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550. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Troisième partie. Beaux-arts et littérature. — Livre premier. Beaux-arts. — Chapitre VIII. Des Églises gothiques. »

Tantôt le jour naissant illumine leurs têtes jumelles ; tantôt elles paraissent couronnées d’un chapiteau de nuages, ou grossies dans une atmosphère vaporeuse. […] Les siècles, évoqués par ces sons religieux, font sortir leurs antiques voix du sein des pierres, et soupirent dans la vaste basilique : le sanctuaire mugit comme l’antre de l’ancienne Sibylle ; et, tandis que l’airain se balance avec fracas sur votre tête, les souterrains voûtés de la mort se taisent profondément sous vos pieds.

551. (1761) Salon de 1761 « Peinture — Vien » pp. 131-133

la tête de Psyche devrait être penchée vers l’Amour ; le reste de son corps porté en arrière, comme il l’est lorsqu’on s’avance vers un lieu où l’on craint d’entrer et dont on est prêt à s’enfuir, un pied posé et l’autre effleurant la terre ; et cette lampe, en doit-elle laisser tomber la lumière sur les yeux de l’Amour ? […] je demande si cela y est ; de l’ingénuité, de l’innocence et de la délicatesse dans le caractère de la tête ?

552. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Julliart » pp. 176-177

Et vous ne songez pas que ces arbres doivent être touchés fortement, qu’il y a une certaine poésie à les imaginer selon la nature du sujet, sveltes et élégans, ou brisés, rompus, gercés, caducs, hideux ; qu’ici pressés et touffus, il faut que la masse en soit grande et belle ; que là rares et séparés, il faut que l’air et la lumière circulent entre leurs branches et leurs troncs ; que cette terrasse veut être chaudement peinte ; que ces eaux imitant la limpidité des eaux naturelles, doivent me montrer comme dans une glace l’image affaiblie de la scène environnante ; que la lumière doit trembler à leur surface ; qu’elles doivent écumer et blanchir à la rencontre des obstacles ; qu’il faut savoir rendre cette écume ; donner aux montagnes un aspect imposant ; les entr’ouvrir, en suspendre la cime ruineuse au-dessus de ma tête, y creuser des cavernes, les dépouiller dans cet endroit, dans cet autre les revêtir de mousse, hérisser leur sommet d’arbustes, y pratiquer des inégalités poétiques ; me rappeller par elles les ravages du temps, l’instabilité des choses, et la vétusté du monde ; que l’effet de vos lumières doit être piquant ; que les campagnes non bornées doivent, en se dégradant, s’étendre jusqu’où l’horizon confine avec le ciel, et l’horizon s’enfoncer à une distance infinie ; que les campagnes bornées ont aussi leur magie ; que les ruines doivent être solennelles, les fabriques déceler une imagination pittoresque et féconde ; les figures intéresser, les animaux être vrais ; et que chacune de ces choses n’est rien, si l’ensemble n’est enchanteur ; si composé de plusieurs sites épars et charmans dans la nature, il ne m’offre une vue romanesque telle qu’il y en a peut-être une possible sur la terre. […] Si vous aimez mieux des incidens plus simples, plus communs et moins grands, envoyez le bûcheron à la forêt, embusquez le chasseur, ramenez les animaux sauvages des campagnes vers leurs demeures, arrêtez-les à l’entrée de la forêt, qu’ils retournent la tête vers les champs dont l’approche du jour les chasse à regret ; conduisez à la ville le paysan avec son cheval chargé de denrées, faites tomber l’animal surchargé, occupez autour le paysan et sa femme à le relever.

553. (1894) La bataille littéraire. Sixième série (1891-1892) pp. 1-368

Fût-ce cet hommage inattendu, ou le bon regard du cuirassier, qui me plaignait en hochant la tête ? […] Hector cacha sa tête dans l’oreiller, tout près de celle de sa femme. […] Mes compagnons se rassasient, la tête courbée, gloutonnement. […] La place était jonchée d’éclats, de ferrailles, de moellons ; une tête de statue avait roulé très loin ; elle gisait le nez au ciel. […] en se fourrant la tête sous le menton de Léonie, et il est mort très doucement.

554. (1892) Un Hollandais à Paris en 1891 pp. -305

J’ai souffert horriblement, mais je ne me suis pas laissé abattre et j’ai tenu la tête haute. […] Pourquoi n’avons-nous pas courbé la tête devant les persécutions ? […] Vous n’ignorez pas qu’un des mots les plus nobles de notre langue, « la tête », est sorti de la rue. […] Pour donner un exemple, selon lui il ne faut point considérer le mot argotique « tronche » (tête) comme un dérivé de « trancher » ou de « trunca », comme l’a fait Victor Hugo-qui y voyait une désignation de la tête coupée, mais simplement une déformation de « trogne ». […] Pour des formations analogues à testa, pot, avec le sens de « tête », voir : Marcel Schwob et G. 

555. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre II. La Renaissance. — Chapitre I. La Renaissance païenne. » pp. 239-403

Puis les folles têtes regardent, s’ébahissent, font des grimaces, montent sur les bancs pour voir cette belle cérémonie. […] Ils sont en verve, leur tête est pleine et comblée, et ils s’amusent, comme font aujourd’hui des artistes nerveux et ardents à leur aise dans un atelier. […] Comptez qu’encore à ce moment les têtes sont remplies d’images tragiques. […] Ces hommes ont les sens neufs et n’ont point de théories dans la tête. […] Elle, enfin, entend du bruit, soulève sa tête penchée et voit un berger qui vient à elle.

556. (1862) Portraits littéraires. Tome II (nouv. éd.) « M. de Fontanes »

Quatre cents têtes sont tombées dans l’espace d’un mois, en exécution des jugements de ces deux Commissions. […] Quatre milles têtes sont encore dévouées au même supplice ; elles doivent être abattues avant la fin de frimaire. […] Tête, cœur, caractère, j’ai tout trouvé en vous à ma guise, et je sens désormais que je vous suis attaché pour la vie…. […] Comme c’était au matin et qu’il n’était ni coiffé ni poudré, sa tête parut plus dépouillée de cheveux, et on le lui dit : « Oh ! répondit Fontanes, j’en ai encore perdu depuis quinze jours ; quand je travaille, ma tête fume ! 

557. (1862) Portraits littéraires. Tome II (nouv. éd.) « Joseph de Maistre »

Cette puissance, cette capacité de mémoire, quand elle ne fait pas obstruction et qu’elle obéit simplement à la volonté, est le propre de toutes les fortes têtes, de tous les grands esprits. […] On m’assure qu’il le considérait comme un ouvrage terminé, sauf la préface qu’il avait dans la tête, disait-il toujours. […] Mais attendez que l’AFFINITÉ NATURELLE DE LA RELIGION ET DE LA SCIENCE les réunisse dans la tête d’un seul homme de génie. […] J’y ai versé ma tête  ; ainsi, monsieur, vous y verrez peu de chose peut-être, mais au moins tout ce que je sais. » Lettre du comte de Maistre ù M.  […] Sur un exemplaire de ce philosophe, il avait écrit en tête : Placo putrefactus.

558. (1874) Histoire du romantisme pp. -399

La tête nous en tournait ; il semblait qu’on entrait dans des mondes inconnus. […] La physionomie de cette tête angélique n’exprimait aucune des préoccupations de l’époque. […] Bouchardy avait une tête tout à fait exotique. […] Cette tête nerveuse, expressive, mobile, pétillait d’esprit, de génie et de passion. […] Il est vrai que l’artiste avait donné d’assez atroces têtes aux bourreaux de Bailly.

559. (1885) Les étapes d’un naturaliste : impressions et critiques pp. -302

il me branlerait la tête et me regarderait — tout étonné. […] La tête lui brûle déjà : elle a la fièvre, elle tremble de peur. […] Fanette s’enfuit et Veranet demeure seul pour tenir tête aux railleurs. […] je n’ai pas perdu la tête. […] Je n’ai que cela dans la tête : l’intérêt avant tout.

560. (1866) Petite comédie de la critique littéraire, ou Molière selon trois écoles philosophiques « Troisième partie. — L’école historique » pp. 253-354

J’ai vu des fossoyeurs creuser une fosse et jouer avec des têtes de morts en chantant des airs à boire ! […] Elle ne sort pas tout d’un coup de la tête d’un homme de génie. […] Nous pouvons placer en tête ou à la fin de nos ouvrages un hymne à la Nature ; mais il suffira de célébrer sa puissance et sa sagesse une fois. […] Se figure-t-on la haine que ce rieur accumulait sur sa tête ? […] Je lui lavai la tête.

561. (1895) Les mercredis d’un critique, 1894 pp. 3-382

Je vois les têtes de mes camarades d’angoisse. […] Dans la préface qu’il a écrite en tête de son livre, M.  […] Sa femme était avec lui pour le coucher et lui rafraîchir la tête. […] Elles n’ont salué que de la tête, de côté. […] Il faut que la tête du plus coupable m’en fasse justice ! 

562. (1859) Critique. Portraits et caractères contemporains

Il est impossible d’avoir la tête plus près du bonnet ! […] Que de vivacité dans ces batailles où il donnait tête baissée ! […] D’abord, on fit tête à l’orage, et bien vite il fallut reconnaître que l’orage était le plus fort. […] David, ne s’est dévoué corps et âme à la représentation des têtes historiques. […] Sur la tête de la statue, le vent du soir agitait une couronne d’immortelles.

563. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre second. Poésie dans ses rapports avec les hommes. Caractères. — Chapitre XII. Suite du Guerrier. »

comme cette prière fait ensuite éclater l’intrépidité du général, qui, désarmé et tête nue, se présente à une soldatesque effrénée ! […] Sa tête rayonne, son visage brille d’un éclat inconnu, l’ange de la victoire le couvre invisiblement de ses ailes.

564. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre quatrième. Du Merveilleux, ou de la Poésie dans ses rapports avec les êtres surnaturels. — Chapitre VII. Des Saints. »

Pour nous, qui à la vérité ne sommes pas poète, il nous semble que ces enfants de la vision feraient d’assez beaux groupes sur les nuées : nous les peindrions avec une tête flamboyante ; une barbe argentée descendrait sur leur poitrine immortelle, et l’esprit divin éclaterait dans leurs regards. […] Le chœur des saints rois, David à leur tête ; l’armée des confesseurs et martyrs vêtus de robes éclatantes, nous offriraient aussi leur merveilleux.

565. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre XII. Mme la Princesse de Belgiojoso »

Or, précisément, au milieu de ces événements qui ébranlaient le monde jusque dans sa raison, et qui semblaient pourtant moins une réalité qu’une fantasmagorie, on vit une singulière amazone qui n’était pas une bohème, celle-là, car elle était princesse ; elle était de la race de celles à qui les révolutions coupent très bien la tête, et qui venait par curiosité exposer la sienne. […] L’humanité, depuis qu’elle existe, a toujours roulé entre trois systèmes et l’esprit humain n’en conçoit pas un quatrième : la polyandrie, le plus mauvais de tous, car il crée l’amazonat sous toutes les formes, le massacre des enfants et la pulvérisation sociale ; la polygamie, qui ruinerait l’État, si le sabre de Mahomet n’y mettait ordre, et enfin la monogamie, ce diamant divin d’une eau si pure, qui est l’exclusion de tous les inconvénients, qui agrandit la tête, épure le cœur et équilibre toutes les facultés. […] Elle a passé, ne songeant pas même à retourner la tête pour voir derrière elle, la pauvre philanthrope fatiguée !

566. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « Le cardinal Ximénès »

I Un historien très opposé à l’Église et au Sacerdoce a dit, dans un de ses ouvrages : « Quand on lit l’histoire de l’Europe, ce qu’on y rencontre le plus, ce sont des Cardinaux à la tête de presque tous les gouvernements des États. […] Il s’est épris de cette vieille tête qui n’a plus rien des temps présents. […] Il y fut l’homme de toute sa vie, l’homme qu’il était au confessionnal, à la tête de son diocèse ou de l’État, dans son opposition respectueuse aux mesures politiques de la cour de Rome, enfin partout, même sur les champs de bataille, c’est-à-dire le champion du droit strict et de la justice armée.

567. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « Léopold Ranke » pp. 1-14

— qu’il doit porter sur sa tête jusqu’à la tombe, comme nous y portons le soleil. […] Mais il paraît que le bœuf aussi a la même horreur pour ce qui brille… Aux yeux de ces sortes d’esprits, Léopold Ranke, passant de l’état d’historien qui sent, se passionne et peint sa pensée, à l’état d’historien systématique et décoloré, est un grand esprit qui s’élève ; et si, à cette suppression de sentiment ou de mouvement, à cette recherche amoureuse sans amour de l’expression abstraite, à cette généralisation vague quand elle n’est pas fausse et fausse dès qu’elle s’avise de préciser, on ajoute la gravité, ce masque des têtes vides qui cache si bien, dans tant de livres contemporains, la platitude de la niaiserie sous l’imposance du sérieux, vous avez un de ces historiens composés de qualités négatives tels que les rationalistes philosophiques et littéraires conçoivent leur historien — leur caput mortuum — et l’ont souvent réalisé. […] Il s’est mis sur la tête la calotte de bitume d’un système, et le système l’a rongé jusqu’à la cervelle.

568. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « W.-H. Prescott » pp. 135-148

Et puisque nous sommes en pleine couleur espagnole, je me permettrai cette image : le taureau anglo-saxon a regardé sans fureur tout le rouge du règne de Philippe II, qui aurait mis hors de sens des têtes moins solides que celle de ce Front-de-Bœuf historique. […] — menacé dans sa vie et son autorité, chargé d’un gouvernement impossible, et qui reste à son poste et fait tête comme un capitaine qui exécuterait une consigne. […] Prescott ne surfait rien, ne se monte la tête sur rien, n’adore rien.

569. (1906) Les œuvres et les hommes. Poésie et poètes. XXIII « Maurice Bouchor »

Puis, nous oublions vite, et ce travail nous plaît ; Le ciel est d’un bleu clair et flambe sur nos têtes, Et quand le vent d’été chasse un rire de fêtes, Nous avons la gaîté des fossoyeurs d’Hamlet ! […] L’eau du baptême, pour lui comme pour presque tous les impies de ce temps, qui ne s’en doutent pas, a ruisselé de sa tête jusque dans le fond de son cœur… et elle est restée dans cette citerne profonde.   […] Mais d’athée convaincu, nous n’en connaissions pas qui écrivît des vers de cette mortelle désespérance : Aussi, dans quelque lieu que je porte mes pas, L’ennui marche avec moi ; si, dans la nuit en fête, Les étoiles du ciel s’allument sur ma tête, Je me tais, sachant bien qu’elles n’entendent pas.

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