Il était à peine mûr de la veille ; il était à cette plénitude de la jeunesse où la saison des fruits commence à peine d’hier et où quelques tours de soleil achèveront, où l’on n’a plus enfin qu’à produire pour tous ce qu’on a mis tant de labeur et de veilles à acquérir pour soi. […] Mais la Satyre Ménippée ne vint qu’après les États ; elle ne parut (sauf la petite brochure du Catholicon qu’on met en tête et qui a précédé en date), elle ne parut, objecte-t-on, qu’aussitôt après l’entrée de Henri IV à Paris, après le 22 mars 1594 ; on achevait de l’imprimer à Tours quand cette entrée eut lieu, elle partit sur le temps ; ce fut une pièce du lendemain , les hommes de la Ménippée sont des hommes du lendemain . […] On a imprimé plusieurs des discours d’ouverture prononcés par lui, et dans lesquels, pour le tour des idées et la forme de l’érudition, il semblait d’abord marcher sur la trace de cet autre agréable maître M. […] Toutes ces paroles ne sont que rigoureusement justes appliquées à Charles Labitte, et celles-ci le sont encore241, que je détourne à peine : « Fidèle à la tradition, reconnaissant des aînés et même des maîtres (pour mieux le devenir à son tour), qu’il ressemblait peu à nos autres jeunes gens !
Quand on lui présente la tiare, il l’essaye en riant ; il fait autour « des grimaceries, tours de souplesse, singeries, passe dedans ainsi qu’en un cerceau. »120 Il n’est fait ni pour s’asseoir ni pour marcher, mais pour sauter et grimper. […] Ses petits yeux brillants sous ses paupières ridées font deviner qu’elle pourra jouer au lièvre quelque bon tour. — La belette est « demoiselle. » Elle a le nez pointu, un long corsage ; c’en est assez pour lui mériter son titre, et La Fontaine ajoute, pour plus de sûreté, « l’esprit scélérat. » — Qui a mieux connu le vol de l’hirondelle, caracolant, frisant l’air et les eaux, attentive à sa proie, happant mouches dans l’air ? […] Le vrai lapin est brusque, étourdi, gourmand, très-mauvais père, capable même d’étrangler ses petits, très-égoïste ; pourvu qu’il puisse « brouter, trotter, faire tous ses tours », il se soucie peu du reste. […] Il verra le pigeon voleter avec un empressement gracieux autour de sa femelle, baisser et relever tout à tour son col flexible d’un air suppliant et tendre, attacher longuement sur elle ses yeux si doux, et se soulever à demi sur ses ailes bleuâtres pour la becqueter de son bec rosé et délicat.
Cette seconde idée, à son tour, dépend d’une troisième plus générale encore, celle de la perfection morale, telle qu’elle se rencontre dans le Dieu parfait, juge impeccable, rigoureux surveillant des âmes, devant qui toute âme est pécheresse, digne de supplice, incapable de vertu et de salut, sinon par la crise de conscience qu’il provoque et la rénovation du cœur qu’il produit. […] Si la conception générale à laquelle elle aboutit est une simple notation sèche, à la façon chinoise, la langue devient une sorte d’algèbre, la religion et la poésie s’atténuent, la philosophie se réduit à une sorte de bon sens moral et pratique, la science à un recueil de recettes, de classifications, de mnémotechnies utilitaires, l’esprit tout entier prend un tour positiviste. […] Quoique nous ne puissions suivre qu’obscurément l’histoire des peuples aryens depuis leur patrie commune jusqu’à leurs patries définitives, nous pouvons affirmer cependant que la profonde différence qui se montre entre les races germaniques d’une part et les races helléniques et latines de l’autre, provient en grande partie de la différence des contrées où elles se sont établies, les unes dans les pays froids et humides, au fond d’âpres forêts marécageuses ou sur les bords d’un océan sauvage, enfermées dans les sensations mélancoliques ou violentes, inclinées vers l’ivrognerie et la grosse nourriture, tournées vers la vie militante et carnassière ; les autres au contraire au milieu des plus beaux paysages, au bord d’une mer éclatante et riante, invitées à la navigation et au commerce, exemptes des besoins grossiers de l’estomac, dirigées dès l’abord vers les habitudes sociales, vers l’organisation politique, vers les sentiments et les facultés qui développent l’art de parler, le talent de jouir, l’invention des sciences, des lettres et des arts. — Tantôt les circonstances politiques ont travaillé, comme dans les deux civilisations italiennes : la première tournée tout entière vers l’action, la conquête, le gouvernement et la législation, par la situation primitive d’une cité de refuge, d’un emporium de frontière, et d’une aristocratie armée qui, important et enrégimentant sous elle les étrangers et les vaincus, mettait debout deux corps hostiles l’un en face de l’autre, et ne trouvait de débouché à ses embarras intérieurs et à ses instincts rapaces que dans la guerre systématique ; la seconde exclue de l’unité et de la grande ambition politique par la permanence de sa forme municipale, par la situation cosmopolite de son pape et par l’intervention militaire des nations voisines, reportée tout entière, sur la pente de son magnifique et harmonieux génie, vers le culte de la volupté et de la beauté. — Tantôt enfin les conditions sociales ont imprimé leur marque, comme il y a dix-huit siècles par le christianisme, et vingt-cinq siècles par le bouddhisme, lorsque autour de la Méditerranée comme dans l’Hindoustan, les suites extrêmes de la conquête et de l’organisation aryenne amenèrent l’oppression intolérable, l’écrasement de l’individu, le désespoir complet, la malédiction jetée sur le monde, avec le développement de la métaphysique et du rêve, et que l’homme dans ce cachot de misères, sentant son cœur se fondre, conçut l’abnégation, la charité, l’amour tendre, la douceur, l’humilité, la fraternité humaine, là-bas dans l’idée du néant universel, ici sous la paternité de Dieu. — Que l’on regarde autour de soi les instincts régulateurs et les facultés implantées dans une race, bref le tour d’esprit d’après lequel aujourd’hui elle pense et elle agit ; on y découvrira le plus souvent l’œuvre de quelqu’une de ces situations prolongées, de ces circonstances enveloppantes, de ces persistantes et gigantesques pressions exercées sur un amas d’hommes qui, un à un, et tous ensemble, de génération en génération, n’ont pas cessé d’être ployés et façonnés par leur effort : en Espagne, une croisade de huit siècles contre les Musulmans, prolongée encore au-delà et jusqu’à l’épuisement de la nation par l’expulsion des Maures, par la spoliation des juifs, par l’établissement de l’inquisition, par les guerres catholiques ; en Angleterre, un établissement politique de huit siècles qui maintient l’homme debout et respectueux, dans l’indépendance et l’obéissance, et l’accoutume à lutter en corps sous l’autorité de la loi ; en France, une organisation latine qui, imposée d’abord à des barbares dociles, puis brisée dans la démolition universelle, se reforme d’elle-même sous la conspiration latente de l’instinct national, se développe sous des rois héréditaires, et finit par une sorte de république égalitaire, centralisée, administrative, sous des dynasties exposées à des révolutions. […] Posez ici que la seconde dépend en partie de la première, et que c’est la première qui, combinant son effet avec ceux du génie national et des circonstances enveloppantes, va imposer aux choses naissantes leur tour et leur direction.
Deux ouvrages d’éducation, écrits à vingt ans de distance, le livre que le chevalier de la Tour Landry adressait à ses filles (1372) et le Ménagier de Paris, qu’un bourgeois déjà mûr dédiait à sa jeune femme (1302) nous font mesurer la différence des deux classes, la frivolité, l’ignorance, l’amoindrissement du sens moral chez l’excellent et bien intentionné seigneur : chez le bourgeois, le sérieux de l’esprit, la dignité des mœurs, la réflexion déjà mûre, la culture déjà développée, enfin la gravité tendre des affections domestiques, l’élargissement de l’âme au-delà de l’égoïsme personnel et familial par la justice et la pitié. […] Par-dessus les rondeaux simples ou doubles, par-dessus les virelais et chants royaux, il admire la ballade « équivoque et rétrograde », où la dernière syllabe de chaque vers donne le premier mot du vers suivant : vrai tour de force en effet, et acrobatie poétique. […] Cela, sans doute, est encore bien mêlé et bien confus : les constructions légères, familières, à la française, les tours plus graves, compassés, à la manière des orateurs romains, se coudoient, se mêlent, se choquent chez nos novices écrivains. […] Dès le ixe siècle, les conciles de Tours et de Reims ordonnent aux prêtres d’instruire le peuple !
Les potiers lui doivent le tour qui façonne la forme des vases : quelques monnaies athéniennes montrent son hibou familier perché sur une amphore renversée. […] Que Pallas décide et prononce, elles s’en remettent à son jugement. — Oreste parle à son tour, il a expié, il s’est purifié, l’eau lustrale a lavé son crime. […] Installées au pied de l’Aréopage, en communication constante avec lui par les prières et les sacrifices, elles en recevront des influences de pitié humaine ; elles lui inspireront, à leur tour, le zèle de l’enquête active et du châtiment mérité. […] Ce siècle a eu le premier l’intuition complète des Génies souverains et extraordinaires, hors rang et hors tour, au-dessus de toute régie et de toute critique, antérieurs par la création ou supérieurs par l’inspiration ; de ceux que marque la grande ride ou qui déploient les grandes ailes.
La tour est une certaine puissance de « marcher en ligne droite », le cavalier « une pièce qui équivaut à peu près à trois pions et qui se meut selon une loi toute particulière », etc. […] Comprenons-nous la solution d’un problème autrement qu’en résolvant le problème à notre tour ? […] Celle-ci se développe ensuite en images représentées qui prennent contact à leur tour avec les images perçues, les suivent à la trace, s’efforcent de les recouvrir. […] De là une modification graduelle du schéma, exigée par les images mêmes qu’il a suscitées et qui peuvent très bien, néanmoins, avoir à se transformer ou même à disparaître à leur tour.
Il y a plus de vingt ans que j’ai l’honneur de la connaître et que j’ai affaire à elle ; que, dans mes études de Port-Royal, j’ai occasion de la rencontrer à chaque instant, de me dire et de me redire en quoi elle diffère par le caractère et le tour d’esprit de sa sœur la mère Angélique, la grande réformatrice du monastère ; que j’ai l’habitude de recourir à ses lettres, à celles dont il existe à la Bibliothèque impériale et à l’Arsenal des recueils manuscrits, pour y chercher la suite et le détail des relations qu’entretenaient avec le dedans de Port-Royal les amis du dehors, les ci-devant belles dames plus ou moins retirées du monde, telles que Mme de Sablé, le ci-devant frondeur M. de Sévigné, oncle de la spirituelle marquise. […] Mais voici le tour piquant qui commence, et le bel esprit enjoué qui va se mêler jusque dans la mysticité religieuse : elle va faire semblant tout d’un coup de s’être méprise, d’avoir à se rétracter, et tout ce que M.
Car l’auteur a beau dissimuler et ne faire semblant de rien ; la nouvelle Mme Pierson, fort charmante à son tour, n’est plus la même que la première ; celle qui a la blouse bleue n’est plus celle qui, un peu dévote et très-charitable, parcourait à toute heure, en voile blanc, ces campagnes qui l’avaient vu couronner rosière. […] Le style de M. de Musset, dans la Confession, est, comme il l’est en général dans sa prose, vif, net, court, transparent ; le tour aisé et concis, surtout dans les récits du second volume, se ressent de la prédilection que l’auteur affiche pour Candide et Manon Lescaut.
Mais la tour Antonia, quartier général de la force romaine, dominait toute l’enceinte et permettait de voir ce qui s’y passait 606. […] Des traces considérables de la tour Antonia se voient encore dans la partie septentrionale du haram.
Royer-Collard, par exemple : « Il n’a rien de ce temps-ci, disait-on ; tour de pensée et langage, il est tout d’une autre époque. » Pardon ! […] Saint-Marc Girardin a comme découvert ce Stagyre, et il lui adresse à son tour beaucoup de vérités que la politesse l’empêchait alors de dire ; place à René lui-même.
Cette école se divise à son tour en plusieurs branches, qui sont l’école doctrinaire, l’école libérale et l’école des économistes : ces trois écoles, liées par des principes communs, se distinguent par des nuances assez importantes. […] Mais cette œuvre une fois faite, le gouvernement doit disparaître à son tour comme étant le dernier des privilégiés : c’est la doctrine du laisser-faire poussée à ses dernières limites.
Nous avons déjà vu quelques exemples de ce tour vif et animé, qui met d’abord le personnage en scène. Après le sentiment de la douleur physique, vient celui de l’injustice qui lui fait subir un pareil traitement ; et puis l’indignation contre l’ingratitude ; enfin l’amour-propre a son tour.
Ainsi se dessinent dans votre esprit les idées les plus générales de votre penseur, celles qu’il a eues avant toutes les autres et dont toutes les autres ont découlé ; — ou celles qu’il a eues tout à la fin, comme conséquences et comme synthèse d’une foule d’idées particulières ; — ou (plus souvent) celles qu’il a eues au milieu de sa carrière intellectuelle et qui étaient le résumé d’un grand nombre d’idées particulières et qui à leur tour ont produit, ont créé des idées particulières en très grand nombre. […] Nous avons pensé, en nous souvenant, à travers les Méditations du Discours de la Méthode et en contrôlant le Discours de la Méthode par les Méditations ; et nous avons fait comme le tour du problème de la connaissance, nous apercevant que notre moyen essentiel de connaître est subordonné à quelque chose que nous ne pouvons pas connaître ; nous apercevant que notre connaissance se résout en foi, soit à elle-même, soit à quelque chose d’inconnaissable.
À ce titre seul, nous avions reconnu le problème du temps présent, la chimère dit siècle, comme disait saint Bernard, — car les littératures font beaucoup de théories sociales, lorsque les peuples ont relâché ou brisé tous les liens sociaux, absolument comme on écrit des poétiques, lorsque le temps des poëmes épiques est passé, — et il était curieux de savoir comment le prêtre avait remué, à son tour, le problème vainement agité si longtemps par les philosophes. […] … Oui, pourquoi ce livre où on cherche en vain ces idées fortes, sensées, pratiques, allant au cœur de la réalité, les idées enfin d’un prêtre catholique qui vient, après les philosophes, parler société à son tour ?
. — (Ne reconnaissez-vous pas Michelet, même dans le tour de la phrase ?) […] … Et tout, en elle, était de ce tour piquant, animé, décidé, vaillant et joyeux !
… Le but du poète (et non pas du faiseur de tours de souplesse en vers) est de faire sortir du fond de son âme des sentiments qui vont dans des âmes analogues à la sienne réveiller des milliers d’échos ! […] Pierre de Saint-Louis, de la province de Provence (1668), j’en ai rencontré de magnifiques, et que les plus grands poètes de ce temps de langue mûrie auraient été fiers designer : Phares des tours du ciel, lampes inextinguibles, Qui rendent, sans rien voir, toutes choses visibles !
Dans un autre temps qu’à une époque où la production intellectuelle se répand d’autant sur le marché qu’elle est plus inconsistante et plus lâche, l’œuvre de Léon Gozlan, composé d’une vingtaine de volumes, sans compter ses pièces de théâtre, pourrait sembler considérable ; mais nous sommes trop accoutumés à ce prétendu tour de force de la production toujours prête, qui n’est guères plutôt qu’une preuve de faiblesse, pour admettre que vingt volumes in-18, dans une vie tout entière, dans un remuement de plume qui dura trente-cinq ans, soit quelque chose de bien imposant par son ensemble et par sa masse. […] Comme, à leur tour, ces derniers doivent l’emporter sur les autres esprits qui ne pensent à vivre que dans la conscience de leur force et dans leur enthousiaste ou profond besoin de la manifester.
Le pastel de La Tour en témoigne. […] Vous comprenez maintenant que, après avoir cité les phrases célèbres de la Tour de Nesle : « C’était une noble tête de vieillard… La Bourgogne était heureuse… La belle nuit pour une orgie à la tour ! […] Sarcey, un large et plantureux humus de tours et de mots sur le sujet que vous devez traiter. […] Flammarion l’a fait à son tour et l’a placé dans la planète Mars. […] Car, sur la première plate-forme de la tour Eiffel, M.
Aujourd’hui c’est le tour des Girondins.
— mais ce qui fait la beauté exceptionnelle des poésies de Madame Ackermann, c’est la largeur d’une aile qu’on ne peut guères enfermer dans le tour d’un chapitre.