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57. (1857) Cours familier de littérature. III « XVIe entretien. Boileau » pp. 241-326

Ne faut-il pas que toutes les mauvaises fortunes aient leur Némésis ?  […] Le principe de la satire ou de l’épigramme est mauvais, et ses résultats sont cruels. […] On ne pouvait donc écrire sous Louis XIV que des satires tout à fait insipides et insignifiantes contre les embarras des rues de Paris, contre un mauvais cuisinier comme Mignot, contre un mauvais rimeur comme Chapelain, contre un mauvais traducteur comme l’abbé Cottin, tristes thèmes pour un vrai génie satirique. […] Il ne regarda de la vie que les livres ; il s’attira de bonne heure la haine des mauvais écrivains, l’amitié des illustres. […] On n’est pas tel pour avoir aiguisé malignement quelques lancettes acérées d’épigrammes, ou pour avoir rimé heureusement quelques satires spirituelles contre les mauvais écrivains de son temps.

58. (1814) Cours de littérature dramatique. Tome III

L’exemple des mauvaises mœurs détruit les impressions religieuses, le temps en affaiblit le souvenir. […] Le poème de La Pucelle n’est pas ennuyeux, et assurément le genre en est très mauvais : il vaut encore mieux ennuyer que corrompre. […] Ce sont de mauvais matériaux grossièrement rassemblés, mais revêtus d’un enduit brillant. […] Ces larmes, il est vrai, sont funestes à la littérature ; ce sont autant de complots perfides contre la tragédie et la comédie ; c’est à l’aide de ces larmes qu’on introduit les nouveautés les plus dangereuses : puisqu’il est notoire que les plus mauvais romans font pleurer, il est évident qu’on peut de même pleurer à une mauvaise pièce. […] Le marquis est un petit-maître aussi sot que fat, un roué sans caractère et sans expérience, un mauvais cœur.

59. (1886) Revue wagnérienne. Tome I « Paris, 8 octobre 1885. »

— On chercherait loin les preuves de mauvaises intentions ; au contraire, les preuves sont formelles à des intentions innocentes. […] Parsifal connaît, compatit, et sauve — et devient heureux — parce qu’il vainc le mauvais désir charnel. […] Et la Bienfaisance, encore, n’est-elle point le moyen de nous arracher à la conscience mauvaise de notre moi égoïste ? […] Dressons, sur les débris de tous nos orgueils mauvais, cet orgueil sacré de la Science […] Alberich Riez-vous de moi, mauvaises ?

60. (1866) Cours familier de littérature. XXII « CXXIXe entretien. Fior d’Aliza (suite) » pp. 129-192

m’a-t-il répondu en riant et en me regardant du capuchon aux sandales, frère Hilario, est-ce que vous avez attendu vos quatre-vingts ans pour déserter la piété et l’honneur, et pour avoir besoin, dans quelque mauvaise affaire, d’un mauvais conseil ou d’un habile complice ? […] — Mon brave frère Hilario, m’a-t-il répliqué très sérieusement alors, c’est qu’on ne se sert de ce drôle de Nicolas del Calamayo que quand on a un mauvais coup de justice à faire ou une mauvaise cause à justifier par de mauvais moyens. […] Je lui demanderai de séjourner à la ville autant que ma présence pourra être utile au prisonnier pour ce monde ou pour l’autre ; je remonterai jusqu’ici dès que j’aurai une bonne ou une mauvaise nouvelle à vous rapporter d’en bas ; ne cessez pas de prier. […] N’est-ce pas pour l’amour de moi que tu as saisi le tromblon à la muraille et tiré ce mauvais coup pour venger mon sang sur ces brigands ? […] Muni de toutes ces autorisations, le père Hilario avait amené avec lui, à la ville, le père aveugle avec le chien qui le conduisait, et ma tante qui les précédait de quelques pas, pour éclairer de la voix les mauvais pas de la descente à son beau-frère.

61. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre cinquième. Le peuple. — Chapitre I »

La Halle, mercredi, étant presque révoltée, le pain y manqua dès sept heures du matin… On avait retranché les vivres aux pauvres gens qui sont à Bicêtre, au point que, de trois quarterons de mauvais pain, on n’a plus voulu leur donner que demi-livre. […] Il est clair que le peuple vit au jour le jour ; le pain lui manque sitôt que la récolte est mauvaise. […] — Mauvaise culture. — Salaires insuffisants. — Manque de bien-être. […] Mauvais outils ; point de charrues en fer ; en maint endroit, on s’en tient à la charrue de Virgile. […] À Clermont-Ferrand648, « il y a des rues qui, pour la couleur, la saleté et la mauvaise odeur, ne peuvent se comparer qu’à des tranchées dans un tas de fumier. » Dans les auberges des gros bourgs, « étroitesse, misère, saleté, ténèbres ».

62. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Livre II — Chapitre troisième »

Mauvais côtés et défauts, et comment l’esprit du calvinisme est un schisme dans la littérature française. […] Les bonnes œuvres n’étaient que des témoignages que Dieu habitait et régnait en nous ; les mauvaises, qu’il nous avait repoussés. […] Que restait-il donc à ceux qui avaient la mauvaise part ? […] Mauvais côtés et défauts, et comment l’esprit du calvinisme est un schisme dans la littérature française. […] Là est le mauvais côté de l’esprit de Calvin.

63. (1913) Essai sur la littérature merveilleuse des noirs ; suivi de Contes indigènes de l’Ouest-Africain français « Essai sur la littérature merveilleuse des noirs. — Chapitre II. Le fond et la forme dans la littérature indigène. »

Les jettatori. — Une croyance vague au mauvais oeil se décèle dans les contes intitulés : Le Kitâdo vengé — La chèvre au mauvais œil — L’hyène et le bouc à la pêche — La lionne et l’hyène, etc. […] Le mannequin qui trompe l’exécution des mauvais desseins. — Cf. […] La mort aux porteurs de mauvaises nouvelles. […] L’hyène et le bouc à la pêche. — La chèvre au mauvais œil. — La lionne et l’hyène. […] Les griots n’ont pas un plus mauvais rôle que les autres indigènes, encore que dans la vie réelle ils bénéficient d’une très relative estime.

64. (1860) Ceci n’est pas un livre « Une croisade universitaire » pp. 107-146

Vous vous croisez pour Racine, l’École normale et Voltaire, qui sont en très mauvais termes avec M.  […] Certes, il ne peut trouver mauvais que vous l’appeliez le père du « bon style » et que vous invitiez la jeunesse littéraire à venir faire ses dévotions sur sa tombe. […] ces gens-là, tout le monde vous les abandonne ; fustigez les paillasses du Romantisme tant que vous voudrez, personne ne s’y oppose ; mais ne concluez pas de leurs pantalonnades de style au principe mauvais et à l’abolition urgente du Romantisme ! […] Je suis donc au Figaro, mon cher cousin, et je n’y ai point trouvé aussi mauvaise compagnie que tu veux bien le dire. […] Au revoir, mon cher Valentin ; sois prudent, Madeleine te le recommande ; elle craint pour toi les mauvaises connaissances : tu es « si jeune » encore !

65. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Troisième partie. Disposition — Chapitre II. Utilité de l’ordre. — Rapport de l’ordre et de l’originalité »

Que de livres on voit, où il y a plus de matière et plus de talent qu’il n’en fallait pour être bons, et qui sont mauvais ! […] Je ne sais pas si la confusion et la mauvaise distribution n’ont pas fait tomber plus d’ouvrages que la pauvreté d’invention, le manque d’esprit, le mauvais style, et tous les défauts ensemble qu’on peut imaginer. […] Bossuet évite comme une dangereuse tentation du mauvais esprit l’ombre d’une idée nouvelle, et ne veut rien dire qui ne soit dans l’Écriture ou dans les Pères.

66. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Madame Therbouche » pp. 250-254

Les artistes ne sont pas polis, on lui demande grossièrement s’il est d’elle, elle répond que oui, un mauvais plaisant ajoute : et de votre teinturier. on lui explique ce mot de la farce de Patelin qu’elle ne connaissait pas ; elle se pique, elle peint celui-ci qui vaut mieux ; et on la reçoit. […] Je le lui promis, et, en effet je vis Chardin, Cochin, Le Moyne, Vernet, Boucher, La Grenée, j’écrivis à d’autres, mais tous me répondirent que le tableau était déshonnête, et j’entendis qu’ils le jugeaient mauvais. […] Je l’ai placé vis-à-vis celui de Van Loo à qui il jouait un mauvais tour. […] Le pauvre philosophe s’est trouvé dans l’alternative cruelle ou d’abandonner la malheureuse à son mauvais sort, ou d’accréditer des soupçons déplaisans pour lui, de la plus fâcheuse conséquence pour celle qu’il secourait.

67. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre IX » pp. 77-82

Voltaire, qui le déclare mauvais poète et prédicateur plat, dit néanmoins qu’il était aimable dans le monde34. Remarquez aussi que si l’abbé Cottin était de cette société, Boisrobert, l’âme damnée du cardinal, le plus mauvais sujet de Paris, n’en était pas. Segrais raconte que le cardinal envoya Boisrobert à la marquise, pour lui demander son amitié, mais à une condition trop onéreuse pour elle, qui ne savait ce que c’était de prendre parti, et de rendre de mauvais offices à personne.

68. (1923) Au service de la déesse

» Avec tout ça, un mauvais maître ! […] Un mauvais maître ! […] Et cependant, un mauvais maître ! […] Néanmoins, un mauvais maître ! […] Un mauvais maître, Flaubert !

69. (1824) Notes sur les fables de La Fontaine « Livre huitième. »

Ne relevons pas quelques mauvaises rimes, comme celle de monsieur, qu’on pardonnait alors parce qu’elle rimait aux yeux ; et cette autre, naïveté et curé. […] Renommée, journée, mauvaise rime. […] La plaisanterie n’est point du tout mauvaise, surtout dans la bouche d’un de ces hommes que les anciens appelaient parasites. […] Sans croire, comme certains philosophes, que la nature partage également bien tous ses enfans, il est pourtant certain que c’est l’éducation qui met, entre un homme et un autre, l’énorme différence qui s’y trouve quelquefois : c’est d’ailleurs une opinion qu’on ne saurait trop répandre, parce qu’elle est le meilleur moyen d’encourager les réformes que l’on peut faire dans l’éducation, réformes sans lesquelles il est impossible de changer les fausses opinions et les mauvaises mœurs.

70. (1895) Les œuvres et les hommes. Journalistes et polémistes, chroniqueurs et pamphlétaires. XV « Camille Desmoulins » pp. 31-44

Nettement discerné à la lumière de ses œuvres, pris à part de l’entourage immense de tous les faits du temps groupés autour de lui, on verra mieux ce que fut ce mauvais garçon de nos jours funestes, qui ne fut pas un mauvais homme et qui fit des choses mauvaises, et ce que fut aussi cet esprit charmant, destiné peut-être, en travaillant, à laisser des livres immortels, mais qui ne fut qu’un journaliste, lequel, nonobstant l’exhumation faite de ce qu’on croit ses meilleures œuvres, comme tout journaliste qui n’est que cela, se trouve condamné à périr ! […] il l’était, comme les nerveux, comme les voluptueux, comme tous les esprits égoïstes et superficiels, qui sont sensibles, mais qui peuvent être horribles, Je tout par sensibilité… Camille Desmoulins, ce léger d’esprit, cette mauvaise tête et ce bon cœur (la phrase du vaudeville !)

71. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. Auguste de Chatillon. À la Grand’Pinte ! »

I Voilà un mauvais titre ! […] Ce Mauvais Garçon voulait brûler Paris et jouait avec une torche : … Ma jeunesse engourdie Pourra se réchauffer à ce vaste incendie ! […] Le vers n’est pas mauvais et il en est beaucoup de cette tournure en ces poésies de cabaret qui ont du relief et parfois de la bonhomie, mais où l’on trouve trop d’étudiant, de barrière, de saucisson et de vin à quinze. […] lui aussi, la mauvaise démocratie l’emporte, et il touche par là au Réalisme, cet idéaliste de sentiment.

72. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « [Chapitre 5] — II » pp. 112-130

La sortie de M. de Chauvelin affaiblit le ministère du cardinal de Fleury et laissa libre cours aux mauvaises influences : « Il avait ses défauts, écrivait d’Argenson après quelques années (1748), mais plus de grandeur et de droiture que tout le reste du ministère d’aujourd’hui15 », Il perdit en lui un bon guide et un conseiller utile, qui le tenait en garde contre ses défauts. […] Ma vie n’en est qu’un tissu ; je ne dirai pas que j’aie comblé de biens certaines gens, mais j’ai rendu des services gratuits ; je me suis acquis quelques amis par là, mais je n’y ai jamais compté ; je n’ai compté que sur ceux avec qui la sympathie et le cœur m’ont lié, mais non les bienfaits, et de ceux-là il est prodigieux quels mauvais offices j’en ai souvent tirés. […] Parlant des siens et de sa race : On ne peut, dans ma famille, nous définir autrement que ce qui suit : Le cœur excellent, l’esprit moins bon que le cœur, et la langue plus mauvaise que tout cela. Il entend cette langue mauvaise dans le sens de l’éloquence et de l’élocution, qui ne répond pas au reste ; et comme c’est en partie affaire d’habitude, il convient que lui et son frère s’en tirent mieux que le reste de la famille. […] Aussi, quand l’esprit est mauvais, le sophisme fait les vices.

73. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Voltaire et le président de Brosses, ou Une intrigue académique au XVIIIe siècle. » pp. 105-126

Ces premières années de séjour en Suisse sont marquées par beaucoup de joie, de gaieté ; Voltaire sent qu’il est redevenu libre ; il se mêle à la vie du pays, et y fait accepter la sienne ; il fait jouer chez lui la comédie, la tragédie, et trouve sous sa main des acteurs de société, et point du tout mauvais, pour les principaux rôles de ses pièces. […] Je suis vieux et malade ; je sais bien que je fais un mauvais marché ; mais ce marché vous sera utile et me sera agréable. […] Tout cela est bien, le cas est beau et triomphant ; mais si, à quelques mois de là, le seigneur haut-justicier se trouve responsable des frais pour une affaire criminelle supportée par un des sujets dans un petit endroit appelé La Perrière, sur le territoire de Genève, Voltaire prétendra que ce lieu de La Perrière ne relève point de la terre de Tourney, et que le délit qu’y a pu commettre son sujet, et très mauvais sujet, ne le concerne en rien. […] Ce curé, qui était toujours celui du village de Moëns, avait eu, il paraît, un tort grave, en faisant bâtonner par des paysans apostés le fils d’un habitant notable, un soir que le jeune homme sortait de chez une femme de mauvaise vie. […] Et après un exposé de l’état vrai de leurs relations premières : Il faut être prophète pour savoir si un marché à vie est bon ou mauvais : ceci dépend de l’événement.

74. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Venevault »

Froide et mauvaise miniature ; mauvais salmi, qui n’en vaut pas un de bécasses.

75. (1767) Salon de 1767 « Dessin. Gravure — Lempereur »

Pour une mauvaise tragédie sur un des plus beaux sujets et des plus féconds, d’un style boursouflé et barbare, morte à n’en jamais revenir. […] Pour le Du Belloi, mauvais de tout point ; j’en suis bien aise.

76. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Journal de la santé du roi Louis XIV »

Une rougeole de la plus mauvaise nature, que le roi âgé de vint cinq ans contracta en soignant la reine (1663), mit encore une fois ses jours en danger, et même, en se guérissant heureusement, n’emporta point ces tournoiements de tête et ces mouvements vertigineux qui avaient précédé et qui se renouvelèrent bientôt. […] Il a les dents « naturellement fort mauvaises », et les fluxions ne l’épargnent pas. […] L’hygiène mauvaise ou incomplète du temps contribuait à ses indispositions et à ses gênes. […] Fagon, comme tous les vrais disciples d’Hippocrate, triomphe des théories préconçues et des mauvaises doctrines, tour à tour régnantes, par l’observation pratique et le tact. […] On corrigeait en partie ce mauvais effet par l’usage de ce qu’on appelait le Rossolis du roi, breuvage composé d’eau-de-vie faite avec du vin d’Espagne, dans laquelle on faisait infuser des semences d’anis, de fenouil, d’anet, de chervis, de carotte et de coriandre, à quoi l’on ajoutait du sucre candi, dissous dans l’eau de camomille et cuit en consistance de sirop.

77. (1925) Comment on devient écrivain

Le mauvais usage du il peut produire bien des équivoques. […] Thiers et sa mauvaise réputation littéraire. […] Le temps sera mauvais. […] La thèse n’était pas mauvaise.‌ […] Bonne ou mauvaise, c’est une œuvre littéraire.

78. (1774) Correspondance générale

Je me suis aperçu que les charmes de l’ordre les captivaient malgré qu’ils en eussent ; qu’ils étaient enthousiastes du beau et du bon, et qu’ils ne pouvaient, quand ils avaient du goût, ni supporter un mauvais livre, ni entendre patiemment un mauvais concert, ni souffrir dans leur cabinet un mauvais tableau, ni faire une mauvaise action : en voilà tout autant qu’il m’en faut ! […] Ce n’est pas elle, c’est votre mauvais jugement qui ne cesse de les accuser. […] Puissé-je être un mauvais prophète ! […] Mais je n’ai d’elle qu’une bien mauvaise gravure. […] Point de mauvaise plaisanterie, docteur, s’il vous plaît ; quoi !

79. (1782) Essai sur les règnes de Claude et de Néron et sur la vie et les écrits de Sénèque pour servir d’introduction à la lecture de ce philosophe (1778-1782) « Essai, sur les règnes, de Claude et de Néron. Livre second » pp. 200-409

Il ajoute : « Nous mourons plus mauvais que nous ne naissons. […] Celui qui rougit d’une mauvaise voiture, sera vain d’une belle. […] et vous voulez attaquer les mauvaises lois, les mauvaises mœurs, les superstitions régnantes, les vices, les vexations, les actes de la tyrannie ! […] Les mauvaises habitudes se déracinent-elles facilement ? […] Cependant pourquoi un bon soldat ne serait-il pas un mauvais voisin ?

80. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — D. — article » pp. 169-178

DIDEROT, [Denis] de l’Académie de Berlin, né à Langres en 1714, Auteur plus prôné que savant, plus savant qu’homme d’esprit, plus homme d’esprit qu’homme de génie ; Ecrivain incorrect, Traducteur infidele, Métaphysicien hardi, Moraliste dangereux, mauvais Géometre, Physicien médiocre, Philosophe enthousiaste, Littérateur enfin qui a fait beaucoup d’Ouvrages, sans qu’on puisse dire que nous ayons de lui un bon Livre. […] D’ailleurs, c’est un bien encore que Mylord Shaftersbury est en droit de réclamer ; il ne faut que lire, pour s’en convaincre, les Œuvres de ce penseur Anglois, dont, par parenthese, on a donné une assez mauvaise Traduction. […] Le Fils naturel fut présenté il y a peu de temps sur le Théatre, au Public, qui le regarda comme un bâtard ignoble, &, par le mauvais accueil qu’il lui fit, força son Pere de le retirer.

81. (1761) Salon de 1761 « Peinture — M. Pierre » pp. 122-126

Si le roi de Prusse s’entend un peu en peinture, que fera-t-il de ce mauvais Jugement de Paris [?] […] En se passant de ces choses, on fait un mauvais et très mauvais tableau.

82. (1862) Cours familier de littérature. XIV « LXXXIVe entretien. Considérations sur un chef-d’œuvre, ou Le danger du génie. Les Misérables, par Victor Hugo (2e partie) » pp. 365-432

Sa mauvaise mine et son air de loup parqué lui font fermer toutes les portes : c’est naturel ; à qui s’en prendrait-il ? C’est le droit et l’instinct de tout le monde de suspecter les hommes suspects et de ne pas se lier avec les vagabonds de mauvaise renommée ; c’est triste, mais c’est fatal. […] C’est de lui que je m’arme aujourd’hui contre lui-même ; mais je m’arme pour le désarmer de la mauvaise arme qu’il a ramassée sur ce champ de carnage qu’il a pris pour un champ de bataille. […] N’est-ce pas là aduler le peuple dans ses plus mauvais instincts ? […] Seulement il y aura une erreur de plus entre les hommes, l’idéal, exagéré par l’imagination, l’accusation réciproque des uns contre les autres, la haine aveugle résultant de la mauvaise volonté supposée de tous contre tous, par conséquent un surcroît de calamités incurables.

83. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Chapitre premier »

Le bon et le mauvais Fontenelle. — § V. […] » Quand on raisonne si légèrement sur l’art et la littérature, il n’est pas étonnant qu’on soit mauvais juge de l’antiquité classique. […] Rôle de Fontenelle dans la guerre contre l’antiquité classique. — Le mauvais et le bon Fontenelle. […] Je l’appellerai tout bonnement le mauvais Fontenelle, et j’y mets d’autant moins de scrupule qu’à côté du mauvais il y a un bon, et que le bon a certainement plus servi l’esprit français que le mauvais n’a nui aux anciens. […] Il s’en faut pourtant que le bon Fontenelle s’y soit corrigé de tous les défauts du mauvais.

84. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — P. — article » p. 540

C’étoit payer bien chérement quatorze mauvais Vers. Aujourd’hui nos mauvais Poëtes, ni même les bons, ne sont pas si heureux.

85. (1867) Le cerveau et la pensée « Chapitre VI. Les localisations cérébrales »

Il disait qu’il ne faut pas confondre les instincts avec la faculté de les gouverner, de les discipliner, de les diriger vers une fin donnée, que ce qui est lié à l’organisation ce sont les instincts, que ce qui appartient à l’âme c’est la volonté, que la volonté peut modifier les effets de l’organisme, que c’est là du reste une difficulté qui subsiste dans tous les systèmes, puisque dans tous les systèmes il faut bien accorder qu’il y a des instincts innés, quelquefois même de mauvais instincts. L’influence de l’hérédité sur les penchants est incontestable, et la religion elle-même reconnaît cette hérédité et innéité des mauvais instincts, puisque c’est principalement sur cette donnée qu’elle fonde la doctrine du péché originel. […] Mauvaise méthode, assertions erronées, preuves ridicules, tout se rencontre pour constituer une mauvaise hypothèse scientifique. […] La méthode des phrénologues était mauvaise.

86. (1824) Notes sur les fables de La Fontaine « Livre cinquième. »

La multitude de ses négligences a confirmé cette opinion ; mais sa négligence n’était que la paresse d’un esprit aimable qui craint le travail de corriger, de changer une mauvaise rime, etc. […] Cette fable est visiblement une des plus mauvaises de La Fontaine. […] Mauvaises rimes.

87. (1879) À propos de « l’Assommoir »

Ne sait-on pas que les mauvais corrompent les bons bien plus que les bons ne corrigent les mauvais ? […] Ils étaient tous aussi bons et aussi mauvais les uns que les autres. […] D’ailleurs, les mauvaises dispositions du public furent un peu retournées quelques jours avant la première de l’Assommoir. […] … Il saura toujours assez tôt la mauvaise nouvelle ; son patron refuse de le reprendre… Les bons ouvriers ne manquent pas, dit-il ; inutile de faire travailler les mauvais ! […] Les juges impartiaux, qui font la part du bon et du mauvais, sont tout aussi rares.

88. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — P. — article » p. 464

Ses Vers Latins sont moins mauvais, & on ne fait cas que de ses Epigrammes. […] Amis, de mauvais Vers ne chargez pas ma tombe.

89. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — P. — article » pp. 515-516

Il est vrai que le Poëme de la Madeleine n’a été guere célébré que par des confreres ou des parens du Poëte ; mais aujourd’hui nos plus mauvais Auteurs ont une fraternité terriblement féconde en éloges : on seroit tenté de croire que certains Journalistes sont ou parens ou confreres de tous les plus mauvais Auteurs.

90. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Jollain »

Bélisaire . ce n’est pas un tableau, quoi qu’en dise le livret, c’est une mauvaise ébauche. […] C’est… un mauvais peintre ; c’est un sot qui ne sait pas que celui qui tente la scène de Bélisaire s’impose la loi d’être sublime.

91. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — L — article » p. 72

Peut-être ce Lexicographe a-t-il trouvé mauvais que M. […] Ce n’est jamais en cherchant à déprimer injustement ses Adversaires, c’est en prouvant qu’on pense mieux qu’eux, c’est sur-tout par la douceur & l’équité, qu’on peut, en matiere de doctrine, appuyer sa propre cause : ou, pour mieux dire, qu’on s’attache à la bonne, on n’aura pas besoin de mauvaises ressources pour la soutenir.

92. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Catinat. »

C’est le résumé moral et, comme on disait autrefois, la bonne ou la mauvaise odeur qui émane de toute une vie. […] La possession de la citadelle n’était pas tout en effet ; c’était la seule chose qui eût été stipulée avec le duc de Mantoue et à laquelle il avait consenti ; mais pour Louis XIV et pour Louvois, ce n’était qu’une partie du plan : il était sous-entendu par eux qu’une fois maître de la citadelle on en trouverait les fortifications insuffisantes, en trop mauvais état, et que ce serait prétexte pour demeurer et prendre ses quartiers d’hiver dans le pays, et pour occuper la ville ainsi que le château attenant. […] C’est ce que j’appelle un mauvais rôle pour Catinat : il est obligé de mentir, au moins à demi ; il fait semblant de n’avoir point reçu d’ordre récent de Louis XIV, de n’obéir dans ses exigences et dans celles de M. de Boufflers qu’à la nécessité du service du roi ; il emploie tous les moyens de persuasion, même de corruption, auprès des ministres du duc : il échoué. […] Il est permis de penser qu’en plaidant cette mauvaise cause Catinat sentait le côté juste des raisons qu’on lui opposait ; il a des expressions d’estime, et presque des éloges pour la partie adverse : « J’ai trouvé, disait-il dans sa lettre à Louvois (15 octobre 1681), ces gens-ci tout autrement que je n’avais pensé ; j’espérais beaucoup de la permission d’offrir de l’argent ; à quoi ils m’ont paru fort insensibles, et toutes les offres qui ont tendu à cela ont été très-mal reçues. […] Le texte même ou le corps du récit est fort mauvais.

93. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Marie-Thérèse et Marie-Antoinette. Leur correspondance publiée par le chevalier d’Arneth »

Mais, je le dis à regret, on est dans une mauvaise voie, et l’on paraît vouloir s’y obstiner. […] Il est vrai que lorsqu’on écrit des lettres, rarement on se donne un mauvais rôle, et l’on évite de fournir des armes contre soi. […] Elle s’est déshabituée d’un nombre de mauvaises expressions ; il lui reste quelques mauvais tours de phrases dont elle se corrigera promptement lorsqu’elle n’entendra plus l’allemand et le mauvais français des personnes qui la servent. […] Après deux années de ce rôle assez ingrat et infructueux, il écrivait (mai 1772) : « Le mauvais ton des alentours, l’habitude de ne recevoir ni correction ni même avis du roi et de M. le Dauphin, les seules autorités légales et convenables pour Mme la dauphine, enfin l’éloignement de 300 lieues, voilà à mon avis les causes du peu d’effet des lettres de réprimande.

94. (1858) Du roman et du théâtre contemporains et de leur influence sur les mœurs (2e éd.)

J’espère aussi qu’on ne me prêtera pas la ridicule pensée d’attribuer tous les maux de notre temps aux mauvais romans et aux mauvais drames. […] Qu’ai-je fait ici-bas de bon ou de mauvais ? […] Ici c’est la mauvaise organisation économique de la société qui est en cause. […] De ce roman l’auteur a fait un drame, drame plus mauvais encore au point de vue moral que le roman. […] la bonne réputation a ceinture dorée, elle est innocente ; la mauvaise est nue, elle est coupable.

95. (1883) Souvenirs d’enfance et de jeunesse « Préface »

Le monde marche vers une sorte d’américanisme, qui blesse nos idées raffinées, mais qui, une fois les crises de l’heure actuelle passées, pourra bien n’être pas plus mauvais que l’ancien régime pour la seule chose qui importe, c’est-à-dire l’affranchissement et le progrès de l’esprit humain. […] Il faudra que les temps auxquels nous sommes réservés soient bien mauvais pour que nous ne puissions dire : O passi graviora, dabit Deus his quoque finem. […] Le plus mauvais état social, à ce point de vue, c’est l’étai théocratique, comme l’islamisme et l’ancien État pontifical, où le dogme règne directement d’une manière absolue. […] L’égalité engendre l’uniformité, et c’est en sacrifiant l’excellent, le remarquable, l’extraordinaire, que l’on se débarrasse du mauvais.

96. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Entretiens de Gœthe et d’Eckermann (suite et fin.) »

Derrière ce verbiage (le reproche politique) se cache plus de mauvaise volonté contre moi que vous ne le savez. […] Byron a été chassé d’Angleterre par les mauvaises langues, et il aurait fui enfin à l’extrémité du monde si une mort prématurée ne l’avait délivré des Philistins et de leur haine. […] Quand j’ai nommé le mauvais mauvais, ai-je beaucoup gagné par-là ? Mais si, par hasard, j’ai nommé le bon mauvais, j’ai fait un grand mal. — Celui qui veut exercer une influence utile ne doit jamais rien insulter ; qu’il ne s’inquiète pas de ce qui est absurde, et que toute son activité soit consacrée à faire naître des biens nouveaux.

97. (1814) Cours de littérature dramatique. Tome II

Les mauvais plaisants de l’ancien régime disaient qu’on n’en trouvait de pareilles qu’au théâtre. […] En général, Oreste, tel que la fable nous le dépeint, était un jeune homme violent, une mauvaise tête, un cerveau brûlé, et ce qu’on appelle un très mauvais sujet. Ces mauvais sujets sont d’excellents personnages de tragédie : la tragédie vit de folies, de passions et de crimes, plus que de sagesse et de vertus ; chez elle ce sont les gens raisonnables qui sont les mauvais sujets. […] L’opéra est un genre bâtard, un genre essentiellement mauvais. […] C’est assurément une des plus mauvaises et des plus ridicules scènes de la pièce, quoi qu’en dise l’auteur du Cours de Littérature.

98. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Belle » p. 127

L’artiste ou le comité académique en excluant du sallon la composition de Belle a fait sagement, il y avait déjà un assez bon nombre de mauvais tableaux sans celui-là. Ceux qui ont été assez bêtes pour aller demander à Belle un morceau de cette importance seront vraisemblablement assez bêtes pour admirer sa besogne ; laissons-les s’extasier en paix, ils sont heureux, peut-être plus heureux devant le barbouillage de Belle, que vous et moi devant le chef-d’œuvre du Guide et du Titien. — C’est un mauvais rôle que celui d’ouvrir les yeux à un amant sur les défauts de sa maîtresse ; jouissons plutôt du ridicule de son ivresse.

99. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Amand » p. 279

Plusieurs mauvais dessins dont je ne parlerais pas, sans un de ces traits d’absurdité sur lesquels il faut arrêter les yeux des enfans. […] Si vous ne m’en croyez pas sur les dessins d’Amand, celui où au bas d’une fabrique à droite il y a un groupe de gens qui concertent ; à gauche une statue de Flore sur son piédestal ; à droite un escalier ; au-dessus de l’escalier une fabrique ; plus vers la gauche, sur une partie du massif commun de la fabrique, une cuvette soutenue par des figures, et au-dessous de la cuvette, un bassin qui reçoit les eaux ; revoyez cela, et jugez si j’ai tort de dire que rien n’est plus bizarre, plus dur et plus mauvais.

100. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome II « Querelles générales, ou querelles sur de grands sujets. — Troisième Partie. De la Poësie. — III. Le Poëme épique, ou l’Épopée. » pp. 275-353

Il attribuoit ses mauvais succès à la grande admiration qu’on avoit alors pour les anciens, & leur déclara la guerre. […] L’Auteur de la tragédie de Didon écrivit, en 1734, que Virgile étoit un mauvais modèle pour cette partie. […] Il a paru mille copies de ces horribles originaux, très-éloignées du mérite de quelques-uns, & qui n’en ont que le mauvais. […] Rien de plus dangereux que ce roman, par le mauvais exemple de l’héroïne, & par la manière vive & naturelle dont les passions & les foiblesses sont rendues. […] Sur les raisons de M. le chevalier de Mouhi, on voit que ce n’est pas absolument la plus mauvaise cause qu’il ait soutenue.

101. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 32, de l’importance des fautes que les peintres et les poëtes peuvent faire contre leurs regles » pp. 273-274

Nous ne voïons pas ce que le peintre a fait de bon separement de ce qu’il a fait de mauvais. Ainsi le mauvais empêche le bon de faire sur nous toute l’impression qu’il devroit faire.

102. (1864) William Shakespeare « Deuxième partie — Livre VI. Le beau serviteur du vrai »

Tendre, il désaltère les malheureux et crée l’épopée sociale ; indigné, il flagelle les mauvais, et crée la satire divine. […] Non, ce n’est pas une mauvaise rencontre pour le poëte que le devoir. […] Il importe de faire un peu obstacle, de montrer au passé de la mauvaise volonté, et d’apporter à ces hommes, à ces dogmes, à ces chimères qui s’obstinent, quelque empêchement. […] C’est la gloire du poëte de mettre un mauvais oreiller au lit de pourpre des bourreaux. […] Un peuple affranchi n’est point une mauvaise fin de strophe.

103. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XXXI » pp. 338-354

. — Mauvais procédés de la marquise de Montespan envers madame Scarron. — Embarras du roi. — À la fin de l’année, nouveau don de 100 000 f. à madame Scarron. […] Tous mes petits princes y sont établis, et je crois pour toujours : cela, comme toute autre chose, a son bon et son mauvais côté : je suis assez contente. […] Le roi avait donné une marque de bienveillance à madame Scarron, la maîtresse le trouvait mauvais ; elle maltraitait la gouvernante en particulier et la calomniait dans l’esprit du roi, à qui elle reprochait de la rendre insolente et insubordonnée. […] ce mot suppose qu’elle avait été en bonne intelligence avec lui ; l’indifférence ne se brouille point. « Elle me dit sur tout cela de très mauvaises raisons et nous eûmes une conversation assez vive, mais pourtant fort honnête de part et d’autre.

104. (1899) Esthétique de la langue française « Le vers populaire  »

« Une vieille femme le vit, bien mauvaise mégère. […] La fillette, spécialement, y apparaît à nu, tantôt se laissant mourir de désespoir, tantôt ne disant pas non au cavalier qui passe, pourvu qu’il ait bourse pleine, tantôt victime de sa paresse et de sa mauvaise conduite : Les soldats l’ont laissée Sans chemise et sans pain… Telle chanson, comme la Mal Mariée, révèle le pessimisme résigné de gens qui sentent que la vie est mauvaise, et mauvaise sans remède ; mais telle autre dit bellement la joie héroïque de l’amour, comme la Fille dans la Tour, dont voici une version mutilée : Le roi Louis est sur son pont, Tenant sa fille en son giron.

105. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Milton, et Saumaise. » pp. 253-264

Croiroit-on qu’un écrivain obscur & mauvais patriote ait osé, depuis quelques années, s’élever à Londres contre le culte qu’on y rend à l’Homère Anglois ? […] Le choix ne pouvoir être plus mauvais. […] Mais, quelque mauvaise que fût sa prose, elle étoit encore supérieure à celle de son antagoniste.

106. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 2, de l’attrait des spectacles propres à exciter en nous une grande émotion. Des gladiateurs » pp. 12-24

Beaucoup de personnes mettent tous les jours une partie considerable de leur bien à la merci des cartes et des dez, quoiqu’elles n’ignorent point les mauvaises suites du gros jeu. […] Bien des gens croïent que lui seul il empêche plus de mauvaises actions que toutes les vertus. Ceux qui prennent trop de vin, ou qui se livrent à d’autres passions, en connoissent souvent les mauvaises suites bien mieux que ceux qui leur font des remontrances ; mais le mouvement naturel de notre ame est de se livrer à tout ce qui l’occupe, sans qu’elle ait la peine d’agir avec contention.

107. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Vernet » pp. 130-167

Nos philosophes auraient été d’accord sur leur définition de la vertu, si la loi était toujours l’organe de l’utilité publique ; mais il s’en manquait beaucoup que cela fût, et il était dur d’assujettir des hommes sensés, par le respect pour une mauvaise loi, mais bien évidemment mauvaise, à l’autoriser de leur exemple, et à se souiller d’actions contre lesquelles leur âme et leur conscience se révoltaient. […] Pourquoi ne dirais-je pas : la loi l’ordonne, mais la loi est mauvaise. […] Cependant je me soumettrai à la loi, de peur qu’en discutant de mon autorité privée les mauvaises lois, je n’encourage par mon exemple la multitude insensée à discuter les bonnes. […] Il ne sait ce qui est vraiment beau ou laid, bon ou mauvais, vrai ou faux, mais il sait ce qu’il veut dire tout aussi bien que moi. […] Quelle notion précise peut-on avoir du bien et du mal, du beau et du laid, du bon et du mauvais, du vrai et du faux, sans une notion préliminaire de l’homme ?

108. (1761) Salon de 1761 « Peinture —  Bachelier  » pp. 147-148

Avez-vous jamais rien vu de si mauvais avec tant de prétention que ce Milon de Crotone. […] J’aimerais mieux avoir croqué ces figures-là où l’on ne discerne presque rien encore que leur action avec l’ordonnance générale, que de m’être épuisé après ce mauvais Milon de Crotone.

109. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 21, de la maniere dont la réputation des poëtes et des peintres s’établit » pp. 320-322

Ces personnes sont sujettes à faire souvent un mauvais rapport par les raisons que nous exposerons. […] Le public demeure indécis sur la question, s’il est bon ou mauvais à tout prendre, et il en croit même quelquefois les gens du métier qui le trompent, mais il ne les croit que durant un temps assez court.

110. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Œuvres complètes de Saint-Amant. nouvelle édition, augmentée de pièces inédites, et précédée d’une notice par M. Ch.-L. Livet. 2 vol. » pp. 173-191

Et le moment d’après, il se représente avec son luth allant porter, son harmonie au creux de cette grotte « fraîche », où l’Amour se pourrait « geler » et où Écho ne cesse de « brûler », combinant de la sorte tous les genres de pointe et de mauvais goûtr : il réussit très médiocrement, malgré ses accords soi-disant célestes, à nous rendre attrayante par sa fraîcheur une grotte où il dit qu’on gèle et où il vient de nous montrer des crapauds. […] Boileau a pu dire de lui « que Saint-Amant s’était formé du mauvais de Regnier, comme Benserade du mauvais de Voiture : — Opinion fausse qu’il serait inutile de discuter », ajoute M.  […] C’est un mauvais genre appliqué ici au sujet qui s’en offense le plus, et qui est le plus propre à en faire mesurer la petitesse et la difformité. […] [NdA] Les jeunes gens le savaient bien ; et ceux qui, venus quelque temps à Paris, voulaient se donner un genre de mauvais sujets, disaient par vanterie, après s’en être retournés en province : « J’ai fait la débauche avec Saint-Amant. » 28.

111. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Don Quichotte (suite.) »

Dans les parties sérieuses, lorsqu’il fait parler le chanoine, par exemple, on le voit tenté presque d’entreprendre contre les folles et extravagantes comédies du temps une levée de boucliers du même genre que celle qu’il est en train de mettre à exécution contre les mauvais romans. […] Il a traduit en français cette continuation6, déjà connue par une traduction plus libre de Le Sage, et il s’est attaché à montrer qu’elle n’est ni si mauvaise qu’on l’a dit et répété, ni si indigne de la première partie du Don Quichotte à laquelle elle prétendait s’adjoindre et succéder. […] G. de Lavigne a beau vouloir discuter et diminuer l’injure, la mauvaise plaisanterie ou l’allusion (comme il voudra l’appeler), elle a été proférée et elle reste écrite. […] Bouterwek avait commencé, et il attribuait à Cervantes une idée plus haute que celle d’avoir voulu décréditer les mauvais romans de chevalerie, bien qu’il lui reconnût aussi cette dernière intention, mais seulement comme occasionnelle et secondaire ; il la réduisait au point de la subordonner tout à fait à je ne sais quelle vue supérieure : « On ne saurait supposer, disait-il, que Cervantes ait eu l’absurde pensée de vouloir prouver l’influence fâcheuse des romans sur le public, par la folie d’un individu qui aurait pu tout aussi bien perdre la tête en lisant Platon ou Aristote. […] Ce qu’il attaquait de front, c’est-à-dire les mauvais romans de chevalerie, il n’avait besoin d’aucun masque pour le combattre ; il n’y avait pour lui nul danger à le faire.

112. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Jean-Baptiste Rousseau »

Ce qu’il y avait de plus clair, c’est que l’ordre ancien dépérissait, que la religion était en péril, et qu’on se précipitait dans un avenir mauvais et fatal. […] Dans les poésies à la mode, il était bien plus choqué des mauvaises rimes que du mauvais goût et des mauvais principes. […] Les deux derniers vers ne seraient pas mauvais, si on ne lisait dans le texte : « Je criais vers vous comme les petits de l’hirondelle, et je gémissais comme la colombe. » On voit que Rousseau a précisément laissé de côté ce qu’il y a de plus neuf et de plus marqué dans l’original. […] Ajoutons seulement que, sans trop modifier le fond de notre jugement sur les odes, qui n’est guère après tout que celui qu’a porté Vauvenargues (Je ne sais si Rousseau a surpassé Horace et Pindare dans ses odes : s’il les a surpassés, j’en conclus que l’ode est un mauvais genre, etc., etc.

113. (1914) Enquête : L’Académie française (Les Marges)

3º Son influence actuelle sur les Lettres vous semble-t-elle bonne ou mauvaise ? […] Convenons qu’il n’est pas déjà si mauvais. […] 3º Son influence sur les Lettres ne me semble ni bonne ni mauvaise. […] Par les grandes richesses dont elle dispose, et dont elle fait le plus mauvais usage, l’Académie, cette dernière congrégation à biens de mainmorte, dispense à pleines mains la paralysie et la mort sur les successives générations littéraires et jonche les champs de la République athénienne d’innombrables cadavres. […] Quant à son influence sur la vie de la langue et sur les lettres, elle n’est ni bonne ni mauvaise, elle est nulle — à moins que vous n’entendiez par « les lettres » une petite coterie d’ardélions serviles et de fades convertis.

114. (1824) Ébauches d’une poétique dramatique « Observations générales, sur, l’art dramatique. » pp. 39-63

Une invention purement raisonnable, dit le grand Corneille, peut être très mauvaise ; une invention théâtrale que la raison condamne dans l’examen, peut faire un très grand effet : c’est que l’imagination émanée de la grandeur du spectacle se demande rarement compte de son plaisir. […] S’il y a deux personnages principaux, l’un et l’autre passent de la bonne à la mauvaise fortune, ou de la mauvaise à la bonne ; ou la fortune de l’un persiste, tandis que celle de l’autre change ; et ces combinaisons se multiplient par la qualité des personnages, dont chacun peut être méchant ou bon, ou mêlé de vices et de vertus. La fable à révolution composée ou double, doit avoir deux personnages principaux, bons, mauvais ou mixtes, et la même révolution doit les faire changer de fortune en sens contraire. […] Dans les fables à double révolution, il faut éviter de faire entrer deux principaux personnages de même qualité, car si, de ces deux hommes également bons ou mauvais, ou mêlés de vices et de vertus, l’un devient heureux et l’autre malheureux, l’impression de deux événements opposés se contrarie et se détruit.

115. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Du Rameau » pp. 288-298

C’est comme au précédent, de la vigueur, du dessin, mais exemple de la mauvaise entente des lumières, défaut qui choque moins ici, parce que le morceau est moins fini. […] Le préteur est mauvais, ignoble, il a l’air d’un quatrième bourreau. […] Mauvaise chose. […] Une mauvaise esquisse n’engendra jamais qu’un mauvais tableau ; une bonne esquisse n’en engendra pas toujours un bon.

116. (1904) Les œuvres et les hommes. Romanciers d’hier et d’avant-hier. XIX « Gustave Droz » pp. 189-211

Monsieur et Madame me firent l’effet des Caractères d’un petit La Bruyère… mauvais sujet, — d’une espèce de La Bruyère qui connaissait les femmes, non pas « entre tête et queue », comme les connaissait et voulait qu’on les prît La Bruyère, mais qui les prenait avec la tête et avec la queue, et Dieu sait si la queue est un endroit par lequel on puisse les prendre à présent ! […] Gustave Droz, qui fixe sous son fusain couleur de chair… (trop couleur de chair…) la chose qui passe, l’attrait qui s’évanouit, la mode qui va passer, n’est pas seulement qu’un La Bruyère mauvais sujet, c’est aussi un Marivaux. […] … Profanateur de nature et d’éducation, flétrissant, pourrissant, un peu pourri lui-même, tel est Mistigris ; et je souffrirais d’avoir à dire qu’il reste quelque chose de cet affreux enfant terrible dans le talent élégant, désinvolte et presque aristocratique de Gustave Droz, si, en tournant les pages de son livre, je ne trouvais, à ma grande joie, le La Bruyère mauvais sujet corrigé, marié et père, — comme ces bons cœurs de mauvais sujets le deviennent, — le Bébé arrivé et Mistigris parti, par respect pour cette innocence, qui a fait tout à coup sûr l’auteur un peu immodeste de Monsieur et de Madame l’assainissant effet d’une contagion de pureté. […] Si, par exemple, il enlevait son Bébé du livre où il se trouve, s’il le publiait à l’écart de la mauvaise compagnie du Monsieur et de la Madame avec lesquels il se trouve pour l’instant, le Bébé deviendrait le bréviaire des mères de famille… Ce serait une fortune pour l’auteur, un succès à la Picciola, qui eut, je crois, trente à quarante éditions, — et par la souveraine raison qu’un pareil livre est en équation avec les manières de sentir actuelles de la foule.

117. (1864) Histoire anecdotique de l’ancien théâtre en France. Tome I pp. 3-343

Il est permis de dire : que c’était un habile architecte réduit à construire avec de mauvais matériaux. […] On y sifflait les mauvaises pièces, on y applaudissait les bonnes. […] Il fit prix avec le peintre ; mais on prévint ce dernier que le comédien était un mauvais payeur. […] Si elle est mauvaise, on se contente de murmurer : Dieu ! […] Il en résultait que, souvent, de bonnes choses étaient payées fort mal et de mauvaises au-dessus de leur valeur.

118. (1763) Salon de 1763 « Peintures — Chardin » pp. 220-221

On trompe sans peine un artiste impatient, et les animaux sont mauvais juges en peinture. N’avons-nous pas vu les oiseaux du Jardin du Roi aller se casser la tête contre la plus mauvaise des perspectives ?

119. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « François Villon, sa vie et ses œuvres, par M. Antoine Campaux » pp. 279-302

À la tête des plus spirituels entre les mauvais sujets, il usa et abusa de toutes les licences de son quartier et de son temps. […] Passa-t-il ses derniers jours en Poitou, comme on peut l’inférer de l’anecdote qu’on lit dans Rabelais et qui nous découvre un dernier tour pendable de l’incorrigible mauvais sujet ? […] Ou bien, le spectacle de la nature, par son innocence même, n’avait-il plus de quoi le toucher, et avait-il fini par ne respirer à l’aise que dans l’atmosphère des mauvais lieux ? […] Cet écolier aura fait, un jour, à Villon sa déclaration d’enthousiasme, et Villon l’aura reçue avec plus de sérieux qu’il n’en gardait d’ordinaire en pareil cas ; il aura même, en voyant sa candeur, ménagé assez le jeune homme pour ne pas l’initier à ses tromperies et pour n’essayer, à aucun moment, de l’embaucher dans sa troupe de mauvais garçons. […] cet écolier que je me figure, qui a respiré la bonne âme de Villon et non la mauvaise, et pour qui le poète, même complètement connu plus tard, était demeuré une passion, il revit de nos jours, il est devenu maître et de la meilleure école, et c’est lui qui a été, cette fois, le commentateur, l’apologiste (là où c’était possible), l’interprète indulgent et intelligent de Villon par-devant la Faculté, et aussi devant le public.

120. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Jean-Bon Saint-André, sa vie et ses écrits. par M. Michel Nicolas. (suite et fin.) »

C’est le devoir de quiconque touche sur quelque point à l’histoire de s’appliquer à dégager des mauvais actes, des mauvaises paroles, des emportements et des égarements de passion ou des erreurs de système, les services rendus à cette chose durable et sacrée qui s’appelle la Patrie ou l’État. […] j’avais été obligé d’acheter une mauvaise selle et une bride à l’européenne ; j’étais monté sur un triste bidet gris qui n’avait ni jambes, ni allure, ni figure. Tous mes compagnons étaient plus mal montés encore : des chevaux accoutumés à porter le bât, de mauvaises bardes recouvertes de tapis qui tombaient en lambeaux, des licols dont la corde était passée dans la bouche de l’animal pour tenir lieu de bride, tel était le noble appareil avec lequel la Sublime-Porte me faisait voyager. […] Les Turcs nous voyaient de mauvais œil, parce que nous étions en guerre avec eux, et surtout parce qu’ils nous confondaient avec les Busses qu’ils détestent. […] Je ne répondrais donc point que Jean-Bon soit allé, par exemple, jusqu’à se demander, au milieu de ces détentions atroces et immondes qu’il nous décrit et qui le révoltent, si la Convention dont il était solidaire avait bien eu le droit elle-même d’infliger, — je ne dis plus à Louis XVI, ni à la reine, — mais à leur malheureux fils, mourant au Temple, une telle peine à mauvaise fin et de lui faire subir une détention également horrible, la plus pourrissante et la plus dégradante de toutes… Je m’arrête, nous sommes ici au seuil le plus secret des consciences.

121. (1782) Plan d’une université pour le gouvernement de Russie ou d’une éducation publique dans toutes les sciences « Plan d’une université, pour, le gouvernement de Russie, ou, d’une éducation publique dans toutes les sciences — Plan, d’une université, pour, le gouvernement de Russie » pp. 433-452

Charlemagne, né dans un temps où lire, écrire et balbutier de mauvais latin n’était pas un mérite commun, fonda notre pauvre université ; il la fonda gothique, elle est restée gothique telle qu’il l’a fondée ; et malgré ses vices monstrueux, contre lesquels les hommes instruits de ces deux derniers siècles n’ont cessé de réclamer et qui subsistent toujours, on lui doit la naissance de tout ce qui s’est fait de bon depuis son origine jusqu’à présent. […] Quelle description assez vigoureuse peut donner la notion précise d’une sanie mûre ou crue, de bonne ou de mauvaise qualité, vieille ou nouvelle, alcalescente ou acrimonieuse ? […] Si le plan général est au-dessus des ressources du moment, attendre d’un avenir plus favorable son entière et parfaite exécution, mais ne rien abandonner au caprice de l’avenir ; en user avec une maison d’éducation publique comme en use un architecte intelligent avec un propriétaire borné dans ses moyens ; si celui-ci n’a point de quoi fournir subitement aux frais de tout l’édifice, l’autre creuse des fondements, pose les premières pierres, élève une aile, et cette aile est celle qu’il fallait d’abord élever ; et lorsqu’il est forcé de suspendre son travail, il laissé à la partie construite des pierres d’attente qui se remarquent, et entre les mains du propriétaire un plan général auquel, à la reprise du bâtiment, on se conformera sous peine de ne retirer de la dépense qu’on a faite et de celle qu’on fera qu’un amas confus de pièces belles ou laides, mais contradictoires entre elles et ne formant qu’un mauvais ensemble. […] N’est-ce pas un phénomène bien étonnant que des écoles d’éducation publique barbares et gothiques, se soutenant avec tous leurs défauts, au centre d’une nation éclairée, à côté de trois célèbres Académies, après l’expulsion des mauvais maîtres connus sous le nom de jésuites, malgré la réclamation constante de tous les ordres de l’État, au détriment de la nation, à sa honte, au préjudice des premières années de toute la jeunesse d’un royaume et au mépris d’une multitude d’ouvrages excellents, du moins quant à la partie où l’on s’est attaché à démontrer les vices de cette éducation. […] C’est que rien ne lutte avec tant d’opiniâtreté contre l’intérêt public que l’intérêt particulier ; c’est que rien ne résiste plus fortement à la raison que les abus invétérés ; c’est que la porte des compagnies ou communautés est fermée à la lumière générale qui fait longtemps d’inutiles efforts contre une barrière élevée pendant des siècles ; c’est que l’esprit des corps reste le même tandis que tout change autour d’eux ; c’est que de mauvais écoliers se changeant en mauvais maîtres, qui ne préparent dans leurs écoliers que des maîtres qui leur ressemblent, il s’établit une perpétuité d’ignorance traditionnelle et consacrée par de vieilles institutions ; tandis que les connaissances brillent de toutes parts, les ombres épaisses de l’ignorance continuent de couvrir ces asiles de la dispute bruyante et de l’inutilité.

122. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Leopardi »

Elle n’était pas mauvaise… Sa gloire mijotait… La gloire se fait comme du bouillon, quand elle n’éclate pas comme la poudre. […] qui faisaient contre-sens, mais le grand sens, le sens humain, l’émotion, la profondeur de la pensée, le grandiose de l’image, fût-elle exprimée par une mauvaise plume, comme une tête de buste qu’on déterre est cassée par un extracteur maladroit, nous l’avions pourtant, nous pouvions en juger, — et il y a plus : ce n’est peut-être que dans de mauvaises traductions que l’on peut avoir l’essentiel, l’indestructible, la partie irréductible des grands poètes.

123. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « François Ier, poëte. Poésies et correspondance recueillies et publiées par M. Aimé Champollion-Figeac, 1 vol. in-4°, Paris, 1847. »

Que gagne la gloire du grand Frédéric à tant de mauvais vers (même quand ils seraient un peu moins mauvais), griffonnés la veille ou le soir d’une bataille, à chaque étape de ses rudes guerres ? […] « Sire, répondit le poëte, rien n’est impossible à Votre Majesté ; elle a voulu faire de mauvais vers, et elle y a réussi. » Louis XIV, avec son grand sens, se le tint pour dit. […] L’aveu modeste n’est ici que l’expression d’une rigoureuse vérité : il serait difficile, en effet, de coucher ses pensées en plus mauvais mètre . […] Une grande part du mauvais appartient donc bien en propre à la facture du maître, lequel n’était ici qu’un écolier. […] D’abord ces poésies, en général, sont décidément mauvaises, et les contemporains se doutent toujours bien un peu de ces choses-là, même quand ils ne le disent pas.

124. (1902) Les œuvres et les hommes. Le roman contemporain. XVIII « Octave Feuillet »

que le roman va sortir de l’amnios qui l’enveloppe et devenir une chose nette et virile… Philippe, jeune noble de province, est un de ces mauvais sujets de notre époque qui ne sortent pas plus de leur amnios d’imbécillité et de mollasserie que, du leur, les romans de Feuillet. C’est un mauvais sujet qui ferait pitié aux mauvais sujets du xviiie  siècle, qui étaient les bons mauvais sujets. Philippe n’a de mauvais sujet que de vouloir vivre à Paris et de ne pas épouser sa cousine, que sa famille lui garde pour femme de toute éternité. […] Il fallait, par exemple, grandir le père jusqu’à la hauteur de l’admirable père de Mirabeau, et le mauvais sujet jusqu’au terrible mauvais sujet son fils.

125. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — M. — article » pp. 308-311

Il paroît trop éclairé, pour ne pas savoir que dans tous les temps & dans toutes les classes d’hommes, il y a eu des erreurs & des vices ; que c’est être Juge injuste & mauvais raisonneur, que de vouloir faire rejaillir sur les membres actuels d’un Etat quelconque, les fautes de quelques-uns de ses membres, dans les Siecles précédens. […] On ne peut pas dire que ces Discours soient mauvais, mais ils sont bien inférieurs à ses Elémens historiques.

126. (1912) Enquête sur le théâtre et le livre (Les Marges)

sommes-nous sûrs que ce soit une mauvaise chose si le public se purge de ses éléments les plus bas qui s’en vont aux spectacles inférieurs ? […] Le théâtre est l’école des mauvaises mœurs, en ce sens qu’il désapprend l’art de réfléchir. Celui qui ne réfléchit pas et a les yeux brûlés par des projections trop lumineuses est prêt pour le mauvais coup, moral ou physique : il est ivre. […] On réédite, en mauvais français, les idées des littérateurs d’hier, et l’on comprend qu’une pareille lecture n’ait aucun attrait. […] Selon Rachilde, « le théâtre est l’école des mauvaises mœurs, en ce sens qu’il désapprend à réfléchir ».

127. (1890) L’avenir de la science « IV » p. 141

vous trouvez mauvais qu’ils désirent ce dont vous jouissez. […] Si elle est mauvaise, pourquoi en jouissez-vous ? […] La science du bonhomme Richard m’a toujours semblé une assez mauvaise science. […] Ce qu’il y faut blâmer, ce n’est pas le trop d’énergie, c’est la mauvaise direction donnée à de puissants instincts.

128. (1864) De la critique littéraire pp. 1-13

Voyez les nations et la suite de leurs progrès : elles chantent d’abord, puis elles parlent, elles critiquent enfin ; c’est l’amusement de leur vieillesse, et quand on voit commencer ce radotage, mauvais signe, le génie s’en va. […] Viennet la déclarera admirable pour la même raison ; ils auront tort l’un et l’autre, et avec moins de préjugés, ils reconnaîtraient qu’elle n’est ni très bonne ni très mauvaise. […] Ou si votre indignation ne se peut contenir, du moins n’argumentez pas avec les mauvaises passions auxquelles l’auteur s’est adressé ; vous auriez toujours tort. […] Présentez à une Revue une pièce de poésie, la poésie est de mauvaise défaite, et la Revue a ses poètes en titre.

129. (1863) Cours familier de littérature. XV « LXXXVe entretien. Considérations sur un chef-d’œuvre, ou le danger du génie. Les Misérables, par Victor Hugo (3e partie) » pp. 5-79

VIII « Jean Valjean n’était pas, on l’a vu, d’une nature mauvaise. […] L’âme peut-elle être refaite tout d’une pièce par la destinée, et devenir mauvaise, la destinée étant mauvaise ? […] « Pour résumer en terminant ce qui peut être résumé et traduit en résultats positifs dans tout ce que nous venons d’indiquer, nous nous bornerons à constater qu’en dix-neuf ans, Jean Valjean, l’inoffensif émondeur de Faverolles, le redoutable galérien de Toulon, était devenu capable, grâce à la manière dont le bagne l’avait façonné, de deux espèces de mauvaises actions : premièrement, d’une mauvaise action rapide, irréfléchie, pleine d’étourdissement, toute d’instinct, sorte de représailles pour le mal souffert ; deuxièmement, d’une mauvaise action grave, sérieuse, débattue en conscience et méditée avec les idées fausses que peut donner un pareil malheur. […] XVI En attendant, l’envie, curieuse de sa nature, commence à suspecter la source des richesses de ce philanthrope inconnu et maladroit, qui, en effet, est loin d’être pure ; car l’argenterie dérobée à l’évêque de gré ou de force, et la pièce de quarante sous arrachée par violence au pauvre enfant, sont deux mauvaises pierres angulaires de cette fortune équivoque. […] C’est le tiroir épique, c’est la bataille de Waterloo : qu’a-t-elle à faire dans cette épopée de petites misères d’un forçat et de quatre filles dans le bourbier du bagne ou des mauvais lieux de Paris : à moins que ce ne soit pour exciter la pitié sur ces quatre-vingt mille malheureux soldats de vingt ans, hier heureux laboureurs, arrachés à leur famille par un conquérant, pour les pousser sur quatre lieues de carnage ?

130. (1905) Pour qu’on lise Platon pp. 1-398

Pour qui se les procure et les possède d’une façon mauvaise, elles sont mauvaises. […] Car l’âme est un bien divin et rien de ce qui est mauvais n’est digne qu’on l’honore. […] Il lui fera un mal irréparable en l’éloignant de ce qui pourrait éclairer son âme, des discours des sages… Ainsi, au point de vue moral, il n’est pas de plus mauvais guide ni de compagnon plus mauvais qu’un homme amoureux ». […] Toute mauvaise vie, toute mauvaise conduite est une suite de dissonances ; tout mauvais acte est désaccord d’une partie de nous-mêmes avec une autre partie de nous-mêmes : « Le bien ne va pas sans le beau, ni le beau sans l’harmonie : d’où il suit qu’un animal ne peut être bon que par l’harmonie. […] L’agréable est mêlé de désagréable, toujours, et le bon n’est pas mêlé de mauvais.

131. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Une monarchie en décadence, déboires de la cour d’Espagne sous le règne de Charles II, Par le marquis de Villars »

Don Juan, bâtard reconnu du dernier roi, soutenu des vœux de la noblesse, lutta contre l’un et l’autre de ces favoris et contre la reine mère, au mauvais gouvernement desquels on imputait tous les maux de l’État et les désastres de la monarchie dans les guerres avec la France. […] Ce n’est donc pas pour vous dire une mauvaise plaisanterie, mais une vérité assez extraordinaire ; je vous prie, Madame, de conter cela, comme vous savez orner toutes les choses auxquelles vous voulez donner un air ; je vous expose seulement celle-ci, qu’on ne peut se promener dans une rivière, parce qu’il y a de la poudre. […]  » Deux gentilshommes de l’ambassadeur de Hollande, pour s’être arrêtés trop respectueusement devant le carrosse de Leurs Majestés quand elles passèrent, et pour s’être trouvés par hasard du côté de la reine, étant habillés ce jour-là à la française, faillirent en être les mauvais marchands. […]  » Dans l’été de 1680, un petit voyage que le roi voulut faire avec la reine à Aranjuez, avant celui de l’Escurial (par lequel il est de mauvais augure de commencer un règne, parce qu’on y rencontre les tombeaux des rois), ne put avoir lieu faute d’argent. […] Au contraire, le voyage d’Aranjuez, dans le cas présent, n’était qu’un extra, une envie particulière du roi, embarrassante pour les ministres qui ne savaient comment y pourvoir ; « Ils parurent néanmoins en faire les préparatifs ; ils en flattèrent le roi, et tandis qu’ils l’amusaient par ces apparences, ils surent faire naître des difficultés qui rompirent insensiblement le voyage, tantôt à cause des méchants chemins, tantôt pour le mauvais air de ce lieu après les pluies qui étaient survenues.

132. (1898) L’esprit nouveau dans la vie artistique, sociale et religieuse « I — La banqueroute du préraphaélisme »

Les choses sont belles et grandes par elles-mêmes, et l’intellectualité la plus profonde, n’empêchera jamais une œuvre d’être mauvaise, si la réalité se trouve trahie. Un légume vigoureusement interprété sera toujours supérieur à un mauvais Christ, quelque soit la noblesse de l’intention.‌ […] Celle-là est sale, sent mauvais. […] Cette sévère apostrophe, ne vise en vérité qu’une mauvaise toile du peintre ; cependant si nous l’appliquons à l’art de Burne-Jones, et au préraphaélisme entier, nous voyons que, sous son allure outrancière, elle n’est pas tout à fait dépourvue de sens. […] Et nous estimons que Ruskin fut mauvais prophète, lorsqu’il affirma que les préraphaélites « jetteraient en Angleterre les fondations de l’école d’art la plus noble qu’on ait vue depuis trois cents ans38 ».‌

133. (1814) Cours de littérature dramatique. Tome I

Les bonnes critiques ne sont redoutables que pour les mauvais ouvrages : quant aux critiques fausses, ineptes et passionnées, elles ne nuisent qu’à ceux qui les font. […] et à quoi peut-on attribuer ce qui s’y mêle de mauvais, qu’aux teintures grossières que je reprends quand je demeure abandonné à ma propre faiblesse ?  […] Voltaire et La Harpe ont accumulé les plus mauvais raisonnements, les critiques les plus insidieuses contre ce monument éternel de la gloire de notre théâtre ; mais ils n’ont pu l’ébranler. […] pourquoi son Commentaire est-il hérissé de mauvaises facéties sur les familiarités que se permet quelquefois Corneille, qui se croit assez grand pour pouvoir quelquefois oublier impunément sa grandeur ? […] Le commentateur n’aperçoit dans toute la fable de Rodogune qu’un mauvais échafaudage pour fonder le dénouement.

134. (1905) Les ennemis de l’art d’écrire. Réponse aux objections de MM. F. Brunetière, Emile Faguet, Adolphe Brisson, Rémy de Gourmont, Ernest Charles, G. Lanson, G. Pélissier, Octave Uzanne, Léon Blum, A. Mazel, C. Vergniol, etc… « XVIII »

Mon analyse « est mauvaise, dit-il. […] Joran, est un guide moins pour les élèves, en dépit du titre, que pour les maîtres, pour ceux enfin dont la personnalité s’est déjà dégagée et qui n’ont plus qu’à fortifier en eux l’originalité par des lectures et des méditations appropriées53. » Après avoir bien réfléchi, bien pesé les raisons pour et contre, je garde donc la conviction non seulement que ma méthode n’est point mauvaise, mais qu’il n’y en a pas d’autre à proposer.

135. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XI » pp. 89-99

Mais, nous l’avons déjà dit, à l’hôtel de Rambouillet il y avait du mélange, non de mœurs, mais d’esprits ; et qu’elle est la société où il ne se rencontre pas des gens de mauvais ton et de mauvais goût, parmi les personnes qui en sont le plus exemptes ? […] L’anarchie se mit dans le bel esprit et dans les usages de bienséance ; les mauvaises copies de l’hôtel de Rambouillet eurent la prétention de devenir modèles. […] La guerre finie, leur régné devait commencer, leurs sociétés fleurir et se faire remarquer, prendre un nom et s’attirer tout à la fois deux réprobations, de deux côtés opposés, celle des mœurs dominantes ou des mauvaises mœurs, et celle du goût qui s’épurait malgré la corruption des mœurs, le goût et l’incontinence publique marchant ensemble sous la bannière du goût.

136. (1895) Les œuvres et les hommes. Journalistes et polémistes, chroniqueurs et pamphlétaires. XV « Les honnêtes gens du Journal des Débats » pp. 91-101

Ni l’un ni l’autre, il est vrai, de ces grands esprits différents, ne connut les honnêtes gens du Journal des Débats ; mais tous deux savaient ce qui se cache sous cette vague expression d’honnêtes gens, qui se dilate à mesure qu’on la presse pour envelopper mieux toutes les défaillances et toutes les lâchetés morales, et que les fats du vice élégant ou lettré jettent par-dessus leurs mauvaises mœurs ou leurs mauvaises doctrines. […] Cette critique, qui juge résolument qu’un livre est mauvais et qui donne les raisons de son jugement, « les salons l’ont tuée », nous dit cet éclatant homme du monde, ce comte d’Orsay, Μ. 

137. (1716) Réflexions sur la critique pp. 1-296

Voilà de fort mauvaises conséquences ; et c’est pourtant en vertu de ces beaux raisonnemens que nous avons l’un et l’autre, des partisans et des censeurs. […] Ils abusent des bons ou des mauvais succès qu’un auteur a eus dans un genre, pour relever ou pour décrier ce qu’il a fait dans un autre. Ils donnent, par exemple, un médiocre poëte, pour un mauvais critique, et un bon poëte pour un raisonneur exact, comme si l’un suivoit toûjours de l’autre. […] Il s’avise d’un fort mauvais expédient pour fortifier les troyens, en permettant aux dieux de se mettre de la partie. […] Perrault paroissoit justifié par l’ouvrage même qui devoit le confondre, et l’original patissoit du mauvais succès de l’interprete.

138. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Robert » pp. 222-249

Il a exposé un grand nombre de morceaux, entre lesquels il y en a d’excellens, quelques médiocres, presque pas un mauvais. […] Nos yeux fatigués, éblouis par tant de faires différens, sont-ils mauvais juges ? […] La vigne-madame, mauvais, selon moi-mais cela est en nature. — Cela n’est point en nature. […] Un mauvais tableau de famille la tient bouche béante, elle passe devant un chef-d’œuvre, à moins que l’étendue ne l’arrête. […] Pauvre de composition, sans effet ; les deux figures mauvaises.

139. (1886) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Deuxième série «  Leconte de Lisle  »

Il se dit alors que la vie est mauvaise et que l’action est inutile ou funeste. […] Le pire malheur n’est pas de savoir ou de croire le monde inutile ou mauvais : c’est de pâtir dans son corps et d’être déçu brutalement dans ses passions. […] Heureux Angira   Pourtant, s’il est sûr que la vie est foncièrement mauvaise, il ne l’est pas moins qu’elle semble douce à certaines heures et que les passions nous enivrent délicieusement avant de nous meurtrir  Çunacépa est un acheminement vers une philosophie moins hostile à l’illusion et à l’action. […] Ce qui est au fond, c’est un sentiment de révolte contre le monde mauvais et contre l’inconnu inaccessible, sentiment douloureux que vient apaiser la curiosité critique et esthétique et qui se résout enfin dans une étude sereine de l’histoire et de la nature pittoresque. […] Cet orgueil est-il mauvais ?

140. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « Victor Hugo »

certes, il faut que nous soyons de bien bons enfants en littérature, si nous sommes en politique de mauvais garçons ; il faut que nos besoins d’originalité ne soient pas bien grands, à nous autres éreintés de l’époque actuelle, pour que nous soyons si aisément satisfaits de la répétition des mêmes idées, des mêmes sentiments, du même langage et presque des mêmes mots, des mêmes tableaux et de la même manière de peindre, et que nous en jouissions avec autant de pâmoison de plaisir et de furie d’enthousiasme que si tout cela était inconnu, inattendu, virginal, et tombé, pour la première fois, du ciel ou du génie d’un homme. […] C’est un poète génialement bon, quand il est bon, mais génialement mauvais aussi, quand il est mauvais, et le malheur est qu’il est souvent plus mauvais que bon. […] J’y avais déjà passé… J’y avais déjà été arrêté par deux mauvais drôles, dont l’un s’appelle le Fatras et l’autre l’Ennui. […] Les Misérables, tisonnés, récemment, pour les faire reflamber et revivre dans un drame filialement mauvais, et dont tout le succès venait d’une petite fille qui jouait bien. […] Aux plus mauvais jours de notre Histoire, sous le sordide et abominable Philippe le Bel, on vit, aux États Généraux de France » Pierre Dubois, un des conseillers du Roi, demander nettement l’abolition de la Papauté, mais à la condition de faire une pension au Pape sur le patrimoine de saint Pierre.

141. (1921) Enquête sur la critique (Les Marges)

— Un critique qui garde le souci de sa propre gloire ou de ses petits intérêts est un mauvais critique. […] Pourtant, il me semble qu’il existe une critique, bonne ou mauvaise, pour les romanciers ; mais y en a-t-il une pour les poètes ? […] L’art doit se placer au-dessus de pareilles classifications provisoires ; littérairement cela va de soi, j’entends conserver la faculté d’admirer, avec tout le bon et le mauvais que cela comporte, un Duhamel ou un Dorgelès malgré leurs amis ; de même — malgré leurs thuriféraires — un Charles Péguy ou un Paul Claudel. […] Max Daireaux écrit : « … Les bons livres font naître les bons critiques, les mauvais livres les tuent… Il y a plus loin de Vigny, Hugo et Baudelaire à nos poètes, il y a plus loin de Stendhal, Balzac et Flaubert à nos romanciers, que de Sainte-Beuve à nos critiques. » De tous les avis, dans ce sens, le plus net a été formulé par Mlle Henriette Charasson : « Il n’y a pas de renouveau de la critique. » Elle se hâte d’ajouter, il est vrai, que nous avons, d’ailleurs, quantité de bons critiques, mais gênés par la camaraderie et par le directeur du journal où ils écrivent. […] Il observe, en effet, très justement, que s’il existe une critique, bonne ou mauvaise, pour les romanciers, il n’y en a pas du tout pour les poètes.

142. (1890) L’avenir de la science « XVIII »

Persuadées qu’elles possèdent le fin mot de l’énigme, ces bonnes âmes sont importunes, empressées ; elles veulent qu’on les laisse faire, elles s’imaginent qu’il n’y a que le vil intérêt et le mauvais vouloir qui empêchent d’adopter leurs systèmes. […] Car, avant d’arriver à la bonne solution, il faut en essayer beaucoup de mauvaises, il faut rêver la panacée et la pierre philosophale. […] Les conservateurs ont tort ; car l’état qu’ils défendent comme bon, et qu’ils ont raison de défendre, est mauvais et intolérable. […] Il est certain que la civilisation ne s’improvise pas, qu’elle exige une longue discipline et que c’est rendre un mauvais service aux races incultes que de les émanciper du premier coup. […] Le but de l’humanité est d’approfondir successivement tous les modes de vie, de les couver, de les digérer, pour ainsi dire, pour s’assimiler ce qu’ils contiennent de vrai et rejeter le mauvais ou l’inutile.

143. (1890) L’avenir de la science « XXII » pp. 441-461

Avec elle, on traverse les mauvais jours, sans en sentir le poids, on se fait à soi-même sa destinée, on use noblement sa vie 190  Voilà ce que j’ai fait, ajoutait le noble martyre de la science à qui j’emprunte cette page, et ce que je ferais encore ; si j’avais à recommencer ma route, je prendrais celle qui m’a conduit où je suis. […] Il serait de mauvais ton de se demander un instant si c’est vrai ; on l’accepte comme on accepte telle forme d’habits ou de chapeaux ; on se fait à plaisir superstitieux, parce qu’on est sceptique, que dis-je, léger et frivole. […] L’honneur de la philosophie est d’avoir eu toujours pour ennemis les hommes frivoles et immoraux, qui, ne trouvant point en eux l’instinct des belles choses, déclarent hardiment que la nature humaine est laide et mauvaise et embrassent avec une sorte de frénésie toute doctrine qui humilie l’homme et le tient fortement sous la dépendance. […] Mauvais jeu que celui-là ! […] La mauvaise couleur d’un mouvement n’est jamais un argument décisif.

144. (1887) Journal des Goncourt. Tome I (1851-1861) « Année 1859 » pp. 265-300

* * * — Si j’étais tout à fait riche, j’aurais aimé à faire une collection de toutes les saletés des gens célèbres sans talent, payant au poids de l’or le plus mauvais tableau, la plus mauvaise statue de celui-ci et de celui-là. […] C’est un logis qu’on dirait dramatisé avec les mauvais accessoires d’un théâtre de province. […] Il a un visage, moitié singe, moitié voyou de Londres, et une petite tête et un petit corps, où semblent germer tous les mauvais instincts d’un cocher de remise, d’une bonne de fille, d’un enfant de pauvre, enfin le type complet de l’emploi. […] Si cela empoisonne un peu la jouissance présente, l’imprévu ne vous désarçonne pas, — et vous êtes toujours prêt à aller au bout de tout ce que vous avez entrepris, avec une résolution délibérée, une volonté amassée, une patience constante des mauvais hasards. […] Au milieu du désordre des houppes, des pots de cold-cream, des cartons à serrer les fausses nattes, dans la lumière fumeuse et sentant la mauvaise huile de deux quinquets de cuivre à globes de lampe, assise sur un tabouret de piano, recouvert de maroquin gris perle, Lia, qui a l’air d’un petit séraphin gothique de maître primitif, et dont le corps grêle est perdu dans les grands plis d’une robe de chambre brune, aux compliments qu’on lui fait sur le talent qu’elle a su déployer, aux reproches qu’on lui adresse d’avoir été trop vite, Lia, la tête soulevée au-dessus de l’affaissement de tout son corps, répète d’un air à la fois hébété et tendre : « Ah !

145. (1767) Salon de 1767 « Adressé à mon ami Mr Grimm » pp. 52-65

Une autre raison de la pauvreté de ce sallon-cy, c’est que plusieurs artistes de réputation ne sont plus, et que d’autres dont les bonnes et les mauvaises qualités m’auroient fourni une récolte d’observations, ne s’y sont pas montrés cette année. […] Le serrurier, qui avoit femme et enfants, qui n’avoit ni vêtement ni pain à leur donner, et qu’on ne put jamais résoudre, à quelque prix que ce fût à faire une mauvaise gâche, fut un enthousiaste très-rare. […] Tu ne me réponds pas. écoute-moi donc, car je vais tâcher de t’expliquer comment les anciens, qui n’avoient pas d’antiques, s’y sont pris, comment tu es devenu ce que tu es, et la raison d’une routine bonne ou mauvaise que tu suis sans en avoir jamais recherché l’origine. […] Dites que les préjugés nationaux n’étant pas plus respectés dans mes lignes que les mauvaises manières de peindre, les vices des grands que les défauts des artistes, les extravagances de la société que celles de l’académie, il y a de quoi perdre cent hommes mieux épaulés que moi. […] On a bien plutôt dit cela est beau ; cela est mauvais ; mais la raison du plaisir ou du dégoût se fait quelquefois attendre, et je suis commandé par un diable d’homme qui ne lui donne pas le tems de venir.

146. (1909) Les œuvres et les hommes. Philosophes et écrivains religieux et politiques. XXV « Ernest Renan »

Embarrassé par les témoignages positifs de l’Évangile sur les guérisons de Notre-Seigneur, il dit que tout l’Orient d’alors guérissait par l’emploi des pratiques religieuses, et que ce fut la joie de revoir son ami (à travers les pierres de son sépulcre probablement) qui ressuscita Lazare, quoiqu’il sentît mauvais déjà (mais c’était le chagrin peut être de ne plus voir son ami qui le faisait sentir mauvais ?). […] Aussi, tournant le dos à ce qui lui aurait écrasé les yeux s’il l’avait regardé, il a, ce myope, courbé sa vue basse sur des imperceptibilités scripturaires, et il a donné des points et virgules pour base aux mauvais rêves qu’il a faits. […] Quelquefois des philosophes, importunés de l’exceptionnalité de ce fait éclatant d’ordre divin, nous ont fait la mauvaise plaisanterie de nous parler du bouddhisme, de son organisation religieuse et de la masse de ses croyants. […] Infaillible, permanente et universelle, prolongement de l’Incarnation et deux fois Rédemptrice, car elle sauve les âmes et dix fois elle a sauvé l’Humanité civilisée de la Barbarie, l’Église est encore plus étonnante pour le simple historien que pour le mystique, seul pouvoir qu’on ait jamais vu donner des résultats aussi fulgurants que celui-ci : sur dix-neuf siècles et deux cent cinquante-cinq papes, il n’y en a que dix qui furent accusés de mauvaises mœurs, et que trois sur les dix contre qui l’accusation est convaincante.

147. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « M. Jean Richepin »

Richepin est à sa mauvaise heure. […] Généreux d’instinct, il n’a vu que les côtés sombres, cruels, vicieux, menaçants de la pauvreté, comme le grand Balzac (ce qui, du reste, n’est pas une excuse), ne vit que les côtés mauvais du paysan dans ses Paysans. […] Mais les mauvais sentiments sont bêtes, et c’était une bêtise de l’Envie ; car si le saltimbanque domine et explique le poète, il est plus surprenant que le poète lui-même… On a déplacé l’un pour donner sa place à l’autre, mais pour cela on ne s’est pas arraché à la dure nécessité, qui fait tant de mal, d’admirer ! […] Je sais bien que dans le cas particulier de l’auteur des Névroses et de l’auteur des Blasphèmes, la Critique avait une espèce de mauvaise raison pour les accuser ou les soupçonner d’histrionisme dans leurs vers, et c’était, pour tous les deux, l’exhibition de leurs personnes, l’un dans les salons de Paris, et l’autre, résolument acteur, sur un théâtre, devant le public des théâtres. Mais c’était une mauvaise raison.

148. (1897) Le monde où l’on imprime « Chapitre premier. La critique et la vie littéraire » pp. 1-18

Comme dit le Laboratoire municipal, cela est « mauvais, mais pas nuisible ». […] C’est, dis-je, un signe, car celui qui saurait pouvoir s’intéresser à une lecture qu’il jugerait médiocre ferait bien de renoncer à toute critique son goût est mauvais, ou son jugement faux, et sa critique vide. […] » Sur le sculpteur Flipart : « Rien qui vaille. » Sur le graveur Moette : « On ne saurait plus mauvais. » Non, Diderot n’atténuait d’aucune périphrase sa sincérité. […] Si le mauvais livre est d’un inconnu ou d’un inédit, je n’ai garde d’en parler.

149. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Le maréchal de Villars — V » pp. 123-131

Voltaire lui avait adressé une pièce de vers pour s’excuser de ne pouvoir aller à Villars au printemps de 1722 ; sa mauvaise santé l’avait engagé à se mettre dans les remèdes, entre les mains d’un empirique appelé Vinache : Je me flattais de l’espérance D’aller goûter quelque repos Dans votre maison de plaisance ; Mais Vinache a ma confiance, Et j’ai donné la préférence Sur le plus grand de nos héros Au plus grand charlatan de France. […] Voilà, mon grand poète, tout ce que je puis vous dire en mauvaise prose pour vous remercier de vos vers. […] Le public, disposé à tout blâmer, trouva, pour cette fois avec raison, que tout le monde avait tort : Voltaire, d’avoir offensé le chevalier de Rohan ; celui-ci, d’avoir osé commettre un crime digne de mort, en faisant battre un citoyen ; le gouvernement, de n’avoir pas puni la notoriété d’une mauvaise action, et d’avoir fait mettre le battu à la Bastille pour tranquilliser le batteur.

150. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Histoire de la querelle des anciens et des modernes par M. Hippolyte Rigault — I » pp. 143-149

L’abbé Prévost y insiste et le discute, au sujet même de l’abbé de Pons : Je ne sais, dit-il22, par quel préjugé on s’est persuadé depuis quelque temps que les cafés sont une mauvaise école pour l’esprit et pour le goût. […] J’en conclurai seulement qu’en France, à la date de l’abbé de Pons, ce n’était pas une mauvaise note de fréquenter le café dont La Motte avait fait son salon du matin. […] Celui-ci lui ayant lu sa pièce du Lot supposé avant la représentation, il l’avait approuvée, et il se croyait comptable devant l’auteur et devant tous de son premier jugement : Il me semble, disait-il, que lorsqu’un ouvrage livré à notre censure nous a semblé bon, nous devons à l’auteur l’hommage public du jugement avantageux que nous en avons porté… Quand il me serait arrivé de trouver bon un ouvrage que le public aurait ensuite jugé mauvais, il n’y aurait pas grand mal à cela, et j’ose assurer que je serais en ce cas moins mécontent de moi, que si, dissimulant lâchement mon estime, je m’étais épargné cette espèce d’humiliation.

151. (1892) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Cinquième série « Guy de Maupassant »

Il me dit qu’il était en train d’écrire une longue nouvelle, dont la première partie se passait dans un mauvais lieu et la seconde dans une église. […] Bonne ou mauvaise, je crois que l’influence de Flaubert sur ses premières années a été considérable  à cet égard et à quelques autres. […] La vie est mauvaise, elle n’a d’ailleurs aucun sens.

152. (1767) Salon de 1767 « Les deux académies » pp. 340-345

Les quarante oies viennent de couronner une mauvaise pièce d’un petit Sabatin Langeac, pièce plus jeune encore que l’auteur, pièce dont on fait honneur à Marmontel, qui pourrait dire comme le paysan de Mme De Sévigné accusé par une fille de lui avoir fait un enfant : je ne l’ai pas fait ; mais il est vrai que je n’y ai pas nui ; pièce que Marmontel a lue à l’assemblée publique, sans que la séduction de sa déclamation en ait pu dérober la pauvreté ; pièce qui a ôté le prix à un certain M. de Rhulières, qui avait envoyé au concours une excellente satire sur l’inutilité des disputes, excellente pour le ton et pour les choses, et qu’on a cru devoir exclure pour cause de personnalités. […] Mais si celle de La Harpe est mauvaise et si pourtant elle est meilleure que celle du petit Sabatin, celle-ci est donc détestable ? […] N’allez pas inférer de cette histoire que, si la vénalité des charges est mauvaise, le concours ne vaut guère mieux, et que tout est bien comme il est.

153. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 5, des études et des progrès des peintres et des poëtes » pp. 44-57

Je ne dis point pour cela qu’il faille prendre à mauvais augure la critique d’un jeune homme qui remarque des défauts dans les ouvrages des grands maîtres : il y en a véritablement, car ils étoient des hommes. […] Ce que je regarde comme un mauvais présage, c’est qu’un jeune homme soit peu touché de l’excellence des productions des grands maîtres : c’est qu’il n’entre point dans une espece d’enthousiasme en les lisant : c’est qu’il ait besoin, pour connoître s’il doit les estimer, de calculer les beautez et les défauts qu’il y compte, et qu’il ne forme son avis sur leur mérite qu’après avoir soudé son calcul. […] Ils les apprennent avec peine, et ils les font de mauvaise grace.

154. (1905) Propos littéraires. Troisième série

Elle y fait merveille, je le reconnais ; mais elle ne fait pas si mauvaise mine dans la nôtre. […] Elle est bonne chez les uns, elle est mauvaise chez les autres. […] Le précepteur a de très mauvais jours, et de détestables nuits. […] C’est là que je surprendrai sa morale, et, selon que sa morale me paraîtra bonne ou mauvaise, je déclarerai son roman mauvais ou bon, comme il est juste. […] Mais puisqu’elle est bonne, je ne puis pourtant dire qu’elle est mauvaise.

155. (1897) Le monde où l’on imprime « Chapitre XVI. Consultation pour un apprenti romancier » pp. 196-200

Le mauvais artisan fait faux, et donc inexistant parce qu’il n’aime pas assez la vie (les arbres, les rues, les calculs, les têtes…) pour en pénétrer le sens : on ne comprend qu’en aimant. […] Que vous vous développiez probe écrivain ou mauvais gâcheur, qui donc s’en apercevra ?

156. (1802) Études sur Molière pp. -355

Si tout ne prouve pas qu’il s’est altéré sur la route, que nous avons enfin une bonne et mauvaise tradition, et que la dernière est par malheur la plus accréditée ? […] Les changements, les retranchements que les acteurs se permettent, tiennent aussi à une bonne ou à une mauvaise tradition ; et cette bonne ou mauvaise tradition, nous la devons aux comédiens qui aiment, qui connaissent leur art, ou à ceux qui le ravalent au talent du singe et du perroquet. […] cela sent mauvais et je suis tout gâté ; Nous sommes découverts, tirons de ce côté. […] Oui, mais sans ses mauvais procédés il devenait époux comme son frère. […] À vous, merveilleux de tous les siècles, qui rendez les conversations si pitoyables en y prodiguant les turlupinades, les mauvaises plaisanteries, les insipides calembours.

157. (1714) Discours sur Homère pp. 1-137

Franchissons le mot : Homere n’étoit un homme rare que par l’extravagance et le mauvais sens. à quoi s’en tenir ? […] Faut-il que cette mauvaise honte s’étende sur des choses d’aussi petite importance que la réputation d’un poëte ? […] On prétend que cette exactitude est de leur devoir : mauvaise raison cependant pour excuser les redites. […] Combien les premiers joueurs d’instrumens tiroient-ils de mauvais sons, dont les oreilles encore ignorantes n’étoient point offensées ? […] En un mot, on m’opposera de bonnes ou de mauvaises raisons : je ferai gloire de me rendre aux bonnes, et le public fera justice des mauvaises.

158. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — P — Pottecher, Maurice (1867-1960) »

Pottecher consiste à prendre une idée générale et à la symboliser, ainsi que son contraire, dans des personnages qui naturellement se choquent et de la conduite desquels on peut voir sortir les conséquences bonnes ou mauvaises des idées représentées. […] La foule assiste, pour ainsi dire, au grand spectacle de la bataille de ses instincts bons et mauvais.

159. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XX » pp. 215-219

Cette société faisait cause commune avec la cour contre le mauvais langage et les mauvaises manières, et eut peut-être la plus grande part à leur réprobation ; mais elle faisait cause commune avec les bonnes mœurs de sa préciosité contre la licence de la cour et contre celle des écrivains nouveaux et elle eut la plus grande part à leur défaite.

160. (1761) Salon de 1761 « Peinture —  Hallé  » pp. 127-130

Il n’a rien dans la tête, et c’est un mauvais peintre. […] Il n’y a que deux mauvais moments, et c’est précisément l’un des deux que vous prenez.

161. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 26, que les sujets ne sont pas épuisez pour les peintres. Exemples tirez des tableaux du crucifiment » pp. 221-226

Rubens sans mettre des diables à côté de son mauvais larron comme l’avoient pratiqué plusieurs de ses devanciers, n’a pas laissé d’en faire un objet d’horreur. […] Le mauvais larron s’est donc soulevé sur son gibet, et dans cet effort que la douleur lui a fait faire, il vient d’arracher la jambe qui a reçu le coup en forçant la tête du cloud, qui tenoit le pied attaché au poteau funeste.

162. (1899) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Septième série « Réponse à M. Dubout. » pp. 305-316

Charité perdue, comme vous l’avez vu par le factum qui encombre ce numéro, et qui est sans aucun doute ce que la Revue 6 a publié de plus mauvais depuis sa fondation. […] Qu’il me prête de mauvais sentiments, je m’en arrange encore ; mais qu’il ne me prête pas son style ! […] … On peut avoir fait un mauvais drame, et non seulement n’être pas un sot, mais encore, par d’autres dons que ceux qui font le bon dramaturge et le bon écrivain, par un autre tour d’imagination, par l’activité, l’énergie, la bonté, par toute sa complexion et sa façon de vivre, être un individu plus intéressant et de plus de mérite que tel littérateur accompli. » Non, je ne raille point.

163. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome II « Querelles générales, ou querelles sur de grands sujets. — Première Partie. Des Langues Françoise et Latine. — De la langue Françoise. » pp. 159-174

Un des premiers génies de ce siècle, dans une de ses lettres en réponse à celle d’un jeune homme de douze ans, élevé suivant le systême de l’éducation particulière, & qu’on avoit fait commencer par l’étude de sa propre langue, le félicitoit de n’être pas au collège, parce qu’il n’auroit eu qu’un mauvais stile. […] Et, quant au mauvais françois, au stile même barbare qu’un jeune homme se fait dans les collèges, ce langage s’épure ensuite par l’usage du monde & par la bonne compagnie. […] Un des écrivains qu’on a le plus accusé d’avoir introduit ce stile, d’avoir fait, quoiqu’excellent original, les plus mauvaises copies, c’est Fontenelle : on le compare à Séneque pour la prose, & à Ovide pour les vers.

164. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre XII. Mme la Princesse de Belgiojoso »

On n’y trouve qu’un volume de Don Quichotte qui la retient, quand l’idée la prend d’être trop chevalière errante, et qui la rappelle tout à coup à l’ordre, avec la grosse voix de Sancho, Ce qu’elle décrit avec le plus de soin, ce sont les paysages, et elle les nuance comme elle ferait de sa tapisserie dans son boudoir, ou la beauté de quelques femmes dont elle dit successivement, avec une négligence et une bonne foi, ou une mauvaise, mais qu’on aime : « Celle-là était la plus belle femme que j’aie jamais vue en Asie », ou enfin les atours inouïs de luxe et de poésie parfois, mais plus souvent de mauvais goût, de ces grandes coquettes Barbares. […] Si la polygamie existe en Orient, nous avons certainement quelque chose de plus mauvais en Amérique et même en Europe, dans les pays où le divorce introduit dans la loi et faisant sa place dans les mœurs, le divorce qui livre la femme au plus offrant et dernier enchérisseur, tout le temps qu’elle est belle, produit nécessairement la polyandrie. L’humanité, depuis qu’elle existe, a toujours roulé entre trois systèmes et l’esprit humain n’en conçoit pas un quatrième : la polyandrie, le plus mauvais de tous, car il crée l’amazonat sous toutes les formes, le massacre des enfants et la pulvérisation sociale ; la polygamie, qui ruinerait l’État, si le sabre de Mahomet n’y mettait ordre, et enfin la monogamie, ce diamant divin d’une eau si pure, qui est l’exclusion de tous les inconvénients, qui agrandit la tête, épure le cœur et équilibre toutes les facultés.

165. (1866) Petite comédie de la critique littéraire, ou Molière selon trois écoles philosophiques « Première partie. — L’école dogmatique — Chapitre III. — Du drame comique. Méditation d’un philosophe hégélien ou Voyage pittoresque à travers l’Esthétique de Hegel » pp. 111-177

La comédie est un symbole moins clair, moins magnifique, de la Vérité morale, que la tragédie ; mais, puisqu’elle est un art et un art important, je puis affirmer a priori qu’elle la représente à sa manière, que certainement elle ne la contredit pas, et que si des poètes comiques l’ont contredite, ce sont de mauvais comiques et de mauvais poètes. […] Ce petit peuple, bouffi d’ineptie et de mauvaises passions, qui déblatère et se démène contre la saine politique et contre l’ordre social, ces enfants qui insultent à la majesté paternelle, sont réellement en guerre contre le Divin et non contre son apparence. […] Shakespeare ne met pas un mauvais sujet sur la scène, sans l’enrichir généreusement de toutes les grâces de l’imagination poétique, de la raison solide et de l’esprit. […] Une bonhomie fine, un abandon mesuré, dans les rapports du poète comique avec son public, ne sont pas choses mauvaises. […] Si Shakespeare se contentait de pleurer, pendant que Voltaire paraît pleurer, Shakespeare serait un mauvais poète .

166. (1864) Cours familier de littérature. XVII « XCIXe entretien. Benvenuto Cellini (1re partie) » pp. 153-232

« Ils obéirent, et me transportèrent ainsi à la tour de Nona, me couchèrent sur un mauvais matelas, et laissèrent un garde auprès de moi, qui me disait sans cesse : Hélas ! […] me dit-il, il n’est plus temps de dormir ; on vient vous apporter une mauvaise nouvelle […] On me jeta une mauvaise paillasse, et je fus enfermé, sans souper, sous quatre guichets. […] Il trouvait que j’étais mauvais compagnon de voyage, attendu que j’avais su me défendre ; et moi je le lui rendais, parce qu’il ne me fut d’aucun secours. […] « Laurenzino, dit Benvenuto, s’y employa très froidement, en regardant le duc de mauvais œil.

167. (1772) Bibliothèque d’un homme de goût, ou Avis sur le choix des meilleurs livres écrits en notre langue sur tous les genres de sciences et de littérature. Tome I « Bibliotheque d’un homme de goût. — Chapitre I. Des poëtes anciens. » pp. 2-93

Affligée du mauvais succès de cet essai, & dégoûtée de son travail, elle jetta au feu ces quatre Comédies, & recommença. […] Plusieurs écrivains se sont exercés sur ce Poëte dans le siécle dernier & dans celui-ci ; mais on ne lit plus depuis long-tems les mauvaises traductions en vers & en prose par l’Abbé de Marolles. […] La Chapelle étoit effectivement de cette compagnie ; mais ce n’est pas parce qu’il en étoit, que son ouvrage est mauvais. […] Supposé qu’il y eût des défauts, ce ne sont pas au moins des défauts qui viennent du fond vicieux ou de la mauvaise construction de la fable ; mais uniquement du tems qui a manqué à l’auteur pour finir son ouvrage. […] L’Abbé de Marolles, le Scudery des traducteurs, en donna une mauvaise version en 1660.

168. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « George Sand — Note »

D’ailleurs ce n’est pas vous, qui comprenez si bien la pensée de toutes choses, qui pouvez être un mauvais juge de la mienne. »  Vers ces premiers temps de notre connaissance, qui coïncidait avec l’entrée de George Sand à la Revue des Deux-Mondes, les directeur et propriétaires de cette Revue réunirent les principaux de leurs rédacteurs ou amis à un dîner chez Lointier, rue Richelieu.  […] Je les apprécie bien comme de belles fleurs et de beaux fruits, mais je ne sympathise pas avec eux ; ils m’inspirent une sorte de jalousie mauvaise et chagrine : car, après tout, pourquoi ne suis-je pas comme eux ? […] Jouffroy, n’ayant pas appris que ces questions existent, n’a pas grand mérite à les nier ; mais vous qui, ayant songé à tout et peut-être goûté à des choses immondes comme font les chimistes, avez déclaré que la chair humaine est mauvaise et malsaine, et vous êtes décidé à vivre d’aliments choisis, apparemment vous avez le discernement, c’est-à-dire, dans le sens moral, la lumière et la force. […] Je ne promets pas de me rendre aveuglément à toutes vos critiques (quoique vous en soyez trop avare avec moi) : nous avons tous une partie de nous-même en jeu dans nos œuvres, et nous tenons souvent autant à nos défauts qu’à nos qualités ; mais un lecteur éclairé voit mieux que nous, quand nous rendons bien ou mal nos idées les plus personnelles, et nous empêche de donner une mauvaise forme à nos sentiments. […] C’était bien là mon idée, en la montrant et si sage et si folle ; mais votre remarque me prouve que je ne l’ai pas assez expliquée. — Je ferai attention aussi, en corrigeant les épreuves, aux expressions louches et aux mauvaises constructions que vous m’avez signalées.

169. (1890) L’avenir de la science « XIII »

Faire du torchon avec de la dentelle est de toute manière un mauvais calcul. […] C’est pitié de voir un savant, pour ne pas perdre un chapitre de son livre, condamné à faire l’histoire de la médecine chinoise à peu près dans les mêmes conditions qu’un homme qui ferait l’histoire de la médecine grecque d’après quelque mauvais ouvrage arabe ou du Moyen Âge. […] Il est difficile de dire combien les choses scientifiques en passant ainsi de main en main, et s’écartant de leur source première, s’altèrent et se défaçonnent, sans mauvaise volonté de la part de ceux qui les empruntent. […] Le mot de Pline est vrai à la lettre : il n’y a pas de livre si mauvais qu’il n’apprenne quelque chose. […] Il est triste de songer que les trois quarts des choses de détail que l’on cherche sont déjà trouvées, tandis que tant d’autres mines où l’on découvrirait des trésors restent sans ouvriers, par suite de la mauvaise direction du travail.

170. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Livre IV : La philosophie — II. L’histoire de la philosophie au xixe  siècle — Chapitre II : Rapports de l’histoire de la philosophie avec la philosophie même »

La distinction des bonnes et des mauvaises passions n’est pas ici applicable, car les bonnes passions ne sont pas plus aptes que les mauvaises à juger du vrai et du faux. […] L’orgueil, dit-on, est la cause de toutes les mauvaises doctrines : c’est pour se distinguer des autres hommes que l’on se fait incrédule et libre penseur ; on est bien aise d’avoir montré ainsi qu’on a secoué le joug. […] A dire vrai, je ne vois pas qu’il y ait sous ce rapport grande différence entre les bonnes et les mauvaises philosophies. […] Les meilleurs philosophes sont très-piqués quand on touche à leurs idées ; et le prédicateur qui vient de faire un sermon éloquent contre l’orgueil des philosophes serait de très-mauvaise humeur, si on lui disait que son sermon est mauvais.

171. (1772) Bibliothèque d’un homme de goût, ou Avis sur le choix des meilleurs livres écrits en notre langue sur tous les genres de sciences et de littérature. Tome I « Bibliotheque d’un homme de goût. — Chapitre VI. Des Livres qui traitent de la Rhétorique. » pp. 294-329

En ceci, comme dans les autres sciences, le bon est borné & le mauvais est infini. […] Papon parut dans une mauvaise circonstance. […] L’Art Oratoire réduit en exemples, en 4. volumes in-12. 1760. par Gerard de Benat, est une compilation, où l’on propose quelquefois de mauvais modèles. […] Le blâme peut être bon, mais la raison sur laquelle on l’appuie est fort mauvaise, à moins qu’on ne suppose une doctrine perverse dans ses citations. […] Geneviéve, donne aux Orateurs dans son Poëme sur les mauvais gestes de ceux qui parlent en public, & sur-tout dès Prédicateurs.

172. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Chapitre onzième »

Un utopiste de son temps, qu’il appelle du pseudonyme de Cassius, trouvait toutes choses si mauvaises dans son pays, qu’il s’était fait conspirateur. « Marié, écrivait-il à Rousseau, j’ai cru longtemps combiner mes affections avec mes devoirs. […] Rousseau s’est fait illusion, en croyant que ce qu’il appelle « le doux coloris de l’innocence » y serait un correctif des « tableaux voluptueux. » Un précepteur qui séduit son élève, une jeune fille « qui se laisse vaincre à l’amour », seront toujours de mauvais professeurs de morale. […] La nature le fait bon ; c’est la société qui, par une mauvaise éducation publique ou privée, le fait mauvais. […] Mais l’impression dernière des Confessions, c’est que Rousseau, faute de s’être connu lui-même, ne s’y est pas confessé ; c’est qu’il a défiguré, faute de les avoir connus, presque tous ceux qu’il y a peints ; c’est qu’en croyant faire une bonne action, il a donné un mauvais exemple. […] Toutes les fois que le devoir était la seule issue d’un mauvais pas, il y restait engagé ou s’y enfonçait plus avant.

173. (1887) Journal des Goncourt. Tome I (1851-1861) « Année 1857 » pp. 163-222

Tout ce tendre, tout ce vaporeux hystérique, toute cette surexcitation de la tête par le cœur, font de la religion catholique un mauvais mode d’éducation de la femme pauvre. […] La femme aime naturellement la contradiction, la salade vinaigrée, les boissons gazeuses, le gibier faisandé, les fruits verts, les mauvais sujets. […] Cela commence à nous inquiéter comme un mauvais présage. […] Et des émotions, et des mauvais pressentiments. […] Je monte dans une chambre : c’est une très mauvaise chambre d’auberge dans une ville où les diligences ne passent plus.

174. (1907) Propos littéraires. Quatrième série

Ceci, ô Kami, n’était point mauvais. […] Mauvais public. […] Il n’y a de pessimiste que celui qui croit que l’homme est mauvais et restera tel, — et celui qui croit que l’homme est mauvais et qu’un secours versé d’ailleurs peut le rendre bon et le sauver. […] Ce n’est pas qu’ils soient toujours mauvais, ces vers intercalaires. […] Il n’est pas mauvais de leur dire qu’ils ont une mission à remplir, non une transmission à opérer.

175. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Mémoire de Foucault. Intendant sous Louis XIV »

Aïeul dur et serré, père réglé et honnête homme, fils mauvais sujet, c’est l’histoire de bien des familles, c’est presque une loi. […] Il raconte que, dans une de ses tournées de début, un consul de Nogaro, qui était à la fois médecin, lui dit dans sa harangue « que le roi l’avait envoyé dans la province pour la purger de tous les fainéants et gens de mauvaise vie, et qu’au sentiment d’Hippocrate ce qui formait les humeurs peccantes était l’oisiveté. » L’idée, en un sens, n’était pas aussi fausse que l’expression était ridicule. — « Je gardai mon sérieux, ajoute Foucault, mai les assistants ne se crurent pas obligés à la-même gravité. » Foucault, comme autrefois Fléchier aux Grands Jours d’Auvergne, se moque des harangueurs surannés de la province ; il est un homme, de goût par rapport à ce consul. […] Non content d’écrire à Louvois pour réclamer des mesures de rigueur, et avant même d’avoir la réponse, Foucault s’adresse au Père de La Chaise pour lui suggérer d’autre part des moyens auxiliaires plus doux ; il propose non plus ici des cavaliers et des dragons, mais d’autoriser une conférence, par exemple, où les points controversés soient agités, disant que les ministres et les principaux religionnaires de ces contrées ne cherchaient qu’une porte honnête pour rentrer dans l’Église : « Ceux, ajoute-t-il, qui sont les plus considérés et les plus accrédités dans le parti m’ont assuré que c’était la seule voie qui pût faire réussir le grand projet des conversions ; que celles de rigueur, de privation des emplois, les pensions et les grâces seraient inutiles. » Dans un voyage qu’il fait à Paris, il en parle également au chancelier Le Tellier, lequel a d’ailleurs peu de goût pour Foucault, et qui ferme l’oreille à sa proposition : « Il la rejeta absolument, disant qu’une pareille assemblée aurait le même succès que le Colloque de Poissy ; que le pape trouverait mauvais que l’on fît une pareille conférence sans sa participation, et me défendit d’en parler au roi. […] La mort de Colbert, en septembre 1683, le priva de son puissant appui et le laissa à la merci de tous les mauvais vouloirs de la Cour.

176. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Appendice. »

mauvais jour où je fus occupée À veoir passer archiers et gens du roy ! […] mauvais jour où la vile en esmoy Portant ès cieulx chants et cris d’alégresse Devers iceuix courut en grant liesse !

177. (1875) Premiers lundis. Tome III « Lafon-Labatut : Poésies »

Ne m’arrivera-t-il pas de remplacer le mauvais par le plus mauvais encore ?

178. (1788) Les entretiens du Jardin des Thuileries de Paris pp. 2-212

madame, lui répondîmes-nous, unanimement, que de mauvais chemins, que de mauvais gîtes, que de contre-temps avant d’être en face des choses rares & précieuses que l’Italie présente à l’œil du voyageur. […] Cela n’empêche pas que nous ne disions souvent de bonnes vérités, & que nous ne soyons des troupes légeres qui arrêtent le débordement des mauvais livres & de mauvaises opérations. […] Nous sommes bretailleurs, il est vrai, mais contre les mauvais sujets. […] Ils sont la sentinelle qui avertit le public, & qui écarte les mauvais auteurs. […] Les lettres de l’alphabet bien ou mal mêlées, font la différence d’un bon & mauvais livre.

179. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Livre II — Chapitre cinquième »

Tout, dans ces poésies, roule sur les peines de l’amour ; tout est mauvais traitements, angoisses ; il n’y a ni relâche ni congé dans ce que les poëtes de cette école appellent le service de l’amour. […] Il y a un accent de mâle éloquence dans cette apostrophe aux rois qui accablent leurs sujets d’impôts, et qui boivent le sang du peuple dans des vases dorés : Mauvais pasteurs du peuple, écorchez vos troupeaux, Pour changer en draps d’or leurs misérables peaux. […] D’une autre : « Ceci est dit sans jugement. » D’une autre : « Sot et lourd. » D’un latinisme « La langue latine se sert de cette épithète mais la françoise, non. » D’un tour prétentieux : « Ceci pipe le monde, et ce n’est rien qui vaille. » D’un pétrarchisme : « Ceci est sans jugement, n’en déplaise à l’italien où il est pris. » D’un autre : « Bourre excellente, prise de l’italien, où elle ne vaut non plus qu’en françois. » D’une mauvaise rime : « Rime gasconne et provençale, mais non pas française » ; et cent autres de ce genre : Étrange oisonnerie, niaiserie, pédanterie, mal, très-mal, impertinent ; critiques peu civiles, j’en conviens, mais dont l’exactitude est d’autant plus admirable qu’il était plus difficile de voir juste à une époque où tant d’imitations pouvaient troubler le sens le plus sûr, et où la faveur publique protégeait la mauvaise poésie. […] Desportes ferait illusion même à des esprits cultivés, parce que les vices de sa langue viennent le plus souvent du mauvais emploi qu’il fait d’un esprit fin, délié, dont la retenue paraît venir du goût, plutôt que de la peur de tomber comme Ronsard. […] Il n’y eut pas une mauvaise métaphore qu’il ne dénonçât, pas une comparaison inexacte qu’il n’effaçât du revers de sa plume.

180. (1911) La morale de l’ironie « Chapitre IV. L’ironie comme attitude morale » pp. 135-174

Et je ne veux pas dire que tous ces mensonges soient mauvais, que toutes ces illusions doivent se dissiper. […] Si nous comprenons ce qu’il y a d’incohérent, d’essentiellement mauvais, de ridicule dans le monde, reconnaissons aussi nos incohérences et nos petitesses, et si nous ne pouvons les comprendre, méfions-nous en par provision. […] Mais si l’ironie nous avertit qu’il en est aussi de mauvaises, c’est un service qu’elle nous rendra. […] Il n’est pas mauvais que nous nous en apercevions quelquefois et que nous n’ayons point trop la prétention d’ériger en dogme éternel et immortel, nos opinions et nos goûts qui sont toujours affaire de temps, de lieu, de circonstances et qui relèvent même de notre fantaisie. […] Il se rappellera que tout sentiment, tout acte n’est bon ou mauvais que dans des circonstances précises et que sa valeur dépend de ces circonstances ; que le meurtre, par exemple, est quelquefois moralement supérieur à la pitié.

181. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « II. M. Capefigue » pp. 9-45

Les mauvaises mœurs du xviiie  siècle ne seront jamais pour M.  […] Capefigue n’est pas, certes, le plus mauvais des écrivains qui ont pris pour leur idéal le xviiie  siècle. […] La maison de Bourbon, brillante de qualités qu’il faut reconnaître, malgré le prestige d’une attitude chevaleresque et l’éclat de l’épée, qui sera toujours la fascination irrésistible dans une nation de soldats, la maison de Bourbon est morte… de ses mauvaises mœurs. […] Il y a plus : elles sont assez mauvaises pour qu’il ait l’embarras de leur vide et qu’il renonce un de ces jours à l’opinion qui voudrait animer son livre et qui, par faiblesse, le trahit. […] elles sont quelque chose d’absolument mauvais en soi et d’un vice hors de proportion avec tout autre.

182. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre XIX. Progression croissante d’enthousiasme et d’exaltation. »

Le chrétien sera loué d’être mauvais fils, mauvais patriote, si c’est pour le Christ qu’il résiste à son père et combat sa patrie. […] Mais le bon sens vulgaire est un mauvais juge quand il s’agit des grandes choses.

183. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome II « Querelles générales, ou querelles sur de grands sujets. — Troisième Partie. De la Poësie. — II. La versification, et la rime. » pp. 257-274

Pour amener un bon vers, elle oblige souvent d’en faire un mauvais. […] Le mauvais poëte, celui qui veut porter un poids au-dessus de ses forces, tombe seul dans cet inconvénient. […] On observera que La Mothe, ce grand anti-rimeur, se plaignit, en même temps, du peu d’indulgence qu’on a pour les mauvais poëtes, & condamna l’axiome d’Horace*.

184. (1824) Notes sur les fables de La Fontaine « Livre neuvième. »

C’est un fort mauvais présent que Pilpai a fait à La Fontaine. […] Je ne sais comment La Fontaine a pu faire une aussi mauvaise petite pièce sur un sujet de morale si heureux : tout y porte à faux. […] Autre mauvaise fable.

185. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « M. Antoine Campaux » pp. 301-314

L’un en lin était un parasite honnête, une fourchette suppliante, l’autre était un Mauvais Garçon, un Ribaud, et sa fourchette était le croc menaçant qui enlevait la fortune du pot, quand le pot avait une fortune ! […] Ces bons tours, que j’appellerai mauvais, le xviie  siècle, le solennel xviie  siècle les continuait, en riant, quand Scapin volait cinq cents écus à Géronte et le bâtonnait dans son sac. […] C’était la seule manière qu’il y eût de relever le poète de la dégradation que lui a fait subir le jugement sommaire de la Postérité, qui n’a vu, elle, sous son tabard usé par la misère, que le maillotin, le mauvais garçon, l’enfant terrible d’un Paris terrible, et qui s’en est trop détournée.

186. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Marivaux. — I. » pp. 342-363

qu’il naîtrait de beaux ouvrages, s’écrie-t-il, si la plupart des gens d’esprit qui en sont les juges tâtonnaient un peu avant de dire : Cela est mauvais ou Cela est bon !  […] Je crois, pour moi, dit Marivaux, qu’à l’exception de quelques génies supérieurs qui n’ont pu être maîtrisés, et que leur propre force a préservés de toute mauvaise dépendance, je crois qu’en tout siècle la plupart des auteurs nous ont moins laissé leur propre façon d’imaginer que la pure imitation de certain goût d’esprit que quelques critiques de leurs amis avaient décidé le meilleur. […] Et comment, par exemple, n’appellerait-on point précieux un observateur qui vous dit, en voyant dans une foule les figures laides faire assaut de coquetterie avec les figures plus jolies (la page est curieuse et dispense d’en lire beaucoup d’autres ; mais, à côté du bon Marivaux, il faut bien qu’on sache où est le mauvais) : J’examinais donc tous ces porteurs de visages, hommes et femmes ; je tâchais de démêler ce que chacun pensait de son lot, comment il s’en trouvait : par exemple, s’il y en avait quelqu’un qui prît le sien en patience, faute de pouvoir faire mieux ; mais je n’en découvris pas un dont la contenance ne me dît : « Je m’y tiens. » J’en voyais cependant, surtout des femmes, qui n’auraient pas dû être contentes, et qui auraient pu se plaindre de leur partage, sans passer pour trop difficiles ; il me semblait même qu’à la rencontre de certains visages mieux traités, elles avaient peur d’être obligées d’estimer moins le leur ; l’âme souffrait : aussi l’occasion était-elle chaude. […] Celle à qui appartenait ce visage se tirait à merveille de ce mauvais pas, et cela sans doute par une admirable dextérité d’amour-propre, etc., etc. […] La revanche est complète : il la croit coupable et s’éloigne : elle, innocente et fière, se hâte de rompre avec le protecteur hypocrite, M. de Climal ; et sa première pensée, après l’avoir congédié, est de lui renvoyer cette parure, cette robe et ce linge fin qu’il lui a donnés à si mauvaise intention.

187. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « [Chapitre 5] — III » pp. 132-153

Nous ne sommes pas faits pour tant de difficultés et de circonspection a Véritablement nous sommes mal élevés, c’est la faute des chefs que nous nous sommes donnés ; nous craignons nos mies, nous respectons leurs injustices grossières et leur mauvaise conduite, quoique nous en disions de bonnes sur cela entre nous. […] Il estime que le malheur de la plupart des hommes provient d’inquiétude, et de cette poursuite éternelle de quelque chose d’autre, au lieu de jouir de ce qu’on a : « Les hommes, dit-il, sont toujours in via et jamais in mansione. » Il attribue cette inquiétude à l’exemple, à l’imitation, à des causes étrangères à la nature de l’homme : « C’est une mauvaise et extraordinaire habitude, croit-il, dont nous pouvons être corrigés par le progrès de la raison universelle, comme on l’a été de la superstition et de quantité d’habitudes barbares et de façons de penser peu approfondies. » Pour lui, il est heureux et content de vivre ; il lui semble assister à un beau spectacle, à un joli songe ; si l’envie prend parfois au spectateur de faire l’acteur, c’est une faute, on est sifflé (il en sait quelque chose), et l’on s’en repent. […] Il s’est trouvé plus prudent que téméraire quant à l’exécution de ses démarches2 ; de là lui sont venues bien des disgrâces et une mauvaise réputation. […] Tels sont les grands artistes, ordinairement mauvais ouvriers sous des maîtres. […] mais de dessous une aristocratie odieuse, — non une aristocratie de noblesse qui penserait plus généreusement, — mais une satrapie de roture qui a tout mis en formes, en mauvaises règles, en méchants principes et en ruine. » Il avait donc pensé que, « pour mieux gouverner, il ne s’agissait que de gouverner moins », et d’organiser la monarchie elle-même à l’aide d’une démocratie bien entendue, très divisée, non périlleuse, c’est-à-dire d’un système municipal et cantonal ; il en forme le plan détaillé, essayant en quelque sorte de provoquer un second établissement des communes par le bienfait direct de la royauté.

188. (1888) Revue wagnérienne. Tome III « V »

Mais à ce moment, malgré tous les bruits qu’on a fait courir, la location de la salle était très mauvaise (vu, sans doute, le prix ridiculement élevé des places), un insuccès financier était probable, les dernières représentations devant des salles vides et par conséquent une chute artistique ; qu’en outre il y ait eu des menaces contre la personne du chef d’orchestre, cela est possible ; mais la vérité, la vérité sans conteste, absolue, évidente, c’est que M.  […] Les belles œuvres ne sauraient plaire à ceux qui vivent des mauvaises, et au besoin s’en engraissent. […] Jacques Saint-Cère soit plus spécialement mauvaise que les traductions qu’on publie couramment des œuvres de Wagner, nous ne pouvons pas le dire. […] Il cherchait un homme qui eût la puissance et la volonté de l’aider : « Si je trouvais un prince ayant dans l’âme assez d’idéal pour me comprendre, assez de grandeur pour m’aider de sa puissance, — l’avenir de l’art serait assuré. » Trouverez-vous mauvais, Elisabeth, que j’aie considéré ces belles paroles comme un appel du destin adressé à moi, à moi ! […] Le bâtiment fut reconstruit mais il prit feu à nouveau en cette année 1887, à cause d’une mauvaise utilisation de l’éclairage au gaz, ce qui causa la mort de quatre-vingt-quatre personnes.

189. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Introduction »

mais il y a de bons et de mauvais sentiments, les uns qui nous guident et nous révèlent, les autres qui nous égarent et nous pervertissent. […] Que l’on nous explique cette liberté de fait conquise par ces sortes de sciences, si l’on admet que cette liberté de penser est en soi une chose mauvaise. […] Les mauvaises passions plaident trop haut en faveur de l’incrédulité. […] Comment la méthode qui a été bonne et légitime jusque-là devient-elle tout à coup essentiellement mauvaise ? Comment serait-il bon de se servir de la raison pour interpréter le texte dabo tibi claves… , et deviendrait-il tout à coup mauvais de s’en servir pour établir autre chose ?

190. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Le Prince » pp. 206-220

Scène froide et mauvaise, où la misère de l’idéal n’est point rachetée par le faire. […] Pour moi qui ne retiens d’une composition musicale qu’un beau passage, qu’un trait de chant ou d’harmonie qui m’a fait frissoner ; d’un ouvrage de littérature qu’une belle idée, grande, noble, profonde, tendre, fine, délicate ou forte et sublime, selon le genre et le sujet ; d’un orateur qu’un beau mouvement ; d’un historien qu’un fait que je ne réciterai pas sans que mes yeux s’humectent et que ma voix s’entrecoupe ; et qui oublie tout le reste, parce que je cherche moins des exemples à éviter que des modèles à suivre, parce que je jouis plus d’une belle ligne que je ne suis dégoûté par deux mauvaises pages ; que je ne lis que pour m’amuser ou m’instruire ; que je rapporte tout à la perfection de mon cœur et de mon esprit, et que soit que je parle, réfléchisse, lise, écrive ou agisse, mon but unique est de devenir meilleur ; je pardonne à Le Prince tout son barbouillage jaune dont je n’ai plus d’idée, en faveur de la belle tête de ce musicien champêtre. […] S’il prend le premier parti, la composition sera d’accord et tout à fait mauvaise ; s’il prend le second, il y aura harmonie, unité et beauté. […] Dur, sec et mauvais. […] Il y régnait un effet, un ton de couleur si identique, que les trois n’en fesaient qu’un. ôtez du tableau du réveil des enfans ce petit enfant nu qui est à terre ; le reste est mauvais.

191. (1868) Curiosités esthétiques « VII. Quelques caricaturistes français » pp. 389-419

Je dis que cela est mauvais et dénote un petit esprit. Comme l’autre grand homme, il a beaucoup insulté les calotins : cela est mauvais, dis-je, mauvais symptôme, ces gens-là sont inintelligibles au-delà du détroit, au-delà du Rhin et des Pyrénées. […] Un homme s’avance vers elle avec précaution, plein d’un mauvais dessein. […] Chargé d’illustrer une assez mauvaise publication médico-poétique, la Némésis médicale, il fit des dessins merveilleux.

192. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Troisième partie. Disposition — Chapitre VI. Exordes. — Péroraisons. — Transitions. »

N’y faites point tant de façons : dites bonnement ce que vous vous proposez de faire ; si c’est clair, précis, exact, ce ne sera jamais un mauvais début. […] Ce qu’on appelle souvent une transition est une chose factice et plutôt mauvaise que bonne : c’est une liaison ingénieuse entre deux idées qui n’en sont pas susceptibles et qui ne doivent point en avoir.

193. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — R — Rodenbach, Georges (1855-1898) »

Les lettrés de Rome, au temps des mauvais empereurs, auraient peut-être savouré cette forme délicieuse du suicide. […] Rodenbach imagine un nouveau moyen d’être mauvais d’une façon recherchée et curieuse, d’écrire mai, de rythmer de travers avec mille soins délicats.

194. (1897) Le monde où l’on imprime « Chapitre XIII. Beau trio » pp. 164-169

Il y a dans les ultimes chapitres — et je suis heureux, après des compliments que de mauvais esprits craindront énigmatiques, de finir sur une louange sincère : — il traîne en queue de roman une intrigue de juge d’instruction où Mme Fénigan croit son mari assassin, tandis que son mari la suppose coupable, et que c’est au juste un vieux braconnier qui a fait le coup, il y a là un de ces quiproquos à triple détente, d’un comique irrésistible, et dont M.  […] L’auteur dénomme ainsi les mauvais farceurs du dernier bateau littéraire et artistique et les dames qui les adornent.

195. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre VI » pp. 50-55

Le mauvais temps nous importune ; Demain sera nouvelle lune. […] « Pour vous dire le vrai, je n’ai point grand goût pour cet auteur25. » Le changement qui s’opéra dans le goût de Voiture me paraît remarquable comme témoignage de celui qui dominait à l’hôtel de Rambouillet, et me semble prouver que les principaux personnages de cette société, au lieu d’être des modèles de mauvais langage, contribuaient à corriger et à épurer les ridicules qui depuis L’Astrée s’étaient propagés parmi les beaux esprits.

196. (1899) Esthétique de la langue française « Esthétique de la langue française — Chapitre X »

La beauté d’un mot est tout entière dans sa pureté, dans son originalité, dans sa race ; je veux le dire encore en achevant ce tableau des mauvaises mœurs de la langue française et des dangers où la jettent le servilisme, la crédulité et la défiance de soi-même. […] Et quand même la vraie origine d’écope serait la forme anglaise scoope, le mot n’en serait pas plus mauvais.

197. (1772) Bibliothèque d’un homme de goût, ou Avis sur le choix des meilleurs livres écrits en notre langue sur tous les genres de sciences et de littérature. Tome I « Lettre a monseigneur le duc de**. » pp. -

M. l’Abbé Goujet pensoit différemment : aussi il lui a fallu dix volumes pour l’histoire des Rimailleurs qui ont précédé l’aurore de la belle Poésie en France ; & pour s’être trop appesanti sur les mauvais Poëtes, il s’est vu obligé par le dégoût du public, à abandonner ce qu’il auroit pu écrire sur les bons. […] Les plus mauvais Auteurs s’y trouvent a côté des meilleurs & ils reçoivent à peu près les mêmes éloges.

198. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Taraval » pp. 282-283

Je ne dis pas que Taraval vaille mieux que Fragonard, ni Fragonard mieux que Taraval, mais celui-ci me paraît plus voisin de la manière et du mauvais style. […] Mauvais symptôme, mon ami ; il a conversé avec les apôtres, et il ne s’est pas converti ; il a vu les miracles, et il a persisté dans son endurcissement.

199. (1912) L’art de lire « Chapitre XI. Épilogue »

On a dit que du plus mauvais livre on peut tirer quelque chose de bon et que par conséquent un livre est toujours un ami et un bienfaiteur, et l’on a pu citer en l’appliquant aux livres, cette ligne de Montaigne : « Il sondera la portée d’un chacun : un bouvier, un maçon, un passant, il faut tout mettre en besogne et emprunter chacun selon sa marchandise ; car tout sert en ménage ; la sottise même et faiblesse d’autrui lui sera instruction : à contrôler les grâces et façons d’un chacun il s’engendrera envie des bonnes et mépris des mauvaises. » Ce n’est pas tout à fait vrai, ou je n’en suis pas tout à fait sûr.

200. (1868) Cours familier de littérature. XXV « CLe entretien. Molière »

C’était un maître et un oracle quand il parlait : et ces comédiens avaient tant de déférence pour lui, que Baron n’osa lui dire qu’il était retenu ; et la Duparc n’avait garde de trouver mauvais que le jeune homme lui manquât de parole. […] ajoutait M. le duc de… ; le pauvre homme extravague, il est épuisé : si quelque autre auteur ne prend le théâtre, il va tomber ; cet homme-là donne dans la farce italienne. » Il se passa cinq jours avant que l’on représentât cette pièce pour la seconde fois, et pendant ces cinq jours, Molière, tout mortifié, se tint caché dans sa chambre ; il appréhendait le mauvais compliment du courtisan prévenu ; il envoyait seulement Baron à la découverte, qui lui rapportait toujours de mauvaises nouvelles. […] À la première lecture, ils en furent saisis, ils le trouvèrent admirable ; ce ne furent qu’exclamations, et peu s’en fallut qu’ils ne trouvassent fort mauvais que le Misanthrope fît voir que ce sonnet était détestable. […] Elles donnent raison aux mauvaises humeurs du Misanthrope contre le monde. […] Au cinquième acte, Alceste subit un injuste procès intenté par un homme dont il a franchement dénigré les mauvais vers.

201. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Le maréchal de Saint-Arnaud. Ses lettres publiées par sa famille, et autres lettres inédites » pp. 412-452

C’est mauvais, je le sais. […] Trois semaines après, par une péripétie qui se rencontrera plus d’une fois dans sa carrière et qui en est, si l’on y prend garde, la mauvaise étoile et comme le guignon dominant, dans un camp perdu, loin de toute ville, il était saisi du mal qui sera son ennemi familier, le choléra le terrassait : « Ô mon Dieu, comme je regrettais les balles de Constantine ! […] C’est un mauvais moment à passer, je m’en sortirai ; mais j’avais rêvé une grande gloire pour mon pays, et le cœur me saigne en la voyant près de s’échapper. […] … J’ai plus de quatre mille malades et deux mille morts. — Toutes les divisions sont plus ou moins envahies ; la 1re, la plus belle, est abîmée. — Mauvaises conditions pour entreprendre une opération où toutes les chances de succès sont dans l’élan, la force et la vigueur. […] Le 10 août, mauvais jour, nous nous sommes défendus pendant cinq heures pied à pied contre un saut aérien d’où personne ne serait redescendu par terre à l’état complet.

202. (1863) Molière et la comédie italienne « Chapitre XVI. Les derniers temps de la comédie italienne en France » pp. 311-338

» Et quant au mariage, voici Pasquariel, libraire, qui vend un livre, lequel ressemble de bien près à notre vieux livre des Quinze joyes, ce sont : « Les Agréments et les chagrins du mariage, en trois tomes ; le chapitre des agréments contient la première page du premier feuillet du premier tome et le chapitre des chagrins contient tout le reste. » Bon ou mauvais, vrai ou faux, tout cela ne nous vient pas d’au-delà des monts. […] Mais, à propos de banqueroute, tenez-vous que cela puisse rétablir les mauvaises affaires d’un homme ? […] Vous ne trouverez pas mauvais, monsieur, que je vous présente les trois meilleurs amis que j’aie au monde et les trois plus riches hommes de Paris. […] « On dirait, remarque Colombine, que là se tient le marché aux maris, comme celui aux chevaux se tient de l’autre côté. » Madame de la Ferdaindaillerie (Arlequin déguisé) approuve philosophiquement cette idée : « Il ne serait pas mauvais qu’il y eût à Paris un pareil marché aux maris.

203. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre V. Mme George Sand jugée par elle-même »

Elle se soucie plus de tranquillité que de vérité… Mais nous sommes en France, dans un pays qui lui a laissé parfaitement tout dire, pendant trente ans, depuis Indiana jusqu’à ses Mémoires, et qui aux jours les plus durs, a répété ces mots ou l’équivalent de ces mots, flatteurs encore, quand son scepticisme les a dits : « Elle peut avoir de mauvaises opinions, mais il faut convenir qu’elle a diablement de talent, cette femme !  […] nous regardaient, nous, critiques et juges à la manière des hommes, qui n’avons à voir que le fait du livre, et à le condamner, s’il est mauvais. […] Mirabeau disait : « tout homme courageux est homme public le jour des fléaux, et les mauvais livres sont des fléaux », Madame ! […] Le style qui sauve tout, le style qui empêche, dans Mme de Staël, qu’Oswald avec ses bottes à glands, Corinne avec sa harpe, ne soient des gravures de l’Empire ; le style conservera-t-il les inventions de Mme Sand, — de cette femme qui n’eut pour tout génie d’invention que d’être mal mariée, bohème et démocrate, et qui n’a jamais que ces trois sources d’inspiration : le mauvais ménage, le cabotinisme et la mésalliance, par haine du noble et amour de l’ouvrier ?

204. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Byron »

Et ce ne sont pas là les plus mauvais jours. […] Ô monsieur Taine, c’est un mauvais auteur anglais ! […] et nous, qui n’étions pas Anglais pourtant, nous avons répété ces odieux cris scandalisés, les uns parce qu’ils avaient vraiment leur moralité offensée, les autres parce qu’ils aimaient Byron et que toujours Français, ils aimaient à le voir un peu mauvais sujet… Mais, malgré sa fatuité, à lui, qui a voulu nous y faire croire, et malgré notre fatuité pour lui, qui nous l’a fait croire, la terrible immoralité de Byron m’a toujours paru problématique.

205. (1892) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Cinquième série « Donec eris felix… »

Il fait mauvais temps dans l’île. […] Tu n’étais qu’un nom, le nom donné par les mécontents à leurs espérances ou à leurs convoitises, à leurs passions bonnes ou mauvaises.

206. (1905) Promenades philosophiques. Première série

Sa philosophie est toute physiologique : le monde est mauvais, parce que sa vie, à lui, est mauvaise. […] Il n’y a peut-être pas d’idées mauvaises pour un cerveau sain et de forme normale. […] Mauvais écrivains, non ; c’est mauvais rhétoriciens qu’il faut dire, ce qui est bien différent. […] C’est simplement un influx naturel, mauvais. […] — Si le mauvais œil opère mieux en face que de profil ou par derrière ?

207. (1888) Journal des Goncourt. Tome III (1866-1870) « Année 1866 » pp. 3-95

* * * — Mauvais temps pour nous que ces temps. […] Un jour il vit son homme qui ne le saluait plus, il alla à lui, se disant qu’il devait avoir commis quelque mauvais coup. […] On lui apporte pour son souper — car il ne dîne plus — des pois et de la salade sentant le mauvais vinaigre. […] Il est à la représentation du lendemain, aux mauvaises chances qui peuvent survenir, au revirement qui peut se produire. […] * * * — Le chic actuel d’une femme est le mauvais genre distingué.

208. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Quatrième partie. Élocution — Chapitre X. De la simplicité du style »

Cette indifférence a été favorisée par le progrès de l’analyse et de la critique, qui ont montré l’erreur au sein de toute vérité, la vérité mêlée encore à toute erreur : si rien n’est absolument, éternellement vrai ou faux, bon ou mauvais, si rien de ce que nous voyons n’est tel que nous le voyons, si même rien peut-être n’est, à quoi bon se peiner pour chercher le vrai, pour l’exprimer ? Tout ce qu’on pense est vrai ; la première pensée venue en vaut une autre ; ce que les mots se trouvent signifier n’est ni mauvais ni pire que ce que d’autres mots signifieraient : il ne reste donc de sûr, de solide, que l’apparence, la beauté même des mots, harmonie, couleur, forme, ce qui enivre ou charme les sens.

209. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — R — Rollinat, Maurice (1846-1903) »

Et si l’on recherche dans le livre du poète la raison d’un si mauvais état de conscience, et sur la face de l’acteur, pourquoi il se convulse, élève sa moustache en découvrant la bouche, cligne des yeux terribles, montre les dents et prend un air de tigre pour chanter les papillons, on voit que cette raison est la femme. […] Maurice Rollinat est la plus intéressante victime de cet instant mauvais.

210. (1899) Les industriels du roman populaire, suivi de : L’état actuel du roman populaire (enquête) [articles de la Revue des Revues] pp. 1-403

— Voyons, voyons, mon ami, pas de mauvaise plaisanterie. […] Mon père m’a parié quelle mourrait ; et moi, pensant que tu aurais encore besoin de la comtesse dans la suite du feuilleton, j’ai parié qu’elle se tirerait de ce mauvais pas. […] Mais, avec cette manière de voir, d’écrire, la besogne d’un chacun s’est rendue, de jour en jour, plus mauvaise. […] Est-il, dès lors, hasardeux de conclure que si un bon roman peut n’être pas bon pour tous les lecteurs — d’aucuns étant mal préparés à digérer certains mets trop substantiels, — un mauvais roman est toujours, et pour tous, mauvais ? Mais son influence, par cela même qu’il est mauvais, n’est point nocive : elle est nulle.

211. (1892) Boileau « Chapitre I. L’homme » pp. 5-43

Despréaux mit son frère dans une de ses satires en fort mauvais lieu, et rima des épigrammes contre lui : il eut tort sans doute ; au moins ne l’accusera-t-on pas de souplesse intéressée. […] On a tant défiguré le vrai caractère de Despréaux, qu’il n’est pas inutile de le montrer capable d’une assez mauvaise farce. […] Loin d’avoir dépassé la mesure de langage usité en ce temps-là quand il s’agissait de Louis XIV, il se fit accuser par ses ennemis de froideur et de mauvaise volonté, et l’on trouvait trop de réserve, et plus de leçons que de compliments, dans les morceaux qui nous paraissent, à nous, de pures flatteries. […] Il y a vingt anecdotes qui le prouvent, et que tout le monde a lues : Boileau trouvant des vers du roi mauvais, ou trouvant mauvais des vers que le roi avait trouvés bons ; Boileau maintenant contre le roi la bonté d’une locution dont la familiarité choquait la délicatesse du roi ; Boileau lâchant de vives saillies contre « ce misérable cul-de-jatte de Scarron », devant le roi et Mme de Maintenon, au grand désespoir de Racine, qui était infiniment plus courtisan, et menaçait son ami de ne plus se montrer avec lui à la cour. […] Pradon ne nous en dit pas plus, avec plus d’aigreur, quand dans de mauvais vers oubliés, il représente « les Messieurs du Sublime », une longue rapière au côté, importunant les généraux, moqués des soldats, notant sur leur carnet des termes de l’argot militaire, ici jetés par leur cheval dans un noir bourbier, là tirant de longues lunettes pour regarder l’ennemi de très loin.

212. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Notes et éclaircissements. [Œuvres complètes, tome XIII] »

» Mais, disent quelques personnes dures et impitoyables, qui même nous savent mauvais gré de lui avoir ouvert l’asile de l’Église, n’est-ce pas cet homme-là qui en a été le plus cruel ennemi, et qui a fermé cet asile sacré par diverses lois ? […] Il faut qu’elle supplée à la négligence de ses serviteurs, et se garde de leur malice ; qu’elle se défende des mauvais desseins de ses proches ; qu’elle souffre constamment les injures des partisans, et l’insolence et la barbarie qu’ils exercent dans la levée des impôts. […] Aussi après lui je ne connais que de mauvaises pièces, et avant lui que quelques bonnes scènes. » (Ibid. […] Nos mauvais livres sont moins mauvais que les mauvais que l’on faisait du temps de Boileau, de Racine et de Molière, parce que dans ces plats ouvrages d’aujourd’hui, il y a toujours quelques morceaux tirés visiblement des auteurs du règne du bon goût.

213. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Lamennais — Lamennais, Paroles d'un croyant »

Il se serait cru coupable de se contenir dans un plus long silence, de laisser passer ces jours mauvais et insolents sans leur jeter à la face son accent de conscience, son mot de vérité. […] « Vous voulez qu’elle règne sur la terre, et le méchant y oppose sa volonté mauvaise[…] Lorsque l’esprit mauvais fascine des âmes droites, ce n’est que pour un temps.

214. (1896) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Sixième série « Anatole France, le Lys rouge »

Mais la mauvaise destinée veut qu’il rencontre un soir son prédécesseur. […] Car, près de vous, je suis devenu triste et mauvais. […] — en brutes mauvaises, torturées et torturantes.

215. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Chapitre deuxième »

Boileau, loué à la même page que tel de ses plastrons ou de leurs proches, se plaint d’être mis en si mauvaise compagnie. […] Pour les anciens, il en parle sans vrai savoir, raisonnable tant qu’il les loue en gros et par égard pour leurs partisans ; mais en vient-il aux exemples, il fait comme Desmarets de Saint-Sorlin, il donne tête baissée dans les mauvais, ou, s’il admire les bons c’est par de méchantes raisons. […] Bouhours eut pour successeur direct, au commencement du dix-huitième siècle, l’abbé Trublet, autre bel esprit qui en avait moins de bon que Bouhours ; critique, lui aussi, conciliant pour sa commodité, mais, au fond, fidèle au mauvais Fontenelle, comme Bouhours l’était à Voiture.

216. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome II « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — M. de Voltaire, et M. de Maupertuis. » pp. 73-93

Il y eut de mauvais plaisans qui parièrent que ces deux célèbres François, qu’on disoit naturalisés Prussiens, ne seroient pas trois mois ensemble sans qu’il ne survînt entre eux quelque sujet de brouillerie. […] Mais quelques attentions singulières du roi, une grosse pension, la faveur de le voir à des heures réglées, de lire avec lui plus intimément les ouvrages par lesquels le roi se délasse du gouvernement, m’ont attiré la jalousie. » Les mauvaises intentions d’un rival en crédit à la cour de Berlin, vinrent bientôt à la connoissance de M. de Voltaire. […] On ne put s’empêcher de rire du portrait « d’un vieux capitaine de cavalerie travesti en philosophe, marchant en raison composée de l’air, distrait & de l’air précipité ; l’œil rond & petit, la perruque de même ; le nez écrasé ; la physionomie mauvaise, ayant le visage plein, & l’esprit plein de lui-même ».

217. (1824) Notes sur les fables de La Fontaine « Livre septième. »

Ne trouvez pas mauvais….. […] Molière même, pour ne pas se brouiller avec un corps si dangereux, appela précieuses ridicules celles qu’il mit sur la scène ; depuis ce temps le mot précieuse se prit en mauvaise part, et c’est en ce sens que La Fontaine s’en sert dans cette petite historiette, qu’il lui plaît d’appeler une fable. […] Ne passons pas à La Fontaine sa mauvaise rime de transportée et couvée.

218. (1864) Cours familier de littérature. XVIII « CVIe entretien. Balzac et ses œuvres (1re partie) » pp. 273-352

Il parla en homme ferme, généreux, convaincu, contre les propos légers qu’il venait d’entendre ; il refoula éloquemment ces mauvaises pensées dans la bouche de ceux qui venaient de les laisser échapper. […] Mauvaise emplette, vraiment ! […] Je viens de découvrir à mon régicide un défaut de conformation et il fourmille de mauvais vers ! […] Il écrivit ses Contes drolatiques, ouvrage de mosaïque très habilement conçu et exécuté, qui lui firent une réputation de mauvais aloi et quelque argent. […] « Fais donc gémir la presse, mauvais auteur (et le mot n’a jamais été si vrai)  !

219. (1890) L’avenir de la science « XVII » p. 357

Faut-il en conclure que la perfection est mauvaise et injurieuse à l’humanité ? […] Si la culture intellectuelle n’était qu’une jouissance, il ne faudrait pas trouver mauvais que plusieurs n’y eussent point de part, car l’homme n’a pas de droit à la jouissance. […] Ils trouvent mauvais que les administrateurs et les instituteurs des provinces viennent puiser à Paris une éducation qui les rendra supérieurs à leurs administrés. […] C’est rendre un mauvais service à un pupille que de lui remettre trop tôt la disposition de ses biens. […] Ceux-ci lui paraissent sur le même niveau que lui, et il voit leur supériorité de mauvais œil.

220. (1926) L’esprit contre la raison

Où commence-t-elle à devenir mauvaise et où s’arrête la sécurité de l’esprit ? […] Déjà condamné à ne point aller jusqu’au noyau dangereux, c’est comme dans un coin de sa propre mauvaise odeur qu’il respirait de ses narines parcheminées les miasmes des marais occidentaux. […] Mais que penser du sot et mauvais romantisme de qui range Rimbaud, poète béni par excellence, dans les rangs des poètes mauditsaw ? […] Autruche qui ferme les yeux et croit qu’elle ne sera point vue, nous savons qu’elle avait mauvaise conscience, comme les trop gros mangeurs, mauvaise haleine. […] Mais l’esthétisme de l’apparence n’est d’ailleurs pas le seul à craindre et nous pourrions appeler le « mauvais tour joué par Dostoïevsky » certain besoin d’excentricité sentimental, désir d’affirmer de mauvais penchants, hâte à répéter : « Nous aussi nous pouvons faire des cochonneries. » Ces sinistres farces n’ont rien à voir avec le merveilleux auquel tant ont voulu les assimiler et dont la production littéraire artistique contemporaine offre de bien étranges exemples.

221. (1903) La renaissance classique pp. -

Au moment de nous mettre en marche vers l’avenir, peut-être n’est-il pas mauvais de rallier vers un but commun les volontés hésitantes, en définissant plus nettement l’objet de nos efforts. […] Sous prétexte qu’il y avait des abus, que le pays était malade, que la bourgeoisie, gorgée de richesses et de bien-être, s’amollissait et se dépravait, ils ont tranché dans le vif, ils ont coupé au hasard le bon avec le mauvais. […] Ils portaient en eux je ne sais quel idéal conventionnel, étriqué et mesquin, littéraire au mauvais sens du mot. […] Si ces mauvais maîtres ont amolli nos corps, ils ont gâté nos cœurs par les sentimentalités les plus basses. […] Tu inondais de ta clarté les chimères décevantes, les ruses et les complots des consciences mauvaises, tu tenais la sauvagerie du Barbare humiliée devant ta grâce.

222. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « La Margrave de Bareith Sa correspondance avec Frédéric — II » pp. 414-431

Après avoir tâté l’Autriche et s’être assuré de ses mauvais desseins, il se décida à prendre les devants et à entrer en campagne sans déclaration préalable. […] Si vous pouviez préparer l’esprit des Français à s’expliquer envers vous des conditions de la paix, pour que l’on pût juger de leurs intentions et voir s’il y aurait quelque chose à faire avec eux ; si vous les priiez de vous confier leurs demandes, assurant de n’en point faire un mauvais usage, et leur répondant des bonnes dispositions dans lesquelles j’étais, peut-être verrait-on si ce traité est vrai, qu’on les suppose avoir fait avec les Autrichiens, et du moins pourrait-on juger par leurs propositions à quoi l’on peut s’attendre d’eux en cas de besoin. […] Ses lumières et son expérience, jointes à sa correspondance, peuvent le mettre en état de juger si on est effectivement dans l’intention d’abandonner le roi de Prusse à toute la rigueur de sa mauvaise destinée, en cas qu’il soit sans ressource, et si on veut détruire absolument une balance qu’on a jugée longtemps nécessaire. […] Mon attachement à l’État s’est réveillé ; je me suis dit : Ce n’est pas dans la bonne fortune qu’il est rare de trouver des détenteurs, mais c’est dans la mauvaise.

223. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « M. Émile de Girardin. »

J’ai vu alors de ces numéros achetés et aussitôt déchirés à belles dents et avec rage par d’honnêtes ouvriers qui croyaient se venger d’un mauvais citoyen et qui auraient voulu abolir ainsi d’un coup chaque tirage. […] Il y a des mots qui sont vivants comme des hommes, redoutables comme des conquérants, absolus comme des despotes, impitoyables comme le bourreau ; enfin il y a des mots qui pullulent, qui, une fois prononcés, sont aussitôt dans toutes les bouches… « Il est d’autres mots qui, pris dans une mauvaise acception, énervent, glacent, paralysent les plus forts, les plus ardents, les plus utiles, les plus éminents, tous ceux enfin sur qui ils tombent, mots plus funestes au pays qui ne les repousse pas que la perte d’une bataille ou d’une province… 70» Je ne demande rien de plus, et, cela dit et réservé, je conçois, j’admets volontiers que dans un pays aguerri au feu des discussions, chez un peuple de bon sens solide, raisonneur, calculateur, entendant ses intérêts, d’oreille peu chatouilleuse, qui ne prend pas la mouche à tout propos, une grande part de ce qui n’est qu’imaginaire dans le danger d’une presse libre disparaisse et s’évanouisse ; que les inconvénients puissent même s’y contre-balancer de manière à laisser prévaloir grandement les avantages. […] Chez les modernes, il y a progrès : les oracles sont muets ; la voix des dieux et de ceux qui les faisaient parler n’est plus fatalement obéie ; les peuples pensent : et pourtant il y a toujours l’empire des mots, la puissance des déclamations de tout genre, des sophismes spécieux, ces autres formes d’idoles ; il y a la mobilité naturelle aux hommes, le jeu presque mécanique des actions et des réactions, mille causes combinées d’où résultent on ne sait comment, à certains jours, des souffles généraux qui deviendront plus tard des tempêtes ; et lorsqu’une fois il s’est établi parmi les peuples un mauvais courant de pensées et de sentiments, oracle ou non, il y a danger, si une main bien prudente et bien ferme n’est au gouvernail, qu’ils n’y obéissent en aveugles comme à un mauvais génie.

224. (1899) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Septième série « Casuistique. » pp. 184-190

Une femme, jeune, jolie, et qui paraît n’avoir pas été du tout une mauvaise fille, est morte ensanglantée par deux opérations chirurgicales. […] Voltaire répète très souvent, dans son Dictionnaire philosophique, une maxime de Zoroastre : « Lorsque tu doutes si une action que tu es sur le point de faire est bonne ou mauvaise, abstiens-toi ».

225. (1887) Discours et conférences « Appendice à la précédente conférence »

En souhaitant à ces populations, chez lesquelles il y a tant de bons éléments, la délivrance du joug qui pèse sur elles, je ne crois pas leur faire un mauvais souhait. Et, puisque le cheik Gemmal-Eddin veut que je tienne la balance égale entre les cultes divers, je ne croirais pas non plus faire un mauvais souhait à certains pays européens en désirant que le christianisme ait chez eux un caractère moins dominateur.

226. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 25, du jugement des gens du métier » pp. 366-374

Mais les peintres et les poëtes, sans enthousiasme, ne sentent pas celui des autres, et portant leur suffrage par voïe de discussion, ils louent ou ils blâment un ouvrage en general, ils le définissent bon ou mauvais suivant qu’ils le trouvent régulier dans l’analyse qu’ils en font. Peuvent-ils être bons juges du tout quand ils sont mauvais juges de la partie de l’ invention, qui fait le principal mérite des ouvrages, et qui distingue le grand homme du simple artisan.

227. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « Émile Augier »

J’ose trouver sa comédie mauvaise, — aussi mauvaise que la préface dont il l’a fait précéder pour la défendre et dans laquelle il a tout l’air d’un tapissier maladroit qui ne sait pas planter un clou sans s’écraser les doigts.

228. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Racine — I »

Néanmoins je ne demeurai pas, et elle me répondit d’un air fort doux et fort obligeant ; et, pour vous dire la vérité, il faut que je l’aie prise dans quelque mauvais jour, car elle passe pour fort belle dans la ville, et je connois beaucoup de jeunes gens qui soupirent pour elle du fond de leur cœur. […] C’était une conséquence du système de Corneille, qui faisait ses héros tout d’une pièce, bons ou mauvais de pied en cap ; à quoi Racine répondait fort judicieusement : « Aristote, bien éloigné de nous demander des héros parfaits, veut au contraire que les personnages tragiques, c’est-à-dire ceux dont le malheur fait la catastrophe de la tragédie, ne soient ni tout à fait bons ni tout à fait méchants. […] Cette pièce de Bérénice fut commandée à Racine par Madame, duchesse d’Orléans, qui soutenait à la cour les nouveaux poëtes, et qui joua cette fois à Corneille le mauvais tour de le mettre aux prises, en champ-clos, avec son jeune rival. […] L’idolâtrie monstrueuse de Tyr et de Sidon devait être opposée au culte de Jéhovah dans la personne de Mathan, qui, sans cela, n’est qu’un mauvais prêtre, débitant d’abstraites maximes ; j’aurais voulu entrevoir, grâce à lui, ces temples impurs de Baal, . . . . . […] Au reste, comme nul sentiment profond n’est stérile en nous, il arrivait que cette poésie rentrée et sans issue était dans la vie comme un parfum secret qui se mêlait aux moindres actions, aux moindres paroles, y transpirait par une voie insensible, et leur communiquait une bonne odeur de mérite et de vertu : c’est le cas de Racine, c’est l’effet que nous cause aujourd’hui la lecture de ses lettres à son fils, déjà homme et lancé dans le monde, lettres simples et paternelles, écrites au coin du feu, à côté de la mère, au milieu des six autres enfants, empreintes à chaque ligne d’une tendresse grave et d’une douceur austère, et où les réprimandes sur le style, les conseils d’éviter les répétitions de mots et les locutions de la Gazette de Hollande, se mêlent naïvement aux préceptes de conduite et aux avertissements chrétiens : « Vous avez eu quelque raison d’attribuer l’heureux succès de votre voyage, par un si mauvais temps, aux prières qu’on a faites pour vous.

229. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Monsieur de Malesherbes. » pp. 512-538

Pour retrouver de part et d’autre quelque justesse d’appréciation et de la lucidité de coup d’œil, il ne sera pas mauvais de se reporter au temps de M. de Malesherbes et de le suivre dans quelques-unes des mille affaires contentieuses qu’il eut à démêler. […] En 1758, Helvétius voulut publier le livre De l’esprit, mauvais ouvrage, superficiel, indécent en bien des endroits, et plus fait pour scandaliser encore un vrai philosophe qu’un évêque. […] Quand il avait à la justifier et à la garantir auprès de la cour dévote de la reine et du Dauphin, il était plus embarrassé et se voyait obligé de recourir à des adresses qui, de sa part, nous font sourire : Si vous êtes admis aux comités dans lesquels on parle devant la reine de l’abus des mauvais livres, écrivait-il à un des amis qu’il avait de ce côté, je vous prie d’y faire observer que Les Cacouacs (plaisanterie de Moreau contre les encyclopédistes) ont porté un coup plus mortel à l’Encyclopédie qu’un arrêt du Conseil dont l’effet eût été de faire expatrier un des éditeurs, qui aurait achevé son ouvrage en pays étranger. C’est par ces subterfuges (je ne sais pas un autre mot) que Malesherbes essayait de désarmer et de tranquilliser la reine, qui répondait en riant « que l’on ne pouvait pas mieux défendre une mauvaise cause ». […] La mauvaise santé qu’il a toujours eue, etc., etc.

230. (1772) Bibliothèque d’un homme de goût, ou Avis sur le choix des meilleurs livres écrits en notre langue sur tous les genres de sciences et de littérature. Tome I « Bibliotheque d’un homme de goût. — Chapitre III. Poëtes françois. » pp. 142-215

C’est mettre nos grands versificateurs en mauvaise compagnie. […] La Louisiade du P. le Moine est moins mauvaise, mais ce Poëme n’est pas plus lu que les autres. […] On peut avoir de l’esprit, tourner bien quelques vers & faire un mauvais Poëme épique. […] Madame la Comtesse de la Suze effaça ce mauvais Poëte. […] Quelques-unes de ses Epigrammes sont bonnes, mais la plûpart mauvaises.

231. (1887) Essais sur l’école romantique

Mais le bon, mais le mauvais, voilà des genres bien vagues ! […] Victor Hugo, comme dans tous les grands poètes, il y a du bon, il y a du mauvais. […] Le mauvais a je ne sais quoi de saillant et d’étrange ; il étonne, il déconcerte, il rompt les bras. […] Voilà le mauvais que le poète nous donne licence de signaler. […] Jules Janin plaidant pour la jeune littérature, n’est-ce pas un avocat qui plaide une cause qu’il sait mauvaise ?

232. (1902) Le problème du style. Questions d’art, de littérature et de grammaire

Si elle est mauvaise, l’organisme qui souffre fait un effort et s’en débarrasse. […] Albalat, celui-ci est à coup sûr le plus mauvais . […] Assez de mauvais poètes nous ennuient avec leurs petits bobos à l’âme ! […] Le parti que prend la circulaire est le plus mauvais, s’il n’est pas le plus ridicule. […] De mauvais musiciens furent des visuels plus peut-être que des auditifs.

233. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « [Note de l’auteur] » pp. 422-425

Les uns croient que c’est outrager les hommes que d’en faire une si terrible peinture, et que l’auteur n’en a pu prendre l’original qu’en lui-même, ils disent qu’il est dangereux de mettre, de telles pensées au jour, et qu’ayant si bien montré qu’on ne fait les bonnes actions que par de mauvais principes, la plupart du monde croira qu’il est inutile de chercher la vertu, puisqu’il est comme impossible d’en avoir si ce n’est en idée ; que c’est enfin renverser la morale, de faire voir que toutes les vertus qu’elle nous enseigne ne sont que des chimères, puisqu’elles n’ont que de mauvaises fins.

234. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « LXIV » pp. 247-253

La littérature proprement dite y semble tenir moins de place, et ce n’est pas un mauvais point de vue peut-être quand il s’agit de Voltaire et que l’espace vous empêche de tout dire. […] Eugène Sue ne se relève guère et le succès est très-compromis, ainsi que l’argent des libraires. — L'autre jour un barbier rasait un pair de France ; on parlait du Juif Errant ; le barbier, grand admirateur des Mystères de Paris, et qui l’est bien moins des derniers feuilletons, s’écria : « C'est bien mauvais, je ne reconnais pas mon Sue.

235. (1874) Premiers lundis. Tome II « Étienne Jay. Réception à l’Académie française. »

Sans doute les genres se confondent et se heurtent horriblement ; le mauvais déborde ; l’ignoble nous repousse et envahit la scène de toutes parts. […] Il est fâcheux surtout que l’exemple du bon goût et du bon style n’accompagne pas toujours la satire qu’on fait du mauvais.

236. (1896) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Sixième série « La Solidarité »

C’est là, mes amis, une basse et mauvaise façon de prendre la vie. […] de première classe), vous aurez maintes occasions d’être secourables aux pauvres gens, de faire payer pour eux les riches, de réparer ainsi, dans une petite mesure, l’inégalité des conditions et d’appliquer pour votre compte l’impôt progressif sur le revenu  Notaires (car il y en a ici qui seront notaires), vous pourrez être, un peu, les directeurs de conscience de vos clients et insinuer quelque souci du juste dans les contrats dont vous aurez le dépôt  Avocats ou avoués, vous pourrez souvent par des interprétations d’une généreuse habileté, substituer les commandements de l’équité naturelle, ou même de la pitié, aux prescriptions littérales de la loi, qui est impersonnelle, et qui ne prévoit pas les exceptions  Professeurs, vous formerez les cœurs autant que les esprits ; vous… enfin vous ferez comme vous avez vu faire dans cette maison  Artistes ou écrivains, vous vous rappellerez le mot de La Bruyère, que « l’homme de lettres est trivial (vous savez dans quel sens il l’entend) comme la borne au coin des places » ; vous ne fermerez pas sur vous la porte de votre « tour d’ivoire », et vous songerez aussi que tout ce que vous exprimez, soit par des moyens plastiques, soit par le discours, a son retentissement, bon ou mauvais, chez d’autres hommes et que vous en êtes responsables  Hommes de négoce ou de finance, vous serez exactement probes ; vous ne penserez pas qu’il y ait deux morales, ni qu’il vous soit permis de subordonner votre probité à des hasards, de jouer avec ce que vous n’avez pas, d’être honnête à pile ou face  Industriels, vous pardonnerez beaucoup à l’aveuglement, aux illusions brutales des souffrants ; vous ne fuirez pas leur contact, vous les contraindrez de croire à votre bonne volonté, tant vos actes la feront éclater à leurs yeux ; vous vous résignerez à mettre trente ou quarante ans à faire fortune et à ne pas la faire si grosse : car c’est là qu’il en faudra venir  Hommes politiques, j’allais dire que vous ferez à peu près le contraire de presque tous vos prédécesseurs, mais ce serait une épigramme trop aisée.

237. (1920) La mêlée symboliste. I. 1870-1890 « La réforme prosodique » pp. 120-128

« Ce que, par exemple, je proscris de tous mes vœux, c’est la rime mauvaise. Par rime mauvaise, je veux dire, pour illustrer immédiatement mes raisons, des horreurs comme celles-ci, qui ne sont pas plus “pour l’oreille” (malgré le Voltaire déjà qualifié) que “pour l’œil” : falot et tableau, vert et piver, tant d’autres, dont la seule pensée me fait rougir et que pourtant vous retrouverez dans maints des plus estimables modernes.

238. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Malherbe, avec différens auteurs. » pp. 148-156

Il avoit composé quelques mauvais vers, qu’il croyoit excellens. […] On ajoute que, son confesseur lui représentant le bonheur de l’autre vie avec des expressions basses & peu correctes, Malherbe l’interrompit, en lui disant : Ne m’en parlez plus, votre mauvais stile m’en dégoûteroit.

239. (1904) En lisant Nietzsche pp. 1-362

Par désir de supprimer une passion, substitution d’une passion à une autre ; et substitution, à une passion bonne, d’une passion mauvaise, ou, à une passion mauvaise, d’une passion pire. […] Soit ; mais « les passions deviennent mauvaises et perfides quand on les considère d’une manière mauvaise et perfide ». […] Dégoût… Tu es pris d’un mauvais accès ; la raison te violente. […] L’État est partout où tous absorbent les poisons, l’État, où tous se perdent, les bons et les mauvais, l’État où le lent suicide de tous s’appelle la vie… Leur idole sent mauvais et ils sentent tous mauvais, ces idolâtres. […] Cela peut être mauvais sans doute ; car, sans l’instinct de grandeur et de beauté, l’instinct de force lui-même est mauvais en ce qu’il est incomplet, en ce qu’il ne produit pas à lui seul une grande civilisation ; mais ce n’est pas là, pour autant, un mauvais symptôme.

240. (1907) Propos de théâtre. Quatrième série

Ce petit mélodrame n’est pas si mauvais que cela. […] Tu es sur la plus mauvaise pente où puisse se mettre un officier. […] Mauvaises conditions pour être heureuse. […] Et, avec tout cela, j’ai trouvé la pièce assez mauvaise. […] Il a pris le train et il vient pour faire un mauvais coup.

241. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) «  Œuvres de Chapelle et de Bachaumont  » pp. 36-55

Son père ne tarda pas à voir que ce fils n’était bon qu’à être un homme d’esprit en toute liberté, tantôt dans la bonne compagnie, tantôt dans la mauvaise. […] On le voit fréquentant Anet et la maison des Vendôme, où il devait être parfaitement à l’aise par ses bons comme par ses mauvais côtés, et pour le délicat comme pour le grossier. […] Le début, à parler vrai, ne nous agrée plus guère ; ce mélange de vers et de prose, ces enfilades de rimes redoublées pouvaient sembler neuves alors ; aujourd’hui, c’est usé, et quand on lit au xviiie  siècle les lettres de Voltaire, par exemple, on est souvent étonné que cette même plume qui vient de dire très gentiment les choses en prose se mette tout d’un coup à les redire moins bien en assez mauvaises rimes. […] Bertin, dans son Voyage de Bourgogne, adressé à Parny, est moins mauvais ; mais c’est toujours le genre petit-maître.

242. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « La Margrave de Bareith Sa correspondance avec Frédéric — I » pp. 395-413

Elle dissimule quelques faits, elle en altère d’autres, ou plutôt ils s’altèrent d’eux-mêmes dans sa mémoire et dans son esprit, qu’aigrissent la mauvaise santé et de trop continuels chagrins. […] Cette amitié passionnée resta sans un refroidissement et sans une tache jusqu’au moment où Frédéric, emporté par la fougue de l’âge et outré par les persécutions domestiques, se livra sans frein à ses mauvais penchants. […] Ce sont des vers de Frédéric, et non des mauvais. […] Il était gai, bon diable, bon médecin, et très mauvais auteur ; mais en ne lisant pas ses livres, il y avait moyen d’en être très content.

243. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Histoire de Louvois et de son administration politique et militaire, par M. Camille Rousset, professeur d’histoire au lycée Bonaparte. »

Mme de Sévigné paraissait en prendre son parti de meilleure humeur, quand elle écrivait à sa fille : « Vous ne serez pas fâchée d’apprendre ce que c’est que d’avoir une belle compagnie ou d’en avoir une mauvaise. M. de Louvois dit l’autre jour tout haut à M. de Nogaret : « Monsieur, votre compagnie est en fort mauvais état. — Monsieur, dit-il, je ne le savais pas. — Il faut le savoir, dit M. de Louvois ; l’avez-vous vue ? […] Vous lui témoignerez qu’il doit mettre en pratique son industrie pour faire faire les ouvrages à bon marché et très-promptement, afin que l’on puisse faire voir au roi que les mauvais offices qu’on lui a rendus sur cela sont mal fondés. » Ces mauvais offices rendus à Vauban par un intendant d’Alsace, cousin de Colbert, faillirent perdre cet illustre ingénieur et guerrier au début de sa grande carrière.

244. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Le maréchal de Villars. »

Villars avait des ennemis ; il les méritait par son bonheur à la guerre, qui ne s’était démenti et ne devait se démentir que cette fois, et par cet air de jactance qui accusait des défauts en partie réels, et qui recouvrait des qualités dont les malveillants se gardaient bien de convenir ; mais il est certain qu’il valait infiniment mieux que n’affectaient de le montrer les mauvais propos des courtisans et des jaloux. […] Aussi l’historien des Mémoires militaires, rédigés sous Louis XVI et publiés seulement de nos jours, n’hésite-t-il pas à conclure son récit de la campagne de 1710 en ces termes, si avantageux à Villars : « Ce général sauva, pour la deuxième fois, la France ; peut-être aurait-il conservé quelque place de plus si, d’un côté, un reste d’espérance de paix, et, de l’autre, le danger de mettre le royaume au hasard d’un événement douteux, n’eût dicté les ordres du roi à son général, et si le général lui-même n’eût été retenu et par la crainte des risques auxquels un combat pouvait l’exposer, et par le mauvais état dans lequel étaient les troupes. […] Elles sont, comme vous savez, dans la main de Dieu, et de celle-ci dépend le salut ou la perte de l’État, et je serais un mauvais Français et un mauvais serviteur du roi si je ne faisais les réflexions convenables. » Nous lisons à nu dans les perplexités de l’âme de Villars. — Mais ce projet annoncé sur Denain s’évanouit presque aussitôt par suite d’un avis défavorable donné par le prince de Tingry, commandant à Valenciennes, qui devait y contribuer.

245. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Correspondance de Louis XV et du maréchal de Noailles, publiée par M. Camille Rousset, historiographe du ministère de la guerre »

Il essayait à dessein d’un mauvais conseil pour le tenter. […] Or, cette idée, à première vue, ressemblait trop à une imagination de Saint-Simon pour ne pas lui être attribuée, et en effet le duc de Noailles, qui soufflait ce feu, donnait tout bas son cher confrère pour auteur et promoteur de ce singulier projet de salutation, de telle sorte que, parmi cette noblesse outrée, plus d’un aurait pu lui en chercher querelle et lui faire un mauvais parti. […] il ne faut jamais trop rechercher ce qu’ils ont pu faire dans un moment donné : ils ont été capables de tout, pour se tirer d’un mauvais pas, pour se débarrasser d’un collègue importun, pour couler un rival, pour arriver plus vite à leurs fins. […] On a la lettre ou le mémoire dans lequel il représente au roi l’inconvénient d’avoir pour ministre des Affaires étrangères un homme aussi mal embouché et aussi mal appris, qui avilit le poste le plus élevé par ses boutades, par ses travers et ses ridicules : « Il ne répond aux affaires les plus sérieuses que par de mauvais proverbes, vides de sens, et des phrases triviales, pleines d’indécence73. » Dans cette lutte sourde du maréchal de Noailles avec le marquis d’Argenson, je crois voir la politesse aux prises avec l’incongruité.

246. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « UN FACTUM contre ANDRÉ CHÉNIER. » pp. 301-324

remy a l’air de penser en un endroit que le rapprochement qu’on faisait d’André Chénier et des poëtes du xvie  siècle était forcé, et il va tout à l’heure adresser à Chénier des reproches qui tendraient précisément à le confondre en mauvaise part avec ces mêmes poëtes. […] Il a même, dans ces dernières années, obtenu un redoublement de succès, imprévu, croissant, et que ses premiers admirateurs n’auraient osé lui présager. — » Mais il a fait faire bien de mauvais vers, » dites-vous. — Tous les poëtes qui réussissent en sont là ; et puis ces mauvais vers se seraient faits autrement sans lui, croyez-le bien ; sous un pavillon ou sous un autre, les mauvais vers trouvent toujours moyen de sortir.

247. (1886) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Deuxième série « Le père Monsabré »

Ils n’y viennent pas, ou, s’ils y viennent d’aventure, comme ce sont évidemment des simples et des résignés, ils ne s’irritent point d’être exclus des chaises réservées ; ils acceptent avec la douceur de l’habitude les plus mauvaises places à l’église comme dans la vie : cela leur semble naturel. […] Une fois les lourds battants feutrés retombés derrière vous, tout est fini, rien de tout cela n’existe plus : vous entrez dans un monde nouveau, dans un lieu de mystère où vous pouvez croire que la vie est un vague et mauvais rêve allégé par des trêves bienfaisantes qui font pressentir le réveil ailleurs ; et vous sortirez avec une douceur dans l’âme et une résignation un peu moins inutile que la révolte. « Venez, vous qui peinez et qui êtes chargés, et je vous soulagerai. » Mais, au lieu de gueux et de claque-patins, des messieurs, qui ont toutes sortes de raisons pour se consoler de vivre, viennent occuper les places d’abonnés, les stalles de velours en face de la chaire. […] Ils ont l’enfance du cœur qui permet de s’amuser à des riens  Quelquefois aussi (et alors elle est moins aimable et sonne un peu faux aux oreilles des profanes), cette gaieté laisse entrevoir une arrière-pensée d’édification ; elle paraît commandée et voulue ; elle s’étale comme un argument en faveur de la foi, comme un défi à la tristesse ou aux rires mauvais des pécheurs. […] Mon plan est bien simple : 1°Dieu veut qu’on se confesse ; 2° nous n’avons pour nous en dispenser que de mauvaises raisons.

248. (1889) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Quatrième série « M. Émile Zola, l’Œuvre. »

Au fond, il y a de bons et de mauvais romanciers ; et, parmi les bons, il y en a qui expriment surtout le monde extérieur et les sensations, et d’autres qui analysent de préférence les sentiments et les pensées ; et ceux-ci ne sortent pas plus de la réalité que ceux-là. […] Il est mauvais mari. Il est mauvais père. […] Claude Lantier est à ce point le Raté, l’Impuissant, le Possédé, le Pas-de-Chance, qu’il en devient monstrueux et que nous sommes enchantés de voir se pendre enfin cet Arpin-Prométhée de la peinture impressionniste  De même, pour que Christine soit bien complètement la victime de cette victime, pour qu’elle ne puisse avoir aucun refuge dans sa souffrance, elle sera mauvaise mère, elle ne sera qu’amante, et sa douleur essentielle sera d’être frustrée des embrassements de Claude.

249. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Œuvres de Frédéric le Grand. (Berlin, 1846-1850.) » pp. 144-164

On s’est moqué de quelques mauvais vers de ce prince métromane, lesquels ne sont pas plus mauvais après tout que bien des vers du même temps, qui passaient pour charmants alors et qui ne peuvent aujourd’hui se relire ; et l’on n’a pas fait assez d’attention aux œuvres sérieuses du grand homme, qui ne ressemblerait pas aux autres grands hommes s’il n’avait mis bien réellement son cachet aux nombreuses pages de politique et d’histoire qu’il a écrites, et qui composent un vaste ensemble. […] Pour que cette connaissance profite réellement, une condition est indispensable, la vérité : Frédéric veut la vérité dans l’histoire : « Un ouvrage écrit sans liberté ne peut être que médiocre ou mauvais. » Il dira donc la vérité sur les personnes, sur les ancêtres d’autrui comme sur les siens propres. […] Henry estime que cette moquerie irréligieuse de Frédéric se passait surtout à la surface de son âme ; qu’en s’y livrant, il s’abandonnait surtout à un mauvais ton de société, dans la pensée que cela n’arriverait jamais à la connaissance du public ; mais que le fond de sa royale nature était sérieux, méditatif, et digne d’un législateur qui embrasse et veut les choses fondamentales de toute société et de toute nation.

250. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « La princesse des Ursins. Lettres de Mme de Maintenon et de la princesse des Ursins — II. (Suite et fin.) » pp. 421-440

C’est une marque de leur abattement qui ne leur fait pas d’honneur ; car, dans quelque mauvais état que soient les affaires, les grands esprits et les grands courages se raidissent davantage contre la mauvaise fortune. […] Passez-moi, s’il vous plaît, cette mauvaise plaisanterie. […] Elle s’était rendu compte à l’avance de tout ce néant humain ; elle se dit, en sachant ses ennemis triomphants et ses amis consternés, qu’il n’y avait pas lieu à tant s’étonner ; que ce monde n’était qu’une comédie où il y avait souvent de bien mauvais acteurs ; qu’elle y avait joué son rôle mieux que beaucoup d’autres peut-être, et que ses ennemis ne devaient pas s’attendre à ce qu’elle fût humiliée de ne le plus représenter : « C’est devant Dieu que je dois être humiliée, disait-elle, et je le suis. » Après avoir quitté la France, où Louis XIV mourait et où le duc d’Orléans, qu’elle avait pour ennemi déclaré, devenait le maître, elle alla habiter Rome, son ancienne patrie, la ville des grandeurs déchues et des disgrâces décentes.

251. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre VI. Daniel Stern »

L’originalité n’y est pas, l’originalité si rare chez toute femme, même chez Mme de Staël, mais l’aristocratie, une aristocratie native, plus forte que les fausses doctrines et les mauvaises habitudes de société, n’a pu en disparaître. […] Une mère en allaitant son fils peut rêver avec Platon et méditer avec Descartes. » Elle assure même assez drôlatiquement que le lait n’en sera pas plus mauvais, ce qui dépend, du reste, de la force de la méditation ou de l’ardeur de la rêverie. […] Belle autrefois, mais d’une beauté métaphysique, pour ainsi dire, et méprisée des sensuels et des connaisseurs en volupté ; d’un visage correct de médaille que ne réchauffaient même pas ses cheveux blonds devenus très vite blancs, entre la vieillesse et la pensée, elle a dû être mauvaise à aimer pour les âmes ardentes Comme elle a dû les impatienter ! […] Ils ne sont pas, du reste, plus mauvais que d’autres, mais ils ressemblent aux autres.

252. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « Prosper Mérimée »

Il se vante, il est vrai, en ces Lettres qui le changent, non plus en nourrice, mais en tombe, d’avoir été trois ans un damné mauvais sujet ; mais, outre que les passions ne sont pas plus de l’âme que les servantes ne sont leurs maîtresses, quoique les mauvais sujets les leur préfèrent souvent, un homme qui, comme feu Mérimée, passa toute sa vie à avaler des dictionnaires et des grammaires, à visiter des musées, à gratter la terre pour y trouver des antiques, à monter et à descendre des escaliers pour entrer ès Académies, à galoper et à valeter sur toutes les routes, comme un courrier de malle-poste, dans l’intérêt de l’art et des gouvernements, à rapporter au Sénat et à charader pour l’Impératrice, était attelé à trop de besognes pour avoir le temps de regarder du côté de son cœur pour s’attester qu’il en avait un… Eh bien, c’était là une erreur ! […] Il n’est plus jeune ici, il n’est plus mauvais sujet, il ne se porte plus bien, il a, dans son corps de lanterne, deux maladies à casser le corps d’un pauvre homme, et il est obligé d’entrer, à toute minute, dans des pantalons collants, malheur comique dont il ne rit pas ! […] Elle a pu jouer avec sa vanité d’homme le grand jeu de la coquetterie ; elle a pu même être un instant le vide-poche charmant des mauvaises humeurs de son spleen ; mais Mérimée ne fut bientôt plus que le commissionnaire de cette femme, à charge de revanche.

253. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Agrippa d’Aubigné. — II. (Fin.) » pp. 330-342

Lui ayant demandé d’où venaient les compagnons, il me répondit ainsi en mauvais français : « Nous venons de la bataille de M. de Montbrun. […] Parlant du connétable de Montmorency, blessé à mort dans la bataille de Saint-Denis à l’âge de soixante-quatorze ans ; après quelques détails sur l’action, il dit : Il faut venir au connétable, lequel le lendemain mourut chargé de six coups, en âge, en lieu et condition honorables ; grand capitaine, bon serviteur, mauvais ami ; profitant des inventions, labeurs et pertes d’autrui, agissant par ruses, mais à leur défaut usant de sa valeur. […] La Force s’étant excusé, d’Aubigné fit alors un de ces discours dont il aime à se ressouvenir, et où il résume avec énergie et talent tout l’esprit d’une situation et d’une crise : Sire, vous avez plus de besoin de conseil que de consolation ; ce que vous ferez dans une heure donnera bon ou mauvais branle à tout le reste de votre vie, et vous fera roi ou rien.

254. (1892) Boileau « Chapitre III. La critique de Boileau. La polémique des « Satires » » pp. 73-88

Chapelain, avec lui, sera aux places d’honneur ; puis défilent Pelletier, Bardin, Perrin, Pradon, Quinault, Mauroy, Boursault, l’abbé de Pure, Neufgermain, La Serre, Saint-Amant, Coras, Las Fargues, Colletet, Titreville, Gautier, Linière, Sauval ; des morts même, Théophile, le Tasse ; les genres aussi, plaidoyers, sermons, odes, églogues, élégies ; enfin l’erreur d’un grand homme, Attila : c’est un terrible massacre de réputations usurpées, et cette neuvième satire, avec son insultante nomenclature, fait l’effet d’être le martyrologe des méchants auteurs et des mauvais écrits. […] Mais cet « excuseur de toutes les fautes » avait la dent mauvaise et la rancune tenace quand une fois on lui avait manqué. […] Comme il ne pouvait souffrir les mauvais ouvrages, il en voulait aussi aux auteurs qui jetaient du discrédit sur la littérature par leurs mœurs et par leur caractère.

255. (1890) L’avenir de la science « Préface »

Nul ne le sait, et pourtant il serait capital de le savoir, car ce qui est bon dans une des hypothèses est mauvais dans l’autre. […] Et puis, après tout, on n’appauvrit personne en tirant de son portefeuille les mauvaises valeurs et les faux billets. Mieux vaut un peu de bonne science que beaucoup de mauvaise science.

256. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre XIII. Premières tentatives sur Jérusalem. »

Le peuple qui marchait dans l’ombre a vu une grande lumière ; le soleil s’est levé pour ceux qui étaient assis dans les ténèbres. » La renommée de la ville natale de Jésus était particulièrement mauvaise. […] Jésus, qui envisageait les ouvrages d’art comme un pompeux étalage de vanité, voyait tous ces monuments de mauvais œil.  […] La caste sacerdotale s’était séparée à tel point du sentiment national et de la grande direction religieuse qui entraînait le peuple, que le nom de « sadducéen » (sadoki), qui désigna d’abord simplement un membre de la famille sacerdotale de Sadok, était devenu synonyme de « matérialiste » et d’« épicurien. » Un élément plus mauvais encore était venu, depuis le règne d’Hérode le Grand, corrompre le haut sacerdoce.

257. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 34, que la réputation d’un systême de philosophie peut être détruite, que celle d’un poëme ne sçauroit l’être » pp. 489-511

Il n’en est pas ainsi d’un mauvais poëme. […] Le sentiment se souleve contre celui qui voudroit nous faire croire qu’un poëme que nous avons trouvé insipide nous auroit interessé, mais le sentiment ne dit mot, pour user de cette expression, contre celui qui nous donne un mauvais raisonnement de métaphisique pour bon. […] Les mauvais succès de ses tentatives pour reformer les abus et pour établir l’ordre qu’il avoit imaginé dans son cabinet, les lumieres que donne l’expérience et qu’elle seule peut donner, lui font bien-tôt connoître que son prédecesseur s’étoit bien conduit, et que le monde avoit raison de le loüer.

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