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867. (1867) Cours familier de littérature. XXIV « CXXXIXe entretien. Littérature germanique. Les Nibelungen »

De ces milliers de Nibelungen il ne restait plus debout que le vieux roi Gunther et le perfide mais courageux Hagene. […] Le seigneur Dietrîch, chef de Vérone, prit lui-même son armure, et le vieux Hildebrant l’aida à s’en revêtir. […] Il y a assez à dire sur votre propre compte à vous. » Le seigneur Dietrîch parla: « Il ne convient pas à des héros de s’adresser ainsi des injures, comme font les vieilles femmes. […] Quelqu’inimitié que j’eusse contre lui, j’en suis vraiment affligé. » Alors le vieux Hildebrant parla: « Elle ne jouira pas de la joie d’avoir osé le tuer. […] L’honneur est vieux, et il est évidemment un mélange de la bravoure et de la religion d’où sort la générosité après la victoire.

868. (1868) Cours familier de littérature. XXV « CXLVe entretien. Ossian fils de Fingal »

L’authenticité en était avérée et presque populaire parmi les vieux bergers de la Calédonie. […] Sa lance ressemble à ce vieux sapin ; son bouclier est aussi grand que la lune au bord de l’horizon. […] Appuyé sur sa lance, il adresse ce discours au vieux Carril, à ce chantre vénérable des événements passés : « Cette fête sera-t-elle pour moi seul ? […] Malvina, sa petite-fille, qui vit auprès de son vieux père pour le consoler de la perte de ses enfants et pour entendre ses chants, l’écoute. […] Il appela le brave Connal et le vieux Carril.

869. (1893) Du sens religieux de la poésie pp. -104

Chacun croit bien savoir tous les sens de ce vieux mot et le chanteur qui prétend l’expliquer risque de prendre l’attitude vaine d’un pédant un peu en retard. « Chantez donc !  […] Si la vieille folie était encore en route ! […] Les hommes, depuis qu’ils oublient ce mot, errent dans le désert de leur âme et du monde, sans tous savoir qu’ils sont en quête d’une nouvelle tendresse raisonnée qui puisse les consoler des vieilles promesses trahies. […] Je ne parle pas de la valeur artistique ni même de la sincérité des opéras et des drames qui ont transporté sur la scène l’histoire de la Passion et les vieux mystères chrétiens : j’insiste seulement sur le sens du fait en lui-même. […] Mais elle a besoin de se sentir unie à la Vérité : et voilà que celle-ci perd les vieilles certitudes des religions précises !

870. (1861) Cours familier de littérature. XI « LXIVe entretien. Cicéron (3e partie) » pp. 257-336

Alors il n’avait pu se passer de roi ; maintenant, après l’expulsion de Tarquin, le nom même de roi lui était odieux. » Il combat ensuite, avec une vigueur qu’il puise dans la conscience autant que dans la raison, la doctrine de Machiavel, vieille comme le monde, qu’on doit gouverner les hommes par l’habileté et l’injustice, pourvu que l’habileté et l’injustice produisent la force. […] « Dès qu’il me vit, le vieux roi vint m’embrasser en pleurant, puis il leva les yeux au ciel et s’écria : Je te rends grâce, soleil, roi de la nature, et vous tous, dieux immortels, de ce qu’il me soit donné, avant de quitter cette vie, de voir dans mon royaume et à mon foyer P. Cornélius Scipion, dont le nom seul ranime mes vieux ans ! […] Si le chêne vit encore, ce ne peut être que celui-ci, car il est bien vieux. […] « Il me tarde, dit le vieux Romain, de partir pour cette assemblée céleste, pour ce divin conseil des âmes, d’aller rejoindre tous les grands hommes dont je vous parlais, et au milieu d’eux mon enfant chéri. » Qu’est-ce que la vieillesse, quand l’âme se voit à l’aurore d’un jour éternel ?

871. (1866) Cours familier de littérature. XXI « CXXIIIe entretien. Fior d’Aliza » pp. 177-256

Le vieux roi Ferdinand, pilote expérimenté et railleur, avait pris le parti d’abdiquer et de remettre le gouvernement à son fils, le prince héréditaire, plus propre que lui à se compromettre, soit avec les révolutionnaires, soit contre les puissances étrangères. […] XVI L’automne venu, le vieux roi partit avec le consentement de son peuple, difficilement arraché, pour aller, disait-il, plaider lui-même la cause de la révolution auprès des souverains réunis au congrès de Troppau. […] XVIII Le vieux roi de Naples Ferdinand, quoiqu’il passât pour un lazzarone sur le trône parmi les libéraux de Paris, avait lui-même autant de cet esprit napolitain, fin et railleur, que tout son royaume. […] Ses deux ministres, le vieux Fossombroni et le prince Corsini, avaient conservé les traditions de mansuétude, d’économie et de gouvernement par le peuple lui-même, de leur maître Léopold. […] tu souris au barbare insolent ; Tu lui vends les rayons de ton astre qu’il aime ; Avec un lâche orgueil, tu lui montres toi-même Ton sol partout empreint de tes nombreux héros, Ces vieux murs où leurs noms roulent en vains échos, Ces marbres mutilés par le fer du barbare, Ces bustes avec qui son orgueil te compare, Et de ces champs féconds les trésors superflus, Et ce ciel qui t’éclaire et ne te connaît plus !

872. (1889) Histoire de la littérature française. Tome III (16e éd.) « Chapitre neuvième »

J’entends parler en français le vieux Chrémès de Térence, que Corneille égalait sans peut-être l’avoir lu : Êtes-vous gentilhomme ? […] Il affectionne les vieilles modes, pour le plaisir de ne pas faire comme tout le monde ; il attaque les nouvelles, par dépit d’être seul de son goût. […] Tenez, mon cœur s’émeut à toutes ces tendresses Cela regaillardit tout à fait mes vieux jours. […] Un auteur dérobe le bien d’autrui quand il n’égale pas ce qu’il emprunte : c’est la vieille image du geai paré des plumes du paon. […] Tonte une ville entière, avec pompe bâtie, Semble d’un vieux fossé par miracle sortie.

873. (1889) L’art au point de vue sociologique « Chapitre neuvième. Les idées philosophiques et sociales dans la poésie (suite). Les successeurs d’Hugo »

Quand les trois Nornes, assises sur les racines du frêne Yggrasill, symbole du monde, élèvent leurs voix tour à tour, la première chante le passé, car elle est la vieille Urda, « l’éternel souvenir », la seconde chante le présent solennel, le jour heureux et fécond où le juste est né : Ce fruit sacré, désir des siècles, vient d’éclore. […] Dès ses premiers regards, il s’est appliqué « à noter les tons fins d’un ciel mélancolique » sans jamais dépasser les « vieux bords de la Seine », ligne de l’horizon. […] Si Coppée, à la suite d’Olivier, nous emmène à la campagne, c’est dans une ferme — jadis « château » ; — le maître du logis, « le bonhomme », est un « vieux noble-fermier », et l’on s’en ira « voir les travaux de campagne », « dans un panier d’osier ». […] Il n’en est pas moins intéressant de retrouver dans ses vers des formules matérialistes qu’il croit neuves et qui sont bien vieilles. […] Et à l’en croire, il ne blasphème pas attirer l’attention de la foule ; non, il blasphème parce qu’il est « touranien », parce qu’il a dans ses veines le vieux « sang » barbare et « blasphématoire », parce qu’il a sa « la peau jaune », des « os fins », des « yeux de cuivre » et que ses aïeux « massacraient gaiement leurs enfants mal venus et leurs parents trop vieux. » Il ne croit point qu’il y ait un Dieu, n’importe, il lui montre le poing, il le défie en sent.

874. (1840) Kant et sa philosophie. Revue des Deux Mondes

Ouvrez l’Edda et les Niebelungen ; la lecture la plus superficielle y découvre un goût de rêverie et des sentimens profonds, sombres ou exaltés qui nous rappellent sans cesse que les héros et les bardes de ces vieilles poésies n’ont pas vu le ciel de l’Italie ou celui de l’Espagne. […] De même, quand Luther eut détruit l’influence de Rome dans une grande partie de l’Allemagne, les esprits une fois sortis de la vieille autorité, n’en surent plus reconnaître aucune ; le luthéranisme eut aussi ses schismes, le calvinisme ses bûchers, et ce qui restait de foi ne sut plus à quelle forme se prendre et s’arrêter. […] On vit s’élever en Allemagne une infinie variété d’écoles où la vieille scholastique subit des améliorations, c’est-à-dire des altérations continuelles ; mais au milieu de cette confusion on ne trouve rien de grand, rien d’original, rien qui soit digne d’occuper sérieusement l’histoire. […] Frédéric se plaisait à cette lutte des vieux théologiens avec les nouveaux philosophes. […] Toutes les vieilles certitudes sont décriées ; mais ce n’est pas à dire que l’esprit humain renonce à la certitude.

875. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Robert » pp. 222-249

Qu’il est vieux, ce monde ! […] En tournant de là vers la gauche, fabriques ruinées, colonnes qui tombent de vétusté et grand pan de vieux mur. […] Au pied du grand pan de vieux mur, sur le devant, paysan assis à terre et se reposant sur la gerbe qu’il a glanée. […] Proche du même coin de la cheminée, assise sur un billot, la vieille cuisinière est devant son feu. […] Cette vieille cuisinière est tout à fait ragoûtante d’effet, de position et de vêtement ; la lumière est large sur son dos.

876. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Edgar Poe »

Et ceux qui sont constitués pour aimer Edgar Poe et ceux qui sont au contraire organisés pour, le haïr, — car cet esprit singulier dérange trop pour n’être pas adoré ou maudit par les natures dis semblables, — tout le monde, même la Critique, éprouva cet étonnement qui n’est pas, il est vrai, une sensation d’un ordre littéraire bien élevé, mais qui est peut-être le seul succès à espérer dans les vieilles sociétés à bout de fécondité intellectuelle et blasées de littérature. […] … Malgré ses prétentions à la jeunesse, l’Amérique, cette fille de l’Europe, est née vieille comme tous les enfants de vieillards, et elle a les épuisements spirituels de sa mère. […] D’un autre côté, dans les Contes tirés de ces faits magnétiques dont l’époque actuelle est comme ivre, le panthéisme joue un rôle nouveau et offre des aspects qui avaient échappé à l’Allemagne, mais c’est toujours le panthéisme, la vieille monstruosité éventrée et connue jusque dans le fond des entrailles. […] C’est la vieille thèse, la thèse individuelle, et il faut bien le dire, puisque c’est la même chose, la thèse bohème contre les sociétés. […] Je n’ai pas le cœur de les citer, mais un seul, qui donnera une idée des autres, c’est que la femme de Poe, qu’il avait épousée par amour et qu’il avait adorée toute sa vie avec une impeccable fidélité, mourut devant lui, sur une planche, roulée dans les haillons d’un vieux châle, et littéralement sans chemise, n’ayant pour réchauffer son agonie que le corps de son chat, qu’elle s’était mis sur la poitrine.

877. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « MÉLEAGRE. » pp. 407-444

Mais toi, si tu m’adresses un Salut à moi le babillard et le vieux, puisses-tu toi-même atteindre à la vieillesse babillarde !  […] Il vécut vieux, et, après avoir passé sa jeunesse à Tyr, il mourut dans l’île de Cos. […] Je demande donc excuse une fois pour toutes, dans la nécessité où je me mets ici de traduire ces choses si légères ; de telles épigrammes sont comme des gouttes de miel cachées par l’abeille dans les fentes des vieux chênes ; on ne sait comment les en arracher, et souvent il y faut employer les ongles, ce qui gâte la grâce. […] Rien de plus frais, de plus distinct et de plus net que cette peinture ; pas un trait n’y est vague ni de convention ; tout s’y anime et y vit aux regards, et y luit de sa juste couleur, ce qui fait que l’image est restée toute jeune, toute neuve et comme d’hier, dans un si vieux sujet. […] et qu’est-ce qui empêche d’entr’ouvrir de la sorte, non dans la forme savante et philologique qu’on laisse à qui de droit, mais à la vieille manière française, légèrement rajeunie, bien des coins jusqu’ici réservés ?

878. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME DE RÉMUSAT » pp. 458-491

Dans les années où nous la prenons, c’est-à-dire un peu avant 1800, le salon de cette aimable vieille réunissait les débris de la bonne compagnie et de la société philosophique, qui même, en aucun temps, ne s’en était absolument exilée. […] Mme d’Houdetot passa à la campagne le temps même de la Terreur ; sa retraite fut respectée ; ses parents s’y pressaient autour d’elle, et il se pourrait bien (écrit Mme de Rémusat dans un charmant portrait de sa vieille amie) qu’elle n’eût gardé de ces jours affreux que le souvenir des obligations plus douces et des relations plus affectueuses qu’ils lui valurent. […] Des soins assidus et délicats embellirent ses vieux jours de quelques-unes des couleurs qui avaient égayé son printemps ; une amitié complaisante239 consentit à prendre avec elle la forme qu’elle était accoutumée de donner à ses sentiments. […] Sa vieille amie, la comtesse de Lémos, lui avait dit : « Prenez-y garde, l’intrigue, quand elle complique, n’est plus un moyen, c’est une difficulté de plus. » Au moment de sa retraite et de son voyage à travers les belles campagnes qu’il n’a pas aperçues depuis si longtemps, et où se promène avec une ombre de sourire son regard éteint je salue une haute pensée : « Dans tous les malheurs qui nous arrivent, il se rencontre un moment douloureux qu’on doit se hâter de franchir : c’est comme un passage obscur et difficile, une sorte de portique entre le désespoir et la résignation. […] Me voilà vieux, et le plaisir s’envole ; Mais le bonheur ne me quitte aujourd’hui, Car j’aime encore, et l’amour me console : Rien n’aurait pu me consoler de lui.

879. (1863) Cours familier de littérature. XVI « XCIe entretien. Vie du Tasse (1re partie) » pp. 5-63

Les études de vingt ans d’un de ces hommes studieux que l’enthousiasme attache aux grandes renommées avec une sorte de piété littéraire comme la curiosité attache certains érudits à la pierre sépulcrale des vieilles tombes pour déchiffrer des épitaphes, M.  […] « La fortune », dit-il dans cette lettre, « non contente de toutes mes adversités passées, vient, pour me rendre complètement malheureux, de m’enlever cette jeune et charmante femme, mon épouse, et de détruire par cette mort toute espérance de félicité pour moi, le seul soutien de mes pauvres enfants et la seule perspective de consolation qui me restât pour mes vieux jours ; je la pleure nuit et jour et je m’accuse de sa mort, parce que je n’aurais jamais dû, par une vaine ambition de grandeur, ou par un attachement trop grand à mon prince, l’avoir abandonnée ainsi que mes petits enfants et le gouvernement domestique de ma maison, entre les mains non de ses frères, mais plutôt de ses plus cruels ennemis ! […] aucune… Avec une haute intelligence, avec autant de prudence que de vertus et de charmes, elle était restée par suite de mon bannissement dans une sorte de veuvage sans parents ou avec des parents pires que des étrangers ; sans amis pour l’aider de leurs conseils dans l’adversité, en sorte qu’elle vivait dans un continuel état de crainte ou d’anxiété ; elle était jeune, elle était belle ; elle était si jalouse de son honneur que depuis mon exil elle avait souvent désiré d’être vieille et disgraciée de figure ! […] « Assister un pauvre gentilhomme qui, sans aucun tort de sa part et pour demeurer, au contraire, fidèle à l’honneur, est tombé dans le malheur et dans l’indigence, est le privilège d’un esprit noble et magnanime tel que le vôtre ; et sans cette assistance, Madame, mon pauvre vieux père mourra bientôt de désespoir, et vous perdrez en lui un de vos admirateurs les plus affectionnés et les plus dévoués. […] Mon pauvre vieux père n’a plus que nous deux, et, depuis que le sort lui a enlevé sa fortune et une femme qu’il aimait plus que son âme, il ne peut penser sans désespoir à être privé par la cupidité de ses oncles d’une fille chérie, dans le sein de laquelle il espérait reposer le peu de jours qui lui restent à vivre.

880. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre II. L’époque romantique — Chapitre I. Polémistes et orateurs, 1815-1851 »

Magistrat, d’une vieille famille de magistrats de Savoie, jeté hors de chez lui par la Révolution française qui annexa son pays, Joseph de Maistre671, s’en alla à l’autre bout de l’Europe représenter son maître le roi de Sardaigne : il passa quatorze ans de sa vie (1802-1816) dans cet exil de Saint-Pétersbourg, vivant pauvrement, stoïquement, jugeant de haut les événements et les hommes, et composant dans son loisir ses principaux ouvrages. […] Aux vieux conteurs, il a pris la narration aisée, lumineuse, teinte d’un comique délicieux. […] Il le disait sur ses vieux jours : le romantisme, c’est la Commune ; il l’abhorrait comme une insurrection ; il n’y sentait pas l’explosion puissante de l’art et de la poésie. […] Sur le tard, dans les loisirs que lui fit l’Empire, son imagination se réveilla, voluptueuse, et l’on vit ce vieux prédicateur du catéchisme spiritualiste s’éprendre des jolies pécheresses du temps de Louis XIII et de la Fronde. […] On aura une idée de son tour d’imagination par ce seul passage : « Les Bourbons reviennent, ils reparaissent au milieu d’un peuple nouveau, entourés des solennelles antiquailles de l’ancien régime, de prélats anti-concordataires pleins des idées serviles d’autrefois, ennemis de tout ce que n’avait pas vu leur jeunesse, Gers de n’avoir rien appris depuis quarante ans ; de vieux abbés dont l’ambition moisie dans l’exil infectait les antichambres du château ; de valets aux genoux d’autres valets : tout cela se remuait et fourmillait à la cour des fils de Louis XIV, comme des vers dans un cadavre. » (XII. 262.)

881. (1896) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Sixième série « De l’influence récente des littératures du nord »

C’est donc la vieille histoire de Gretchen. […] Dans _Rosmersholm_, Rosmer, descendant d’une vieille famille très fermement religieuse, a recueilli chez lui une jeune fille libre penseuse et révolutionnaire, Rébecca, dont il subit l’influence jusqu’à renier ses anciennes croyances et embrasser, comme on dit, les « idées nouvelles ». […] Elle s’en confesse à son vieux mari loyalement, Wangel lui dit : « Je te rends ta liberté ; suis l’Étranger, si tu veux. » Mais, du moment qu’Ellida est libre, le charme est rompu. « Jamais, dit-elle à son mari je ne te quitterai après ce que tu as fait. » Wangel s’étonne : « Mais cet idéal, cet inconnu qui t’attirait ?  […] Lisez la peinture de la vieille domestique récompensée au Comice agricole. […] Sous cette forme neutre, cette espèce de cote mal taillée qu’est une traduction, sous ces mots français recouvrant un génie qui ne l’est pas, de vieilles vérités ou des observations connues me font l’effet de nouveautés singulières.

882. (1894) Propos de littérature « Chapitre IV » pp. 69-110

Mais cette alternance est précisément très malaisée et M. de Régnier en a jusqu’à un certain point évité la difficulté en n’écrivant que très rarement des vers tout à fait « ingénus », basés entièrement sur le rythme et qui ne participent pas de vieux souvenirs. […] Était-ce d’avoir quitté les bruyères Où nous avions erré, Et les collines et les prés, Et les sentiers selon la courbe des rivières, Était-ce à cause de vieux hivers Et de tant d’hiers Où nous avions pleuré ? […] Seigneur, voici parmi les arbres Le vieux château que vous voulûtes Revoir à cette heure de fièvre et de larmes Où vos glorieuses blessures saignaient sur vos armes, Alors qu’en votre âme de littérature. […] On en trouve des exemples typiques : Voici ma pensée : Si la flèche Que mon arc lance aux étoiles Retombe et blesse Ma main qui l’a lancée Vers les étoiles ; Et si le cri d’opprobre Que je jette à l’écho des bois — Bavard ou de réponse sobre, Selon ma voix- Se retourne comme une insulte Qui brûle mon cœur en moi ; Ainsi tout vieux rêve vers toi, Tout vieil émoi (Qu’un nouveau rire, croit-il, achève) Surgit encore comme un tumulte, Hélène, Et tout vieux rêve Me pèse jour et nuit en honte vaine Comme un remords : Tel l’espoir d’une aube qui jamais ne se lève, Tel que mon jour est las de porter mes jours morts.

883. (1890) L’avenir de la science « XXIII »

Nous avons abattu la vieille idole du respect : une idole ne se relève pas. […] La bourgeoisie d’ailleurs a eu parfois le tort de chercher à revenir aux vieux airs de la noblesse ; à quoi elle n’a nullement réussi, et par là elle s’est rendue ridicule. […] Je m’entends mieux avec les simples, avec un paysan, un ouvrier, un vieux soldat. […] Dieu, providence, âme, autant de bons vieux mots, un peu lourds, mais expressifs et respectables, que la science expliquera, mais ne remplacera jamais avec avantage. […] Qui ne s’est arrêté, en parcourant nos anciennes villes devenues modernes, au pied de ces gigantesques monuments de la foi des vieux âges ?

884. (1886) Revue wagnérienne. Tome I « Paris, le 8 décembre 1885. »

Au second acte, il hante Sachs, le trouble, l’arrache à son travail et se dérobe quand le vieux chanteur veut le ressaisir : « Es klang so alt, dit Sachs rêveur, und war doch so neu, wie Vogelsang in süssen Mai ». […] Wagner sait ici reconnaître à l’influence féminine et populaire le pouvoir de transfuser un sang nouveau et vivace aux vieilles formes, comme avaient fait le Dante et le Buddha à propos de langage. […] Motif 76 (p. 83, 84, 85, 86, 121, 122, 138, 147). — Ce motif explique l’inspiration de Walther, il est très proche du 35 ; il va de la forêt et du vieux Vogelweid jusqu’à l’amour même qui l’anime : « Da sing ich hell und hehr der liebsten Frauen Ehr. — Nun sang er wie er müsst, und wie er musst, so konnt er’s. » Motif 77 (p. 87). — « In eigenem Wort und eigener Weise ». […] Dans tous est un écho de la mélodie du printemps, de la forêt, et si l’on veut repasser rapidement les différentes significations des motifs 1, 2, 3, 17, 35, 70, 71, 72, 73, 74, 75, 76, 77, 79, pour le printemps et la forêt ; — 1, 2, 3, 5, 9, 12, 13, 14, 15, 18, 19, 20, 22, 23, 24, 25, 26, 31, 35, 44, 45, 49, 50, 53, 54, 66, 67, 68, 70, 71, 72, 73, 74, 76, 77, 78 et 79, pour Walther ; — 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 15, 16, 18, 19, 23, 24, 25, 31, 33, 35, 44, 45, 48, 49 et 80, pour Eva ; — 1, 2, 4, 12, 13, 17, 26, 27, 29, 30, 31, 32, 33, 34, 36, 45, 63, 66, et 82, pour Sachs ; — 37, 38, 39, 40, 41, 42, 43, 44, 46, 47, 48, 49, pour Nuremberg, son peuple et sa bourgeoisie ; — 20, 50, 54, 55, 56, 57, 58, 59, 60, 61, 62, 63, 64, 66, 68, 69, 78, pour les Maîtres et leur art ; On reconnaîtra nettement la circulation de ce même dessin mélodique à travers tout le drame musical ; la vie, l’organisation de cette idée réalisée dans une œuvre étonnante de génie ; l’art vivant s’imposant par la force même de sa fraîcheur, de sa naïveté, de sa « neuveté » dirai-je même, à un vieux poète populaire, à une jeune fille, à tout un peuple et à tout le vieux art des maîtres chanteurs : « Et antiquum documentum novo cedat ritui ! 

885. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Additions et appendice. — Treize lettres inédites de Bernardin de Saint-Pierre. (Article Bernardin de Saint-Pierre, p. 420.) » pp. 515-539

Aujourd’hui que l’expérience m’a rendu vieux, je n’aspire qu’après le repos. […] (Villebois) aujourd’hui en Livonie, de notre vieux major Randon, et du docteur Treytorens qui ne doute de rien. […] Enfin, mon ami, je reviendrais par la Pologne, où… Mais à quoi sert de renouveler de vieilles douleurs ! […] Toutes mes amours se réduisent aujourd’hui à un vieux Plutarque et un petit chien qui, sans mes soins, serait tout couvert de puces. […] J’écris pareillement à M. le prince Dolgorouki qui me prêta 500 livres ou 25 louis vieux à Berlin, où il était alors ministre de Russie.

886. (1894) Propos de littérature « Chapitre V » pp. 111-140

Ou bien elle glissait, espaçant ses vers pour donner naissance à maintes strophes qui s’y enroulaient, ou bien quelques mots de vieille cantilène, au début de chaque pièce, bien que développés avec des richesses plus modernes et conduits loin de leur sens premier, ajoutaient au poème leur vert parfum agreste. […] M. de Régnier s’inquiète de légende, transporte ses poèmes en des avenues de temps délicieux et flottants ; mais chez lui la légende est un motif à beaux vers et à mélancolie d’artiste, une occasion d’attitudes enchantées auxquelles une époque imprécise assigne du lointain, plutôt qu’une effusion contenue mais spontanée dans le vieux trésor des siècles. […] Les littératures de l’étranger se sont fréquemment rapprochées du vieux sol où fleurissent les croyances d’un temps jadis. […] On le supposerait volontiers contemporain d’une autre époque (disons un frère cadet du vieux Chrestien de Troyes), s’il ne se liait à celle-ci par la modernité de son art dont la noblesse quasi féodale rappelle pourtant l’or et l’argent, l’hermine et le vair et les quatre émaux héraldiques ; — mais tout notre art ne regarde-t-il pas sur la route, derrière soi, autant qu’il discerne les choses attendues et qui viendront ?

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