin d’œil, et de l’hiver il repasse dans l’hiver. […] Ceux-ci, tout barbares, entrent de prime abord dans le christianisme par la seule vertu de leur tempérament et de leur climat. […] Alors il pensa qu’il pourrait aller trouver les dieux de l’enfer, et essayer de les adoucir avec sa harpe, et les prier de lui rendre sa femme. » Voilà comme on parle quand on veut faire entrer une pensée bégayante. […] Incapables d’entrer dans l’ancien moule, et obligés d’entrer dans l’ancien moule, ils le tordaient. […] Si le christianisme y est entré, c’est par des affinités naturelles et sans altérer le génie natif.

208. (1896) Journal des Goncourt. Tome IX (1892-1895 et index général) « Année 1895 » pp. 297-383

Enfin, en dépit d’un garçon qui se refuse à me laisser entrer, j’ai pu me faufiler dans le salon du haut, tandis que Daudet est allé s’asseoir en bas, à la salle du banquet. […] En dépit de cette promesse, Hertfort ne put jamais décider Balzac, à entrer en relations avec lui. […] En sortant de là, entré à l’Exposition des fleurs. […] Il entrait dans une chambre, séparée en deux par un drap, et était reçu d’un côté du drap par la mère, tandis que la fille, finissait de s’habiller de l’autre côté. […] vous êtes d’une famille qui ne craint pas d’entrer dans la chambre d’un pestiféré ! 

209. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Charles Labitte »

et voilà que je suis entré tout savant dans la tombe, tout jeune dans l’Érèbe !  […] Pour montrer cependant à quel point dans son esprit tout cela se rapportait à des cadres élevés, et quel ensemble il en serait résulté avec le temps, je veux donner ici, tel qu’on le trouve dans ses papiers, le plan d’un ouvrage en deux volumes, où seraient entrés, moyennant corrections, plusieurs des morceaux déjà publiés. […] (Lettres inédites.) — Il y faudrait faire entrer Picard, Collin d’Harleville, dont Andrieux est l’Aristarque. […] Or, il n’y a qu’une manière de se tenir en garde contre l’abus, c’est de faire toujours entrer la tradition pour une grande part dans ses considérations, et de ne pas la supprimer d’un trait sous prétexte qu’on n’a plus de moyen direct et matériel d’en vérifier tous les éléments. […] Sans entrer ici dans une discussion de dates qui avait déjà été très-bien éclaircie par Vigneul-Marville, et que semblent avoir réglée définitivement MM. 

210. (1919) L’énergie spirituelle. Essais et conférences « Chapitre VI. L’effort intellectuel »

Même, dans le sentiment que nous avons de cet effort, la conscience d’un certain mouvement de représentations tout particulier n’entrerait-elle pas pour quelque chose ? […] Nous ne pouvons entrer ici dans le détail. […] Maintenant, ce va-et-vient, entre le schéma et les images, ce jeu des images se composant ou luttant entre elles pour entrer dans le schéma, enfin ce mouvement sui generis de représentations fait-il partie intégrante du sentiment que nous avons de l’effort ? […] Mais, d’autre part, comment un jeu de représentations, un mouvement d’idées, pourrait-il entrer dans la composition d’un sentiment ? […] Dans tout effort intellectuel il y a une multiplicité visible ou latente d’images qui se poussent et se pressent pour entrer dans un schéma.

211. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Gibbon. — I. » pp. 431-451

Il s’arrêtait aux difficultés de détail qui se présentaient, soit philologiques, soit historiques, cherchait à les résoudre, et il entra dès lors en correspondance avec plusieurs savants, Crevier à Paris, Breitinger à Zürich, Gesner à Göttingen ; il leur proposait ses doutes ou ses idées, et il eut le plaisir de voir plus d’une de ses conjectures accueillie. […] Il trouve assez peu de facilité d’abord pour entrer dans la société anglaise, moins ouverte et moins prévenante que celle de Suisse ou que celle de France. […] La lecture en est assez difficile et parfois obscure ; la liaison des idées échappe souvent par trop de concision et par le désir qu’a eu le jeune auteur d’y faire entrer, d’y condenser la plupart de ses notes. […] En se faisant imprimer il avait surtout cédé au désir de son père ; comme il y avait alors quelques ouvertures pour la paix et qu’il eût désiré entrer dans la diplomatie, il s’était laissé persuader que cette preuve publique de son talent aiderait les démarches de ses amis.

212. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Duclos. — I. » pp. 204-223

Après cinq années d’école, il fut mis au collège d’Harcourt, où il entra en seconde ; il s’y distingua, y eut tous les prix, et contracta des amitiés de choix. […] Duclos, qui ne songe qu’au plaisir, qui a fréquenté les salles d’armes, et qui est plein de vigueur corporelle, ne demanderait pas mieux que d’entrer au service et de devenir militaire ; il pourrait avoir une lieutenance dans le régiment de Piémont. […] Parlant de ces cafés de sa jeunesse, Duclos, au moment où il écrit, nous dit qu’il y a plus de trente-cinq ans qu’il n’y est entré. […] On ne s’explique aujourd’hui le succès, même fugitif, de ses romans qu’en se souvenant qu’il y avait fait entrer beaucoup de portraits réels et qu’on les y cherchait, au risque peut-être de mettre au bas de chacun plus d’un nom à la fois.

213. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) «  Œuvres de Chapelle et de Bachaumont  » pp. 36-55

Le père de Chapelle aurait voulu qu’il entrât dans l’Église ; ses inclinations, en éclatant de bonne heure, s’y opposèrent. On sait qu’il fut enfermé quelque temps à Saint-Lazare pour inconduite : la sévérité de deux tantes, sœurs de son père et moins indulgentes que lui, y entra pour beaucoup. […] Chapelle, le premier entré dans la voie, y va rondement et d’une touche large et facile. […] L’eau sortait par la porte de la grande chambre comme par l’écluse d’un moulin ; il en était entré plus de trente barriques.

214. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Instruction générale sur l’exécution du plan d’études des lycées, adressée à MM. les recteurs, par M. Fortoul, ministre de l’Instruction publique » pp. 271-288

Fortoul a présenté aux maîtres en chaque branche une idée nette du genre de services qu’on attend d’eux, et, qui plus est, comme un spécimen et un modèle de la classe même qu’ils ont à faire, avec tout ce qui doit y entrer. […] Il est vrai que l’enseignement de la chimie devient plus complet en seconde et en rhétorique, mais le programme serait mal interprété, si, abusant de son étendue, on en profitait pour entrer dans des développements qui ne sont pas faits pour les classes de nos lycées. […] Mises à leur place, ces notions entrent sans fatigue dans l’esprit des élèves, trouvent plus tard dans la vie leurs applications, et contribuent au plus haut degré à donner à l’enseignement de la chimie son véritable caractère. […] Et n’est-ce pas inconcevable de voir encore aujourd’hui qu’on exige un examen de latin pour entrer aux écoles Polytechnique et militaires ?

215. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Le baron de Besenval » pp. 492-510

Comme on n’entrait pas dans celle-ci, il y avait un monde infini dans la rue. […] Entré dans le régiment des Gardes à neuf ans en qualité de cadet, il avait fait les campagnes de 1735, de 1743, et avait donné des preuves de son intrépidité, d’une intrépidité assaisonnée de bons mots, ce qu’on aimait alors. […] Il nous apprend par son exemple comment des hommes de vigueur entrent, s’agitent et tournent dans des boudoirs. […] Avec le Régent, on entra, en effet, dans le régime de la plaisanterie et de l’esprit qui ne respectait rien ; les premiers en dignité se moquaient d’eux-mêmes et des grâces qu’ils dispensaient et des efforts qu’on faisait pour les mériter, de ce qu’il y avait de plus sérieux dans le métier de politique, des choses de la religion et de celles de l’État : comment l’irrévérence n’eût-elle point gagné à l’entour ?

216. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Histoire de Louvois et de son administration politique et militaire, par M. Camille Rousset, professeur d’histoire au lycée Bonaparte. (Suite et fin) »

Tout demeura calme… J’avoue que ces commencements furent un peu délicats et qu’ils ne me donnèrent pas peu d’inquiétude, quand je faisais réflexion que mes troupes étaient éparses dans les villages du plat pays, que toute la sûreté de la frontière qui les couvrait consistait en de mauvaises places de guerre toutes ouvertes, et que les Hollandais pourraient entrer avec toutes leurs forces dans le plat pays et ruiner tous mes projets… » Enfin, le grand roi trompa son monde, et il s’en félicite. […] J’avais moi-même posté une batterie un peu au-dessous de l’endroit où se faisait le passage, qui le voyait à revers ; à peine l’escadron fut entré dans l’eau, que je fis tirer dessus. […] Le pays n’est que prairies assez basses, fermées de watergans, c’est-à-dire fossés, ou de haies vives, et chaque particulier a sa barrière pour entrer dans son héritage ; ce terrain était, par conséquent, fort favorable à l’infanterie. […] Boileau (et je ne parle pas ici du poète louant en public, mais de l’homme de sens s’épanchant dans la familiarité), Boileau était d’un tout autre avis ; il entrait, nous assure-t-on, dans une espèce d’enthousiasme lorsqu’il parlait de Louis XIV, et l’on a recueilli de ses lèvres ces propres paroles, qui renferment un si bel éloge sous forme littéraire : « C’est, disait-il, un prince qui ne parle jamais sans avoir pensé ; il construit admirablement tout ce qu’il dit ; ses moindres reparties sentent le souverain ; et quand il est dans son domestique, il semble recevoir la loi plutôt que la donner. » Ce dernier trait se rapporte à la facilité de vivre du roi dans son intérieur et à son égalité d’humeur avec tout ce qui l’entourait.

217. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Charles-Quint après son abdication, au monastère de Saint-Just »

Quelques années après, devenu empereur, il avait changé de devise, il était entré résolument dans sa destinée, avec ce mot audacieux qui faisait mentir les colonnes d’Hercule : Plus ultra (c’est-à-dire, passons outre et au-delà) ! […] il viendra, quelques années après, un sage appelé Montaigne qui remettra tout à sa place et à son rang dans l’estime, et qui ayant à développer cette idée, qu’un père sur l’âge, « atterré d’années et de maux, privé par sa faiblesse et faute de santé de la commune société des hommes, se fait tort et aux siens de couver inutilement un grand tas de richesses, et que c’est raison qu’il leur en laisse l’usage puisque la nature l’en prive », ajoutera pour illustrer sa pensée : « La plus belle des actions de l’empereur Charles cinquième fut celle-là, à l’imitation d’aucuns Anciens de son calibre, d’avoir su reconnoître que la raison nous commande assez de nous dépouiller, quand nos robes nous chargent et empêchent, et de nous coucher quand les jambes nous faillent : il résigna ses moyens, grandeur et puissance à son fils, lorsqu’il sentit défaillir en soi la fermeté et la force pour conduire les affaires avec la gloire qu’il y avoit acquise : Solve senescentem… » Mais entrons un peu plus avant dans les raisons qui persuadèrent à une de ces âmes d’ambitieux, si aisément immodérées, d’en agir si sensément et prudemment. […] Bien que de sa personne, selon la remarque de Brantôme, il se fût mis un peu tard de la danse de Mars, n’ayant guerroyé d’abord que par ses capitaines, il fit merveille dès qu’il y entra, et parut un chevalier intrépide, armé pour la défense de la Chrétienté et le maintien de la foi. […] « Ainsi finit, écrivait son fidèle majordome après l’avoir vu expirer, le plus grand homme qui ait été et qui sera. » En tout sa fin, on le voit, a sa marque bien à elle ; elle est toute particulière, monacale, strictement catholique, conforme par les circonstances et l’appareil au génie espagnol dans lequel, sans y appartenir de naissance, il était entré si profondément.

218. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Marie-Antoinette (suite et fin.) »

Nous entrons dans une voie pleine d’embûches et de fausses routes. […] Le Conseil se réunit au sortir de là ; il venait de s’ouvrir lorsqu’un officier de service entra, s’approcha du roi et lui parla à voix basse : le roi, appelé par la reine, sortit, et en rentrant il ajourna la délibération, disant qu’elle serait reprise à Versailles. […] Mirabeau, avec tout son génie et avec les vues de haut bon sens qui y entraient, avait des écarts d’imagination, des bouffées subites, et il était sujet à illusion, à optimisme ; il n’avait pas la géométrie de l’exécution. […] Elle ajoutait dans tout le feu de son indignation et l’ardeur profonde de son mépris : « Je ne vous charge pas de faire mon apologie ; vous connaissez depuis longtemps le fond de toute mon âme, et jamais le malheur n’y pourra faire entrer la moindre idée vile ni basse ; mais aussi ce n’est que pour la gloire du roi et de son fils que je veux me livrer en entier, car tout le reste que je vois ici m’est en horreur, et il n’y en a pas un, dans aucun parti, dans aucune classe, qui mérite qu’on fasse la moindre chose pour lui. » Voilà les accents du cœur, l’âme même qui déborde.

219. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « CHRISTEL » pp. 515-533

Elle achevait à peine de les poser qu’un jeune homme entra, et, se découvrant respectueusement derrière la grille, demanda si l’on n’avait pas de lettres à l’adresse qu’il nomma. […] Lui-même, Hervé, avait à peine distingué, dans cette chambre où il n’entrait jamais, la jeune fille, messagère passive de son amour. […] » Il s’était avancé pourtant, il avait franchi la grille, et était entré dans la petite chambre pour la première fois, — trop tard ! […] Après un certain temps, tout d’un coup la domestique entra, sans qu’on l’eût appelée, apportant un flambeau : mais la brusque lumière éclaira d’abord le front blanc de Christel renversé en arrière, et ses yeux calmes à jamais endormis.

220. (1886) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Deuxième série « Le père Monsabré »

Celui qui, étant entré là le matin, s’en va le soir à l’Éden-Théâtre après avoir flâné sur les boulevards a pu, s’il sait voir, apprendre des choses qui ne sont pas dans les manuels. […] On paye quinze centimes pour entrer dans la grande nef. […] Une fois les lourds battants feutrés retombés derrière vous, tout est fini, rien de tout cela n’existe plus : vous entrez dans un monde nouveau, dans un lieu de mystère où vous pouvez croire que la vie est un vague et mauvais rêve allégé par des trêves bienfaisantes qui font pressentir le réveil ailleurs ; et vous sortirez avec une douceur dans l’âme et une résignation un peu moins inutile que la révolte. « Venez, vous qui peinez et qui êtes chargés, et je vous soulagerai. » Mais, au lieu de gueux et de claque-patins, des messieurs, qui ont toutes sortes de raisons pour se consoler de vivre, viennent occuper les places d’abonnés, les stalles de velours en face de la chaire. […] Avant d’entrer chez les dominicains, l’abbé Monsabré fut vicaire à Mer (Loir-et-Cher), où son frère était curé.

221. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « M. de Féletz, et de la critique littéraire sous l’Empire. » pp. 371-391

La Terreur passée, il revint à Paris ; il entra dans l’institution Hix. […] On n’est jamais entré dans le monde littéraire avec moins de respect pour les grands noms de la veille que Geoffroy. […] Il en recherchait les causes, et il entrait à ce sujet dans des allusions qui étaient on ne saurait plus transparentes. […] , celui-ci lui avait dit, en concluant d’un ton de maître : « Croyez-moi, c’est un conseil d’ami que je vous donne : renoncez aux dissertations, vous êtes né pour les opéras. » Quand Hoffman fut entré, en 1807, au Journal de l’Empire, Geoffroy put voir s’il avait prédit juste.

222. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Mémoires d’outre-tombe, par M. de Chateaubriand. » pp. 432-452

Mais quand il vint à Paris pour la première fois, de 1788 à 1791, c’est-à-dire de vingt à vingt-trois ans, il ne l’avait pas encore démêlé nettement en lui, et il courait risque d’entrer dans les lettres par l’imitation. […] Il y avait toujours en lui des reflets et des parfums retrouvés de la Grèce, mais le vieux Celte aussi reparaissait plus souvent ; et, pour appliquer ici le nom d’un écrivain qu’il cite quelquefois et qui exprime l’extrême recherche dans l’extrême décadence, on dirait que, dans les parties dernières de sa composition, il soit entré du Sidoine Apollinaire, tant l’œuvre semble subtile et martelée ! […] L’auteur du Génie du christianisme, obligé de faire entrer dans le cadre de son apologie quelques tableaux pour l’imagination, a voulu dénoncer cette espèce de vice nouveau, et peindre les funestes conséquences de l’amour outré de la solitude. […] C’est de lui que viennent comme de leur source les beautés et les défauts que nous retrouvons partout autour de nous, et chez ceux même que nous admirons le plus : il a ouvert la double porte par où sont entrés en foule les bons et les mauvais songes.

223. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Histoire du chancelier d’Aguesseau, par M. Boullée. (1848.) » pp. 407-427

Les faiblesses dont l’illustre chancelier donna plus d’une fois l’exemple quand il fut entré dans la carrière politique, n’y sont pas dissimulées. […] Boullée ; voyons s’il n’y a pas à ajouter, à retrancher peut-être quelque chose à ce qu’il dit du d’Aguesseau littéraire, et à faire entrer aussi dans l’idée générale de l’homme quelques traits essentiels que le biographe a jugés incompatibles avec l’ensemble du caractère, et qui, selon moi, ne le sont pas. […] Pour se rendre compte de cet effet, et même en le réduisant à sa valeur, il convient de se rappeler que le Parlement, à cette date comme toujours, était un peu en retard sur le reste du siècle : aussi, en y apparaissant avec sa bonne mine, sa gravité tempérée d’affabilité et décorée de politesse, sa diction facile, nombreuse et légèrement fleurie, son élégance un peu concertée, l’élève adouci et orné de Despréaux fit une sorte de révolution relative ; il eut le mérite d’introduire et de naturaliser au parquet ce qui régnait déjà partout ailleurs ; et lui, le moins novateur des jeunes gens, il entra si à propos dans la carrière, que son premier pas fit époque. […] Il rapporte et balance longuement et avec une complaisance marquée, en chaque question philosophique, toutes les raisons de part et d’autre ; il va jusqu’à entrer dans les idées de l’adversaire, pour mieux les rectifier et les redresser.

224. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « La Harpe. » pp. 103-122

Et il continue de s’étendre sur sa noblesse ; il parle de ses nobles cousins de Suisse dont l’un l’a visité autrefois à Ferneyd, et dont l’autre était venu à Paris, il y avait quelques années, pour entrer au service de France : Sur ma recommandation, dit La Harpe, M. le comte d’Affry (commandant des troupes suisses) eut la bonté de le recevoir sur le champ parmi les cadets gentilshommes de l’un de ses régiments, et ce respectable vieillard, qui connaissait ma famille, n’exigea pas de mon jeune parent d’autre preuve que d’être reconnu par moi pour m’appartenir. […] Dès qu’on veut entrer à son tour dans ce genre de littérature un peu convenu et circonscrit du xviiie  siècle pour en juger en détail et avec proportion, on ne saurait mieux faire que d’entendre La Harpe ; j’en ai mille fois profité. […] L’ancienne tragédie française (je dis ancienne, parce qu’elle n’existe plus) avait ses règles, ses artifices, ses convenantes, que Racine surtout avait connus et portés à la perfection, et dont il était devenu l’exemplaire accompli La Harpe, après Voltaire, les entendait et les sentait plus que personne, et il est le meilleur guide en effet, du moment qu’on veut entrer dans l’économie même et dans chaque partie de ce genre de composition pathétique et savante. Nous aujourd’hui, même quand nous voyons Phèdre, nous ne sommes guère sensibles qu’aux trois ou quatre grandes scènes et à l’admirable style ; mais l’ordre de la pièce, la suite des scènes intermédiaires, leur arrangement et une foule de détails ne nous arrivent plus ; nous n’y entrons plus complètement.

225. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Beaumarchais. — III. (Suite et fin.) » pp. 242-260

Beaumarchais entra dans la lice, défendant la société et les administrateurs ; je crois qu’au fond il avait complètement raison. […] Énonçant les motifs, réels ou non, qu’il avait eus pour entrer dans la discussion, il alla droit, avant tout, à l’adversaire, et le frappant de l’épée au visage, selon le conseil de César, il le raillait sur cette prétention au patriotisme, au désintéressement et au bien public, de laquelle Beaumarchais aimait (et assez sincèrement, je le crois) à recouvrir ses propres affaires et ses spéculations d’intérêt : Tels furent mes motifs, s’écriait-il déjà en orateur, en maître puissant dans la réplique et dans l’invective ; et peut-être ne sont-ils pas dignes du siècle où tout se fait pour l’honneur, pour la gloire, et rien pour l’argent ; où les chevaliers d’industrie, les charlatans, les baladins, les proxénètes n’eurent jamais d’autre ambition que la gloire sans la moindre considération de profit ; où le trafic à la ville, l’agiotage à la Cour, l’intrigue qui vit d’exactions et de prodigalités, n’ont d’autre but que l’honneur sans aucune vue d’intérêt ; où l’on arme pour l’Amérique trente vaisseaux chargés de fournitures avariées, de munitions éventées, de vieux fusils que l’on revend pour neufs, le tout pour la gloire de contribuer à rendre libre un des mondes, et nullement pour les retours de cette expédition désintéressée… ; où l’on profane les chefs-d’œuvre d’un grand homme (allusion à l’édition de Voltaire par Beaumarchais), en leur associant tous les juvenilia, tous les senilia, toutes les rêveries qui, dans sa longue carrière, lui sont échappées ; le tout pour la gloire et nullement pour le profit d’être l’éditeur de cette collection monstrueuse ; où pour faire un peu de bruit, et, par conséquent, par amour de la gloire et haine du profit, on change le Théâtre-Français en tréteaux, et la scène comique en école de mauvaises mœurs ; on déchire, on insulte, on outrage tous les ordres de l’État, toutes les classes de citoyens, toutes les lois, toutes les règles, toutes les bienséances… Voilà donc Mirabeau devenu le vengeur des bienséances et des bonnes mœurs contre Beaumarchais, et Figaro passant mal son temps entre les mains du puissant athlète, qui le retourne et l’enlève de terre au premier choc. […] Si j’avais voulu entrer dans le détail de certaines négociations où fut mêlé Beaumarchais, dans celles particulièrement qu’il mena à Londres, tant avec le chevalier d’Éon qu’avec le gazetier Morande, on l’aurait surpris dans des manèges peu grandioses, et qu’il vaut mieux ignorer. […] [NdA] Il y aura pourtant toujours cette différence qu’on peut tout dire de ce qui concerne Rousseau et Voltaire ; il y a eu chez eux bien des vilenies et des impuretés, mais qui, après tout, ont pu sortir et se déclarer : chez Beaumarchais il y aura toujours un cabinet secret où le public n’entrera pas.

226. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Saint François de Sales. Son portrait littéraire au tome Ier de l’Histoire de la littérature française à l’étranger par M. Sayous. 1853. » pp. 266-286

François de Sales, qui entrait peu d’ailleurs dans ces distinctions, et dont la foi voyait partout un égal et horrible danger, se consacra, dans cette première ardeur de son âge, à la vie du missionnaire qui se jette seul au milieu des infidèles et qui va relever la croix. […] Lui, il est le contraire de ces natures-là ; il est le plus doux, le plus égal, le plus actif à la fois et le plus pacifique des cœurs, le plus adroit à tout convertir en mieux ; il se mêle à ceux des autres pour y verser la consolation et l’amour ; il est amoureux des âmes pour les guérir ; il s’y insinue pour y faire entrer cette « dévotion intérieure et cordiale, laquelle rend toutes les actions agréables, douces et faciles ». […] « Faisons les bonnes œuvres promptement, diligemment et fréquemment. » Il n’aborde point les esprits avec l’appareil menaçant de la controverse, ni par les hauteurs de l’orgueil : il n’attaque point la place, comme dit Bossuet, « du côté de cette éminence où la présomption se retranche » ; il approche par l’endroit le plus accessible, il gagne le cœur, il dépêche tout le long de ces basses vallées, allant toujours son petit pas, jusqu’à ce qu’il soit entré bellement et qu’il se soit logé dans la citadelle. […] De telles pages n’entrent point dans la littérature et ne sauraient être soumises même à l’admiration.

227. (1892) Journal des Goncourt. Tome VI (1878-1884) « Année 1880 » pp. 100-128

Il ne dit qu’une chose juste : c’est que l’illustration n’est amusante pour un artiste, qu’avec les génies du passé, qui écrivent : « Il entra dans un bois sombre, où il arriva devant un palais, dont les murs semblaient de diamant. » * * * — Quelle diablesse de lettre peut écrire au restaurant, une femme honnête flanquée de son mari, — et une lettre de huit pages, tracée d’une main gantée, avec sa voilette sur les yeux. […] Nous revoilà dans la rue, où bientôt nous nous trouvons si désheurés, que nous entrons dans un café où nous jouons au billard, deux heures et demie, nous asseyant tour à tour, morts de fatigue, sur les angles du billard, en disant : « Quel four !  […] » Ce matin, Pouchet m’entraîne dans une allée écartée, et me dit : « Il n’est pas mort d’un coup de sang, il est mort d’une attaque d’épilepsie… Dans sa jeunesse, oui, vous le savez, il avait eu des attaques… Le voyage d’Orient l’avait, pour ainsi dire, guéri… Il a été seize ans, sans plus en avoir… mais les ennuis des affaires de sa nièce, lui en ont redonné… et samedi, il est mort d’une attaque d’épilepsie congestive… oui avec tous les symptômes, avec de l’écume à la bouche… Tenez, sa nièce désirait qu’on moulât sa main… on ne l’a pas pu… elle avait gardé une si terrible contracture… Peut-être, si j’avais été là, en le faisant respirer une demi-heure, j’aurais pu le sauver… » Ça été tout de même une sacrée impression d’entrer dans le cabinet du mort… son mouchoir sur la table, à côté de ses papiers, sa pipette avec sa cendre sur la cheminée, le volume de Corneille, dont il avait lu des passages la veille, mal repoussé sur les rayons de la bibliothèque. […] Aujourd’hui il est entré chez moi, en disant : « C’est curieux maintenant, quand une affaire est faite avec un banquier, ce n’est pas fait avec son argent, mais avec l’argent d’un autre, qu’il se met à chercher… » Et le voilà, sauf le temps d’un rapide dîner, jusqu’à onze heures, toujours en marche, parlant de la puissance intelligentielle des gens qui ne savent ni lire ni écrire ; parlant de la virtualité des révolutionnaires espagnols, complètement détruite par les cabinets des restaurants de Paris, et qu’il compare aux sauvages, ne prenant des civilisés que l’eau-de-vie ; parlant du travail idéologiste des socialistes, complètement arrêté en 1848, par la bêtise des radicaux, dont toute la politique est rapetissée à manger du prêtre, etc., etc.

228. (1860) Ceci n’est pas un livre « Une préface abandonnée » pp. 31-76

… il est facile de prouver que, si Hugo n’avait point écrit Hernani, Baudelaire n’aurait pas fait des queues de six heures devant la Porte-Saint-Martin pour entendre le chef-d’œuvre ; si Baudelaire n’avait pas fait queue, il ne serait point entré ; et, s’il n’était pas entré, il n’aurait pas entendu. […] Baudelaire entra, et, tout grisé du vin capiteux des métaphores romantiques, il se glissa dans le cabinet des accessoires, et emporta sous son paletot le sombrero de Hernani. […] Vous leur fermez la porte au nez, — et vous leur demandez gravement pourquoi ils n’entrent pas !

229. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Seconde partie. De l’état actuel des lumières en France, et de leurs progrès futurs — Chapitre VII. Du style des écrivains et de celui des magistrats » pp. 543-562

Les aperçus fins, les pensées subtiles et déliées qui n’entrent point dans la grande chaîne des vérités générales, l’art de saisir des rapports ingénieux, mais qui exercent l’esprit à se séparer de l’âme, au lieu de puiser en elle sa principale force, cet art ne place point un auteur au premier rang. […] On trouve, dans ce dialogue, ce que les grandes pensées ont d’autorité et d’élévation avec l’expression figurée nécessaire au développement complet de l’aperçu philosophique ; et l’on éprouve, en lisant les belles pages de Montesquieu, non l’attendrissement ou l’ivresse que l’éloquence passionnée doit faire naître, mais l’émotion que cause ce qui est admirable en tout genre, l’émotion que les étrangers ressentent lorsqu’ils entrent pour la première fois dans Saint-Pierre de Rome, et qu’ils découvrent à chaque instant une nouvelle beauté qu’absorbaient, pour ainsi dire, la perfection et l’effet imposant de l’ensemble. […] Ils sont entrés en discussion avec la raison, quelquefois même avec le sentiment ; mais alors ils ont été, ce me semble, inférieurs à cette éloquence persuasive, dans laquelle aucun homme n’a, jusqu’à présent, encore égalé M. 

230. (1861) La Fontaine et ses fables « Première partie — Chapitre I. L’esprit gaulois »

Vous êtes entré dans la véritable France, celle qui a conquis et façonné le reste. […] Une raie de peupliers solitaires au bout d’un champ grisâtre, un bouleau frêle qui tremble dans une clairière de genêts, l’éclair passager d’un ruisseau à travers les lentilles d’eau qui l’obstruent, la teinte délicate dont l’éloignement revêt quelque bois écarté, voilà les beautés de notre paysage ; il paraît plat aux yeux qui se sont reposés sur la noble architecture des montagnes méridionales, ou qui se sont nourris de la verdure surabondante et de la végétation héroïque du nord ; les grandes lignes, les fortes couleurs y manquent ; mais les contours sinueux, les nuances légères, toutes les grâces fuyantes y viennent amuser l’agile esprit qui les contemple, le toucher parfois, sans l’exalter ni l’accabler. — Si vous entrez plus avant dans la vraie Champagne, ces sources de poésie s’appauvrissent et s’affinent encore. […] Un mot glissé montre seul le sourire imperceptible ; c’est l’âne, par exemple, qu’on appelle l’archiprêtre, à cause de son air grave et de sa soutane feutrée, et qui, gravement, se met à « orguenner. » Au bout de l’histoire, le fin sentiment du comique vous a pénétré sans que vous sachiez par où il est entré en vous.

231. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre V. Indices et germes d’un art nouveau — Chapitre III. Retour à l’art antique »

De plus, l’institution des Salons donnait aux artistes un puissant moyen d’action sur la société ; et désormais, dans la formation du goût général, entrera une certaine dose de tendances et de jugements esthétiques. […] Le comte de Caylus (1692-1765), voyagea en Italie et en Orient, entra en 1731 à l’Académie royale de Peinture et de sculpture ; en 1712, à l’Académie des Inscriptions, publia de 1752 à 1767 son Recueil d’antiquités égyptiennes, étrusques, grecques, romaines et gauloises, 7 vol. in-4. — A consulter : S. […] Il entra dans la Société de 1789.

232. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre II » pp. 12-29

De huit frères qu’ils étaient, aucun n’entra dans le parti de la Ligue6 ; mérite qui appartient peut-être qu’à cette famille, toute nombreuse qu’elle était. […] Je n’ai pu découvrir quelles femmes entrèrent les premières dans la société de la jeune marquise : on apprend seulement de Segrais, que les princesses la voyaient, quoiqu’elle ne fût pas duchesse. […] Le roi entra en fureur ; il voulait faire la guerre à l’archiduc qui avait reçu le prince et la princesse.

233. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « M. de Montalembert orateur. » pp. 79-91

Il n’a pas perdu ses convictions, mais il consent à entrer dans celles des autres, à compter et à composer avec elles. […] M. de Montalembert, dès le premier jour, entra en lice, je l’ai dit, avec une idée absolue. […] Une fois entré dans cette veine toute vive, il n’en sortit plus, et tout son discours ne fut qu’une évocation directe, personnelle, prophétique.

234. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Troisième partie — Section 12, des masques des comédiens de l’antiquité » pp. 185-210

Ce n’est donc que par l’habitude où nous sommes de nous prêter à toutes les suppositions établies sur le théatre par l’usage, que nous entrons dans celles qui font le noeud de l’Amphitrion et des menechmes, et je ne conseillerois à personne de composer une comédie françoise toute neuve dont l’intrigue consistât dans un pareil embarras. […] Aulugelle raconte donc que ce Polus joüant sur le théatre d’Athenes le rôlle d’Electre dans la tragédie de Sophocle, il entra sur la scéne en tenant une urne où étoient véritablement les cendres d’un de ses enfans qu’il venoit de perdre. […] Entrons dans l’explication de la raison que je viens d’alléguer.

235. (1818) Essai sur les institutions sociales « Chapitre VII. Les hommes partagés en deux classes, d’après la manière dont ils conçoivent que s’opère en eux le phénomène de la pensée » pp. 160-178

D’ailleurs ce n’est point ici le lieu d’entrer dans le fond même de la question, puisque je dois admettre, quant à présent, les deux hypothèses. […] Leur respect pour les traditions, le sens immobile qu’ils attachent aux mots, les rendent inaptes à entrer, dans des routes nouvelles. […] Ils n’ont pas fait attention qu’ils présentaient comme nouvelle une vérité très ancienne, une vérité vieillie, vieillie, qui se retirait de la société au lieu d’y entrer.

236. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « Léon XIII et le Vatican »

Et quelque nom qu’il porte et à quelque date qu’il soit entré dans la chronologie papale, c’est la Papauté elle-même tout entière, dans sa plénitude souveraine et son action universelle. […] En France, à part ceux-là, malheureusement nombreux, qui entrent au séminaire comme dans le réfectoire de toute leur vie, les vocations, si elles ne sont pas surnaturelles, s’égarent et flottent avant de se préciser, tandis qu’en Italie une forte éducation ecclésiastique vous prend dans son étau et ne vous lâche plus… Joachim Pecci sortit des Jésuites pour entrer à l’Académie des Nobles ecclésiastiques, et Grégoire, alors régnant, l’y distingua.

237. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « VI. M. Roselly de Lorgues. Histoire de Christophe Colomb » pp. 140-156

Washington Irving, — un historien de Colomb, — était entré dans cette voie. […] Pour ajouter à la clarté du nimbe dont il a couronné son héros, pour démontrer par toutes les voies qu’il était de la race de ceux que Dieu envoie remplir un mandat spécial sur la terre, il est entré dans toutes les interprétations familières aux plumes vigoureusement catholiques. […] Il l’a grandie, il l’a élevée dans ses événements et dans son héros, mais il n’a pas empêché l’historien d’entrer dans ce que la critique de la philosophie appelle le positif et la réalité des choses humaines.

238. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « Vie de la Révérende Mère Térèse de St-Augustin, Madame Louise de France »

est volontairement sortie de l’histoire pour entrer chez Dieu. […] Bonhomme n’a garde d’oublier qu’elle appelait sans se gêner Madame Louise : « Une folle, qui n’entrait au couvent que pour tracasser toute la cour au nom du ciel. » Mais Honoré Bonhomme, qui n’est pas duc, se contente seulement de regretter, dans sa petite condition de Bonhomme, que l’amazone et la sybarite « n’aient pas été mieux conseillées et qu’elles ne se soient pas dirigées elles-mêmes ». […] Le fond de son caractère est un composé de petites passions mesquines, de vanité blessée, d’ambition inassouvie ; et, pour finir ce portrait insolent pour la fille de France, qu’il calomnie en la peignant, par une insolence qui atteigne jusqu’au Carmel où elle va entrer et jusqu’à l’Église dont elle va devenir l’édification et la gloire, l’odieux singe de Michelet ajoute : « La dernière des filles de France à la cour, elle sera dans un monastère la première des carmélites de la chrétienté ! 

239. (1898) L’esprit nouveau dans la vie artistique, sociale et religieuse « I — L’architecture nouvelle »

Et l’antagonisme ayant cessé entré elle et lui, nos fils très lointains pourront peut-être un jour bénir les fiançailles du monde et de la beauté. […] Dans une troisième catégorie je fais entrer tous les édifices qui ne se rattachent pas directement aux deux premières, tous ceux qui témoignent d’une certaine personnalité, d’une recherche de faire neuf, d’un souci d’échapper à la banalité courante, d’une ébauche de compréhension des nécessités nouvelles de l’art. […] Mais entrer dans l’intimité même de ses créations serait hors de ma compétence ; je redirais seulement l’impression faite sur moi.‌

240. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « XI » pp. 39-46

A la première représentation du Camp des Croisés, il y a quelques années, voyant entrer dans la loge (où il était) Alexandre Dumas, il lui dit brusquement et familièrement : « Il y aura les deux Dumas, comme il y a eu les deux Corneille. » Le vrai Dumas trouva cela un peu leste pour commencer ; il sourit pourtant et causa comme si de rien n’était. […] Les temps sont changés ; ils vont en détail et font entrer l’ennemi dans la place par petites bandes.

241. (1874) Premiers lundis. Tome II « Deux préfaces »

Une fois entré dans cette voie de corrections, nous ôtions aux morceaux leur caractère. […] Nous avons fait nous-même ici, dans ces Premiers Lundis, les derniers emprunts aux Critiques et Portraits littéraires, par deux importants morceaux (à part les Préfaces que nous venons d’en extraire) : Espoir et vœu du mouvement littéraire et poétique après la révolution de 1830 ; — Des Jugements sur notre littérature contemporaine à l’étranger (1836) : tout le reste était déjà entré, comme on le sait, dans les autres galeries de Portraits : — Portraits littéraires, Portraits contemporains, Portraits de Femmes. — Les Critiques et Portraits littéraires relèvent donc essentiellement désormais du domaine de la bibliophilie, et la note suivante de M. 

242. (1863) Molière et la comédie italienne « Chapitre VIII. Les Fedeli » pp. 129-144

L’ouvrage était dédié au cardinal de Richelieu, qui entra, comme on sait, dans les conseils du roi, au mois d’avril de cette année 1624. […] Le capitaine Rhinocéros mourut au mois d’octobre 1624 : « Quand ce capitan trépassa, rapporte son camarade Beltrame, on trouva dans son lit un très rude cilice, ce qui causa quelque surprise, car nous n’ignorions pas qu’il était pieux et buon devoto, mais nous ne savions rien de ce cilice. » Il entrait sans doute, dans cette émulation de piété, un secret besoin de protester contre l’excommunication sévère qui pesait en France sur la profession comique.

243. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 27, que les sujets ne sont pas épuisez pour les poëtes, qu’on peut encore trouver de nouveaux caracteres dans la comedie » pp. 227-236

Il est vrai, me dira-t-on, que les sujets ne sçauroient manquer aux poëtes tragiques, qui peuvent faire entrer dans une action des personnages ausquels ils donnent des caracteres faits à plaisir, et qui peuvent encore orner leur fable par des incidens extraordinaires inventez à leur gré. […] Or les caracteres des hommes sont non-seulement composez differemment, mais ce ne sont pas toujours les mêmes parties, je veux dire les mêmes vices, les mêmes vertus, et les mêmes lumieres qui entrent dans la composition de leur caractere.

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