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946. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Léopold Robert. Sa Vie, ses Œuvres et sa Correspondance, par M. F. Feuillet de Conches. — II. (Fin.) » pp. 427-443

On me dira peut-être que j’ai eu tort de choisir le sujet d’un tableau important dans des scènes qui ne touchent pas l’âme et qui, à la plupart, paraissent ridicules. […] Ce qui frappe et touche dans la peinture est un caractère d’énergie, de force dans les hommes, et de sensibilité, de douceur dans les femmes.

947. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « La marquise de Créqui — III » pp. 476-491

Et le Fortia (d’Urban) dont nous avons vu le pâle couchant, et dont elle salue l’aurore d’un mot sec en trois lettres ; — et le Montyon, devenu si cher aux académies, mais qu’en son temps elle trouve plus frivole chaque jour et plus courtisan, adorant les glorioles, « et toujours à l’affût des petites nouvelles, sur lesquelles il disserte » ; — sur eux tous elle a la pierre de touche prompte et qui laissa sa traceap. Elle parle assez favorablement de Rivarol ; ce n’est pas qu’elle ne sache ce qu’on y peut reprendre : « Mais, vu la misère des temps, je le trouve bon ; il y a une sorte d’originalité dans le style et des aperçus qui ne sont que trop justes, mais il faut s’en distraire. » Il s’agissait de quelque écrit de Rivarol, qui touchait aux affaires du temps.

948. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « L’abbé de Marolles ou le curieux — I » pp. 107-125

Marolles, qui joindra plus tard (1627) à ce premier bénéfice l’abbaye de Villeloin, plus considérable, et qui en prit occasion de recevoir l’ordre de prêtrise moins par vocation que par convenance (les bulles y mettant cette condition), fut lié avec quelques-uns de messieurs de Port-Royal, fort sévères sur ce genre d’abus et de d’irrégularités ; mais, tout en se prévalant de leur amitié et en la leur rendant par de bonnes paroles et des témoignages publics d’intérêt, il ne fut touché en aucun temps de scrupules sur la manière dont il était entré dans les bénéfices et dans le sacerdoce ; il avait le christianisme assez large et coulant, et n’était rien moins que rigoriste, soit pour la doctrine, soit pour les mœurs : se contentant de vivre en honnête homme, comme on disait alors. […] Il est frappé avant tout de ce qui est singulier, et l’un des souvenirs les plus mémorables qu’il ait gardés du collège est celui du professeur de philosophie Crassot, à la chevelure et à la barbe incultes, vêtu comme un cynique : « Il avait, ajoute Marolles, une chose bien particulière et que je n’ai vue qu’en lui seul, qui était de plier et de redresser ses oreilles quand il voulait, sans y toucher. » De tout temps Marolles aimera à niaiser, à enregistrer tout ce qui s’offre, tout ce qui passe à sa portée, raretés ou balivernes, le philosophe Crassot ou la chanteuse des rues Margot la musette, — le baptême des six Topinamboux, ou une réception des chevaliers du Saint-Esprit.

949. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Charles-Victor de Bonstetten. Étude biographique et littéraire, par M. Aimé Steinlen. — I » pp. 417-434

Tant qu’elle ne me touche pas, elle n’est rien… Je place au nombre des pensées inutiles toutes celles sur la brièveté de la vie, qui ne sont en réalité que la crainte déguisée de l’avenir. […] les La Fayette, les La Rochefoucauld, les Broglie, les Montmorency étaient atteints de la philosophie du siècle et touchés de l’esprit nouveau.

950. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Œuvres de Maurice de Guérin, publiées par M. Trébutien — I » pp. 1-17

Mais il ne s’agit ici de lui qu’en ce qui touche Maurice de Guérin. […] dans cette maison de silence et de paix, un jeune homme obscur, timide, que Lamennais, distrait par ses visions sociales apocalyptiques, ne distingua jamais des autres, à qui il ne supposait que des facultés très ordinaires, et qui dans ce même temps où le maître forgeait sur son enclume ces foudres qu’on appelle les Paroles d’un croyant, écrivait, — lui —, des pages intimes beaucoup plus naturelles, plus fraîches, — tranchons le mot, plus belles —, et faites pour toucher à jamais les âmes éprises de cette vie universelle qui s’exhale et se respire au sein des bois, au bord des mers.

951. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Correspondance diplomatique du comte Joseph de Maistre, recueillie et publiée par M. Albert Blanc » pp. 67-83

. — I… (un Piémontais prisonnier), qui était présent à la revue qui se fit avant de sortir de Moscow, m’a fait peur à moi-même en me disant : « Lorsque je le voyais passer devant le front, mon cœur battait comme lorsqu’on a couru de toutes ses forces, et mon front se couvrait de sueur, quoiqu’il fît très froid. » Ici nous touchons au grand problème que de Maistre se pose sans cesse, mais qu’il ne résout pas, ou du moins qu’il ne résout jamais que dans un sens exclusif, celui du passé. […] Les préjugés des peuples ressemblent à des tumeurs enflammées : il faut les toucher doucement pour éviter les meurtrissures.

952. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Halévy, secrétaire perpétuel. »

Villemain, lui en touchait un jour quelque chose : un vif sentiment de joie brilla sur son visage, mais ne fit que passer et disparut presque à l’instant : il craignait déjà de porter préjudice ou ombrage à un frère méritant et bien aimé. […] si l’on est d’un art particulier, tout en restant le confrère et l’ami des artistes, savoir s’élever cependant peu à peu jusqu’à devenir un juge ; si l’on a commencé, au contraire, par être un théoricien pur, un critique, un esthéticien, comme ils disent là-bas, de l’autre côté du Rhin, et si l’on n’est l’homme d’aucun art en particulier, arriver pourtant à comprendre tous les arts dont on est devenu l’organe, non-seulement dans leur lien et leur ensemble, mais de près, un à un, les toucher, les manier jusque dans leurs procédés et leurs moyens, les pratiquer même, en amateur du moins, tellement qu’on semble ensuite par l’intelligence et la sympathie un vrai confrère ; en un mot, conquérir l’autorité sur ses égaux, si l’on a commencé par être confrère et camarade ; ou bien justifier cette autorité, si l’on vient de loin, en montrant bientôt dans le juge un connaisseur initié et familier ; — tout en restant l’homme de la tradition et des grands principes posés dans les œuvres premières des maîtres immortels, tenir compte des changements de mœurs et d’habitudes sociales qui influent profondément sur les formes de l’art lui-même ; unir l’élévation et la souplesse ; avoir en soi la haute mesure et le type toujours présent du grand et du beau, sans prétendre l’immobiliser ; graduer la bienveillance dans l’éloge ; ne pas surfaire, ne jamais laisser indécise la portée vraie et la juste limite des talents ; ne pas seulement écouter et suivre son Académie, la devancer quelquefois (ceci est plus délicat, mais les artistes arrivés aux honneurs académiques et au sommet de leurs vœux, tout occupés qu’ils sont d’ailleurs, et penchés tout le long du jour sur leur toile ou autour de leur marbre, ont besoin parfois d’être avertis) ; être donc l’un des premiers à sentir venir l’air du dehors ; deviner l’innovation féconde, celle qui sera demain le fait avoué et’reconnu ; ne pas chercher à lui complaire avant le temps et avant l’épreuve, mais se bien garder, du haut du pupitre, de lui lancer annuellement l’anathème ; ne pas adorer l’antique jusqu’à repousser le moderne ; admettre ce dernier dans toutes ses variétés, si elles ont leur raison d’être et leur motif légitime ; se tenir dans un rapport continuel avec le vivant, qui monte, s’agite et se renouvelle sans cesse en regard des augustes, mais un peu froides images ; et sans faire fléchir le haut style ni abaisser les colonnes du temple, savoir reconnaître, goûter, nommer au besoin en public tout ce qui est dans le vestibule ou sur les degrés, les genres même et les hommes que l’Académie n’adoptera peut-être jamais pour siens, mais qu’elle n’a pas le droit d’ignorer et qu’elle peut même encourager utilement ou surveiller au dehors ; enfin, si l’on part invariablement des grands dieux, de Phidias et d’Apelle et de Beethoven, ne jamais s’arrêter et s’enchaîner à ce qui y ressemble le moins, qui est le faux noble et le convenu, et savoir atteindre, s’il le faut, sans croire descendre, jusqu’aux genres et aux talents les plus légers et les plus contemporains, pourvu qu’ils soient vrais et qu’un souffle sincère les anime.

953. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Les Saints Évangiles, traduction par Le Maistre de Saci. Paris, Imprimerie Impériale, 1862 »

Sénèque, à son tour, et sans avoir connu saint Paul, appelait l’homme une chose sacrée à l’homme, homo sacra res homini  : « Ayez donc toujours dans le cœur et dans la bouche, disait-il, ce vers de Térence : Je suis homme et rien de ce qui touche l’homme ne m’est indifférent. […] considérez comment croissent les lis des champs… etc. » Nous savons tous dès l’enfance ces belles paroles, nous sommes nourris de ces innocentes et virginales images ; l’idée pourtant qui y est exprimée ou plutôt touchée si légèrement, le conseil qui y est donné d’un air si aisé et d’un si engageant appel, n’est pas seulement un renchérissement sur la nature, c’est plutôt un renversement de cette nature humaine tout égoïste et du sens commun ordinaire, en vue d’une idéale et surnaturelle perfection.

954. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « M. Octave Feuillet »

La lutte des deux amours, de l’amour-fléau et du pur et placide amour domestique, est très-bien touchée, indiquée, sans déclamation. […] Miss O’Neil, la gouvernante, est touchée elle-même en l’écoutant : elle rend les armes et veut abjurer.

955. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Entretiens sur l’histoire, — Antiquité et Moyen Âge — Par M. J. Zeller. »

Velléius le justifie à nos yeux, ne fût-ce que par un endroit qui nous touche et qui mérite d’être signalé comme un exemple d’une vue déjà toute moderne. […] Il est croyant (puisque j’ai touché ce mot) d’une façon bien remarquable, et que j’ose dire singulière chez un aussi grand esprit et chez un génie de cet ordre ; il l’est, ce me semble, sans avoir eu aucune peine pour cela, sans avoir jamais, à aucun temps, admis ni connu le doute.

956. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Poésies, par Charles Monselet »

Sa prose, on le sent en maint endroit, a touché la rose, je veux dire la poésie. […] Monselet que son plaidoyer m’a intéressé, m’a instruit, mais ne m’a point convaincu ; car il n’a pas touché ou du moins approfondi les points essentiels et qui subsistent à la charge de Fréron, même du Fréron blanchi et innocenté qu’il nous présente.

957. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Le général Jomini. [I] »

Mais, quoiqu’on soit plus d’à moitié chemin, on ne touche pas encore à ce terme désirable. […] La satisfaction dut être grande pour Jomini ; il était dès sa première campagne au comble de ses vœux : lui, l’homme de la science, le théoricien enthousiaste du grand art, il se voyait du premier coup initié dans le secret et l’exécution d’une des plus belles manœuvres que le génie militaire pût concevoir ; il lui était donné d’y assister, d’en toucher pour sa part et d’en faire mouvoir quelques-uns des principaux ressorts ; mais le rôle n’était pas facile et impliquait à chaque instant bien des délicatesses.

958. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « M. LE COMTE MOLÉ (Réception à l’Académie.) » pp. 190-210

Je ne dirai pas, je ne sous-entendrai pas un mot de politique dans tout ceci, je me hâte de le déclarer, même s’il m’arrivait par mégarde de me risquer à toucher au discours de M. […] Et quant au fond, il ne sera pas sans intérêt ici de parler de ces leçons du malheur qu’il a touchées d’un mot.

959. (1902) L’observation médicale chez les écrivains naturalistes « Chapitre II »

Cette affirmation ne me touche guère parce que j’ai la conscience de l’avoir plus aimé qu’aucun de ceux qui diront cela n’ont jamais aimé aucune créature humaine ; … mais, renfonçant toute sensibilité, j’ai pensé qu’il était utile pour l’histoire des lettres, de donner l’étude féroce de l’agonie et de la mort d’un mourant de la littérature… »16 Et, cette justification achevée, suit une des plus poignantes et douloureuses observations cliniques qui aient jamais été recueillies par un cerveau dressé à l’analyse et tout proche de l’être souffrant : Observation α. […] … 9 heures : Dans ses yeux troubles, tout à coup une éclaircie souriante avec le long appuiement sur moi d’un regard diffus et comme s’enfonçant lentement dans le lointain… Je touche ses mains, c’est du marbre mouillé… 9 heures 40 minutes : Il meurt, il vient de mourir.

960. (1861) La Fontaine et ses fables « Troisième partie — Chapitre III. Théorie de la fable poétique »

Tout, dès lors, est varié, mobile, intéressant, animé ; chacun des mots qu’on touche en parcourant la fable soulève une foule de pensées incertaines et fugitives, comme chaque pierre qu’on déplace en suivant un chemin découvre une multitude d’êtres, de figures et de couleurs. […] Il sera à la fois indistinct et inachevé ; il ne touchera que confusément et faiblement : dans la galerie des portraits, tous seront semblables, et aucun saisissant. — Même défaut dans l’action, puisqu’elle dépend des caractères.

961. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre IV. Les tempéraments et les idées (suite) — Chapitre I. La lutte philosophique »

Vers 1750, les espérances d’une restauration rationnelle de la société, qu’on avait cru toucher, se reculent indéfiniment ; à ce même moment entre en scène une nouvelle génération de penseurs impatients, audacieux, dévoués à ce qu’ils appellent la vérité, et prêts à renverser tout ce qui y fait obstacle : l’art, l’éloquence, la littérature ne sont pour eux que des instruments de propagande. […] Vauvenargues fut un homme de son temps : il eut pour Voltaire une admiration qui toucha profondément le philosophé, étonné d’abord d’avoir fait la conquête, d’un capitaine d’infanterie, saisi bientôt de ce qu’il y avait d’intelligence, d’activité, d’énergie dans ce jeune homme, et découvrant peu à peu toute la noblesse de cette âme.

962. (1914) Enquête : L’Académie française (Les Marges)

Pour ce qui touche à la question des prix, l’Académie a commis quelques erreurs grossières, qui font peu d’honneur à son goût. […] L’immortalité que confère l’Académie est rarement sanctionnée par la postérité, mais cette rente viagère de gloriole est agréable à toucher en hommages, succès mondains, sourires fashionables et succès d’argent.

963. (1897) Le monde où l’on imprime « Chapitre IX. Inquiets et mystiques » pp. 111-135

J’ai résisté à d’inévitables tentations d’infidèles splendeurs, car sans cesse l’esprit du vieux moine touche à d’étranges beautés, que sa discrétion n’éveille pas, et toutes ses voies sont peuplées d’admirables, rêves endormis, dont son humilité n’a pas osé troubler le sommeil. » M.  […] Deux puissances opposent leur autorité à l’étude de ces phénomènes : 1º Les esprits théologiens nantis de théories séculaires d’explication, qui ne nient pas les faits dont s’occupent les spirites, croient au contraire aux fantômes, aux bruits imprévus, à la clairaudience, mais distribuent toutes ces manifestations en deux grandes catégories : celle des miracles et celle de la thaumaturgie diabolique, réductibles à une : la catégorie des mystères auxquels il est sacrilège de toucher ; 2º Les orthodoxes de la science, possesseurs titulaires et appointés d’un corps de dogmes scientifiques raisonnables, credo désormais fermé, canon à repousser toute nouveauté sans discussion, par simple négation des faits.

964. (1889) Histoire de la littérature française. Tome III (16e éd.) « Chapitre onzième. »

Ces personnes auxquelles l’avaient lié des goûts et peut-être des préventions communes, c’étaient Mme de la Fayette et d’autres dames de la cour, dont l’esprit délicat aiguisait le sien, et au tact desquelles il éprouvait, comme à une pierre de touche, la vérité de ces réflexions qui, sous le nom de Maximes, allaient devenir des vérités immortelles. […] Il a paru utile de toucher quelque chose de cette dangereuse distinction de la forme et du fond, en traitant de l’auteur le plus loué comme écrivain et le plus contredit comme penseur.

965. (1881) La psychologie anglaise contemporaine « M. James Mill — Chapitre I : Sensations et idées. »

Il classe nos sensations sous huit titres : Odorat, ouïe, vue, goût, toucher, sensations de désorganisation dans quelque partie du corps, sensations musculaires, sensations du canal alimentaire. […] Ces idées qui sont dues au toucher sont associées à celle de couleur.

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